SG/SM/8749

KOFI ANNAN EXPRIME LE SOUHAIT QUE LA RESOLUTION SUR L'IMMUNITE DES SOLDATS DU MAINTIEN DE LA PAIX NE SOIT PAS RENOUVELEE SYSTEMATIQUEMENT

12/06/2003
Communiqué de presse
SG/SM/8749


                                                            SC/7790


KOFI ANNAN EXPRIME LE SOUHAIT QUE LA RESOLUTION SUR L'IMMUNITE DES SOLDATS DU MAINTIEN DE LA PAIX NE SOIT PAS RENOUVELEE SYSTEMATIQUEMENT


Vous trouverez ci-dessous le texte de la déclaration prononcée aujourd’hui au Conseil de sécurité par le Secrétaire général, M. Kofi Annan:


L’an dernier, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1422 pour demander que, « pendant une période de 12 mois commençant le 1er juillet 2002, la Cour pénale internationale n’engage ni ne mène aucune enquête ou aucune poursuite » dans une affaire « concernant des responsables ou des personnels en activité ou d’anciens responsables ou personnels d’un État contributeur qui n’est pas partie au Statut de Rome à raison d’actes ou d’omissions liés à des opérations établies ou autorisées par l’Organisation des Nations Unies », sauf s’il en décidait lui-même autrement.


Le Conseil a aussi exprimé l’intention de renouveler une telle demande le 1er juillet de chaque année aussi longtemps que cela serait nécessaire. C’est ce que vous êtes sur le point de faire.


En prenant cette décision, vous invoquerez de nouveau l’article 16 du Statut de Rome. Je considère pour ma part que cet article n’a pas été conçu pour qu’une telle demande soit renouvelée systématiquement chaque année et qu’il ne devrait être invoqué que dans des situations particulières.


Mais je reconnais votre bonne foi et conviens que votre but est de permettre la poursuite des opérations de paix, qu’elles soient établies ou seulement autorisées par le Conseil, et de permettre à tous les États Membres d’y participer, qu’ils soient ou non parties au Statut de Rome. En fait, je partage entièrement cet espoir et vous suis reconnaissant de donner la priorité à cette activité vitale de l’Organisation qu’est le maintien de la paix.


Cependant, je ne pense pas, et je tiens à ce qu’il soit pris acte, que cette demande soit nécessaire, même en faisant abstraction de ma réserve concernant l’article 16 du Statut de Rome.


Je crois tout d’abord pouvoir dire sans crainte de me tromper que depuis que l’ONU existe, et à coup sûr depuis que je suis à son service, aucun soldat de la paix ni aucun autre membre d’une mission n’a commis d’actes susceptibles de relever, de près ou de loin, de la juridiction de la Cour pénale internationale. Votre demande concerne donc une situation non seulement hypothétique mais hautement improbable.


Deuxièmement, les personnes affectées à des missions de maintien de la paix des Nations Unies demeurent sous la juridiction de leur État d’origine. Si l’une d’entre elles est accusée d’avoir commis un crime durant une mission, elle est immédiatement rapatriée et traduite devant les tribunaux de son pays.


Troisièmement, aux termes de l’article 17 du Statut du Rome, aucune affaire ne peut être portée devant la Cour pénale internationale si elle fait l’objet d’une enquête ou de poursuites de la part d’un État ayant compétence en l’espèce, sauf si cet État n’a pas la volonté ou les moyens de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites.


Or, je présume que si n’importe quel membre d’une opération établie ou autorisée par le Conseil était accusé d’un crime relevant de la compétence de la Cour – éventualité qui, nous l’espérons tous vivement, ne se produira jamais – l’État d’origine de l’intéressé aurait à cœur de faire une enquête sur cette accusation et, si l’enquête montrait qu’il y a de bonnes raisons de le faire, de le traduire en justice. De ce simple fait, l’affaire ne serait plus recevable à la Cour.


Nous devons par conséquent espérer que, comme la situation qu’elle prévoit ne se produira vraisemblablement jamais, cette résolution restera sans suite.


L’an dernier, j’ai jugé qu’il était raisonnable d’adopter cette résolution pour 12 mois, afin de laisser aux États Membres plus de temps pour étudier le Statut de Rome – qui venait tout juste d’entrer en vigueur – et en soupeser toutes les incidences. Et je peux comprendre que vous estimiez  nécessaire de renouveler la demande pour une autre période de 12 mois, étant donné que la Cour en est toujours à ses débuts et qu’elle n’a encore été saisie d’aucune affaire.


Je veux toutefois espérer que cela ne se reproduira pas chaque année. Si c’était le cas, le monde risquerait d’en  conclure que le Conseil de sécurité essaie de garantir une immunité absolue et permanente aux membres des missions qu’il établit ou qu’il autorise. L’autorité de la Cour mais aussi celle Conseil s’en trouveraient affaiblies, de même que la légitimité des opérations de maintien de la paix des Nations Unies.


Vous conviendrez, Monsieur le Président, qu’il y a là matière à s’inquiéter et j’espère que tous les membres du Conseil partageront mon inquiétude.


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