LE COMITE CONTRE LA DISCRIMIATION A L’EGARD DES FEMMES ASSIGNE UNE TACHE PRIORITAIRE AU MAROC : LE CHANGEMENT DES MENTALITES
Communiqué de presse FEM/1262 |
Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
626e & 627e séances – matin & après-midi
LE COMITE CONTRE LA DISCRIMIATION A L’EGARD DES FEMMES ASSIGNE UNE TACHE PRIORITAIRE AU MAROC : LE CHANGEMENT DES MENTALITES
Au Maroc, la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ne se heurte ni à un problème de religion ni à un problème de loi mais à un problème de mentalité, a admis le Représentant permanent de ce pays pour expliquer la lenteur des progrès dans certains domaines de la promotion de la femme. A la tête d’une délégation composée de huit personnes et comprenant, entre autres, la Directrice des relations internationales du Ministère des droits de l’homme, Mohamed Bennouna présentait aujourd’hui aux 23 experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), le deuxième rapport périodique du Maroc sur l’application de la Convention.
Les experts ont ainsi pu se féliciter des nombreuses avancées enregistrées par le Maroc dont la loi organique du 6 mai 2002 qui a fait passer de 0,6% à 10,77% le taux de participation des femmes à l’Assemblée nationale et aux assemblées locales, après les élections de septembre 2002. Les experts ont aussi salué le projet de loi sur la criminalisation de la violence à l’égard des femmes ainsi que la mise en place d’une Commission consultative sur la réforme du Code du statut personnel visant l’égalité en droit civil entre les hommes et les femmes. Cette dernière initiative, qui implique des femmes, des théologiens, des responsables religieux et d’autres personnes représentatives de la société, a été d’autant plus appréciée qu’elle a trait aux réserves émises par le Maroc à l’article 16 de la Convention relatif au mariage et aux relations familiales dont les dispositions nationales ont suscité de profondes préoccupations au sein du Comité.
Cette persistance des inégalités a conduit les experts à s'interroger sur l’efficacité réelle des mécanismes de promotion des droits comme le Département chargé des questions de la famille et de la condition de la femme, la Stratégie nationale de l’intégration de la femme au développement, le Conseil consultatif des droits de l’homme et son groupe chargé de la famille et de la condition de la femme ou encore le « Diwan al Madalim » assumant les fonctions d’Ombudsman.
Devant ce constat, le Chef de la délégation marocaine a répondu qu’en tant que pays musulman, le Maroc est tenu de faire la part des choses entre la Charia, inscrite dans la Constitution, et les obligations découlant des conventions internationales. Mohamed Bennouna s’est toutefois rendu à l’avis de l’experte de l’Algérie pour reconnaître que ce n’est pas tant la Charia qui pose problème mais bien la persistance des stéréotypes et des préjugés sur le rôle et la place de la
femme dans la société. Il a, par exemple, argué que le droit de la famille est une question sociétale et culturelle dont l’évolution met en cause la relation de l’homme et de la femme avec le monde moderne dont certains aspects peuvent paraître dévastateurs. Rien ne sert, a-t-il dit, de faire des lois révolutionnaires si elles heurtent les mentalités et font naître des tensions.
Ces propos ont incité de nombreux experts, dont celle du Bénin, à rappeler au Maroc les engagements qu’il a librement consentis en vertu de la Convention et l’obligation qui en découle de prendre des mesures d’application concrètes. Au titre de cette obligation, les experts ont cité l’harmonisation rapide du droit interne avec la Convention et l’application des lois, en jugeant insuffisants la consécration de l’égalité entre les sexes dans la Constitution, le principe de primauté des conventions internationales et la publication de la Convention au Journal officiel qui a, par ailleurs, été saluée.
Résumant le sentiment général, la Présidente du Comité, experte de la Turquie, Ayse Feride Acar, a fait part de son impression de lenteur devant les progrès du Maroc. Le Comité, a-t-elle souligné, est particulièrement préoccupé par les inégalités qui subsistent dans le mariage, le divorce et la garde des enfants. La Présidente du Comité a prescrit des efforts renforcés dans ce sens et pour ce qui concerne le changement des mentalités; le renforcement des mécanismes nationaux; la reconnaissance et la lutte contre la violence à l’égard des femmes; l’élimination des stéréotypes; l’inclusion d’une dimension sexospécifique dans les contenus pédagogiques; et de participation durable des femmes dans la prise de décisions politiques, économiques et judiciaires.
