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NGO/519

LA SOCIETE CIVILE INVITEE A CONTRIBUER A LA REALISATION DES ASPIRATIONS DES PEUPLES LORS DE LA CLOTURE DE LA 56E CONFERENCE ANNUELLE DPI/ONG

10/09/03
Communiqué de presse
NGO/519


Cinquante-sixième Conférence

annuelle DPI/ONG

matin & après-midi


LA SOCIETE CIVILE INVITEE A CONTRIBUER A LA REALISATION DES ASPIRATIONS DES PEUPLES LORS DE LA CLOTURE DE LA 56E CONFERENCE ANNUELLE DPI/ONG


La 56ème Conférence annuelle du Département de l’information pour les organisations non gouvernementales a achevé ses travaux cet après-midi par un appel de Sadako Ogata, co-présidente de la Commission sur la sécurité humaine et ex-Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, en faveur du renforcement du concept de sécurité humaine afin de réaliser les aspirations des peuples et de tenir la promesse des Nations Unies.  Au terme de trois jours d’échanges qui ont porté, entre autres, sur les aspects psychologiques de la sécurité et de la dignité humaines, sur le rôle de la société civile dans le domaine de l’enseignement ou sur la mobilisation de la société civile face à l’oppression, les intervenants se sont félicités, à l’instar de la Présidente de la Conférence, Fannie Munlin, du dynamisme dont ont fait preuve les organisations non gouvernementales dans l’identification de mesures visant à dynamiser le rôle de la société civile.  Le chef de la Section des organisations non gouvernementales au Département de l’information, Paul Hoeffel, a réaffirmé que les Nations Unies étaient déterminées à agir de concert avec la société civile pour faire progresser les objectifs de l’Organisation, en particulier dans la perspective de mise en œuvre de la Déclaration du Millénaire, adoptée en septembre 2000.


Avant la séance de clôture, les participants avaient eu un échange de vues sur certaines tendances constatées dans les sociétés contemporaines et les stratégies innovantes à mettre au point pour les corriger, avec des personnalités telles que Jeffrey Sachs, Conseiller spécial du Secrétaire général sur les Objectifs du Millénaire en matière de développement et Directeur du Earth Institute de Columbia University, et Kingsley Moghalu, Directeur chargé de la mobilisation des ressources et des partenariats mondiaux au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.  La lutte contre le VIH/sida et le respect des Objectifs de développement du Millénaire, notamment celui consistant à réduire de moitié la pauvreté d’ici 2015, a dominé cette discussion au cours de laquelle M. Sachs a regretté que le Président Bush ne soit pas capable d’obtenir plus de 200 millions de dollars du Congrès pour financer le Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, alors que dans le même temps il sollicite une enveloppe de 87 milliards de dollars pour financer la présence militaire américaine en Iraq.


Dans la matinée, la Conférence s’était penchée sur la problématique du développement durable dans le contexte de la mondialisation au cours d’une table ronde animée par Alfredo Sfeir-Younis, Conseiller principal au Cabinet du Directeur général de la Banque mondiale, qui a exhorté les organisations de la société civile à dépasser les discours pour réfléchir concrètement aux moyens de combiner mondialisation et durabilité du développement et de donner un visage humain et social à la mondialisation.  Le préalable pour parvenir au développement durable est d’assurer le bien-être de tous les individus a estimé pour sa part Ashok Khosla, Président du Groupe pour un autre développement (Inde), qui a indiqué que pour créer 250 millions d’emplois d’ici 2025, de façon à satisfaire les besoins, il fallait mobiliser des investissements équivalents à dix fois le montant du PNB de l’Inde qui est de l’ordre de 480 milliards de dollars. 


