SG/SM/8650

L’INCAPACITE DU CONSEIL DE S‘ENTENDRE HIER SUR UNE APPROCHE EN IRAQ ALOURDIT SES RESPONSABILITES D’AUJOURD’HUI, EN PARTICULIER DANS LE DOMAINE HUMANITAIRE

27/03/03
Communiqué de presse
SG/SM/8650


                                                            SC/7706

                                                            IK/336


L’INCAPACITE DU CONSEIL DE S‘ENTENDRE HIER SUR UNE APPROCHE EN IRAQ ALOURDIT

SES RESPONSABILITES D’AUJOURD’HUI, EN PARTICULIER DANS LE DOMAINE HUMANITAIRE


On trouvera ci-après la déclaration faite par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, au débat que le Conseil de sécurité a entamé, le 26 mars, sur la situation entre l’Iraq et le Koweit :


Cela fait exactement une semaine que j’ai eu l’honneur d’intervenir au Conseil. Durant cette semaine, nous avons tous suivi, heure par heure sur nos écrans de télévision, les effets terrifiants des armes modernes sur l’Iraq et son peuple.


Non seulement, nous pleurons les morts, mais nous devons également ressentir de l’angoisse pour les vivants, et surtout pour les enfants. Nous ne pouvons qu’imaginer les traumatismes physiques et psychologiques qu’ils garderont, peut-être pour le restant de leur vie.


Nous devons tous regretter le fait que les efforts intenses que nous avons déployés pour arriver à une solution pacifique, à travers le Conseil, n’aient pas abouti.


Beaucoup demandent pourquoi le Gouvernement iraquien n’a pas tiré le meilleur parti de la dernière chance qui lui était donnée par le Conseil en coopérant activement, sans réserve – sur le fond comme sur la forme – avec les inspecteurs que le Conseil avait envoyés s’assurer que l’Iraq ne possède plus d’armes de destruction massive. Mais parallèlement, beaucoup de gens de par le monde posent sérieusement la question de savoir s’il était légitime que certains États Membres passent tout de suite à cette action décisive si lourde de conséquences – qui vont bien au-delà des dimensions militaires immédiates – sans avoir pris d’abord une décision collective au Conseil.


L’incapacité du Conseil de s’entendre hier sur la marche à suivre rend ses responsabilités aujourd’hui d’autant plus lourdes.


Le Conseil, qui a la question iraquienne à son ordre du jour depuis 12 longues années, doit retrouver sa cohésion. Nous voulons tous voir cette guerre se terminer le plus tôt possible. Mais tant qu’elle dure, il est essentiel de tout faire pour protéger la population civile, ainsi que les blessés et les prisonniers de guerre, des deux côtés, et pour porter secours aux victimes.


Ceci est une obligation contraignante pour tous les belligérants. Les Conventions de Genève et tous les autres instruments du droit international humanitaire doivent être scrupuleusement respectés. Je rappellerai en particulier les dispositions de la Quatrième Convention de Genève, en vertu desquelles la partie contrôlant effectivement un territoire donné a la responsabilité de répondre aux besoins humanitaires de sa population et est tenue de maintenir le dialogue et la coopération avec les organisations internationales qui acheminent les secours humanitaires. Nul ne doit, d’un côté ou de l’autre, entraver ces secours.


La semaine dernière, j’ai appelé l’attention du Conseil sur la situation critique dans laquelle se trouvait le peuple iraquien, même avant ces dernières hostilités, et sur l’importance de sa dépendance par rapport aux vivres et aux médicaments distribués dans le cadre du programme « pétrole contre nourriture ».


Avec la suspension de ce programme, ce sont 2,4 milliards de dollars de fournitures, essentiellement alimentaires, qui sont en attente. Le Conseil doit déterminer les modifications à apporter au programme pour que ces approvisionnements parviennent à la population iraquienne dans les conditions actuelles et que les vivres, médicaments et autres articles de première nécessité continuent d’être acheminés. Je sais qu’un effort concerté est en cours pour parvenir à un accord et j’espère qu’il aboutira bientôt.


