SG/SM/9008

DANS UN DISCOURS A LA PAZ, LE SECRETAIRE GENERAL FELICITE LE CONGRES BOLIVIEN DE SA DETERMINATION A FAIRE FONCTIONNER LA DEMOCRATIE PENDANT LA CRISE RECENTE

20/11/2003
Communiqué de presse
SG/SM/9008


Dans un discours a La Paz, le Secretaire general felicite le Congres bolivien de sa determination a faire fonctionner la democratie pendant la crise recente


On trouvera ci-après le texte d’un discours prononcé par le Secrétaire général, Kofi Annan, devant le Congrès bolivien à La Paz, le 13 novembre:


C’est avec un grand plaisir que je viens pour la première fois en Bolivie.  Et c’est vraiment un honneur pour moi de m’adresser aux membres du Congrès bolivien.  Votre pays regorge de sites remarquables: cette ville spectaculaire, la capitale la plus élevée au monde; les paysages grandioses des Andes; ou encore le lac Titicaca, vénéré par les populations autochtones qui habitent le long de ses rives, pour n’en citer que quelques-uns.


Votre Congrès lui-même est, d’une certaine façon, une des étoiles les plus brillantes de cette constellation.  Car c’est ici que se font les lois du pays: les lois qui touchent l’existence et les conditions de vie de votre peuple, leur santé et leur foyer, le bien-être de leurs enfants, leurs libertés fondamentales.  Et comme nous l’avons vu ces dernières semaines, le Congrès a un rôle central à jouer en période de crise, lorsqu’il est le seul à pouvoir prendre les décisions les plus importantes pour la direction et le gouvernement d’un pays.


Je viens donc ici, alors que votre pays traverse des moments difficiles, porteur d’un message de la communauté internationale, un message de solidarité avec les efforts que vous déployez en vue d’une paix durable, de la démocratie et du développement.  Il est rassurant de voir que, grâce à votre participation active, la crise a été résolue dans le respect de la Constitution.  Cela en dit beaucoup sur votre détermination à faire fonctionner la démocratie.  Vous avez compris que, loin d’être sacrifiée devant des préoccupations relatives à la mondialisation ou frustrée par les résultats de la réforme économique et politique, la démocratie peut et doit être l’instrument par lequel ces préoccupations se font jour et sont résolues.


Aussi difficile que puisse être cette période de transition et aussi dramatiques que soient les pertes en vies humaines, je pense que vous avez su reconnaître que vous vivez également un moment riche de possibilités.


Les mesures de lutte contre la corruption annoncées par le Gouvernement devraient contribuer à rétablir la confiance dans le système politique et les institutions gouvernementales.  Et le mois prochain, lorsque la Convention des Nations Unies contre la corruption sera ouverte à la signature à Mérida au Mexique, vous aurez l’occasion de vous joindre à de nombreux autres pays dans la lutte contre cet obstacle redoutable qui entrave le développement dans le monde entier.


La création d’un nouveau Ministère des affaires autochtones est également une mesure très importante pour lutter contre la discrimination qui n’a que trop duré à l’égard des communautés qui constituent en fait la majorité de votre population.  La participation et l’intégration font partie des piliers de la démocratie.  C’est impossible d’imaginer une paix sociale durable et la prospérité n’importe où dans le monde lorsque les populations autochtones n’ont pas droit à la protection de leurs traditions, de leur langue et de leurs connaissances, lorsqu’on leur refuse de jouer un rôle concret dans la vie économique et politique de leur pays.


Je sais que la Bolivie avance sur d’autres fronts alors que vous cherchez à surmonter les difficultés d’un pays sans littoral aux prises avec de graves problèmes économiques.  Vous accordez de plus en plus d’attention à l’égalité dans le secteur social, en particulier en donnant davantage de responsabilités et d’opportunités aux femmes, en élargissant l’accès à l’éducation, en ralentissant la propagation du VIH/sida et d’autres maladies et vous efforçant d’atteindre les autres objectifs du Millénaire en matière de développement.  Vous appliquez des politiques visant à garantir l’accès à la terre et préserver la propriété foncière.  Vous déployez des efforts pour maintenir la stabilité macroéconomique et, à cette fin, la mise en oeuvre de vos lois budgétaires et la poursuite des réformes structurelles seront positives.  Et vous luttez contre la menace causée par le trafic de drogues, en vous orientant vers des programmes qui offrent des modes de subsistance durables de remplacement, et là encore en essayant d’accroître la participation populaire à la prise de décisions.


Vous ne devriez pas être laissés à vous-mêmes dans ces efforts. L’assistance internationale doit s’étendre, en particulier maintenant, lorsqu’il y a à la fois une ouverture et un signe de volonté de s’attaquer aux causes profondes des problèmes.  Cette assistance devrait comporter des subventions et des prêts selon des conditions préférentielles pour lutter contre la pauvreté et mettre en place des filets de sécurité sur le plan social.


