LA COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL OUVRE SES TRAVAUX ET DEFINIT LA REDUCTION DE LA PAUVRETE COMME LA PRIORITE DE L’ORDRE DU JOUR SOCIAL
Communiqué de presse SOC/4602 |
Commission du développement social SOC/4602
2e & 3e séances – matin & après-midi 10 février 2003
LA COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL OUVRE SES TRAVAUX ET DEFINIT LA REDUCTION DE LA PAUVRETE COMME LA PRIORITE DE L’ORDRE DU JOUR SOCIAL
Elle est invitée à s’affirmer comme une plate-forme d’échange et de promotion des expériences afin de nourrir un vrai dialogue sur le développement social
La Commission du développement social a ouvert ce matin ses travaux qui porteront sur la «Coopération nationale et internationale au service du développement». Dans son discours d’ouverture, le Président, M. Iftekhar Ahmed Chowdury (Bangladesh) a invité ses membres, au lendemain des grandes conférences et sommets des Nations Unies, à mener une réflexion intégrée et une coordination des travaux avec pour ambition d’atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté, qu’il a défini comme la priorité de l’ordre du jour social.
Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales(DESA), M. Nitin Desai, a exhorté la Commission à faire face aux changements de la société mondiale et à définir sa contribution aux futures activités qui porteront sur l’importance croissante de la dimension sociale du développement. S’agissant de la coopération, il a souligné la nécessité de tirer les leçons des expériences acquises sur le terrain, et de la spécificité de chaque pays. Il a formé le vœu que la Commission s’affirme comme une véritable plate-forme d’échange et de promotion des modèles appliqués, afin de nourrir un véritable dialogue sur le développement social. Il a également souligné l’importance croissante des entreprises et s’est dit impressionné par les réseaux développés par la société civile.
La commission a, en outre, entendu une présentation des conclusions du deuxième Forum international pour le développement social, qui s’est tenu en octobre 2002 sur le thème «Coopération au service du développement social: la dimension internationale», débat informel qui a vu la participation d’une vingtaine d’acteurs du développement social, issus de la société civile et du monde universitaire. Le Coordonnateur du Forum a indiqué que les participants se sont interrogés sur la cohérence des différents aspects de la coopération en matière de politique de développement social des pays en développement en soulignant le rôle prépondérant de la Commission pour jeter des ponts entre les différents programmes.
Par ailleurs, le Directeur de la Division des politiques sociales et du développement du DESA a présenté quatre rapports* du Secrétaire général portant respectivement sur «la coopération nationale et internationale au service du développement social», «rapport mondial sur la jeunesse», «la préparation et la célébration du dixième anniversaire de l’Année internationale de la famille» et «le Programme mondial d’action concernant les personnes handicapées» ainsi qu’une note sur «l’examen et l’évaluation du
Plan d’action international de Madrid sur le vieillissement», documents qui seront abordés jeudi 13 février dans le cadre de l’examen des plans et programmes d’action pertinents des organismes des Nations Unies concernant la situation des groupes sociaux. En conclusion de ces présentations, M. Johan Schölvinck a formé le vœu que le développement social s’affirme comme la pierre angulaire de toute initiative en matière d’emploi.
Durant l’après-midi, la Commission - illustrant la teneur des débats de la matinée sur la nécessité de tenir compte des expériences de terrain et de s’adapter aux changements - a entendu des exposés sur les politiques mises en place en matière de développement social par l’Inde et le Burkina Faso grâce au soutien de la communauté internationale. L’Inde, un des plus grands pays de la planète et qui souffre de grandes disparités régionales a été le premier en 1995 à présenter un rapport sous-national sur le développement humain. Le Burkina Faso, un des pays les plus pauvres de la planète, a été l’un des premiers à être élu au titre d’un programme d’appui à la Stratégie nationale de réduction de la pauvreté et dans le souci de renforcer la gouvernance économique. La Commission a aussi entendu: un exposé sur les efforts de l’Arabie saoudite pour adapter son économie aux nouvelles réalités de la mondialisation; sur ceux de huit pays d’Amérique latine et des Caraïbes qui se sont regroupés en réseaux pour mieux pouvoir répondre aux problèmes qu’ils ont en commun et renforcer leurs capacités dans l’objectif de mettre en œuvre les recommandations du Sommet mondial pour le développement social ainsi que deux présentations sur les activités de coopération technique de la Division des politiques sociales et du développement social et du Service des politiques socioéconomiques et de la gestion du développement.
