En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/8921-DEV/2440

L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES A, PLUS QUE JAMAIS, BESOIN D’UNE VOIX FORTE POUR PLAIDER EN FAVEUR DU DEVELOPPEMENT, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL

06/10/2003
Communiqué de presse
SG/SM/8921
DEV/2440


L’Organisation des Nations Unies a, plus que jamais, besoin d’une voix forte pour plaider en faveur du developpement, declare le Secretaire general


Allocution du Secrétaire général, Kofi Annan, à la réunion mondiale des représentants résidents, tenue à Tarrytown (Etat de New York, Etats-Unis) le 6 octobre:


Il est difficile de croire que près de quatre années se sont écoulées depuis la dernière réunion mondiale des représentants résidents.


J’ai beaucoup plus de cheveux gris qu’en février 2000, et ce n’est pas seulement à cause de l’âge.  J’ai bien peur que ce soit aussi votre cas, Mark, et ce n’est pas seulement parce que vous venez d’avoir un nouveau bébé.  En fait, c’est un miracle que nous ayons encore des cheveux sur la tête vous et moi, si l’on pense au mal qu’ont l’ONU et ses programmes à changer de cap.  Cependant, aussi douloureux que puissent être ces efforts, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) peut se féliciter de ce qu’il a accompli; vous pouvez tous être très fiers.


A l’époque où il a pris les rênes, Mark était plus ou moins inconnu de la plupart d’entre vous et le PNUD avait décidé d’opter pour une nouvelle stratégie.  Vous avez depuis appris à le connaître bien mieux et vous avez pu mesurer ses qualités de chef, ses compétences de militant du développement et sa façon d’interpréter ce que doit être le rôle du PNUD.  Vous avez également appris à vous connaître mieux les uns et les autres.  Vous avez travaillé dur pour que le réseau de coordonnateurs résidents soit plus cohérent et plus prompt à réagir; vous avez pu prendre la mesure de ce que veut dire être aux avant-postes parmi les principaux agents des Nations Unies.  Et vous avez acquis une vaste expérience sur la manière entièrement nouvelle dont le PNUD sert les peuples du monde.


Les résultats sont éloquents.  Des enquêtes internes montrent que vous et vos collaborateurs avez des motivations plus fermes, une vision plus claire de votre mission et une confiance plus grande dans ceux qui vous dirigent.  Il semble que vos principaux partenaires s’accordent à dire que le PNUD avance dans la bonne direction.  D’après les enquêtes indépendantes menées par des gouvernements, des donateurs et des associations civiles, votre travail est globalement bien perçu.  Vous réussissez à faire passer votre message.  Votre travail, de la gouvernance à la prévention des crises, est respecté et votre intervention est recherchée.


Ces résultats sont remarquables même si, bien sûr – vous seriez, j’en suis certain, les premiers à le dire –, beaucoup reste à faire.  Le monde est en perpétuelle évolution. Les cheveux gris, les nouveaux organigrammes en couleur sont loin d’être les meilleurs baromètres du temps qui change.  D’ailleurs, si l’on faisait la liste des événements marquants survenus depuis notre dernière réunion, celle-ci semblerait appartenir à une autre époque.


En février 2000, la Déclaration du Millénaire n’avait pas encore été adoptée ni même rédigée.


Ce que nous appelons aujourd’hui les objectifs du Millénaire en matière de développement étaient un ensemble disparate de bonnes idées et d’objectifs noyés dans une masse de plans d’action et de textes issus de grandes conférences.


Il n’y avait pas de Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.


Doha, Monterrey et Johannesburg, simples points sur l’horizon, n’étaient pas encore les symboles du ralliement en faveur du libre-échange, des partenariats pour le développement et du développement durable qu’ils sont devenus.


Les terroristes, bien que toujours plus menaçants, n’avaient pas encore mis le monde en état de choc avec l’horreur du 11 septembre, de Bali et Mombasa, de Casablanca et Riyad.


Les Israéliens et les Palestiniens étaient toujours engagés, malgré les obstacles, dans le processus de paix entamé à Oslo.


Et la situation en Iraq s’enlisait, le peuple iraquien souffrait considérablement.


Il est difficile d’en croire ses yeux quand on considère la distance parcourue depuis et les brutales contradictions du monde d’aujourd’hui.  Tant de pas en avant, puis tant de désespoir, tant d’accords sans précédent, puis tant d’hostilité réciproque.  Le monde qui nous entoure a beaucoup changé.


