TAD/1943

LES ZONES FRANCHES INDUSTRIELLES SONT-ELLES MENACÉES? REGLES DE L’OMC SUR LES SUBVENTIONS: QUELLES OPTIONS POUR L’AVENIR?

03/02/2003
Communiqué de presse
TAD/1943


                                                            TAD/1943

                                                            3 février 2003


LES ZONES FRANCHES INDUSTRIELLES SONT-ELLES MENACÉES? REGLES DE L’OMC SUR

LES SUBVENTIONS: QUELLES OPTIONS POUR L’AVENIR?


CNUCED, 23 janvier 2003 -- Les pays en développement doivent renoncer à une politique commune visant à attirer les investissements étrangers directs (IED) axés sur l’exportation en accordant des subventions à cet effet. Généralement liées aux zones franches industrielles, de telles subventions ont joué un rôle majeur dans les stratégies de développement de bon nombre de ces pays. Or lors des négociations d'Uruguay, les pays en développement membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont accepté d’éliminer leurs subventions à l’exportation au 1er janvier 20031; cette interdiction s’applique aux pays développés depuis les années 60.


À la Conférence ministérielle de Doha, il a été décidé d’autoriser les pays en développement à demander, avant le 31 décembre 2001, une prorogation de la période de transition. Un certain nombre de pays ont bénéficié de prorogations à la suite de ces demandes2, mais ils devront envisager des solutions une fois que la période de prorogation aura pris fin3.


Ces questions ont été débattues lors de la Commission de l’investissement, de la technologie et des questions financières connexes de la CNUCED, réunie à Genève du 20 au 24 janvier. La Huitième Conférence annuelle de l’Association mondiale des agences de promotion de l’investissement (AMAPI) s'est tenue en parallèle de la session de la Commission.


En mettant en garde les gouvernements des pays en développement contre les difficultés à venir, Patricia Francis (Jamaïque), Présidente de la conférence de l'AMAPI, a noté que «la modernisation et la refonte de l’appareil administratif et des cadres juridiques (de ces pays) représentent une entreprise de longue haleine. Pour la plupart des gouvernements, il s’est avéré plus simple et plus rapide de mettre en place des mesures discrètes d’appui à la production axée sur l’exportation, en laissant aux entreprises locales le temps de devenir concurrentielles à l’échelle mondiale. Le calendrier des transformations à opérer, pour se plier aux dispositions de l’OMC est très serré. Les gouvernements doivent désormais s’attacher à créer un environnement performant, capable d’attirer et de retenir les investissements étrangers directs (IED) axés sur l’exportation, tout en prévoyant une assistance technique pour introduire les réformes réglementaires et administratives nécessaires. Les organismes multilatéraux et bilatéraux qui font partie du Comité consultatif de la l'AMAPI peuvent jouer un rôle important en aidant les pouvoirs publics et le secteur privé à relever de tels défis».


En bref, l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires définit ce qu’est une «subvention» et instaure des disciplines relatives à l’application des mesures d’incitation qui relèvent de cette définition. Les dispositions concernant les subventions prohibées (partie II), les subventions pouvant donner lieu à une action (partie III) et les mesures compensatoires (partie V) s’appliquent uniquement aux subventions dites «spécifiques», autrement dit à celles qui sont accordées à une ou des entreprises, à une ou des branches de production, à une ou des régions déterminées. Sont prohibées les subventions subordonnées aux résultats à l’exportation et à l’utilisation de produits nationaux de préférence à des produits importés. L’Accord s’applique uniquement aux subventions liées aux marchandises. Les subventions liées aux services font l’objet de dispositions distinctes de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). Selon l’AGCS, les subventions sur les services ne sont ni prohibées ni susceptibles de donner lieu à une action, du moins à ce stade.


Subventions prohibées


L’annexe I de l’Accord sur les subventions contient une liste exemplative de subventions à l’exportation prohibées (voir: www.wto.org/french/docs_f/legal_f/24-scm_01_f.htm). Celles-ci englobent diverses incitations offertes aux entreprises qui investissent dans les zones franches industrielles, parmi lesquelles:


La fourniture par les pouvoirs publics de produits ou de services destinés à la production de marchandises pour l’exportation à des conditions plus favorables que pour la consommation intérieure;


La remise ou le report, en totalité ou en partie, des impôts directs (impôts sur les revenus et sur la propriété immobilière, par exemple) ou des cotisations de sécurité sociale, lorsque ces mesures sont expressément appliquées au titre des exportations;


Les tarifs de transport et de fret intérieurs pour des expéditions à l’exportation établis par les pouvoirs publics à des conditions plus favorables que pour les expéditions en trafic intérieur; et


L’octroi par les pouvoirs publics de garanties ou d’assurances du crédit à l’exportation dans le cadre de programmes non rentables.