En début de journée, la Commission avait procédé à l’élection par acclamation de Mme Ivana Grollova (République tchèque) au poste de Vice-Président et décidé de confier les responsabilités de rapporteur à Mme Nicole Elisha (Bénin). En outre, elle a procédé à l’adoption de son ordre du jour et organisé ses travaux.
La Commission se réunira à nouveau mercredi 12 février à 10 heures pour entamer son débat général consacré à la "coopération nationale et internationale au service du développement social".
* E/CN5/2003/4
E/CN5/2003/5
E/CN5/2003/6
E/CN5/2003/7
RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LA COOPÉRATION NATIONALE ET INTERNATIONALE AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL (E/CN.5/2003/5)
Aux fins du présent rapport, on entend par coopération des efforts collectifs et en collaboration entrepris aux niveaux national et international, par des partenaires et des parties prenantes en vue de réaliser des objectifs de développement social convenus. Le développement social est, dans l’ensemble, considéré comme relevant de la responsabilité de chaque pays, l’appui de la communauté internationale prenant la forme d’apports de ressources et d’activités de renforcement des capacités et de coopération technique, et comme dépendant de facteurs tels que la bonne gouvernance, la démocratie et l’état de droit.
Trente-sept recommandations figurent au rapport, traitant notamment du rôle de la coopération Sud-Sud, de la responsabilité des pouvoirs publics et du secteur privé, de la lutte contre l’insécurité des revenus et de l’emploi, de la nécessité, pour les donateurs, de respecter les cycles budgétaires des gouvernements bénéficiaires, et des méthodes de contrôle de l’usage de l’aide publique au développement. Ces recommandations abordent aussi le besoin de considérer le développement social comme un bien collectif, d’associer systématiquement les pays bénéficiaires à l’évaluation des programmes d’aide ou encore la nécessité, pour les institutions financières internationales, de faire le nécessaire pour contrebalancer la concentration des capitaux privés dans un petit nombre de pays ou encore de l’urgence d'instaurer une coopération dans le domaine des migrations internationales.
L’interaction, la réciprocité et l’influence réciproque entre les partenaires, souligne le rapport, sont des éléments cruciaux d’une coopération véritable, à tous les stades, depuis la formulation des problèmes à la fixation des objectifs ou à l’exécution d’un projet ou d’une politique. Il relève que les approches adoptées se situent dans un éventail qui va de l’ultralibéralisme et de sa théorie de relance par le haut, à la prestation de services sociaux par le gouvernement qui en assume l’entière responsabilité. Au niveau international, la coopération prend la forme d’initiatives bilatérales et multilatérales, dont l’impact des politiques et des programmes ne se fait sentir qu’après de nombreuses années voire décennies. Le rapport précise également que le développement fondé sur les droits constitue une justification non seulement morale, mais également politique de la coopération internationale.
Il développe les différents types de partenariats, comme les partenariats pour le développement social au niveau national, entre le secteur public, la société civile et le secteur privé, et les partenariats au niveau international, qu’il s’agisse de ceux de l’Organisation des Nations Unies ou des partenariats transnationaux. Un autre thème développé est celui de la responsabilité sociale du secteur privé, dont on sollicite souvent le concours en matière de développement social pour combler les carences gouvernementales et institutionnelles de certains pays. Dans ce contexte, l’investissement social des entreprises, notamment dans des pays en développement, est important pour promouvoir et appliquer des mesures et normes en matière de développement social. A cet égard, le rapport évoque la notion de responsabilité sociale du secteur privé, tout en rappelant que la participation accrue du secteur privé au développement social ne doit pas exempter l’Etat de ses responsabilités.
Abordant l’incidence des stratégies de l’emploi sur le développement social, il souligne la responsabilité des gouvernements en la matière. Il est souligné que les gouvernements doivent placer l’emploi au centre de leurs politiques économiques et sociales, mais que les partenaires sociaux – surtout les employeurs et les syndicats – peuvent jouer un rôle crucial pour favoriser l’émergence d’un consensus national sur la manière dont ces politiques doivent être mises en œuvre au niveau local.
S’agissant du rôle des institutions financières, notamment de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), le rapport insiste sur leur rôle majeur dans le développement socioéconomique des pays où elles interviennent. A cet égard, le rapport rappelle que lors du Sommet mondial pour le développement social (1995) et de la 24e Session extraordinaire de l'Assemblée générale (2000), les Etats Membres ont souligné qu’il importait que les politiques de croissance tiennent compte de considérations sociales et économiques, comme par exemple l’égalité des sexes, l’importance du capital social, l’insertion sociale et prise en compte des objectifs sociaux dans les dépenses publiques.
