En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/8720

TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE TENUE PAR LE SECRETAIRE GENERAL, KOFI ANNAN, ET SON REPRESENTANT SPECIAL POUR L’IRAQ, SERGIO VIEIRA DE MELLO, AU SIEGE DES NATIONS UNIES, LE 27 MAI 2003

27/05/03
Communiqué de presse
SG/SM/8720


TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE TENUE PAR LE SECRETAIRE GENERAL, KOFI ANNAN, ET SON REPRESENTANT SPECIAL POUR L’IRAQ, SERGIO VIEIRA DE MELLO, AU SIEGE DES NATIONS UNIES, LE 27 MAI 2003



Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Bonjour. La semaine dernière, le Conseil de sécurité a opéré un consensus en votant la résolution 1483 et a tracé la voie à suivre en Iraq après le conflit. Le Conseil a demandé à l’Organisation des Nations Unies d’aider le peuple iraquien, en coordination avec l’Autorité, d’accomplir de nombreuses activités, y compris l’aide humanitaire, la reconstruction, la remise en état de l’infrastructure, les réformes juridiques et judiciaires, les droits de l’homme et le retour des réfugiés ainsi que d’aider également la police civile. Ces efforts vont demander des efforts considérables de notre part et de la communauté internationale.


J’ai demandé à M. Sergio Vieira de Mello de s’acquitter des fonctions de Représentant spécial. Il prendra l’initiative dans l’effort onusien en Iraq pendant les quatre prochains mois.


Vous l’avez vu œuvrer au Kosovo et au Timor oriental où il a géré des missions complexes. Je ne pense pas qu’il a besoin d’être présenté. Il possède une expérience exceptionnelle et unique à la tête de ces opérations et est bien connu en tant qu’homme d’équipe facilitant les consensus. Je sais qu’il se mettra tout de suite au travail.


Je dois admettre évidemment qu’il a été très difficile pour moi de prendre la décision de nommer un Haut Commissaire en exercice en tant que mon représentant en Iraq, même temporairement, d’autant plus que les droits de l’homme sont pour moi une question prioritaire et cruciale pour cette organisation. La décision n’a donc pas été aisée mais elle illustre également le défi important que nous devons tous assumer.


Personne ne possède plus d’expérience dans ce domaine que Sergio Vieira de Mello. Pour que nous puissions tous nous organiser, être opérationnels et efficaces immédiatement, il s’imposait de choisir quelqu’un qui soit capable de se mettre tout de suite au travail et de lancer l’opération à l’étape initiale. Sergio sera donc ici pendant quatre mois et retournera ensuite à son poste à Genève. Dans l’intervalle, Bertie Ramcharan occupera les fonctions de Haut Commissaire par intérim. Je sais que Sergio sera appuyé par les autres Etats Membres et que son travail avec l’Autorité de la coalition à Bagdad, et avec les autres troupes, en Iraq sera fructueux.


Je donne maintenant la parole à Sergio.


M. Vieira de Mello (interprétation de l’anglais)  : Je vous remercie, Monsieur le Secrétaire général, pour les paroles aimables que vous m’avez adressées et la confiance accrue que vous m’accordez.


Le peuple iraquien a, comme nous le savons que trop bien, beaucoup souffert, beaucoup trop. Il est grand temps que nous – c’est-à-dire, les Iraquiens d’abord, l’Autorité de la coalition et l’Organisation des Nations Unies – nous nous réunissions pour mettre fin à ses souffrances afin de lui permettre de prendre en main son destin comme le demande la résolution du Conseil de sécurité, et cela aussi rapidement que possible. Nous ne devons pas échouer.


Comme le Secrétaire général vient de l’indiquer, vous ne serez pas surpris si je vous dis qu’il me paraît fondamental de créer une culture des droits de l’homme en Iraq si l’on veut que règnent la stabilité et une paix véritable en Iraq. Vous avez peut-être lu ce que j’ai écrit à ce propos dans la presse. Sur la base de mon expérience, je crois que le respect des droits de l’homme constitue la seule base solide pour la paix et le développement durables. J’accorde une importance toute particulière, comme convenu avec le Secrétaire général, à la nécessité de garantir les droits des femmes ainsi que leur pleine participation dans les processus consultatifs futurs en en Iraq. A cet égard, le processus politique n’est pas le moins important.