Le développement durable implique davantage d’équité, de sécurité écologique, de choix endogènes, de formation, de modes de consommation et de production durables, ont jugé les participants, soulignant par ailleurs que la société civile est à l’avant-garde des changements dans les comportements et les modes de valeurs.  Hune Margulies, Directeur de «Partenaires du développement communautaire pour les Amériques», a jugé urgent de dépasser le concept d’Etat Nation centralisé pour reposer sur les capacités communautaires dans la mise en œuvre des programmes de lutte contre la pauvreté.  Prenant l’exemple de son organisation, M. Margulies a expliqué que son objectif était de promouvoir des fédérations de petites coopératives afin de générer des ressources propres au niveau local et de permettre aux projets de reposer sur une bonne assise économique car les budgets alloués par l’Etat sont le plus souvent absorbés par les administrations locales, a-t-il dit.


Député au Parlement suisse et fondateur de «Croix-Verte», Roland Wiederkehr, a quant à lui insisté sur la nécessité d’introduire des principes démocratiques dans les questions d’énergie.  Il importe de donner le pouvoir aux populations pour qu’elles produisent leur propre énergie et décident de son emploi, a-t-il poursuivi, estimant que le pétrole et le nucléaire ne sont pas des sources d’énergie démocratiques car les populations civiles ne sont pas parties aux prises de décisions les concernant.  Déplorant pour sa part qu’en Jamaïque, grâce à l’introduction des zones franches sous la pression des institutions de Bretton Woods, les Américains «importent» de la main d’œuvre asiatique pour travailler dans les usines de vêtements qui réexportent vers les Etats-Unis sans droits de douane, Jocelyn Dow, Directrice de Real Thread (Guyana) a jugé inadmissible que le pouvoir de la finance et des multinationales domine l’ordre du jour de Cancun au détriment de l’être humain, de sa sécurité et de sa dignité.


Le developpement durable dans le contexte de la mondialisation


M. ALFREDO SFEIR-YOUNIS, Conseiller principal au Cabinet du Directeur général de la Banque mondiale, a invité les organisations de la société civile à promouvoir des avancées considérables dans le domaine du développement durable.  Il est temps de dépasser les discussions qui sont engagées depuis 1972 sur le développement durable entre les Nations Unies et la société civile et de réfléchir concrètement aux moyens de combiner la mondialisation et la durabilité du développement.  Ces deux phénomènes ont des points communs, a-t-il dit, car la mondialisation a une dimension humaine et sociale qui est trop souvent mise de côté par ses détracteurs.  Il n’y a pas encore de contrat social mondial, pas de séquence pour que l’économie entraîne des résultats positifs au niveau social.  Quant au développement durable, il est lui-même segmenté entre l’environnement, le social et l’économique et chaque élément est analysé en dehors du contexte global, seul à même de rendre ce développement durable.  La sécurité humaine n’émanera pas des gouvernements, a-t-il poursuivi, c’est nous, êtres humains, qui allons rendre ce développement durable et assurer la sécurité humaine.  M. Sfeir-Younis a estimé que le préalable au lien entre la mondialisation et le développement durable était de parvenir à un être mondialisé, puis ensuite dépasser le bien-être matériel pour privilégier le bien être spirituel. 


Exposés


ASHOK KHOSLA, Président de «Groupe pour un autre développement», l’Inde, a défini le développement durable comme la capacité à assurer un développement en permettant la régénération des ressources.  A ce niveau, il est important de produire des biens et services en préservant les générations futures et leur environnement, a-t-il dit.  C’est le seul moyen de subvenir aux besoins des populations, a poursuivi M. Khosla, avant de souligner que pour créer 250 millions d’emplois d’ici 2025, il fallait multiplier par dix le PNB de l’Inde.  Or, sans subvenir aux besoins essentiels des populations, il n’est pas possible d’atteindre le développement durable, en particulier dans un monde ou 150 000 km2 de forêts disparaissent chaque année. 