Pour le prochain rapport, la Présidente a insisté sur la présentation d’indicateurs, en insistant sur ceux concernant le changement des mentalités, l’analphabétisme, et la situation des femmes rurales et celles du secteur informel. Elle a aussi exhorté le Maroc à envisager le retrait des réserves aux articles 9 et 16 de la Convention. Reconnaissant que le changement des mentalités n’est pas le moindre des défis que le Maroc doit encore relever, le Représentant permanent adjoint de ce pays a préconisé comme recette « une dose de réalisme mêlé à de l’audace ».
Le Comité poursuivra ses travaux en séances officieuses jusqu’au vendredi 18 juillet.
DEUXIEME RAPPORT PERIODIQUE DU MAROC
Rapport (CEDAW/C/MOR/2)
Le rapport, qui couvre la période allant jusqu’à juillet 1999, commence par donner des renseignements généraux sur le pays, son territoire, ses institutions politiques, son cadre général des droits de l’homme et son dispositif d’information et de communications. Le rapport signale ainsi que la Constitution de 1992 stipule que le Maroc souscrit aux principes, droits et obligations découlant des chartes des organismes internationaux et réaffirme son attachement aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus.
Le rapport passe ensuite à l’application des articles 6 à 15 de la Convention. S’agissant, par exemple, de l’article 7, le rapport indique que le caractère obligatoire de l’inscription sur les listes électorales et le vote dans la circonscription ont permis de maintenir, voire accroître le taux de participation féminine aux élections communales et législatives. En revanche, la présence des femmes dans les postes de décision demeure très faible que ce soit dans les instances représentatives, les organes exécutifs et administratifs et dans le domaine économique. Concernant l’article 9, le rapport dit que le Code de la nationalité confère à la femme les mêmes droits qu’à l’homme mais il ne l’autorise pas à transmettre sa nationalité à son conjoint si celui-ci n’est pas marocain. De même, elle ne peut attribuer automatiquement sa nationalité à son enfant s’il est de père inconnu.
Pour ce qui est de l’article 10, le rapport indique que si l’éducation est un droit reconnu aux garçons comme aux filles, des facteurs négatifs tels la persistance de mentalités traditionnelles, le travail des filles à la campagne ou le mariage précoce empêchent des progrès dans la lutte contre l’analphabétisme féminin. Concernant l’article 12, le rapport indique qu’en dépit des résultats positifs, les principaux indicateurs demeurent mauvais : le taux de mortalité de 228 pour 100 000 naissances demeure l’un des plus élevés du continent africain et les écarts entre milieu rural et milieu urbain demeurent importants en ce qui concerne la répartition des établissements et services de santé.
Sur l’article 15, le rapport indique que les modifications apportées au Code de la famille ont confirmé le droit de la femme à ne contracter mariage qu’avec son plein consentement. Ces modifications interdisent en outre la contrainte sous toutes ses formes et introduisent des restrictions en matière de polygamie. Elles modifient par ailleurs les dispositions relatives à la garde et à la tutelle dans le sens de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ainsi, désormais le père est gardien après la mère et celle-ci tuteur après le père. En outre, diverses mesures ont été prises pour mettre fin au phénomène des répudiations abusives.
Le rapport poursuit sur des données relatives à la situation des couches vulnérables de la population féminine à savoir les femmes chefs de famille, les femmes divorcées ou veuves, les femmes handicapées, les femmes abandonnées et les mères célibataires. Le rapport décrit aussi les mesures prises pour lutter contre le phénomène de la féminisation de la pauvreté. Il donne enfin des renseignements sur la violence contre les femmes et les mesures prises pour lutter contre ce phénomène ainsi que sur le Plan d’action national pour l’intégration des femmes au développement.