Comme l’a dit le Secrétaire général, la décision de me nommer à ce poste pour un mandat relativement court n’a été aisée ni pour moi, ni pour lui -- ce qui explique pourquoi nous avons décidé qu’il serait assez court – ceci afin de jeter les bases du rôle de l’Organisation des Nations Unies dans ce pays. Mais je laisse derrière moi, comme cela a été signalé, une équipe très solide avec Bertie Ramcharan et l’équipe chargée de la gestion supérieure dans mon Bureau et je garderai donc un contact étroit avec eux.


Je pense que je vais m’arrêter là et répondre à vos questions.


Question (interprétation de l’anglais) : Je vous remercie, Monsieur le Secrétaire général, ainsi que M. Sergio Vieira de Mello d’être venus aujourd’hui.


Je vais prendre la liberté de poser une question concernant notre corporation avant de poser une question importante sur l’Iraq. Ma première question a rapport avec l’exposé que l’Association des correspondants des Nations Unies voulait organiser vendredi dernier et qui n’a pu avoir lieu du fait des pressions exercées par un Etat Membre.


L’Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme défend vigoureusement le principe de la liberté de presse. J’espérai recevoir l’assurance que dans le futur, vous pourriez faire valoir cet article et défendre notre droit de rencontrer les personnes que nous souhaitons rencontrer. Je vais attendre votre réponse à cette question. Je poserai ensuite la question concernant l’Iraq.


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je tiens à dire que nous avons toujours respecté le droit dont vous parlez. Il me semble que, dans cette salle, vous connaissez nos pratiques et ma vision des choses sur de cette question. Nous respectons vos droits, mais je pense dans le même temps qu’en tant qu’organisation, nous avons certains principes directeurs. Je pense que vous devez les respecter au même titre que nous. Je pense que l’on vous a expliqué que l’événement que vous aviez organisé entrait en conflit avec la politique dite « une Chine ». Une personne devait venir ici pour parler des relations entre Taiwan et l’Organisation mondiale de la santé ainsi que de ses efforts pour devenir un observateur. Franchement, vous devez admettre que cela n’était pas conforme à la politique de l’Organisation des Nations Unies. C’était donc une situation unique et exceptionnelle. Il n’y a pas eu d’ingérence dans le passé et il n’y en aura pas non plus à l’avenir.   


Question (interprétation de l’anglais): Naturellement, ce n'est pas le lieu pour un débat sur la question et nous l'aborderons à l’avenir. Je vous remercie de votre réponse.


S’agissant de l’Iraq, la résolution 1483 (2003) ne parle ni de la question des droits de l’homme, ni des propositions de la puissance occupante de créer des cours militaires. Je me demandais si vous étiez troublé ou contrarié par cette omission.


Plus spécifiquement, il y a eu des informations aujourd'hui selon lesquelles les États-Unis envisagent de mettre en place une liste de condamnés à mort à Guantanamo, et je voulais connaître votre réaction.


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je voudrais dire que la résolution parle de la promotion des droits humains et donc les droits humains sont couverts. Mais sur la question légale et judiciaire, je pense que nous aurons beaucoup de travail à faire. C’est l’un des domaines où, je suis sûr, mon Représentant devra traiter avec l'Autorité de la coalition et discuter de cette question sur le terrain.


Sur la question de Guantanamo Bay, je n'ai pas vu les détails et j'hésiterais à faire un commentaire présentement.


Question (interprétation de l’anglais): Il y a des critiques au Moyen-Orient qui critiquent très vivement les Nations Unies d'abord, du fait qu’à leurs yeux, elles légitiment les suites d'une guerre illégale - que vous avez-vous vous-même décrite comme illégale - dans la résolution 1483 (2003). Deuxièmement, il s'avère de nouveau que les Nations Unies sont incapables d'arrêter l'action unilatérale d'un Etat puissant, si celui-ci souhaite agir ainsi.