M. Khosla a estimé que le développement durable implique davantage d’équité, de sécurité écologique, de choix endogènes, de formation, de modes de consommation et de production durables.  La société civile est à l’avant-garde des changements de comportements, de l’évolution des modes de valeurs, de la productivité, a indiqué l’orateur, avant d’exhorter les organisations non gouvernementales à faire en sorte que les besoins des populations des pays en développement, tant en matière d’emplois, que de protection de l’environnement, de disposition de biens et services, d’accès aux soins de santé, soient prises en compte dans le contexte de la mondialisation.  Il a fait part des projets mis en œuvre par son organisation qui a mis au point des techniques de construction écologiques ayant permis de réduire de 55% les conséquences négatives sur l’environnement résultant d’autres types de construction.


Mme Meryem ESSAFI, productrice, spécialiste des problèmes de l’environnement, Radiotelevision du Maroc, a indiqué que le Maroc a créé les conditions du développement durable.  Ses lois sont destinées à favoriser la mondialisation et le pays a délibérément fait le choix du libre-échange.  Des accords ont été signés à cette fin avec l’Union européenne; ils entreront en vigueur en 2010.  A la question de savoir quel est le rôle de la société civile dans ces choix, Mme Essafi a indiqué que le Maroc s’est engagé sur la voie de la démocratie et s’est engagé à faire bénéficier directement les populations du développement durable.  Des élections unanimement reconnues comme justes et transparentes ont eu lieu l’année dernière.  Même si des carences dans le domaine juridique persistent, 35 femmes ont été élues au Parlement, chiffre inégalé dans l’histoire du Maroc.  Concernant l’éducation, la scolarisation des petites filles s’est largement améliorée, notamment dans les zones rurales.  Cependant, la mobilisation des ressources reste problématique: les crédits nécessaires pour satisfaire les besoins de la population et stopper la dégradation de l’environnement ont été estimés à 2 milliards de dollars, soit une part substantielle de la richesse nationale. 


M. Roland WIEDERKEHR, député au Parlement suisse, fondateur de «Croix-Verte», a tiré l’alarme au sujet des menaces chimiques et nucléaires et de la pollution dues à la destruction non contrôlée des armes chimiques, faisant observer que ces destructions ont des séquelles certaines sur la santé des enfants.  La Croix-Verte a été crée pendant la Guerre froide pour s’attaquer aux dommages  environnementaux résultant des guerres.  Aujourd’hui, elle gère plusieurs projets de nettoyage et de destruction d’armes.  Par exemple, le Canada s’est engagé à fournir 20 millions de dollars pour mener un projet de destruction d’armes en Russie, où des quantités énormes d’armes chimiques sont stockées sur 7 sites.  Le processus implique les populations et négocie avec elles le transport de ces armes.


M. Wiederkehr a plaidé en faveur de l’introduction de principes démocratiques dans les questions d’énergie.  Il faut donner le pouvoir aux populations pour qu’elles produisent leur propre énergie et décident de son emploi.  Pour lui, le pétrole et le nucléaire ne sont pas des sources d’énergie démocratiques car les populations civiles ne sont pas parties aux prises de décisions les concernant.  Il a donné l’exemple de l’eau au Moyen-Orient qui constituera encore un facteur de conflit si elle n’est pas distribuée de facon démocratique.  M. Wiederkehr s’est prononcé en faveur des sources d’énergie nouvelles, non polluantes et renouvelables.