Même si les régimes de ristourne de droits proprement dits ne sont pas assimilés à des subventions, les programmes en vertu desquels les avantages accordés ne sont pas fondés sur l’incidence effective des droits sur les facteurs de production importés incorporés dans le produit exporté (programmes reposant sur un pourcentage déterminé de la valeur f.o.b. des exportations, par exemple) sont interdits.


Est également prohibé tout abaissement des droits de douane applicables aux produits importés qui n’impose pas la réexportation des mêmes composants ou de composants identiques (notamment les exonérations de droits sur les machines importées utilisées pour produire des marchandises destinées à l’exportation, ainsi que sur les importations de tel ou tel produit lorsqu’un autre produit est exporté).



Subventions non prohibées


En revanche, l’exonération ou la remise des impôts indirects sur un produit d’exportation, comme la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), est autorisée. Tout membre de l’OMC peut également accorder une remise ou une ristourne des droits d’importation sur les marchandises incorporées dans un produit d’exportation, ainsi que sur l’énergie, les combustibles et carburants et les catalyseurs utilisés pour produire des marchandises destinées à l’exportation. Des crédits à l’exportation peuvent être accordés à des conditions qui soient compatibles avec l’Arrangement de l’OCDE en matière de taux d’intérêt.


Subventions pouvant donner lieu à une action


Les autres subventions spécifiques ne sont pas prohibées. Cependant, leur emploi n’est pas dénué de risques, car elles peuvent également donner lieu à une action. Autrement dit, elles peuvent être contestées par des partenaires commerciaux dans le cadre d’une procédure de règlement des différends de l’OMC, ou faire l’objet de mesures compensatoires si un autre membre de l’OMC démontre qu’elles ont des effets défavorables pour ses intérêts (ces effets sont définis en détail dans l’Accord). Les subventions pouvant donner lieu à une action pourraient donc englober la plupart des subventions «spécifiques», tout particulièrement les incitations «à la production». Celles-ci, notamment les incitations d’ordre géostratégique, sont encore largement employées tant dans les pays développés que dans les pays en développement pour encourager les IED axés sur l’exportation. Cela signifie que, si l’on constate qu’une subvention de ce type a causé des effets défavorables pour les intérêts d’un autre membre de l’OMC, et si ces effets ne sont pas éliminés ou la subvention retirée, l’organe de règlement des différends de l’OMC peut autoriser le membre qui s’estime lésé à adopter des contre-mesures.


Options offertes aux pays en développement


L’intérêt porté aux zones franches industrielles par les investisseurs étrangers travaillant pour l’exportation va généralement au-delà de l’octroi d’un type de subvention qui pourrait s’avérer incompatible avec l’Accord de l’OMC sur les subventions. Ces zones franches sont souvent implantées sur des sites favorables, dotés de l’infrastructure voulue pour réaliser des opérations commerciales et industrielles. En règle générale, les services douaniers sont rationalisés et les formations administratives réduites au minimum. De surcroît, les règles de l’OMC autorisent le recours aux ajustements fiscaux à la frontière. Ainsi, les zones franches industrielles peuvent continuer à exonérer leurs entreprises exportatrices des impôts indirects (tels que les taxes sur les ventes), des taxes à la frontière (redevances consulaires par exemple) et des impositions à l’importation. Les ristournes et exonérations de droits applicables aux intrants «consommés dans le processus de production» (autrement dit les intrants physiquement incorporés dans le produit exporté ainsi que l’énergie, les combustibles et carburants et les catalyseurs utilisés dans ce processus) sont donc admissibles. Cependant, il faudra veiller tout spécialement à ce que ces mesures soient appliquées en conformité avec les règles de l’OMC, en suivant des procédures appropriées de tenue des livres et de comptabilité. Dans le cas des pays en développement, des efforts particuliers d’assistance technique peuvent s’avérer nécessaires. En outre, même si les membres de l’OMC n’accordent pas de


franchises douanières particulières pour les machines importées en faveur des exportateurs, ils peuvent bien entendu abaisser ou éliminer les droits d’entrée pour toutes les machines, notamment dans les cas où le pays ne produit pas de matériel et d’outillage bénéficiant d’une protection tarifaire.