Déclarations
Le Président de la Commission, M. IFTHEKAR AHMED CHOWDURY (Bangladesh), a ouvert la session en insistant sur la responsabilité première des participants qui est le suivi des engagements pris lors du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague en 1995 et de la 24ème session extraordinaire de l'Assemblée générale qui s’est tenue à Genève du 26 au 30 juin 2000. Il a rappelé le rôle de la Commission qui consiste à faire des recommandations au Conseil économique et social (ECOSOC) en matière de développement social. Nous sommes liés par nos engagements, a-t-il souligné, et nos travaux doivent servir nos pays respectifs et l’ensemble de la communauté internationale. La tâche est impressionnante et c’est un véritable défi qui nous attend. Il a souligné l’importance des cinq sous-thèmes qui seront traités parallèlement au thème principal de cette 41ème session.
Il a tout particulièrement salué la contribution de la deuxième réunion du Forum international pour le développement social, qui s’est tenue en octobre 2002 pour examiner la dimension internationale de la coopération au service du développement social, dans le souci d’apporter des réponses aux défis auxquels font face les pays en développement dans ce domaine sur le long terme et de faire en sorte que les bénéfices de la mondialisation soient plus équitablement répartis vers les secteurs sociaux.
Les grandes conférences des années 90 des Nations Unies, a-t-il poursuivi, ont montré le chemin à suivre. Aujourd’hui il faut une réflexion intégrée et une coordination de nos travaux pour atteindre les objectifs de la réduction de la pauvreté, qu’il a défini comme la priorité de l’ordre du jour social. Il y a des défis importants en matière de lutte contre l’exclusion et l’insécurité et pour y faire face, il est important de compléter nos efforts aux niveaux international et national. Les pays en
développement ont besoin de ressources et de la coopération internationale pour surmonter ces problèmes. Le représentant a insisté sur la nécessité de mettre en place une bonne gouvernance et de réaliser la démocratie pour parvenir à une véritable transformation sociale.
Dans un discours liminaire, M. NITIN DESAI, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a déclaré qu’avec les nombreux changements qui se produisent, il est bon de replacer les activités de la Commission dans l’évolution de l’environnement. La Commission a joué un rôle très important dans la façon dont on gère le développement social au sein des Nations Unies et de ses organes, notamment dans le cadre de la préparation des grandes étapes qu’ont constitué le Sommet mondial pour le développement social et la 24ème session extraordinaire de l'Assemblée générale.
Les objectifs du Millénaire en matière de développement qui découlent de ces sommets, a-t-il ajouté, proposent un principe d’organisation très important pour le développement qui est la source d’une immense énergie et constitue la base des travaux de cette Commission. La Commission doit aujourd’hui, face aux changements de la société mondiale, déterminer comment elle va se joindre à toutes les activités qui ambitionnent d’apporter une contribution à l’importance croissante de la dimension sociale du développement présente dans tous les mandats élaborés depuis quelques années. Ainsi, la conférence de Doha a insisté sur la nécessité d’utiliser le commerce pour promouvoir le développement social. Selon le Secrétaire général adjoint, les récents engagements pris par les États-Unis et l’Europe en faveur de l’aide au développement repose sur le fait que nous avons mieux défini à Copenhague et dans les processus ultérieurs, la manière d’utiliser les ressources financières.
Il a salué la décision de l'Assemblée générale de mettre sur pied un groupe de travail chargé d’assurer un suivi plus élaboré des objectifs de l’ECOSOC et de ses commissions techniques en matière de développement. Vu l’importance croissante de la dimension sociale du développement, il faut se demander ce que la Commission du développement sociale peut faire et ce que les autres ne font pas. A cet égard, il a souligné la nécessité de se concentrer sur les caractéristiques des différents groupes visés, comme les personnes âgées, les jeunes, les femmes et de voir ce que ces groupes ont en commun et ce qui les différencie afin d’apporter des réponses appropriées en matière de développement social.
Le Secrétaire général adjoint a également souligné qu’en matière d’intégration, il est nécessaire de tirer des leçons des expériences acquises dans les domaines de l’éducation et de la santé et de se pencher sur les liens entre les différents thèmes, comme par exemple entre la situation de la femme et l’éducation des enfants.
Dans le domaine du développement social, on sait qu’il faut tenir compte de la spécificité de chaque pays, car les recettes d’un pays ne s’appliquent pas forcément à un autre. A ce titre, il a cité le rôle important de la Commission du développement social pour recenser les différentes expériences de terrain et être une plate-forme d’échange et de promotion des modèles appliqués par différents pays, et ainsi nourrir un véritable dialogue sur le développement social.