Présentation par l’État partie
M. MOHAMED BENNOUNA, Représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU, a attiré l’attention du Comité sur le contexte de la religion, de la culture et de la civilisation dans lequel se déroule le processus de mise en œuvre de la Convention au Maroc. Il a ensuite indiqué que depuis 1993, un Ministère chargé des droits de l’homme veille sur la coordination et le suivi de la production législative et réglementaire ainsi que sur la pratique administrative à tous les échelons. En outre, depuis 1998, une structure gouvernementale prend en charge les questions de la famille et de la condition de la femme. Ce Département, a-t-il dit, prend appui sur des points focaux sur le genre et le développement qu’il a contribué à créer dans les départements ministériels. Enfin, pour coiffer l’ensemble de ce mécanisme institutionnel, une commission ministérielle siège auprès du Premier Ministre afin de suivre la mise en œuvre de la stratégie nationale de l’intégration de la femme au développement. Le Représentant permanent a relevé que les réformes introduites en 2002, pour renforcer le Conseil consultatif des droits de l’homme, ont concerné tout particulièrement le rôle de ce Conseil en faveur de l’élimination de toute discrimination à l’égard des femmes. Le Conseil comprend désormais huit femmes sur 41 membres soit à peu près 20% et peut s’autosaisir et traiter de lui-même, sans attendre ni saisine ni plainte, de toutes les questions relatives aux droits de la personne humaine. La même année, une autre innovation est venue renforcer ce dispositif, celle du Diwan al Madalim qui jouera le rôle de l’ombudsman.
L’harmonisation des lois nationales avec la Convention, a expliqué le Représentant permanent, est conduite par le Ministère chargé des droits de l’homme qui a notamment pour mandat d’examiner la conformité de la législation nationale avec les principes et règles relatifs aux droits de l’homme et de proposer, le cas échéant, l’harmonisation avec les instruments relatifs aux droits de l’homme ratifiés par le Maroc. En outre, le Maroc a élaboré un plan d’action pour l’intégration de la femme dans le développement qui constitue un outil stratégique et méthodologique pour l’amélioration des conditions de la femme. De même, un processus de réforme du Code du Statut personnel a été entamé.
Soulignant que la Convention a été publiée au bulletin officiel le 18 janvier 2001, le Représentant permanent a ensuite passé en revue les points les plus saillants du rapport de son pays. Ainsi venant aux mesures prises pour la lutte contre la traite et la prostitution des femmes, il a cité la multitude de mesures juridiques pour lutter contre ce phénomène et qui prévoit notamment des peines de prison allant de six mois à cinq ans ainsi que des amendes. De plus, le Gouvernement s’emploie à élaborer et appliquer des stratégies globales visant à améliorer les conditions de vie des couches sociales les plus défavorisées. Passant à l’égalité dans la vie politique et publique du pays, le Représentant permanent a indiqué que dans chacune des consultations référendaires ou électorales, les femmes ont représenté 50% des électeurs. Il a toutefois admis qu’en dépit des efforts, la présence des femmes dans les postes de décision n’est pas satisfaisante, compte tenu de leur formation et de leurs aspirations. Le Représentant a, par exemple, attiré l’attention du Comité sur la lettre datée du 26 septembre 2001, par laquelle le Premier Ministre a invité les membres du Gouvernement à lui rendre compte des mesures prises pour permettre l’accès des femmes aux postes de responsabilité.
De même, une Commission interministérielle a été créée pour évaluer la place occupée par la femme dans les postes de décision au sein de l’administration et suivre la mise en œuvre de la stratégie nationale de l’intégration de la femme au développement. Le Représentant a aussi indiqué que l’année 2002 a connu un élargissement dans la diversification des postes de responsabilités alloués aux femmes. Il a ainsi informé le Comité de la nouvelle loi organique du 6 mai 2002 qui a permis l’adoption du mode de scrutin de liste pour la mise en place d’un système de quota réservant 30 sièges aux femmes au sein de la Chambre des représentants. C’est ainsi que lors des élections législatives du 27 septembre 2002, 35 femmes ont été élues dont 30 sur les listes nationales et cinq sur les listes locales, soit 10,77% des sièges par rapport à 0,6% aux élections précédentes. Ces dernières années, les partis politiques ont instauré le système de quota qui a permis l’accès renforcé des femmes dans leurs instances dirigeantes et la multiplication par 12 du nombre de candidates par rapport aux élections précédentes. Il a aussi signalé que la journée internationale de la femme a été célébrée cette année sous le thème » vers une mobilisation pour le renforcement de la place des femmes aux postes de prise de décision ».