Si ces avantages se révèlent insuffisants pour attirer des investisseurs étrangers, les pays peuvent recourir à diverses autres solutions, par exemple:


Maintenir les incitations offertes aux entreprises des zones franches industrielles en supprimant toute condition liée à la nécessité de limiter les ventes au marché intérieur; et


Mettre en place un nouveau système d’incitations qui ne soit pas subordonné, en droit ou en fait, aux résultats à l’exportation.


Certaines de ces subventions risquent néanmoins de donner lieu à une action et, partant, de faire l’objet d’une procédure de règlement des différends à l’OMC et de contre-mesures éventuelles. Des mesures compensatoires peuvent également être appliquées. En l’occurrence, le maintien de subventions pouvant donner lieu à une action est susceptible d’introduire un élément d’incertitude et de risque dans les décisions d’implantation des investisseurs, voire de les détourner de tel ou tel site.


Parmi les démarches envisageables à plus long terme, il convient de mentionner la transformation des zones franches industrielles traditionnelles en parcs ou groupements industriels, ou des dispositifs analogues, de façon à constituer des «îlots» d’efficacité. L’idée qui sous-tend la création de groupements industriels est que, pour bénéficier pleinement des IED axés sur l’exportation et pour faciliter et améliorer les opérations d’IED à vocation exportatrice, les pays d’accueil doivent encourager les relations entre les entreprises étrangères affiliées et les fournisseurs locaux. Ces relations interindustrielles peuvent être facilitées si acheteurs et fournisseurs opèrent dans la même zone géographique et industrielle. Vu que le développement des infrastructures, des services aux entreprises et des compétences spécialisées suppose souvent un volume important d’investissements, les pouvoirs publics ont, dans de nombreux pays, encouragé la formation de tels groupements. Les efforts entrepris dans ce sens visent à créer des conditions qui favorisent une interaction, un apprentissage et une concurrence dynamiques entre les acteurs concernés. De fait, le caractère de plus en plus interdépendant des politiques relatives à l’investissement, au commerce, à la technologie et au développement des entreprises exige une approche intégrée propre à promouvoir les IED axés sur l’exportation et le développement économique.


Pour de plus amples renseignements, on peut s’adresser à Victoria Aranda, Conseillère principale du Directeur de la Division de l’investissement, de la technologie et du développement des entreprises, tel: +41 22 907 4969, courrier électronique: victoria.aranda@unctad.org; ou au service de presse de la CNUCED, tel: +41 22 907 5828, courrier électronique: press@unctad.org.


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1 Échappent à cette disposition les membres de l’OMC énumérés à l’annexe VII de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (Accord SMC), à savoir a): les pays les moins avancés  désignés comme tels par l’ONU qui sont membres de l’OMC et b) la Bolivie, le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, le Ghana, le Guatemala, le Guyana, l’Inde, l’Indonésie, le Kenya, le Maroc, le Nicaragua, le Nigéria, le Pakistan, les Philippines, la République dominicaine, le Sénégal, Sri Lanka et le Zimbabwe, tant que leur PNB par habitant n’aura pas atteint 1 000 dollars par an). Selon une décision prise par les ministres à Doha, un membre perd la protection conférée par l’annexe VII uniquement lorsque son PNB par habitant atteint 1 000 dollars en dollars constants de 1990 pendant trois années consécutives.


2 Les membres de l’OMC qui ont bénéficié d’une prorogation de la période de transition au titre de l’article 27.4 de l’Accord SMC pour un ou plusieurs programmes de subventions à l’exportation sont les suivants: Antigua-et-Barbuda, Barbade, Belize, Colombie, Costa Rica, Dominique, El Salvador, Fidji, Grenade, Guatemala, Jamaïque, Jordanie, Maurice, Panama, Papouasie-Nouvelle-Guinée, République dominicaine, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Thaïlande et Uruguay. Ces prorogations n’ont pas toutes été accordées en vertu de la décision de Doha. Elles ont fait l’objet de décisions prises sur la base de chaque programme et figurent dans les documents G/SCM/50 à G/SCM/102 de l’OMC.


3 La Déclaration de Doha comporte également un mandat de négociation sur les subventions (par. 28) visant à clarifier et à améliorer les disciplines existantes, tout en préservant les concepts et principes fondamentaux ainsi que l’efficacité des accords et leurs instruments et objectifs, et en tenant compte des besoins des pays en développement et des pays les moins avancés.


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