Avec la mondialisation, le dialogue sur le développement social se déroule autrement, car l’impression dominante est que l’on ne tient pas assez compte de l’aspect social du développement. M. Desai a insisté sur la nécessité de la cohérence des politiques, car on ne peut chercher à réaliser un programme de développement social de manière isolée. La tâche exige que nous nous rendions compte que ce qui se fait dans le développement social dépend d’autres domaines. Il ne suffit pas, par exemple, de refléter le problème du VIH/sida, mais il s’agit également d’aborder l’impact de ce fléau dans les débats que nous menons sur le commerce, car il est évident que le VIH/sida a des conséquences sur le commerce de certains pays. A cet égard, le Secrétaire général adjoint a défini les travaux de la Commission du développement social comme décisifs pour mener ce dialogue effectif entre les différents partenaires du développement.
En conclusion, il a également souligné l’importance croissante du rôle des grandes entreprises et de la société civile et la nécessité de développer la notion de responsabilité sociale du secteur privé. Dans ce contexte, il a cité les initiatives prises, notamment par la société civile, pour tenter d’établir des normes dans ce domaine. La Commission doit permettre à la société civile de s’exprimer et de s’épanouir, a-t-il dit, ajoutant qu’il a été impressionné par l’énergie développée par tous les réseaux sociaux qu’il a rencontrés à la Conférence de Porto Alegre. Nous avons tout intérêt à nous associer à cette énergie dans l’intérêt du développement social.
M. JACQUES BAUDOT, Coordonnateur du deuxième Forum international pour le développement social, a présenté les conclusions de ce Forum, qui s’est tenue en octobre 2002 sur le thème «Coopération au service du développement social: la dimension internationale». Il a présenté les remarques principales issues de ces débats qui ont vu la participation d’une vingtaine d’acteurs du développement social, issus de la société civile et du monde universitaire.
Les participants à cette réunion officieuse se sont d’abord concentrés sur l’approche à l’égard du développement social. A cet égard, ils ont regretté que la dimension normative ne soit pas suffisamment débattue en formant le voeu qu’elle soit redéfinie dans un souci d’efficacité. Ils se sont demandés si les politiques de coopération internationale dans le commerce et l’investissement facilitent effectivement les politiques de développement social des pays en développement ou leur font obstacle. Selon eux, il semble que les idées qui font partie de la culture politique dominante et définissent les contours de la politique de développement contribuent à la marginalisation de la politique sociale. Il y a différentes politiques sociales, a-t-il précisé, mais le concept de politique sociale nous semble en voie de disparition. La naissance de préoccupations monétaires, même si elles sont nécessaires, tend d’une certaine façon à faire disparaître le concept de coopération internationale au service du développement social.
Un autre thème abordé par le Forum est l’accent mis sur le niveau local, notamment sur les institutions sociales et les processus sociaux. Bien que cet effort local soit normal, le Forum a jugé excessif l’accent mis sur le niveau local qui tend selon lui à nuire aux efforts de coopération
internationale. Au niveau des États, a jugé le Forum, on a une sorte d’à priori négatif au sujet des institutions publiques et, il est regrettable de constater que les citoyens sont d’abord considérés comme des consommateurs et des producteurs.
En outre, les participants au Forum se sont interrogés sur la cohérence des différents aspects de la coopération en matière de politique de développement social des pays en développement. A ce sujet, le Forum s’est demandé si les lignes directrices et l’aide offerte par exemple par l’UNESCO en matière d’éducation, sont appuyées ou contredites par les recommandations d’autres programmes des Nations Unies. Le sentiment dominant de ce Forum est qu’il y a encore d’importants progrès à faire en matière de cohérence. A cet égard, M. Baudot a souligné le rôle prépondérant de la Commission du développement social pour jeter des ponts entre les différents programmes.
S’agissant du développement social des pays en développement, il ne peut se faire sans leur participation au processus de mondialisation, ce qui comprend, non seulement la participation en termes de bénéfices et de coûts mais aussi aux processus de prise de décisions des institutions internationales. Les participants au Forum ont également souligné la nécessité pour ces pays de faire des progrès en matière de bonne gouvernance. Il s’agit, a insisté M. Baudot, de réduire le fossé entre les citoyens et les institutions qui les représentent pour que le processus de développement social soit bénéfique au plus grand nombre. Dans le même ordre d’idées, il a conclu qu’il faut mettre en place des processus qui permettent aux gens de se réunir pour transformer le monde.