Ma question concernant l'envoyé spécial est : pourquoi une période aussi courte ? Pourquoi seulement quatre mois, et pas plus?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Pour votre première question, je voudrais dire que c'est une question que le Conseil a débattue et examinée durant longtemps. Il y a eu des divisions et nous ne pouvons les ignorer. Ces divisions et ces questions - positions de principe prises par les gouvernements et les individus – existent. Je ne pense pas que la résolution que le Conseil a adoptée la semaine dernière va changer l'histoire du passé récent. Mais le Conseil nous a donné une base juridique solide pour nos opérations en Iraq, et je pense qu'à l’heure actuelle, tous les membres du Conseil s’intéressent à ce qu'ils peuvent faire pour aider l’Iraq et le peuple iraquien - et je pense que cela devrait faire  l'objet de notre intérêt. Je pense que si nous poursuivons nos actions sur cette base, nous pourrons être efficaces.


S'agissant de la durée de la nomination de M. Sergio Vieira de Mello, naturellement et comme je l’ai dit, il a une importante tâche à Genève, mais il avait des compétences exceptionnelles pour cette mission, et je lui ai demandé de contribuer à créer la présence des Nations Unies – créer une

relation, organiser l’opération. Il sera remplacé après quatre mois. J'ai dû avoir recours à ses services de la même façon au Kosovo, comme certains se souviennent, et à l'époque, je l'avais limité à deux mois. Cette fois-ci, ce sera quatre mois. L’Iraq est une opération beaucoup plus complexe.


Question (interprétation de l’anglais): Je pense que le prochain gouvernement de transition sera important pour le peuple iraquien. Les gens se demandent comment le dirigeant du gouvernement de transition ainsi que les membres du gouvernement seront sélectionnés. J'entends que le Représentant spécial du Secrétaire général va aider à créer le gouvernement de transition. Allez-vous faire des suggestions, et les Américains décideront qui sera le chef et qui seront les membres du gouvernement ? Pourriez-vous  expliquer le rôle du Représentant spécial ?


       M. Vieira de Mello (interprétation de l’anglais): Je pense que je serai mieux placé pour répondre à votre question une fois que je me rendrai à Bagdad et après avoir eu l'occasion de consulter, comme je l'ai dit, un grand nombre de dirigeants et de faiseurs d’opinions iraquiens. Je ne connais pas les intentions de l'Autorité pour ce qui est de créer cette administration iraquienne provisoire – l’administration transitoire. Mais je ferai de mon mieux au nom du Secrétaire général et du Conseil de sécurité pour que les intérêts du peuple iraquien soient prioritaires.


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Vous devez aussi vous rappeler que chacun est d’accord - et c'est dans la résolution du Conseil - que les Iraquiens doivent être responsables de leur propre avenir politique. Ils seront pleinement au cœur de ce processus. Nous serons là-bas pour aider et travailler avec eux ; nous n'allons pas leur imposer de dirigeant.


Question (interprétation de l’anglais): Vous êtes apparemment réticent durant ce processus pour préciser le rôle que l’ONU pourrait ou devrait jouer en Iraq. Mais après que le Conseil de sécurité se soit exprimé, l’ONU se retrouve avec un large mandat. Jusqu'à quel point ce rôle se rapproche du rôle idéal que devrait assumer l’ONU ? Deuxièmement, vu que la nomination de M. Vieira de Mello est seulement pour quatre mois, êtes-vous en train de préparer un successeur ? Qui pourrait-il être?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je voudrais dire que la résolution nous donne un large mandat et que chaque situation est unique. Lorsqu'on parle d'un mandat idéal des Nations Unies - il est difficile de le décrire. Premièrement, il s’agit d’une situation unique. C’est la première fois que nous travaillons sur le terrain avec une puissance occupante, côte à côte, essayant d'aider la population sur le territoire. De ce fait, il y a certaines choses que nous devrons arranger sur le terrain. Nous devons définir notre relation avec l'Autorité de la coalition ou la puissance occupante, et également notre relation avec l'Iraq occupé. Comme il l’a dit, nous allons être en contact – il va être en contact – non seulement avec la coalition mais avec plusieurs autorités. Certaines des activités sont très claires. Le mandat humanitaire est très clair. Nous avons une responsabilité directe à ce sujet et nous allons l'assumer.


Dans d'autres domaines, nous devons travailler en partenariat avec la coalition et naturellement, avec la société civile et les dirigeants iraquiens. Et naturellement, ces relations s’établiront sur le terrain et nous ne pouvons en décider avant que M. de Mello ne se rende sur place. Comme il l’a déjà indiqué, il devra travailler essentiellement sur cette question sur le terrain, mais s'agissant de la résolution, je pense que nous pouvons travailler avec. Je pense qu'elle nous donne des domaines spécifiques de responsabilité et nous allons travailler dans ce cadre.