Toute analyse de ce nouvel environnement doit commencer par une réflexion sur l’attentat de Bagdad et ses conséquences.  Tout d’abord, je tiens à rappeler l’importance primordiale que j’attache à la sûreté et à la sécurité de l’ensemble du personnel.  Nous pleurons aujourd’hui la disparition de quelques-uns de nos plus talentueux collègues.  Il y a aussi cette peur palpable qui pousse chacun à se demander où et quand aura lieu le prochain attentat.  Par sa présence – votre présence – dans un si grand nombre de régions très instables, par son travail dans tant de domaines névralgiques, l’Organisation est soudainement devenue, comme jamais auparavant, une cible potentielle.  De plus, le désir de mal faire s’inspire trop aisément d’autres actes, commis ailleurs par d’autres mains.


Comme je l’ai dit aux Etats Membres, nous devons à l’avenir prendre des mesures plus efficaces pour garantir la sûreté de notre personnel, non seulement en Iraq mais partout où l’ONU est présente.  Le Coordonnateur des Nations Unies pour les questions de sécurité vous informera dans les jours qui viennent des mesures progressivement mises en place, en particulier dans les lieux d’affectation à haut risque, et des changements auxquels il faudra procéder dans les jours et les semaines à venir.  L’ONU ne peut pas se transformer en forteresse mais nous ne pouvons pas non plus être téméraires. Nous avons certes une grande responsabilité vis-à-vis de ceux qui ont besoin de notre aide, mais notre responsabilité n’est pas moindre vis-à-vis de ceux qui fournissent cette aide, les membres de notre personnel.  Ce dilemme a toujours été le nôtre, mais la tragédie de Bagdad l’a rendu encore plus difficile à assumer.  Il n’y a pas de réponse toute simple.  Je vous invite à nous faire part de vos suggestions et de vos préoccupations dans le cadre de l’étude des conditions et des pratiques liées à la sécurité que nous menons dans le monde entier.


La guerre en Iraq et ses conséquences ont également obligé l’Organisation et la communauté internationale à se poser une multitude de questions fondamentales, sur les principes comme sur les pratiques, et ont mis à mal le consensus sur lequel reposait si fermement la Déclaration du Millénaire.


Certains pays voient dans le terrorisme, les armes de destruction massive, les réseaux criminels transnationaux et les façons dont ils peuvent se combiner pour se renforcer les uns les autres les menaces les plus graves contre la paix et la sécurité.  Ces pays redoutent que le système international ne soit pas en mesure d’y faire face.


Cependant, si l’on devait faire un sondage dans les régions où vous vivez, d’autres menaces seraient sûrement jugées plus redoutables: les guerres civiles et les conflits armés utilisant des armes conventionnelles, voire artisanales; le sida et d’autres maladies; la pauvreté et la dégradation de l’environnement ou encore l’oppression et les violations des droits de l’homme.  Pour beaucoup, sinon pour la majorité des êtres humains, ce sont là des problèmes quotidiens qui perturbent la réalité de leur vie.  Ceux qui vivent dans un pays en développement craignent que leurs voix ne soient pas entendues et qu’il y ait une volonté d’agir face à la première série de menaces, mais pas à la seconde, en dépit des promesses et des engagements des conférences mondiales.  L’échec des négociations commerciales de Cancún, le mois dernier, est la plus récente, mais en aucun cas la seule illustration du fait que les priorités du monde en développement sont balayées lorsque les gouvernements occidentaux cherchent à plaire à de puissants lobbies de producteurs.


Le problème central que nous avons à régler consiste à nous assurer que nous disposons des règles, des instruments et des institutions nécessaires pour répondre à toutes ces menaces et à toutes ces difficultés. Après tout, elles sont liées. Un monde qui ne chercherait pas à atteindre les objectifs du Millénaire en matière de développement ne pourrait vivre en paix. Un monde plongé dans la violence aurait peu de chances de les atteindre.


C’est pourquoi j’ai déclaré à l’Assemblée générale que l’ONU se trouvait en quelque sorte à la croisée des chemins, l’un étant celui de l’efficacité, l’autre celui de l’abandon des principes qui nous ont aidés à éviter une autre guerre mondiale depuis 1945.