Présentation sur les activités de coopération technique
M. JOHAN SCHOLVINCK, Directeur de la Division des politiques sociales et du développement social du Département des affaires économiques et sociales, a fait remarquer que cette séance était une innovation dans la mesure où la Commission n’avait jusqu'à présent jamais fait le lien entre ses travaux législatifs normatifs et ce qui se passe sur le terrain.
M. ADIL KHAN, Chef du Service des politiques socioéconomiques et de la gestion du développement, Département des affaires économiques et sociales (DESA), a présenté les activités de sa branche qui s’efforce de réduire les écarts entre les mandats reçus et ce qui est réalisé sur le terrain. Il a cité l’exemple de l’Inde et du Burkina Faso qui ont entrepris des travaux novateurs en matière de développement social. Nous allons essayer, a-t-il ajouté, de voir en fonction des mandats que nous a confiés la Commission du développement social, la façon dont nous pensons fonctionner à l’avenir. Evoquant l’évolution de la conception de développement social, il a expliqué qu’avec 1995 est apparue la notion de bonne gouvernance économique et qu’avec la 24ème session extraordinaire de l'Assemblée générale, la nécessité de l’intégration sociale avec la réduction des inégalités. Depuis peu, il y a une approche sectorielle de la question du développement social, prenant en compte les besoins précis des différents groupes, comme les jeunes, les personnes âgées, les handicapés, les femmes ou les enfants. Il a exhorté, les institutions des pays à s’adapter aux besoins spécifiques de leur population en matière sociale, ce qui passe par le renforcement des capacités.
Quant aux moyens utilisés, il a expliqué que son service utilise deux sources, le budget ordinaire et les ressources qui viennent des pays. 95% de nos activités techniques ou de conseil sont financées par des fonds extrabudgétaires. En ce qui concerne la répartition régionale, c’est l’Afrique qui reçoit l’aide la plus importante, puisque 48% des moyens lui sont consacrés. En ce qui concerne la répartition sectorielle c’est la lutte contre la pauvreté qui retient 53% des moyens. Parmi les autres secteurs d’intervention, on note l’éducation, la parité des sexes, les infrastructures, la gouvernance sociale, la décentralisation, et plus récemment la responsabilité sociale des entreprises. La leçon générale est que le Département des affaires économiques et sociales (DESA) est bien placé pour aider les gouvernements dans leurs efforts de réforme et aider aux exercices de comparaisons entre les pays. L’utilisation de rapports d’évaluation est un bon outil pour intégrer le développement social à la gestion macroéconomique des pays. Pour l’Afrique, le rapport sur le développement humain est plus intéressant et rend compte des initiatives novatrices sur le terrain en matière de promotion du développement social grâce à l’appui de la communauté internationale.
Le responsable a également cité les interventions de son Service dans des pays en transition ou encore en Amérique latine où on a essayé de promouvoir des politiques nationales en s’appuyant sur les recommandations de Copenhague de 1995 ou de la 24ème Assemblée générale extraordinaire de 2000. Avec les ressources qui diminuent nous allons voir comment nous pourrons faire plus avec moins d’argent et comment nous pourrons développer la bonne gouvernance sans augmenter les coûts administratifs et de gestion. Il s’agit de cibler le développement économique avec une orientation sociale et, dans ce contexte, la coopération internationale technique permet d’accentuer l’orientation sociale des politiques économiques avec de meilleurs résultats au bout du compte.
Au terme d’un échange de vues avec les représentants de l’Argentine, d’El Salvador et de Cuba, M. KHAN a conclut que face à la tendance actuelle qui voit la responsabilité de l’Etat augmenter, mais sa taille se réduire, il est important de progresser en matière de bonne gouvernance et de gagner en efficacité en matière de gestion.