Mais le conflit crée également de nouveaux besoins humanitaires, qui ne sont pas couverts par le programme « pétrole contre nourriture ». Nous ne savons pas encore combien il y aura de blessés, de personnes déplacées, ou privées de nourriture, d’eau, de services d’assainissement et autres services essentiels, mais nous craignons que leur nombre soit élevé.


Comme je l’ai dit, c’est aux belligérants qui contrôlent le territoire qu’incombe la responsabilité première de répondre à ces besoins. Mais les organismes humanitaires des Nations Unies sont prêts à apporter leur aide. Ils se sont d’ailleurs préparés activement à cet effet. Même si le personnel international a dû être retiré temporairement d’Iraq, la plupart de ces organismes ont sur place des agents locaux qui s’emploient à l’instant même à apporter tous les secours, si limités soient-ils, qu’ils peuvent acheminer à leurs concitoyens. Ces Iraquiens courageux et dévoués méritent vraiment tout notre respect.


Je crains que l’effort humanitaire qui sera nécessaire dans les semaines à venir ne soit très coûteux. Nous sommes sur le point de lancer un « appel accéléré » aux donateurs. J’exhorte les États Membres à y répondre avec promptitude et générosité, sans que cela se fasse au détriment des victimes d’autres urgences dans d’autres régions du monde, qui pour faire peut-être moins l’événement n’en sont pas moins catastrophiques pour les populations concernées.


Le Conseil a d’autres lourdes responsabilités liées à cette crise. Il doit déterminer comment répondre aux nombreux besoins de la population iraquienne, quelle que soit l’issue de la guerre, et ce que l’ONU elle-même sera appelée à entreprendre. Pour tout ce qui dépasse les secours humanitaires proprement dits, nous avons besoin d’un mandat du Conseil de sécurité.


Il va sans dire que les responsabilités du Conseil dépassent également largement l’Iraq. De nombreux autres conflits requièrent d’urgence son attention, à commencer par le conflit qui enflamme les passions dans tout le Moyen-Orient et déteint sur l’attitude de tant de monde vis-à-vis de la question iraquienne. Je veux parler, bien sûr, du conflit tragique entre Israéliens et Palestiniens, pour lesquels la noble vision exposée par le Conseil de sécurité il y a juste un an – celle de deux États coexistant dans la paix et la sécurité – est encore loin d’être réalité.


Au cours des les derniers mois, les peuples du monde ont montré combien ils attendent de l’ONU, et du Conseil de sécurité en particulier. Nombre d’entre eux, maintenant, sont amèrement déçus. Leur foi dans l’ONU ne pourra revenir que si le Conseil est capable de définir des objectifs spécifiques et d’y œuvrer constructivement. J’exhorte en particulier les cinq membres permanents à montrer l’exemple en s’employant de façon concertée à surmonter leurs divergences.


Pour ma part, je soulignerai deux principes directeurs, sur lesquels n’existe pas, je crois, de désaccord et qui devraient sous-tendre tous les efforts du Conseil et les décisions qu’il prendra concernant l’Iraq. Le premier principe est le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de l’Iraq. Le second, qui découle logiquement du premier, est le respect du droit du peuple iraquien de déterminer son propre avenir politique et de contrôler ses propres ressources naturelles.


Je terminerai en disant que nous traversons une période de profondes divisions qui, si elles ne sont pas surmontées, pourraient avoir de graves conséquences sur le système international et sur les relations entre États. Par les interventions qui seront faites dans le courant du débat de cet après-midi, les orateurs auront la possibilité de les accentuer ou de commencer à les combler. J’en appelle à chacun pour que ce soit cette dernière voie qui prévale et que l’union se fasse de nouveau autour d’une volonté renouvelée de défendre les principes de la Charte. C’est absolument capital si l’on veut que le Conseil de sécurité retrouve le rôle qui lui appartient au titre de la Charte, laquelle lui confère la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales.


Pour ma part, je suis prêt à travailler avec le Conseil de sécurité, sur cette crise comme sur d’autres, et à apporter toute l’aide qui sera jugée utile.

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