M. Vieira de Mello sera remplacé dans quatre mois et j'annoncerai son successeur en temps opportun – mais pas aujourd'hui.


Question (interprétation de l’anglais): Cela n'a peut-être pas de rapport, mais le fait est d’actualité. Pour la feuille de route, il semblerait que l'une des 14 conditions ou réserves d’Israël est que la seule partie du Quatuor qui supervisera la mise en oeuvre sur le terrain sera les Etats-Unis, et pas les trois autres. En tant que l'une des trois autres parties, insisterez-vous pour que l’ONU joue son rôle? Et que pensez-vous de l'acceptation par Israël de la feuille de route ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais): Je pense que c'est un fait très encourageant qu’Israël ait accepté la feuille de route. Le Premier Ministre a indiqué qu'il a quelques questions qu'il posera plus tard. Mais le fait qu'il ait accepté est un fait positif. Et le Quatuor, et la communauté internationale, est la base pour avancer et aider les deux parties à régler le conflit.


S'agissant de la suggestion qu’Israël acceptera les États-Unis en tant que partie sur le terrain - pour suivre la feuille de route - c'est quelque chose que nous aborderons au fur et à mesure que nous avançons. Mais je pense que tous les partenaires souhaitent voir des mesures efficaces. Nous voulons voir des progrès et nous voulons voir la fin de ce conflit douloureux. Et je suis sûr que nous accepterons tout arrangement qui nous aidera à réaliser cet objectif.


Question (interprétation de l’anglais): Les sanctions ont été levées au nom du peuple iraquien et maintenant, M. Vieira de Mello a été nommé au nom du peuple iraquien.  Qui sont ces Iraquiens ? Ont-ils été consultés ? Et deuxièmement, il y a 300 millions d'Arabes et un milliard de Musulmans dans le monde. Pourquoi pas l'un d'entre eux, avec tout le respect dû à M. Vieira de Mello ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Permettez-moi, tout d’abord, d’apporter une correction à ce que vous venez dire. Je n’ai pas dit que Sergio Vieira de Mello a été nommé au nom du peuple iraquien. J’ai dit que Sergio Vieira de Mello a été nommé pour travailler avec le peuple iraquien, pour lui venir en aide ; ce sont ses intérêts qui devraient être nos premières préoccupations.


Concernant votre deuxième question, j’ai beaucoup de respect pour toutes les religions. Aucun facteur religieux n’est rentré en ligne de compte. Je pense qu’au fur et à mesure que nous avancerons et que l’équipe se formera, vous verrez que votre question trouvera une réponse.


Question : Monsieur Vieira de Mello, comment envisagez-vous le travail qui vous attend sur place avec la coalition ? Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce mandat de quatre mois. Pourquoi quatre mois ?


M. Vieira de Mello  : Sur le mandat de quatre mois, je crois que le Secrétaire général vient de vous répondre. J’ai d’autres fonctions à plein temps à Genève. Il n’a pas été facile d’arriver à une entente sur la durée de cette mission. Il nous a donc semblé que quatre mois étaient une durée raisonnable qui ne ferait courir aucun risque à mes autres fonctions à Genève, dont l’importance ne vous échappe pas, bien que ma mission en Iraq ait également quelque chose à voir avec la promotion et la protection des droits de l’homme, vous en conviendrez.


Travailler avec l’Autorité fait partie des règles du jeu. L’Autorité est responsable de l’administration du pays jusqu’à nouvel ordre et nous espérons tous, comme le disait le Secrétaire général et comme le dit la résolution, que ce nouvel ordre arrivera bientôt. Il est impératif que les Iraquiens prennent la destinée de leur pays entre leurs mains. Nous contribuerons à cela en travaillant avec l’Autorité, avec les autres composantes de la communauté internationale - la communauté diplomatique à Bagdad, les pays voisins, car l’Iraq ne peut pas être traité isolément des pays voisins - et avec tous les représentants de la société civile et de la société politique iraquienne.