M. RAJAN KATOCH, Secrétaire adjoint de la Commission de la planification de l’Inde, a rappelé que son pays est constitué de vingt-huit Etats auxquels incombent les responsabilités du secteur social. En dépit des progrès importants accomplis en cinquante ans, un long chemin reste à parcourir. Les progrès ont en effet été inégaux et de fortes disparités régionales subsistent. Le développement humain et le développement social sont des concepts qui ont occupé une place de plus en plus importante en Inde après la publication, en 1990, du premier rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
L’Etat indien du Madhya Pradesh a en particulier intégré le message contenu dans le concept de développement humain du PNUD afin de l’adapter à sa propre situation. Le rapport sur le développement humain du Madhya Pradesh, paru en 1995, a été le premier rapport sous-national publié au monde. Il avait pour objectif de constituer le premier rapport crédible et indépendant contenant une analyse de la situation dans les domaines de la fiscalité, de l’éducation, de la santé et de l’égalité entre les sexes. La réalisation du rapport a été confiée à des experts et à des organisations non gouvernementales (ONG) qui avaient déjà oeuvré dans cet Etat et qui ont par la suite travaillé pour le PNUD à New Delhi. Ce rapport a ensuite servi d’exemple à d’autres Etats qui se sont dits prêts à préparer leurs propres rapports sur le développement humain. Puis une conférence a été organisée par le PNUD où tous les autres Etats ont été invités à discuter de l’idée de promouvoir de tels rapports à leur niveau.
Le rapport sur le développement humain du Madhya Pradesh a permis de placer la question du développement humain au centre de l’ordre du jour politique et de renforcer la politique sociale du gouvernement de l’Etat. Le rapport est devenu un instrument politique. Ainsi, dans le plan quinquennal de 1997, les dépenses pour l’éducation, notamment, sont passées de 13% à 18% du budget. Des pressions ont également été exercées et il est devenu plus difficile de détourner les ressources. Ce rapport a également été consulté par des personnes impliquées dans le développement de l’Etat, en particulier des membres de la société civile. Les ONG ont estimé que ce document était un bon instrument de référence. Les médias et les grands journaux indiens ont demandé aux autres Etats de suivre l’exemple, ce que certains d’entre eux ont fait, en particulier l’Etat du Karnataka.
Reconnaissant l’importance de la notion du développement humain définie par le PNUD, la Commission de la planification a elle-même pris en charge la préparation d’un rapport sur le développement humain de l’Inde en 1991. Ce rapport a abouti à la mise en place d’un cadre national d’action mettant l’accent sur l’identification des instruments nécessaires à l’amélioration de la gouvernance dans le pays. L’intégration dans le dixième plan quinquennal du gouvernement des conclusions de ce rapport illustre les progrès significatifs accomplis dans l’intégration des paradigmes du développement humain en Inde.
Le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DESA) a apporté son appui à la préparation et à la formulation des objectifs contenus dans le rapport ainsi qu’à la distribution de ce dernier. La préparation de douze rapports supplémentaires sur le développement humain est actuellement en cours. Cependant, afin que cette initiative soit durable et utile aux Etats dans leur entreprise de planification, les acteurs doivent fortement s’impliquer.
M. SIGUIAN COMPAORE, Coordonnateur du projet national du Burkina Faso, a présenté les efforts de ce pays, qui avec un PIB de 220$ par habitant est un des pays les plus pauvres de la planète. En 1999, le Burkina Faso, dans le souci de répondre au défi que constituent les objectifs de la Déclaration du Millénaire, a décidé de mettre en place une stratégie nationale de réduction de la pauvreté. Le Burkina Faso, 11,3 millions d’habitants, est classé 169e sur 173 selon un indice de développement humain. 61,1% de la population vit avec moins de 1 dollar par jour, le taux de scolarisation n’est que de 34,6%, les garçons représentant 66,5% des effectifs scolaires. Le taux de prévalence à la maladie du VIH/sida est de 5,8%.
En 2001, le Gouvernement du Burkina Faso a invité les organismes des Nations Unies, incluant le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Département des affaires économiques et sociales (DESA), à formuler un projet visant à renforcer ses capacités en matière de développement économique. La mise en oeuvre de ce projet nécessite un support de la communauté internationale en particulier de la part des institutions spécialisées des Nations Unies. Le cadre stratégique de la réduction de la pauvreté envisage de favoriser la participation des autres acteurs du développement, comme le secteur privé et la société civile, dans le processus de décision.
Par le processus de renforcement de la gouvernance économique on entend atteindre des objectifs dans un certain nombre de domaines comme la mise en place d’un observatoire sur la pauvreté et l’amélioration du processus participatif aux réformes engagées. Aujourd’hui, a ajouté M. Compaore, il s’agit de décentraliser les institutions de surveillance et de renforcer les capacités des directions régionales de développement.
A l’horizon de 2025, il est prévu de replacer les objectifs de la lutte contre la pauvreté et de la Déclaration du Millénaire dans une perspective plus globale et de rendre ces objectifs plus conformes à la réalité du Burkina Faso. La réalisation de ces objectifs se fait en partenariat avec la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Coopération française ou encore l’Union européenne. Cette aide permet au Burkina Faso de mettre en œuvre certaines recommandations du Sommet mondial pour le développement social de 1995. La plupart de ces activités de coopération technique portent sur la réduction de la pauvreté et l’amélioration du secteur public. Le Burkina Faso a été l’un des premiers pays élus pour le lancement de ce programme ce qui a nécessité la recherche d’appuis techniques auprès de partenaires.