HUNE MARGULIES, Directeur de «Partenaires du développement communautaire pour les Amériques», a insisté sur le concept de la pauvreté et rappelé que l’héroïne de la bande dessinée «Mafalda» se posait déjà la question il y a quarante ans de savoir comment il serait possible de remédier à la pauvreté si les gens continuent de consommer au même rythme.  De nombreux facteurs contribuent à la durabilité de la pauvreté, à sa mondialisation, a dit M. Margulies, avant de déplorer le phénomène de la fragmentation.  Il faut voir la pauvreté d’une manière globale, a-t-il dit, car des enfants qui ont faim ne peuvent apprendre à l’école, des gens qui n’ont pas de maison et d’assainissement ne peuvent avoir un travail.  Le concept d’Etat Nation, perçu comme l’épicentre de la création d’emplois, est dépassé et il est urgent de compter sur le volet communautaire, l’échelle décentralisée pour faciliter les programme de lutte contre la pauvreté et de promotion du développement durable.  L’importance du savoir et des cultures autochtones doit être reconnu et dans nos efforts en faveur du développement durable, il est important de reposer sur ces communautés, de leur expliquer le bien-fondé de certains programmes pour assurer leur succès.  Nous voulons promouvoir des fédérations de petites coopératives, a-t-il dit, afin de générer des ressources propres et de permettre aux projets de reposer sur une bonne assise économique car les budgets alloués par l’Etat sont le plus souvent absorbés par les administrations locales.  Notre organisation a mis au point un modèle qui entend reposer en priorité sur les capacités locales, celles des collectivités, des communautés autochtones, car ces couches sociales sont les plus vulnérables à la pauvreté et à la violence. 


JOCELYN DOW, Directrice de «Real Thread», Guyana, a évoqué la Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce de Cancun qui s’ouvre aujourd’hui, et le trentenaire de la mort de Salvador Allende qui sera commémoré demain, pour souligner que tout événement a une histoire.  En 1992, lorsque le monde entier s’est réuni à Rio pour le Sommet de la Terre, la société civile, et plus particulièrement les organisations de femmes, se sont mobilisées pour inverser les tendances.  Nous, les femmes, avons peu de pouvoir pour faire changer les choses, mais par conséquent, nous avons aussi peu de choses à perdre.  Le consensus de Washington est un système historique qui puise des sources dans le colonialisme et s’abreuve du sang des pays pauvres, comme le montre la situation dans les Caraïbes, a-t-elle dit, déplorant qu’en Jamaïque aujourd’hui, grâce aux zones franches, les Américains «importent» de la main d’œuvre asiatique pour travailler dans les usines de vêtements qui réexportent vers les Etats-Unis sans droits de douane.  Le pouvoir des peuples doit être au cœur des préoccupations de la communauté internationale, nous devons mondialiser les peuples et refuser que nos gouvernements décident pour nous, en notre nom, de politiques d’oppression.  Il est inadmissible que le pouvoir de la finance et des multinationales domine l’ordre du jour de Cancun, que les échanges internationaux soient plus importants que la vie des hommes, des femmes et des enfants. 


Réponses des panélistes aux questions des participants


Interrogée sur la possibilité d’un jumelage entre les ONG du Maroc et les ONG d’autres pays pour œuvrer ensemble au développement durable, Mme Essafi a estimé que cela correspond à un besoin impérieux.  Elle a noté que certains réseaux de travail ont déjà été établis mais qu’ils n’ont jamais été actifs.  M. Margulies s’est prononcé en faveur de jumelages entre les petites municipalités d’Amérique latine et des Etats-Unis. Cela permettrait de rassembler des fonds et de développer les liens touristiques.


Plusieurs participants ont posé des questions sur le système de valeurs et la crise spirituelle.  Mme Dow a indiqué que la crise spirituelle est renforcée par les médias dans tous les pays.  Seule la modification du message véhiculé par les médias permettrait de changer les choses.  M. Khosla a appuyé Mme Dow et ajouté que pour que les choses changent, il faut faire appel aux intérêts des acteurs, les intéresser au changement.  Mais cela est très difficile, a-t-il reconnu.  M. Wiederkehr s’est interrogé sur les valeurs d’une société qui accepte qu’il y ait chaque jour environ 3 600 victimes des accidents de la route, soit davantage que les victimes de l’attentat du World Trade Center. 


