En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/8827

LE SERVICE DES NATIONS UNIES N’EST PAS SIMPLEMENT UN EMPLOI, C’EST UNE VOCATION, DECLARE KOFI ANNAN

21/08/2003
Communiqué de presse
SG/SM/8827


                                                            SG/SM/8827

                                                            IK/378

                                                            21 août 2003


LE SERVICE DES NATIONS UNIES N’EST PAS SIMPLEMENT UN EMPLOI,

C’EST UNE VOCATION, DECLARE KOFI ANNAN


Vous trouverez ci-après les remarques faites ce matin par le Secrétaire général, Kofi Annan, devant le personnel réuni pour rendre hommage aux victimes de l’attentat perpétré à Bagdad le 19 août dernier :


La mort de nos collègues nous plonge aujourd’hui dans une détresse profonde.


Nos sens paraissent chanceler devant les images et les sons qui nous viennent de ce qui fut l’un des jours les plus sombres de l’histoire des Nations Unies.


Même maintenant, deux jours après, les images douloureuses continuent à nous parvenir :


À la télévision, les images de nos collègues transportés sur des brancards depuis les décombres du Canal Hotel;


Dans notre esprit, l’image de ces mêmes collègues tels que nous nous les remémorons : des hommes et femmes dynamiques, dans la force de l’âge, actifs, intenses, pleins d’espoir, sachant rire, portés aussi à la compassion; et surtout déterminés à rendre ce monde meilleur;


Et ici, à New York, ou à Genève, à Santiago, ou à Addis-Abeba, ailleurs encore, l’image de ces bureaux qui autrefois étaient remplis d’activité, de vitalité, mais qui semblent maintenant immobilisés dans le temps – témoignage muet de carrières qui ont été consacrées à la cause de la paix.


Tout cela nous laisse frappés de stupeur et de chagrin. Il nous est difficile de croire que celui dont nous partagions le bureau n’y entrera plus; ne pourra plus offrir la lumière de son sourire; ne pourra plus nous communiquer sa passion, ou nous impressionner par son talent.


Nous autres, dont le travail était si étroitement imbriqué dans la tragédie qui frappe ceux qui sont morts, avons à surmonter notre propre souffrance, qui paraît trop lourde à porter.


Chers collègues,


À l’heure actuelle, nous savons que 23 de nos collègues sont morts, mais 10 seulement ont été identifiés. Ce chiffre pourrait encore augmenter, car certains des blessés sont dans un état critique, tandis que d’autres sont toujours portés disparus et sont peut-être enfouis sous les décombres. L’effort fait pour retrouver les corps, les identifier, progresse avec une douloureuse lenteur. Les

médecins de l’ONU parcourent les hôpitaux de la ville pour identifier ceux qui sont peut-être des survivants de l’attaque, et dont certains sont inconscients ou trop grièvement blessés pour parler. Les fonctionnaires de la sécurité réévaluent les conditions actuelles en Iraq et dans tous les lieux d’affectation de par le monde.


Plusieurs conseillers psychologues sont déjà à Bagdad, et d’autres sont en train de s’y rendre, tandis que d’autres sont en poste à Amman, à Genève, ici même à New York et ailleurs. Toutes les ressources du système des Nations Unies sont actuellement mobilisées pour faire face à cette situation exceptionnelle.


Le personnel des Nations Unies avait déjà été auparavant la cible d’attaques graves. Nous avons trop souvent eu l’occasion, ces dernières années de nous réunir pour pleurer nos collègues morts et pour en saluer la mémoire. Mais l’attaque perpétrée mardi était beaucoup plus délibérée, beaucoup plus odieuse encore que toutes celles qui l’ont précédée.


Cela nous oblige à nouveau à examiner les conditions dans lesquelles nous travaillons. Certaines de ces conditions devront peut-être changer, si triste et douloureux que soit ce changement.


Il faudra étudier les nombreuses conséquences de cette attaque, mais, à ce jour, nous nous réunissons comme une famille pour pleurer nos morts, pour rendre hommage à ceux que nous avons perdus.


Je voudrais pouvoir dire quelques mots à propos de chacun d’eux. Je ne le peux pas; car la liste n’est pas encore complète, et parce que nous ne sommes pas encore parvenus à contacter la famille de chacun d’eux. Mais je dirai ceci :


Qu’il s’agisse d’un employé de bureau, d’un juriste, d’un chauffeur ou du représentant spécial, qu’il s’agisse d’Iraquiens ou d’étrangers, chacun de ces hommes et femmes apportait une contribution unique, sans prix, à notre travail commun.


Chacun était attaché au respect des droits de l’homme, à la souveraineté et au bien-être du peuple iraquien. Beaucoup avaient déjà servi dans d’autres pays, pour répondre aux besoins d’autres peuples.


Chacun était exposé à des privations, sans parler de la nostalgie de leur foyer et de leur attachement à une vie plus tranquille, et chacun avait surmonté ses craintes afin d’aider les Iraquiens à sortir d’une période de terribles souffrances.


Chacun de nos morts a su montrer au monde que la fonction publique internationale avait des principes et avait un visage humain.


De chacun, nous étions fiers.

Je dirai maintenant un mot en particulier au personnel en poste à Bagdad :


L’intensité du choc que vous éprouvez nous échappe nécessairement. Nous pouvons cependant exprimer notre profonde gratitude pour la force d’âme que vous manifestez au milieu de cette terrible catastrophe.


Votre action est, profondément, une source d’inspiration pour nous tous mais aussi, avant tout, pour les Iraquiens.

Chers amis,


Des condoléances nous sont adressées du monde entier. Les dirigeants et les citoyens ordinaires de tous les pays nous expriment leur profond chagrin après ce qui s’est passé. Je formule l’espoir que cette manifestation générale d’appui et de sympathie vous apportera quelque réconfort.


S’il existe un moyen d’honorer la mémoire de nos collègues assassinés dans l’exercice de leurs fonctions, c’est bien de poursuivre leur tâche avec détermination et fermeté.


L’Organisation des Nations Unies ne sera pas inutilement imprudente. Et pourtant elle ne se laissera pas non plus intimider. Le service des Nations Unies n’est pas simplement un emploi. C’est une vocation, et ceux qui nous ont odieusement attaqués ne nous en détourneront pas. Nous trouverons un moyen de poursuivre notre action – c’est-à-dire de continuer à aider les Iraquiens à reconstruire leur pays, à regagner leur souveraineté sous les dirigeants de leur choix.


Dans cet esprit, je vous demande de vous lever avec moi, de marquer une minute de silence en l’honneur de toutes les victimes et par sympathie pour leurs proches.


Je vous remercie. Si vous avez des questions je vais m’efforcer d’y répondre au mieux.


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