Poursuivant, le représentant a indiqué que le Code de la nationalité confère à la femme les mêmes droits qu’à l’homme en ce qui concerne l’acquisition, le changement ou la conservation de la nationalité. Il garantit également l’égalité entre l’homme et la femme pour ce qui est de la reconnaissance de la nationalité d’origine mais il n’autorise pas la femme marocaine à transmettre sa nationalité à son conjoint si celui-ci n’est pas marocain. Un projet de loi est néanmoins en cours d’examen pour conférer à la femme marocaine des droits égaux à ceux de l’homme en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants.
Le droit à l’éducation est un droit constitutionnel reconnu aux garçons et aux filles sur un pied d’égalité. Une Charte nationale pour l’éducation a été mise en place en 1999 qui constitue le cadre référentiel actuel de la politique de l’éducation. Elle fixe entre autres objectifs l’accès à l’enseignement primaire de tous les enfants âgés de six ans; la généralisation de l’inscription en première année de l’enseignement préscolaire en 2004 et la réalisation du taux d’achèvement du premier cycle de l’enseignement fondamental de 90% en 2005. Il existe une réelle volonté politique de lutter contre le fléau de l’analphabétisme qui s’est concrétisée par la création dans le nouveau Gouvernement d’un Secrétariat d’Etat chargé de l’alphabétisation et de l’éducation non formelle.
Afin d’imprégner le respect de la promotion des droits humains, dont ceux des femmes dès le plus jeune âge, et en vue également de combattre tous les stéréotypes concernant les rôles respectifs de l’homme et de la femme dans la société, un accord de partenariat a été conclu en 1994 entre le Ministère de l’éducation nationale et celui des droits de l'homme pour développer et diffuser la culture des droits de l'homme à travers l’enseignement et l’éducation. Ce programme a donné lieu au dépouillement de plus de 120 manuels scolaires pour en ôter tous les stéréotypes discriminatoires contraires aux principes fondamentaux des droits de l'homme. De même, des séminaires et sessions de formation aux droits de l'homme ont été organisés à l’attention des chercheurs et des enseignants.
En ce qui concerne le domaine de l’emploi, on peut souligner que depuis quelques années, les femmes accèdent de plus en plus à des métiers et professions considérés depuis longtemps comme domaines réservés des hommes, tels que la police, la conduite des trains, la protection civile, le pilotage d’avions et les médias. Cette diversification est due aux efforts de sensibilisation par les autorités et la société civile mais elle est aussi le résultat de fait que les étudiantes s’adonnent à des domaines beaucoup plus nombreux que par le passé. Le Maroc a adopté très récemment le nouveau Code du travail qui incrimine toutes sortes de discrimination et l’assortit, en cas de violation, d’une peine d’amende.
L’un des sujets de préoccupation du Gouvernement marocain, a indiqué le représentant, est la mortalité maternelle dont le taux demeure assez élevé même s’il a connu une baisse considérable en passant d’environ 332 entre 1985 et 1991 à 228 pour 100 000 naissances vivantes entre 1992 et 1997. Il faut noter que cette amélioration a beaucoup plus profité au milieu urbain qu’au milieu rural. Le Ministère de la santé a en outre mené une politique vigoureuse pour promouvoir la planification familiale à travers, notamment, le programme national de la maternité sans risques et de la planification de la famille qui permet aux femmes d’éviter les grossesses non désirées, précoces ou tardives.
La stratégie nationale adoptée récemment en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes prévoit le renforcement de l’Etat de droit en criminalisant les différentes formes de violence à l’égard des femmes; la prise en compte des résultats acquis et des progrès accomplis dans ce domaine comme indicateurs de développement humain; le développement d’approches novatrices d’intervention efficace et de traitement adapté des problèmes de la femme victime de violences. De même, cette stratégie s’attaque à la fois à la prévention, la lutte et la réhabilitation et contient sept domaines d’action stratégiques : la réforme et l’harmonisation législatives et réglementaires; la prise en charge et le suivi des femmes victimes de la violence; le développement des infrastructures et des ressources matérielles et financières; l’éducation; la conscientisation et la communication; la recherche et le développement partenarial; la formation et le développement des ressources humaines et la politique générale de lutte contre la violence à l’égard des femmes.