Concernant le rôle des médias dans le développement, Mme Essafi a estimé que l’essentiel pour les médias est de trouver une facon innovatrice pour pousser les populations à adopter le progrès.  Mme Dow a regretté que les médias se positionnent trop souvent en faveur ou contre les gouvernements.  Ils devraient assurer leur rôle de pourvoyeur d’information.  Interrogé sur des projets précis qui ont eu une influence directe sur la vie des populations concernées, M. Khasla a mentionné de petits barrages qui ont permis aux paysans de passer d’une à trois ou quatre récoltes par an et de rendre l’eau disponible dans les villages.  Il a également mentionné un autre projet qui consiste à relier des villages indiens à Internet.  Mme Dow a parlé d’un projet sur le développement durable de la forêt en Guyane, visant à protéger les forêts des compagnies étrangères qui font pression sur la Guyane pour exploiter la forêt.  M. Margulies a mentionné le «voyage de la solidarité», 50 étudiants des Etats-Unis ont été emmenés dans des communautés pauvres en Argentine afin de les aider.  Ils avaient auparavant recolté des fonds dans leurs communautés et dans leurs églises.  M. Wiederkehr a dit que 40 jeunes sont chaque année invités en Suisse pour être formés à la démocratie et au fédéralisme; ils seront à leur tour formateurs dans leur pays.


Un participant a demandé quelles actions concrètes sont prises par les Nations Unies pour empêcher les grandes compagnies transnationales de détruire les ressources non renouvelables.  M. Dow a proposé que les organisations non gouvernementales puissent faire rapport sur les comportement des grandes entreprises dans le cadre du Pacte mondial.  Elle a demandé que TNC Watch soit reaccepté au sein des Nations Unies.  M. Margulies a proposé que les ONG qui ont les connaissances techniques nécessaire fournissent une assistance technique aux autres afin qu’elles puissent jouer un rôle de contrôle.


M. Sfeir-Younis a demandé si la surpopulation ne constitue pas le principal risque pour les ressources non renouvelables.  Mme Dow a répondu que ce n’est pas la surpopulation qui est un problème mais la répartition des ressources.


CONVERSATION AVEC DES PERSONALITES CONSACREE AUX TENDANCES ET AUX STRATEGIES MONDIALES


Le débat de l’après-midi, animée par Mme Barbara CROSSETTE, Correspondante de UN Wire,s’est déroulée sous la forme d’un échange de vues entre les experts suivants: M. Kingsley MOGHALU, directeur de la mobilisation des ressources et partenariats mondiaux au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la paludisme, Mme Mary Racelis, chargée de recherche, Institute of Philippine Culture, Ateneo de Manila University et membre du Groupe de personnalités chargé d’examiner les liens entre l’ONU et la société civile et M. Jeffrey Sachs, Conseiller spécial du Secrétaire Général sur les Objectifs du Millénaire en matière de développement et directeur de The Earth, Columbia University.


Les points suivants ont successivement été abordés:


Le renforcement de l’ONU


Les panélistes se sont accordé à reconnaître la nécessité de la réforme de l’ONU.  Selon Mme Crossette, le Conseil de sécurité est «périmé»; certains pouvoirs régionaux prennent de l’importance et ils devraient avoir place à la table.  Selon M. Moghalu, il n’y a rien qui condamne le Sud à rester en dehors de la table des négociations et certains pays du sud devraient être représentés dans un Conseil élargi.


D’autre part, selon Mme Racelis, l’enjeu est que les ONG deviennent plus importantes encore et participent aux réunions.  Car, a-t-elle fait remarquer, ce sont les ONG qui veillent à ce que les gouvernements prennent en considération les aspects sociaux dans les négociations.  Pour Mme Racelis, l’enjeu principal de l’ONU est de renforcer le dialogue avec une société civile bien représentée.  A cet égard, Mme Crossette s’est félicitée de ce que pour la première fois des personnes issues des ONG ont commencé à être incluses dans les délégations officielles.


M. Sachs a ensuite regretté que le Sud ne réussisse pas à se faire entendre dans les grandes conférences.  Il a suggéré que les dirigeants de l’Inde, du Mexique, du Brésil aient leur propre sommet où il serait question de pauvreté, d’écologie et des maladies qui frappent les pays pauvres.