Question (interprétation en anglais) : Monsieur le Secrétaire général, vous avez dit que les droits de l’homme faisaient partie des vos priorités. Monsieur Vieira de Mello a, pour sa part, souligné l’importance de promouvoir les droits des femmes. Concrètement, que peut faire, d’après vous, l’Organisation des Nations Unies pour promouvoir les droits des femmes, à plus forte raison maintenant que l’on entend dire que des responsables religieux très conservateurs souhaitent revenir en arrière et limiter le rôle des femmes.


M. Vieira de Mello (interprétation de l’anglais) : Selon moi, l’expérience a montré qu’une politique volontariste de promotion de tous les droits humains des femmes, dans les domaines social, économique et culturel, ne peut que déboucher sur la paix, la stabilité, le développement et la tolérance. Nous ferons donc le maximum - dans le cadre de notre mandat, bien entendu - pour amener tout cela au sein de la société iraquienne et pour aider l’Autorité, qui est chargée de la même mission.


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : A en juger par votre question, vous pensez que les femmes iraquiennes, qui jouissaient d’une liberté relative, ne puissent perdre du terrain à cet égard et qu’il faut tout faire pour empêcher cela et, si possible, pour veiller à protéger leurs droits et leurs intérêts. C’est l’un de nos objectifs et ce sera l’une des choses que M. Vieira de Mello s’appliquera à traiter avec les autorités iraquiennes et les autres sur le terrain.


Question (interprétation de l’anglais) : Monsieur Vieira de Mello, quand commencerez-vous votre travail de terrain à Bagdad ? Quelle sera la taille de votre équipe ? Qu’est-ce qui vous empêchera de travailler sur le terrain sans faire preuve d’efficacité, certains disant : « Il n’est là que pour quatre mois, il ne nous plaît pas, on va simplement attendre son successeur » ?


M. Vieira de Mello (interprétation de l’anglais) : Avant toute chose, l’Organisation des Nations Unies n’est pas absente de l’Iraq. Nous disposons déjà d’une présence substantielle dans le pays, qui accomplit un travail extraordinaire dans des conditions véritablement difficiles. Je veux parler de la communauté humanitaire.


Deuxièmement, j’ai l’intention de tâter du terrain sur-le-champ, dès lundi matin au plus tard, avec une équipe limitée pour l’instant, car les conditions à Bagdad ne sont pas encore idéales en termes de logement, de bureaux, sans parler de la sécurité. Mais, l’équipe sera renforcée par vagues successives en attendant d’atteindre la taille idéale de notre mission à Bagdad, qu’il reste à définir.


S’agissant de mon efficacité, je ne pense pas avoir fait preuve d’inefficacité au Kosovo, où j’ai été nommé pour deux mois. Nous n’avons pas le temps pour cela. Je me rends à Bagdad avec mon équipe pour y accomplir un travail qui est important, immédiat et urgent. Et nous allons montrer que nous ne sommes pas là pour la galerie.


Question (interprétation de l’anglais) : Monsieur Vieira de Mello, pourriez-vous nous dire ce que vous comptez faire lundi prochain ? Vous devez bien avoir quelques idées sur ce que vous souhaitez faire. Pourriez-vous également nous dire ce que vous pensez de l’organisation d’une importante conférence politique, comparable à celle de Bonn, qui permettrait aux Iraquiens de participer eux-même à la définition de leur avenir ?


M. Vieira de Mello (interprétation de l’anglais) : Votre deuxième question est difficile. Vous comprendrez que je ne puisse y répondre maintenant. Laissez-moi aller sur le terrain pour voir comment on peut y contribuer.


En ce qui me concerne, une fois que je serai sur le terrain, ma priorité première sera d’établir des contacts avec des Iraquiens représentatifs des dirigeants, des médias et de la société civile, laquelle est très vaste. La société iraquienne est très riche, mais cette richesse a été violemment réprimée pendant les 24 dernières années. Mais elle existe bel et bien et ma priorité première sera de la faire ressurgir. Ma deuxième priorité sera d’établir de bons rapports de travail avec l’Autorité et les membres de la coalition. Et ma troisième priorité sera de me rendre dans toutes les provinces. L’Iraq ne se limite pas à Bagdad. Il est important pour moi de prêter attention aux opinions des Iraquiens dans les 18 provinces ainsi qu’à leurs aspirations concernant leur avenir.