Dialogue avec les experts
Lançant la première série de questions, l’experte de Cuba, Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, a jugé préoccupant que le Maroc n’ait pas levé ses réserves à la Convention en se montrant également inquiète de l’importance des inégalités qui persistent, en particulier pour ce qui est de la condition de la femme au sein de la famille et de la société. Elle a donc appelé le Gouvernement à continuer de mener des programmes de lutte contre les stéréotypes et les préjugés. En la matière, les professionnelles des médias et les ONG ont un rôle à jouer, a-t-elle estimé, en invitant la délégation à donner plus de précisions sur les mesures prises. Des précisions sur le plan d’action pour l’intégration de la femme dans le développement ont été demandées par l’experte de l’Egypte, Mme NAELA GABR. Elle s’est aussi inquiétée de l’absence d’un mécanisme national qui inclut la société civile en espérant qu’à l’avenir, davantage sera fait en faveur de l’harmonisation des lois nationales avec les dispositions de la Convention.
Revenant sur la question des réserves, l’experte de la France, Mme FRANÇOISE GASPARD, a espéré que lors de son prochain rapport, le Maroc aura levé la réserve sur l’article 16 pour, a-t-elle dit, « permettre à la femme marocaine de jouir de l’égalité des droits en droit civil ». Elle a aussi souhaité que le Secrétariat d’Etat chargé de la famille, de la solidarité et de la protection sociale ait les moyens de remplir sa mission. Toujours sur la question des réserves, l’experte du Bangladesh, Mme SALMA KHAN a jugé qu’elles auraient pu être plus ciblées.
Abordant la question de la violence à l’égard des femmes, l’experte de la République de Corée, Mme HEISOO SHIN, a pris note de l’intention du Gouvernement de faire adopter une loi sur la criminalisation de cette violence. Envisagez-vous d’adopter une loi distincte qui traiterait de la violence domestique? a-t-elle demandé, en s’interrogeant aussi sur le calendrier pour la mise en place d’abris pour les victimes. Qu’en est-il de la formation de la police, le Maroc a-t-il des difficultés à recruter des femmes policiers?
Répondant à ces premières questions, le Représentant permanent du Maroc a d’abord souligné la différence entre réserve et déclaration et a expliqué qu’en tant que pays musulman, le Maroc est tenu de faire la part des choses entre la Charia et les obligations découlant des conventions internationales. Le Maroc se modernise et cette modernisation porte aussi sur la réforme du Code de la famille, a-t-il indiqué, en soulignant néanmoins que le droit de la famille est une question de société et un problème de culture. L’évolution de cette question doit se faire avec précaution parce qu’elle met en cause la relation de l’homme et de la femme avec le monde moderne dont certains aspects peuvent être dévastateurs. Rien ne sert de faire des lois révolutionnaires si elles heurtent les mentalités et font naître des tensions, a insisté le représentant. Il a expliqué que le Roi a ainsi créé une Commission où les femmes siègent aux côtés de théologiens, de responsables religieux et d’autres personnes représentatives de la société pour trouver les moyens d’évolution nécessaire du Code de la famille. Le fait que le problème soit à l’examen est déjà un progrès. Au fur et à mesure de ces progrès les réserves à la Convention seront réexaminées, a-t-il assuré. Abordant la question de la violence, le Représentant du Maroc a indiqué qu’en la matière, le Maroc n’en est q’au stade du travail de prise de conscience pour briser le « complot du silence ».