Toujours selon M. Sachs, le monde n’a pas besoin de davantage de grandes conférences mondiales.  Ces dernières ont produit des normes, des objectifs, ceux du Millénaire, et c’est aujourd’hui leur mise en œuvre qui doit être prioritaire.  Il a fait remarquer que les Etats-Unis, qui n’ont jamais consacré plus de 0,1% de leur PNB à l’aide publique au développement,bien en deça des 0,7% que les pays riches se sont engagés à donner, consacrent aujourd’hui 0,7% de leur PNB à la guerre en Iraq.


Fonds mondial de lutte contre le sida


Mme Crossette s’est félicitée de ce que le Fonds mondial alloue la moitié de ses fonds par le biais des ONG.  Concernant l’effort de financement qui reste encore à fournir, Mme Moghalu a souligné que le Fonds ne doit pas être seulement financé par les pays riches et demandé que les pays en développement fassent davantage en faveur de la santé de leurs populations.  M. Sachs, d’accord avec M. Moghalu pour renforcer l’effort local en faveur de la santé dans les pays pauvres, a cependant insisté pour que l’on ne dédouane pas les pays riches de leurs responsabilités.  Nous ne devons pas oublier que seuls les pays riches sont en mesure de fournir l’effort principal, a-t-il fait observer et que sans la participation des Etats-Unis, des millions de gens vont mourir. 


En 18 mois, le Fonds mondial a engagé 1,5 milliard de dollars dans 93 pays, a précisé M. Moghalu, que ce soit pour financer des traitements contre le sida ou des moustiquaires traitées pour lutter contre le paludisme.  En 2004, les besoins sont de l’ordre de 3 milliards de dollars et faute de financement, de nombreux programmes nationaux qui commencent à porter leurs fruits seront à l’arrêt. 


Participation des femmes au processus de développement socioéconomique


La discussion s’est poursuivie ensuite sur la mobilisation et l’intégration des femmes dans les processus de développement, et Mme Racelis a souligné que les femmes sont les plus proches des réalités communautaires.  Les mouvements féminins ont permis de donner aux femmes une certaine place dans le processus de développement, grâce à des initiatives telles que le microcrédit ou des formations le plus souvent offertes par la société civile.  La femme passe désormais au premier plan du développement socioéconomique, voire du politique, et elles ont un droit de regard sur la gestion des ressources, a considéré Mme Racelis.  Abordant un autre aspect du développement socioéconomique des femmes, Jeffrey Sachs a rappelé que la distance moyenne quotidienne nécessaire aux femmes d’Afrique de l’Ouest pour se fournir en bois de chauffe équivaut à un trajet à pied entre l’aéroport de La Guardia et le centre de Manhattan, ce qui reste une corvée insurmontable et inadmissible.  Aussi a-t-il prôné le développement du gaz naturel pour cuisiner et des programmes éducatifs à l’endroit des filles et des femmes pour les libérer de ces corvées.  Leur vulnérabilité au VIH/sida est également un obstacle à leur développement social, a dit Kingsley Moghalu, car elles représentent 58% des porteurs du virus tandis que leur fardeau social est lourd dans la mesure où elles doivent prendre en charge les 14 millions d’orphelins du VIH/sida. 


En matière de sécurité humaine et de réduction de la pauvreté, la société civile doit s’investir davantage aussi bien dans le Fonds mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, que dans d’autres programmes.  Jeffrey Sachs a exhorté les organisations de la société civile américaines à exercer toutes les pressions sur leurs dirigeants et à être présentes le 22 septembre prochain, lors de la réunion plénière de haut niveau de l’Assemblée générale sur le VIH/sida, pour mettre à l’index le Secrétaire d’Etat Powell dont le gouvernement n’alloue que 200 millions de dollars, soit 77 cents par habitant au Fonds mondial.  Il est temps de poser les vraies questions, a poursuivi M. Sachs, car il est urgent d’intervenir pour lutter contre le VIH/sida qui menace 300 millions de personnes dans les vingt prochaines années.


