SG/SM/8616

LA GUERRE N'EST PAS INEVITABLE MAIS L'IRAQ DOIT DESARMER ET COOPERER PLEINEMENT AVEC LES INSPECTEURS, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL DES NATIONS UNIES

24/02/2003
Communiqué de presse
SG/SM/8616


                                                            SG/SM/8616

                                                            24 février 2003


LA GUERRE N'EST PAS INEVITABLE MAIS L'IRAQ DOIT DESARMER ET COOPERER PLEINEMENT AVEC LES INSPECTEURS, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL DES NATIONS UNIES


On trouvera ci-dessous le texte de la déclaration du Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, lue ce jour par son Représentant Spécial pour l'Afghanistan M. Lakhdar Brahimi, à la treizième Conférence au sommet du Mouvement des pays non alignés à Kuala Lumpur:


Je tiens à adresser mes salutations les plus chaleureuses à tous les participants au treizième Sommet du Mouvement des non-alignés. Je regrette de ne pas pouvoir me trouver personnellement parmi vous, mais je vous assure que j’apprécie vivement l’attachement résolu de votre mouvement à la cause de l’ONU et que je continue de compter sur votre ferme appui aux principes que défend l’Organisation et à son travail. Je voudrais adresser mes vives félicitations à la Malaisie qui accueille ce sommet et assume la présidence du Mouvement.


Pour la première fois, l’Afrique est représentée à ce sommet par l’Union africaine, qui est une nouvelle organisation riche de promesses pour l’avenir du continent. Je voudrais par ailleurs souhaiter la bienvenue au Timor-Leste, qui participe pour la première fois au Sommet du Mouvement des non-alignés et exprimer le soutien et l’admiration constants de l’ONU au peuple du Timor-Leste alors qu’il édifie une nation nouvelle qui, espérons-nous, sera prospère à long terme. Enfin, permettez-moi de rendre hommage au Président de l’Afghanistan, M. Hamid Karzai, qui mène son pays, au sortir d’une longue période de conflits et de souffrances, vers un avenir meilleur pour tous ses citoyens.


Ce sommet se tient à un moment critique, alors que nous menace la perspective d’une guerre en Iraq. Je pense pourtant que, même maintenant, la guerre n’est pas inévitable. Les inspections, qui ont repris il y a quelques mois seulement, commencent à donner des résultats et elles devraient se poursuivre jusqu’à ce que toutes les armes de destruction massive soient détruites ou dûment répertoriées. Au moment où la communauté internationale étudie les étapes suivantes de ce processus, il me semble primordial de mettre l’accent sur ce qui nous unit plutôt que sur ce qui nous divise. Sur les objectifs essentiels à atteindre, le Conseil de sécurité s’est prononcé d’une seule voix : l’Iraq doit désarmer. Il doit coopérer pleinement avec les inspecteurs en prenant les devants. Ceci montre clairement qu’au stade actuel, il faut de la coopération, de la ténacité et une pression constante.


La communauté internationale doit tout faire pour encourager l’Iraq à appliquer pleinement la résolution 1441 du Conseil de sécurité et coopérer avec les inspecteurs en anticipant les problèmes, pour que cet objectif soit atteint par des moyens pacifiques. Il est impératif que les dirigeants iraquiens comprennent la gravité et l’urgence de la situation. Il y a trois mois,


dans sa résolution 1441, le Conseil de sécurité a donné à l’Iraq une « dernière possibilité » de s’acquitter de ses obligations en matière de désarmement et il a rappelé dans ce contexte qu’il avait déjà averti l’Iraq des graves conséquences auxquelles il aurait à faire face s’il continuait à manquer à ses obligations. Dans l’intérêt de la population iraquienne et dans l’intérêt de la sécurité et de la paix dans le monde, j’engage les dirigeants iraquiens à choisir la transparence et à coopérer pleinement avec les inspecteurs afin de prévenir tout conflit.


Si le Conseil de sécurité réussit à gérer cette crise de manière efficace, sa crédibilité et son influence en sortiront considérablement renforcées. Si en revanche la communauté internationale n’arrive pas à s’entendre sur une position commune et, si des mesures sont prises sans l’autorité du Conseil de sécurité, leur légitimité et l’appui dont elles jouiraient seraient sérieusement compromis. Les États et les peuples du monde entier attachent une importance fondamentale à cette légitimité et à la primauté du droit international.


L’appui et la participation active du Mouvement des pays non alignés à l’effort mené collectivement pour trouver une solution pacifique à la crise iraquienne sont certainement reconnus par tous. Ce qui se passera en Iraq aura pendant bien des années des conséquences graves dans d’autres domaines, y compris en ce qui concerne le terrorisme international et la situation dans le territoire palestinien occupé, en Afghanistan et ailleurs.


Cette crise, bien entendu, pourrait avoir de très graves conséquences humanitaires. La situation humanitaire en Iraq est d’ores et déjà extrêmement préoccupante. La population est très vulnérable, 1 million d’enfants âgés de moins de 5 ans souffrent de malnutrition chronique et 5 millions d’Iraquiens n’ont pas accès à l’eau potable et à l’assainissement. Comme vous le savez, les organismes des Nations Unies se préparent aux conséquences humanitaires de tout conflit futur en pré-positionnant du matériel et en déployant du personnel de secours sur le terrain.