Mlle HYND AYOUBI IDRISSI, Directrice des relations internationales, Ministère des droits de l'homme, a rappelé que le Maroc, dans le préambule de sa Constitution, souscrit de façon intégrale aux droits de l'homme et aux conventions internationales. Il n’existe en outre aucune disposition discriminatoire dans la Constitution. Il faut également souligner, a poursuivi la Directrice, que le Maroc a entamé en 1998 un travail d’harmonisation des lois régissant les institutions pénitentiaires et a amendé le Code de procédure pénale, la loi régissant l’Etat civil, le Code sur la liberté publique, visant à faciliter la procédure de formation des associations, et le Code de la presse. L’ensemble de ces amendements représente des mesures importantes et témoigne de la volonté du Gouvernement d’intégrer effectivement les instruments internationaux des droits de l'homme ratifiés. Le Gouvernement travaille également au renforcement de l’engagement du Maroc en matière de reconnaissance des droits de l'homme qui passera par la ratification d’autres instruments internationaux, la levée d’un maximum de réserves et l’adhésion à la majorité des protocoles additionnels.
Le nouveau Code pénal criminalise la violence domestique, a précisé la Directrice. Nous nous heurtons cependant toujours à des grandes difficultés dans la mesure où ce type de violence a lieu dans le cadre de la sphère privée. Cependant, le Gouvernement est très sensible à ce phénomène et conduit une action soutenue avec l’aide de la société civile. Il s’agit d’un problème plus large de société et de mentalités. C’est pourquoi un travail d’accompagnement est effectué en partenariat avec la société civile. En ce qui concerne la prostitution, le Gouvernement a procédé à de nombreux démantèlements de réseaux de prostitution forcée. Le Code pénal prévoit en outre des mesures de réhabilitation et de réinsertion. En la matière, nous nous fondons sur le principe selon lequel toute relation charnelle doit se passer dans le cadre du mariage.
Mme FATIMA KERRICH, Chef du Service des affaires féminines, Secrétariat d’Etat chargé de la famille, de la solidarité et de la protection sociale, a rappelé l’importance que le Maroc attache à la notion d’égalité et a estimé que les lois en sont la principale garantie. Toutefois, sans changer les mentalités, cette égalité restera lettre morte. C’est pourquoi nous avons monté des ateliers de sensibilisation. Des activités sont en outre organisées sur les plans central et régional pour intégrer les questions relatives aux femmes dans les plans gouvernementaux. Les dimensions juridiques, politiques et sanitaires sont prises en compte dans l’action menée contre la violence et un Plan pour la création de comités régionaux est actuellement soumis pour approbation. Ce dernier intégrera tous les secteurs gouvernementaux et la société civile.
Mme KHADIJA CHAKIR, Chef de la Division de la gestion pédagogique, Direction des lycées, Ministère de l’éducation et de la jeunesse, a rappelé que l’éducation est au centre de la promotion des droits de la femme. Le Gouvernement a déployé des efforts admirables basés sur l’importance de l’alphabétisation pour faire front aux problèmes que rencontrent les femmes. Des progrès ont en outre été réalisés en matière de scolarisation des fillettes et nous nous efforçons de faire en sorte que les couches les plus vulnérables puissent venir à bout de leurs problèmes par le biais d’un programme national. En ce qui concerne la lutte contre les stéréotypes dans la société, Mme Chakir a mentionné la mise au point en 1994 du programme national fondé sur la révision des outils pédagogiques afin de garantir la présentation d’une vision de l’égalité entre les sexes.
Reprenant la parole, le Représentant permanent du Maroc a précisé qu’il n’existe pas de grande différence entre le statut d’un Ministère délégué et celui d’un Secrétariat. Il n’y a donc pas de recul de la cause de la femme du fait du changement de l’intitulé de l’institution consacrée aux affaires féminines. Quant aux moyens, il est vrai qu’ils restent très limités, a admis le représentant qui a aussi fait savoir qu’il existe aujourd’hui une demande pour renforcer le budget du Secrétariat.
Passant à la deuxième série de questions sur les articles 1 à 6 de la Convention, l’experte du Bénin, Mme HUGUETTE BOKPE GNANCADJA, a d’abord dit comprendre la difficulté d’appliquer la Convention dans un contexte où la religion est instituée en loi étatique. Elle a tout de même rappelé les obligations du Maroc et le fait qu’il est tenu par les engagements pris de faire évoluer la loi. En dehors des résistances liées aux traditions, l’experte a relevé des obstacles d’ordre organisationnel. Citant la multitude de structures, elle a voulu savoir comment s’organise leur coordination. Quel est, par exemple, le degré d’autonomie du Conseil consultatif chargé de la révision du Code sur le statut personnel? a-t-elle demandé. Revenant aux premières remarques de l’experte béninois, l’experte de la Hongrie, Mme KRISZTINA MORVAI, a demandé si des études ont été faites sur l’Islam et l’égalité entre les sexes. Elle s’est aussi interrogée sur la distinction que semble faire le Maroc entre prostitution et prostitution forcée.