En matière de renforcement des capacités, les conclusions sont les suivantes: il y a aujourd’hui un besoin de collecter des statistiques et de mesurer les impacts sociaux des programmes entrepris, de permettre une meilleure coordination entre les partenaires du développement et enfin d’améliorer le processus participatif en renforçant la société civile, la décentralisation, mais aussi le système de suivi de la pauvreté aux niveaux national et local.
M. SERGE BOUDA, Ministre des finances du Burkina Faso, a ajouté qu’il est nécessaire de construire un partenariat entre les acteurs et l’Etat lui-même qui mette l’accent sur la lutte contre la pauvreté. Dans ce cadre, le Gouvernement envisage d’organiser une table ronde régionale sur la mobilisation des ressources de manière à renforcer l’engagement de la communauté internationale à aider le Burkina Faso à atteindre les objectifs du Millénaire.
M. PETER GUDGEON, Conseiller interrégional à la Division des politiques sociales et du développement social au DESA, a rappelé que le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies(DESA), apporte son appui technique au Ministère du plan de l’Arabie saoudite sous la forme d’un projet multisectoriel ayant une forte composante macroéconomique depuis 1990. Il s’agit d’un projet de grande envergure impliquant de nombreux conseillers nationaux mais aussi des consultants extérieurs. Notre principal partenaire au sein de l’ONU est le PNUD. Nous apportons nos conseils en ce qui concerne les questions budgétaires, le choix des conseillers et la gestion des projets.
L’économie saoudienne détient 25% des réserves pétrolières du monde. Depuis vingt ans, l’économie saoudienne est fortement dépendante du pétrole. Or, suite à la baisse de son prix, le moteur du changement a ralenti et le PIB par habitant a baissé car l’économie n’est pas suffisamment diversifiée. Un des effets sociaux de cette lenteur de la croissance est la faible augmentation de l’emploi. Par le passé, l’Arabie saoudite a recouru à la main d’œuvre étrangère mais à présent, la saoudisation de la main d’œuvre est devenue une priorité. Il existe des tentatives de stimulation des secteurs qui créeraient des emplois. L’Etat a notamment eu recours à la privatisation et s’est dégagé des secteurs productifs.
Il existe trois domaines de coopération technique avec le DESA, à savoir la mise au point de nouveaux modèles économiques, de modèles d’application des projets et de modèles de projection avec pour objectif de mettre en œuvre une stratégie à long terme. Pendant les deux dernières années, nous avons en particulier envisagé divers scénarios pour inclure différentes variables exogènes et réaliser des simulations de politiques publiques. Des actions qui ont été prévues concernent le développement de partenariats entre les secteurs privé et public, le défi de la mondialisation et le développement de la nouvelle économie, des technologies de l’information et des communications. Il s’agit également d’appuyer l’analyse démographique. Ces projets illustrent la capacité du DESA à offrir une aide utile aux pays qui recherchent un partenaire sans dessein national et qui dispose d’une compétence technique réelle.
Présentant un exposé intitulé «Atelier de formation dans le contexte latino-américain du suivi des recommandations du Sommet mondial pour le développement social», M. JULIO D’ARCY, Conseiller interrégional du DESA, a évoqué l’exemple de huit pays d’Amérique latine et des Caraïbes qui se sont constitués en réseau pour régler des problèmes qu’ils ont en commun. La mise en place de ce réseau s’est traduit en une coalition d’institutions dans le but de renforcer les capacités pour le suivi et l’évaluation des programmes de mises en œuvre des recommandations du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague. A la suite du premier atelier de formation les huit pays concernés ont décidé de créer des ateliers régionaux et ont approuvé un plan d’action 2002-2003, pour consolider les acquis et ambitions.
En ce moment, le DESA et El Salvador préparent un nouvel atelier qui se tiendra fin février dans l’objectif de créer un cadre commun d’indicateurs sociaux pour faciliter les échanges et les comparaisons de résultats et de progrès. La priorité est la recherche de partenariats avec des institutions extérieures, afin d’enrichir le réseau et de le renforcer. Le réseau s’efforce de répondre aux questions sur les moyens de relier le suivi du Sommet mondial pour le développement social au processus d’élaboration des programmes nationaux. Parmi les enseignements tirés de cette expérience, il a noté l’intérêt des institutions de mettre en œuvre les recommandations du Sommet mondial pour le développement social et d’une manière plus large les objectifs du Millénaire. Fort de cette expérience, M. D’Arcy a jugé qu’une meilleure circulation de l’information sur les processus nationaux et intergouvernementaux des Nations Unies en cours en matière de développement pourrait aider les institutions nationales à mieux faire face à leurs responsabilités en ce domaine.