Je demeure profondément préoccupé par la situation explosive au Moyen-Orient et je sais que vous l’êtes aussi. La violence entre les Israéliens et les Palestiniens ne diminue pas, continuant de faire des morts, des blessés et des dégâts matériels. De plus, la crise humanitaire dans le territoire palestinien occupé s’aggrave. Sans la perspective d’un progrès sur le front politique, on n’imagine guère comment on pourrait arrêter l’escalade de la violence.


Les pertes humaines et matérielles subies par la population palestinienne au cours des deux dernières années sont véritablement catastrophiques. La situation déplorable dans le territoire palestinien occupé maintient toute la région dans un état de crise permanent depuis plus de deux ans et il n’y a pas de fin en vue. Des centaines de vies ont été perdues, surtout parmi les Palestiniens mais également parmi les Israéliens. Ce qui est tragique et inacceptable c’est que nombre de victimes sont des enfants.


Il faudra bien un jour sortir de l’impasse politique. La meilleure voie vers la sécurité des Israéliens et des Palestiniens et vers la paix dans toute la région demeure le plan de campagne du Quatuor. Ce processus permettrait aux parties d’arriver à la vision de deux États – Israël et une Palestine indépendante, viable, souveraine et démocratique – vivant côte à côte dans la paix et la sécurité. Il incombe à la communauté internationale et au Quatuor, individuellement et collectivement, d’encourager systématiquement les parties à apporter leur soutien sans réserve à cette vision et à ce plan.


Ce n’est pas parce que la question iraquienne occupe le devant de la scène que nous devons négliger la multitude de problèmes politiques, économiques, sociaux, environnementaux et autres qui se posent dans les différentes régions du monde. Qu’il s’agisse de la décision de la République populaire démocratique de Corée de se retirer du Traité de non-prolifération des armes nucléaires, ou des crises politiques dans lesquelles s’enlise l’Amérique latine, il est évident que nous devons d’urgence mener une action concertée pour faire face ensemble aux dangers qui nous menacent.


De la Côte d’Ivoire à la République démocratique du Congo en passant par le Soudan, l’Afrique doit, elle aussi, faire face à une série de crises liées à des conflits internes. L’Organisation des Nations Unies s’emploie à trouver une solution à ces conflits qui, si rien n’est fait pour y mettre fin, assombriront sérieusement l’avenir du continent. En Côte d’Ivoire, nous nous efforçons de contenir une situation qui a créé de graves fractures entre les différentes communautés religieuses et ethniques, et de faire face à une crise qui a provoqué des centaines de morts et des déplacements massifs de population. L’Accord de Linas-Marcoussis, signé le 24 janvier dernier par les 10 parties ivoiriennes et avalisé par la Conférence des chefs d’État tenue à Paris les 25 et 26 janvier 2003, offre un cadre politique qui devrait faciliter le règlement d’ensemble du conflit ivoirien. Ce cadre a reçu l’appui du Conseil de sécurité de l’ONU. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider la Côte d’Ivoire à retrouver le chemin de la stabilité qu’elle a connu pendant des dizaines d’années. J’exhorte à nouveau tous les Ivoiriens et, en particulier, les dirigeants politiques du pays à faire de l’accord qu’ils ont signé le mois dernier le premier pas vers la paix.


Le processus politique en République démocratique du Congo demeure un sujet de vive préoccupation. Alors que les parties congolaises doivent se rencontrer à Pretoria la semaine prochaine pour examiner les questions en suspens en vue de l’approbation de l’Accord global et inclusif, les hostilités se poursuivent sur le terrain, en particulier dans le Nord-Est du pays. La situation des droits de l’homme dans le pays continue d’être préoccupante. L’installation du gouvernement de transition marquera le début du processus de réconciliation et d’édification de la nation qui doit mener à la tenue d’élections. Parallèlement, la plupart des combattants étrangers ont quitté le pays et les opérations de désarmement et de rapatriement au Rwanda des ex-FAR/Interahamwe se poursuivent, et ce en dépit des obstacles considérables créés par les milices et d’autres groupes locaux.


Au Soudan, les perspectives de paix semblent aujourd’hui meilleures qu’elles ne l’ont jamais été au cours des 30 dernières années. Les efforts incessants déployés par les pays de la région, avec l’aide et l’appui résolu de la communauté internationale, commencent à porter leurs fruits. Les parties soudanaises ont conclu un accord de cessation des hostilités et les discussions sur le partage du pouvoir et des ressources ont enregistré de réels progrès. Il faut maintenant que les parties soudanaises tiennent le cap et parviennent à un accord global. Le Mouvement des non-alignés a un rôle important à jouer à cet égard, en coopération avec l’Union africaine et l’Organisation des Nations Unies. Je vous demande donc instamment de nous aider à mettre un terme à ce conflit.


Lors du Sommet du Millénaire, en 2000, les dirigeants de la planète ont adopté la Déclaration du Millénaire, dans laquelle ils ont exprimé le souhait de construire, au XXIe siècle, un monde plus équitable, plus juste, plus paisible et plus stable. La Déclaration ne fixe pas seulement des objectifs clairs en matière de développement durable, d’élimination de la pauvreté, de protection de notre environnement, d’action antiterroriste, de lutte contre le VIH/sida, d’éducation des enfants et d’aide aux réfugiés et aux déplacés, elle affirme aussi la nécessité de respecter les droits de l’homme, de promouvoir la démocratie, l’état de droit et la bonne gouvernance. Alors que nous nous efforçons de rendre notre monde plus sûr et plus juste, laissons-nous guider par ces nobles aspirations.


Je vous souhaite un débat fructueux et vous remercie de votre attention.


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