L’ONU, pour sa part, à la suite de discussions avec le Gouvernement, augmentera son assistance dans plusieurs secteurs, par des projets à incidence rapide dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi et des travaux publics, ou dans le cadre de réformes du secteur public et de la Constitution.  Vous-mêmes, le Congrès bolivien, avez demandé l’assistance du Haut Commissaire aux droits de l’homme et à d’autres pour enquêter sur les récentes violences commises.  Laissez-moi vous assurer que nous sommes décidés à vous aider.  Je sais que le Gouvernement a envoyé une lettre hier même demandant l’aide du Haut Commissariat aux droits de l’homme et je suis sûr que cette aide sera rapidement disponible.


Mais l’assistance internationale veut également dire allégement de la dette et aide au développement plus efficace.  Il est encore plus important de mettre un terme aux subventions que les pays riches versent à leurs exploitants agricoles, et aux tarifs douaniers et autres obstacles qui vous empêchent injustement d’avoir une chance de prospérité.  J’espère que votre pays et d’autres pays en développement auront bientôt un plus grand poids dans la prise de décisions internationales, de façon à ce que vos efforts d’adaptation de votre économie au marché mondial soient reconnus et récompensés.


Mais je ne peux vous cacher que notre système international est actuellement en grande difficulté; pas seulement dans le domaine du commerce et de la bonne gestion des affaires économiques, mais également dans celui de la paix et de la sécurité.  On constate de graves clivages en ce qui concerne des principes fondamentaux, comme nous l’avons vu à l’occasion de la guerre en Iraq.  Certaines de nos institutions et certains de nos mécanismes internationaux accusent leur âge ou souffrent de ce qu’on peut appeler un «déficit démocratique».


Conscient de cet état de choses, j’ai demandé une révision radicale du système international, pour voir comment il pourrait être adapté aux menaces et aux défis du nouveau siècle.  Pour faciliter ce processus, je viens de nommer un groupe de personnalités éminentes, qui sera présidé par l’ancien Premier Ministre Anand de Thaïlande et qui compte deux personnalités originaires d’Amérique latine parmi ses membres.  Le Groupe se penchera principalement sur les menaces à la paix et à la sécurité, mais il devra également examiner d’autres problèmes mondiaux, notamment dans les domaines économique et social, dans la mesure où ils peuvent avoir une influence sur ces menaces.  Puis il envisagera des solutions ou des réponses collectives.  Ce n’est que compte tenu que cette analyse qu’il pourra étudier le mécanisme international, y compris les principaux organes de l’ONU, et voir quelles améliorations pourraient s’avérer nécessaires.  J’ai demandé au Groupe de me présenter son rapport à temps pour que je puisse faire des recommandations à l’Assemblée générale à sa prochaine session.


Les décisions les plus importantes, celles qui tendent à modifier le fonctionnement du système ou les institutions qui le gèrent, ne peuvent être prises que par les Etats Membres.  Cela veut dire les gouvernements, mais aussi vous, les parlementaires.  Même si les modifications décidées n’appellent pas une ratification parlementaire formelle, elles devraient être le résultat de débats d’envergure au sein des États, et entre les Etats.  Les peuples du monde, au nom desquels l’ONU a été fondée, doivent se sentir pleinement représentés dans le processus de prise de décisions.  Il est donc indéniable que les parlements nationaux comme le vôtre ont un rôle de premier plan à jouer.


En d’autres termes, vos responsabilités ne se limitent pas à la sphère nationale.  A une époque d’interdépendance accélérée, votre rôle sur le plan international est plus important que jamais.  La mondialisation fait que les Etats n’ont pas d’autre choix que de s’intégrer dans l’économie mondiale.  Il est donc essentiel que leurs législateurs mettent en place des cadres juridiques et réglementaires favorisant l’investissement et libérant les énergies créatrices des peuples.  Et étant donné que la majorité des problèmes d’aujourd’hui, comme la dégradation de l’environnement, le trafic de drogues et la propagation de maladies comme le sida, dépassent les frontières, les pays doivent coopérer les uns avec les autres encore plus que par le passé.  Si à une époque, les parlementaires étaient le principal lien entre le niveau local et le niveau national, aujourd’hui, vous êtes également le point de rencontre entre le niveau local et le niveau mondial.


Et c’est ensemble que nous devons avancer, en tant que partenaires et en tant que défenseurs convaincus du multilatéralisme et de la Charte des Nations Unies.  Votre pays connaît un grand dynamisme humain et une diversité écologique extraordinaire.  Vous êtes maintenant lancés dans une transition historique et vous vous montrez prêts à vous battre et à vous sacrifier pour la justice sociale et le bien commun.  Grâce au dialogue et au sens des responsabilités, et à l’esprit de concertation qui est la marque de votre Congrès, j’ai bon espoir que vous réussirez et que notre collaboration aboutira à un avenir prometteur pour tous les Boliviens et un monde meilleur pour tous les peuples de la terre.


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