M. ROBERT HUBER, Division des politiques sociales et du développement social, a rappelé qu’il est essentiel de promouvoir le développement social pour aider à la mise en oeuvre des projets sur le terrain. Il s’agit à présent d’examiner l’évaluation sociale dans un contexte plus vaste, et d’en faire un outil pour promouvoir un mécanisme participatif destiné à réunir les vues des différentes catégories sociales. Suite à la recommandation de la Commission du développement social de l’année dernière visant à développer la capacité à mieux comprendre les liens entre les politiques économiques et l’impact social et à inclure les résultats de l’analyse dans les politiques des gouvernements, la Division des politiques sociales et du développement social a mis en place des projets permettant d’établir le lien entre la prise de décisions et l’action sur le terrain afin d’aider les pays à intégrer les préoccupations sociales dans leurs projets économiques.
Les objectifs varient en fonction des pays et ont une structure sous-jacente. Il s’agit d’identifier les homologues nationaux intéressés par l’approche, de les former, de mener à bien des études dont les sujets sont choisis par les participants et d’essayer de veiller à ce que les résultats des études soient intégrés dans les politiques nationales. Il faut également institutionnaliser la pratique de l’évaluation sociale pour que les techniques d’évaluation demeurent dans le pays. La capacité de communiquer avec les parties prenantes locales doit également permettre d’avoir un retour sur l’utilisation des évaluations effectuées. L’importance du processus d’apprentissage en cours doit donner aux différents groupes la possibilité de confronter leurs points de vue et d’ouvrir la voie de la participation.
Dialogue
La représentante de la Jamaïque a salué l’importance de la coopération technique fournie par le système des Nations Unies et en particulier les activités du DESA. Fort de ces exposés, elle a affirmé l’importance du lien entre les travaux de la Commission du développement social, les institutions intergouvernementales et les activités sur le terrain. Elle s’est dite encouragée de constater que les questions sociales sont hautement prioritaires dans l’ordre du jour économique. Citant les efforts de son pays, elle a expliqué que l’évaluation des capacités sociales a fourni un nouveau type d’approche.
De son côté, le représentant du Royaume-Uni s’est félicité de la qualité de ces travaux et exposés qui permettent de mieux comprendre les liens entre les objectifs sociaux et les objectifs économiques et environnementaux. L’évaluation sociale, a-t-il ajouté, nous permet de promouvoir une meilleure participation en renforçant la coopération entre la société civile et les institutions. A cet égard, il a précisé que son pays soutient des approches participatives à l’évaluation de la pauvreté et qu’en collaboration avec la Banque mondiale, il contribue à l’évaluation de méthodes sociales. En conclusion, il a encouragé le DESA à diffuser les résultats de ses travaux de manière aussi large que possible.
En conclusion, M. KHAN s’est félicité de ce que, pour la première fois, la Commission établisse le lien entre les paramètres du développement social qu’elle a définis et la façon dont ils sont mis en oeuvre sur le terrain. Des commentaires spécifiques qui ont été formulés, il ressort que c’est le partenariat qui crée les meilleures synergies et la meilleure capacité de planification.
L’Inde est le seul pays à avoir lancé des rapports du développement humain au niveau sous-national. L’initiative a montré comment un outil comme le développement humain peut permettre d’intégrer les préoccupations sociales dans l’ensemble de la politique du pays. L’expérience indienne montre également que les rapports de développement humain ne doivent pas être considérés comme une mode et oubliés ensuite. C’est pourquoi il faut davantage mettre l’accent sur le suivi et les actions.
L’expérience du Burkina Faso illustre les vertus du partenariat dans le contexte d’un désengagement de l’Etat. L’exemple saoudien montre quant à lui la nécessité, pour un pays riche qui traverse une période difficile, de développer une modélisation macroéconomique qui inclue les éléments sociaux. L’expérience de l’Amérique latine nous apprend que les actions de sensibilisation sont des outils productifs. Enfin, il s’avère nécessaire d’institutionnaliser l’évaluation sociale dans la planification des politiques publiques et de renforcer les capacités de suivi.
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