Question (interprétation de l’anglais) : Monsieur Vieira de Mello, vous êtes-vous déjà rendu à Bagdad à l’occasion de vos voyages effectués aux fins de la consolidation des structures étatiques et pourriez-vous comparer cette expérience avec celle que vous avez eue au Timor oriental ? sachant qu’au Timor, vous occupiez des fonctions comparables à celle d’un maire, d’un gouverneur et, de facto, de premier président de l’île. Or, la situation est maintenant différente. Pouvez-vous comparer ces expériences ?



M. Vieira de Mello (interprétation de l’anglais) : Je suis allé à Bagdad lorsque j’étais enfant et que mon père était en fonction dans la région. Et j’y suis retourné une fois depuis cette époque, mais cela fait longtemps.


Pour ce qui est de votre deuxième question, je pense qu’il est toujours dangereux d’essayer de comparer deux expériences. Au Timor, au Kosovo, en Afghanistan, en Sierra Leone et au Cambodge, nous avons tiré nombre d’enseignements qui peuvent s’appliquer en Iraq. Mais la situation varie complètement d’un pays à l’autre et ce sera à moi de voir comment appliquer ce que nous avons appris.


Question  : Monsieur Vieira de Mello, pouvez-vous nous donner votre évaluation de la situation actuelle et des problèmes qui vous semblent les plus urgents, peut-être, les plus difficiles à gérer, et les plus préoccupants dans l’immédiat ?


M. Vieira de Mello : Je crois que dans l’immédiat il est évident que la question de l’ordre et du respect de la loi est prioritaire. Tant que la sécurité n’a pas été entièrement rétablie, il est impossible de se pencher sur le reste et de construire ce que nous voulons construire, à savoir des institutions démocratiques, une véritable culture des droits de l’homme et un processus politique qui permette aux Iraquiens de se gouverner au plus tôt.


Question  (interprétation de l’anglais) : Monsieur le Secrétaire général, on a beaucoup parlé du rôle soi-disant diminué de l’Organisation des Nations Unies avant et après le conflit. Quelle est votre réaction face à de tels commentaires ?


Le Secrétaire général (interprétation de l’anglais) : Je dois dire que je ne vois pas comment on peut dire que l’Organisation des Nations Unies n’a pas agi avant le conflit. Nous avons tous vu comment le Conseil a mené des activités et un débat très intense. Ce débat a conduit à des divisions transcendant tous les clivages traditionnels. Je pense que le Conseil, et d’une certaine manière, l’Organisation des Nations Unies, ont fait, avant la guerre, tout ce qu’ils étaient censés faire.


Le Conseil a agi comme il devait le faire.  Le fait qu’il n’y ait pas eu de consensus et que la guerre ait eu lieu sans l’approbation du Conseil ne signifie pas que le Conseil n’ait pas agi selon son mandat.  Bien au contraire, le Conseil a pris la chose très au sérieux et les discussions qui ont suivi et qui ont culminé avec l’adoption de la résolution 1483 (2003) ont également été très intenses et difficiles.  Si je comprends correctement votre question, vous sembliez insinuer que l’ONU aurait dû pouvoir arrêter ou empêcher la guerre, mais ceci n’est pas dans le pouvoir de l’ONU.


Question : Les critiques ont été nombreuses, Monsieur le Secrétaire général, concernant votre attitude peu musclée à l’égard de la guerre et le fait que vous n’ayez pas eu assez de force pour arrêter cette guerre en Iraq, quitte à mettre votre position en jeu.  Que pouvez-vous répondre à ce genre de critiques ?


Le Secrétaire général : A l’évidence, il s’agissait d’une question dont les membres du Conseil de sécurité étaient en train de discuter.  Le Conseil était pleinement saisi de cette affaire et j’y travaillais aussi.  Mais la décision revenait aux membres du Conseil et non à moi.  Ma position était claire, cependant, j’aurais préféré une solution pacifique, mais cela n’était pas possible.  Je crois que tout le monde dans cette salle sait pourquoi.  Aujourd’hui, l’Organisation a pour mandat d’aider la population iraquienne et elle va tout faire en ce sens.


Le porte-parole (interprétation de l’anglais) : Merci, Mesdames et Messieurs.


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