Je constitue donc un groupe de haut niveau chargé d’étudier ce qui fait aujourd’hui obstacle à la paix et à la sécurité et de recommander des moyens de renforcer le rôle de l’Organisation.  J’espère que vous n’interpréterez pas cette initiative comme une simple continuation du processus de réforme que j’ai engagé lorsque j’ai pris mes fonctions.  Ce processus, qui demeure l’une de mes principales priorités, suit son cours, et je vous suis reconnaissant de toute l’aide que vous lui apportez.  Mais ce nouveau groupe, dont je vous annoncerai prochainement la composition, considérera beaucoup plus haut les mécanismes intergouvernementaux en tenant compte des principales difficultés qui sont celles du XXIe siècle.  J’espère qu’il commencera par définir les problèmes auxquels nous sommes confrontés, cherchera des solutions collectives pour déterminer ensuite les changements à apporter à l’ONU pour qu’elle joue son rôle dans l’application de ces solutions.


L’Organisation a plus que jamais besoin d’une voix forte et cohérente pour plaider en faveur du développement.


Il faut pour cela faire des objectifs du Millénaire des objectifs vraiment opérationnels.  Ils ne sont pas simplement des voeux pieux, ils peuvent parfaitement être atteints.  De plus, ils bénéficient d’un appui politique sans précédent, de la part tant des gouvernements que des populations.


C’est pour nous l’occasion d’aller de l’avant, nous devons la saisir pour que le système des Nations Unies puisse jouer son rôle.


Nous devons également continuer à promouvoir la participation de tous les acteurs nationaux au processus de développement, sans nous contenter de suivre les gouvernements dans leurs désirs et leurs volontés mais en faisant notre part pour que la société civile, le secteur privé et les autres parties prenantes participent largement à la prise de décisions.  Certains bureaux de pays excellent dans ce rôle participatif.  Ce sont vraiment des «extravertis»; d’autres y parviennent moins bien et doivent faire attention à ne pas trop s’isoler des gens.


Nous n’avons pas d’autre part le loisir de relâcher nos efforts d’amélioration de notre gestion, de notre cohérence et de notre coordination internes.  Je sais que l’une des questions sur lesquelles vous vous penchez cette semaine est celle du fonctionnement du réseau de coordonnateurs résidents. Je n’ignore pas qu’il peut être profondément frustrant de rechercher l’unanimité d’une telle multitude de voix, de vocations et d’intérêts et ce d’autant plus à un moment où vous avez le sentiment que vous n’avez pas les pleins pouvoirs pour le faire.  J’attends donc de vous que vous nous disiez quels sont les outils dont vous avez besoin pour mener à bien votre tâche et diriger des équipes de pays qui agissent véritablement ensemble et exécutent un programme des Nations Unies cohérent et efficace.


La cohérence veut aussi que l’on travaille efficacement avec des partenaires tels que les organisations non gouvernementales et les institutions de Bretton Woods. Je me réjouis à l’idée que Jim Wolfensohn sera avec vous demain pour parler de ce partenariat essentiel.


En fin de compte, c’est vous et votre personnel national et international qui représentez l’Organisation face à l’opinion mondiale: les hommes et les femmes que l’on voit dans les dispensaires, les écoles, les logements et les allées du pouvoir, offrir conseils et assistance.  Je compte sur chacun de vous pour être un agent du changement.  Je voudrais que vos bureaux soient précisément le lieu où se forment les coalitions.


C’est vraiment un grand plaisir de vous voir tous ici, à New York.  Mais inversement, j’espère que vous savez le prix que j’attache à mes visites dans les pays où vous travaillez.  Les équipes de pays me communiquent des informations de première main sur le travail extraordinaire que vous accomplissez.  Ces rencontres, plus même que la plupart des réunions avec les officiels, sont une vraie source d’inspiration.  Je vous suis reconnaissant des efforts que vous déployez pour assurer le bon déroulement de ces voyages.


Tel est l’esprit qui nous permettra de traverser ces temps difficiles.  La paix et la sécurité sont menacées, les avancées de la démocratie et des droits de l’homme sont en péril, et la volonté de mettre en oeuvre le programme convenu en matière de développement est bien faible, c’est le moins qu’on puisse dire.  Notre rôle justement est de mener une action intégrée sur tous ces fronts à la fois.


Les risques élevés auxquels nous sommes exposés nous obligent à une grande rigueur.  Nous devons nous montrer disciplinés et déterminés, montrer un seul visage au monde et prouver aux populations pauvres que l’Organisation des Nations Unies est de leur côté.  Nous devons, en résumé, faire bouger les choses.  Je me réjouis à l’idée de travailler avec vous pour faire en sorte que chaque bureau fasse ainsi bouger les choses.


Je vous remercie.  La parole est maintenant à ceux qui parmi vous veulent poser des questions et faire des observations.


*  ***  *


À l’intention des organes d’information. Document non officiel.