Les ONG et le terrorisme


Comment les ONG peuvent-elles contribuer à éliminer le terrorisme?  Selon Mme Crossette, le terreau favorable à l’éclosion de comportements terroristes est à rechercher dans les situations de guerre.  Mme Racelis a également évoqué la pauvreté urbaine, les squatters qui à Manille représentent 30% de la population.  Ce sont des jeunes non scolarisés qui n’ont aucune perspective professionnelle et qui sont recrutés par des gangs de la drogue.


Dans la lignée de Mme Racelis, M. Sachs a reconnu que les crises économiques sont des facteurs de déstabilisation politique.  Il a cité une étude de la CIA qui a établi que les taux de mortalité infantile et de morbidité sont des facteurs explicatifs des révolutions et des troubles politiques. 


Remarques de clôture


M. PAUL HOEFFEL, Chef de la section des organisations non gouvernementales au Département de l’information, en sa qualité de co-président de la conférence, a salué le rôle des organisations de la société civile dont la contribution, a-t-il dit, est essentielle au travail des Nations Unies.  Nous avons des préoccupations en commun, a poursuivi M. Hoeffel, souhaitant que plus d’ONG participent encore à cette conférence dans les prochaines années, alors qu’elle a réuni 2000 délégués dont 800 proviennent de 65 pays en développement.  Cela représente le double du nombre de délégués venus l’année dernière du monde en développement, a-t-il dit, et ce malgré les contraintes financières, les problèmes de sécurité ou d’obtention de visas.  M. Hoeffel a remercié le Comité exécutif des ONG qui a facilité la levée de fonds pour permettre à de nombreuses d’organisations de faire le déplacement à New York.  En outre, pour la première fois cette année, les débats de la plénière ont été retransmis en direct sur le Web et de nombreux internautes ont posé des questions par courrier électronique.  Enfin, le Chef de la section des ONG a réitéré la détermination du Département de l’information et des Nations Unies à collaborer avec les organisations de la société civile.


Mme FANNIE MUNLIN, Présidente de la 56ème Conférence annuelle du Département de l’information pour les organisations non gouvernementales, a assuré que les efforts de vulgarisation et de sensibilisation du public aux problématiques des Nations Unies se poursuivraient.  Il est important, de retour dans vos villes, de mobiliser les médias et de les informer sur ce que nous avons fait ici pendant trois jours et de sensibiliser les communautés locales sur les partenariats que vous êtes prêts à mettre en œuvre entre vos organisations et les Nations Unies.


Mme Sadako OGATA, coprésidente de la Commission de la sécurité humaine et ex-Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a déclaré que les menaces à la sécurité ont evolué: alors qu’elles se concentraient auparavant sur les menaces externes aux Etats, elles sont aujourd’hui plus nombreuses et généralisées: en font partie la pollution, le VIH/sida, les mouvements massifs de population et le crime transnational organisé.  Ces risques obligent à une nouvelle compréhension de la sécurité humaine.  La Commission créée en 2000 lors du Sommet du Millénaire et co-présidée par Amartya Sen, prix Nobel d’économie, est arrivée aux conclusions suivantes: la sécurité humaine consiste à protéger les libertés fondamentales des populations et à leur donner les moyens de réaliser leurs aspirations et leur potentiel.  Afin d’atteindre cet objectif, la Commission distingue deux éléments: la protection et l’autonomisation.  La protection renvoie aux normes, aux institutions et aux structures démocratiques qui protègent les individus; c’est à l’Etat de les créer et de les appliquer.  L’autonomisation implique que les individus participent à la définition et à l’exercice de leus libertés.  Le respect des droits de l’homme est au centre de la protection et de l’autonomisation des individus.  Six domaines principaux de sécurité ont été identifiés, permettant d’élaborer des recommandations de politique: les situations de conflits, les personnes en déplacement, la transition entre la guerre et la paix, l’économie, la santé et l’éducation.


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