S’agissant, une nouvelle fois, de la question de la violence, l’expert des Pays-Bas, M. CORNELIS FLINTERMAN, a voulu savoir si les femmes peuvent exposer des cas de violence au niveau international et si la Convention, qui été publiée au Journal officiel, a déjà été invoquée devant les tribunaux. Quelles sont les mesures concrètes prises par le Maroc pour faire tomber les uns après les autres les obstacles à la mise en œuvre de la Convention et pour harmoniser le droit interne avec les dispositions de cette dernière, a demandé l’experte de Maurice, Mme PRAMILA PATTEN. Si l’égalité entre les sexes existe pour ce qui est des droits politiques, qu’en est-il des droits économiques et sociaux? a demandé, à son tour, l’experte de la Croatie, Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, en remarquant l’absence d’un article spécifique dans l’énoncé de ces droits.
A ces questions, le Représentant permanent du Maroc a d’abord répondu que la prostitution est interdite et illégale au Maroc et que si elle est forcée, elle entraîne, aux yeux de la loi, d’autres conséquences. S’agissant du lien entre l’égalité entre les sexes et la Charia, il a répondu qu’il s’agit d’adapter les préceptes religieux à l’évolution de la société. Au sein du Ministère des affaires musulmanes, des colloques et des conférences réunissent tous les jours des intellectuels, a-t-il indiqué pour illustrer la vivacité du débat sur la question. Les conventions internationales ont la primauté sur le droit interne mais la Convention n’a jamais été invoquée devant la justice. Le Représentant permanent a ensuite estimé qu’outre l’enseignement, la lutte contre les stéréotypes doit se faire par des campagnes de sensibilisation menées par le Service des affaires féminines.
La Directrice des relations internationale du Ministère des droits de l'homme a indiqué que le Maroc déploie des efforts de conscientisation des acteurs sociaux en accordant une attention particulière aux médias car ces derniers contribuent à changer les stéréotypes. Tous les partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux sont conviés à assister à des sessions de formation visant à diffuser le respect de l’éthique des droits de l’homme. Il existe également un centre d’information en matière de droits de l'homme. Le Gouvernement publie en outre différents supports de sensibilisation.
Le représentant permanent du Maroc a fait savoir que son pays ne ménage pas ses efforts pour devenir partie au Protocole facultatif. Sur ce point, la Directrice des relations internationale du Ministère des droits de l'homme a indiqué que son Gouvernement répond systématiquement à l’ensemble des communications de femmes qui s’estiment être victimes d’une violation de leurs droits.
Notant que l’égalité des droits des hommes et des femmes est consacrée de façon explicite par le Maroc dans le domaine de la vie politique, Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, s’est néanmoins dite attristée par la description qui figure dans le rapport. Elle a voulu savoir si les élections locales de juin dernier ont enregistré un nombre plus élevé de femmes élues et a regretté que le rapport ne donne aucune information sur la représentation des femmes à l’Université et dans le judiciaire. La loi organique du 6 mai 2002 va-t-elle permettre aux femmes d’être bien représentées dans les Chambres, a voulu savoir l’experte de l’Egypte qui a également demandé pourquoi le rapport fait l’impasse sur les articles 1 à 5 de la Convention.
Il faut garantir la représentation des femmes en réfléchissant à la loi sur les partis en vue d’introduire des quotas de représentation de femmes et des mesures de discrimination positive, a déclaré Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie. Le Gouvernement doit également nommer des femmes à tous les échelons à responsabilité et déployer davantage d’efforts pour la représentation des femmes dans les collectivités locales. Il peut également favoriser la nomination de femmes ambassadeurs et consuls. Il n’y a pas de religion qui empêche le Gouvernement marocain de mettre la femme à la place qui lui revient, a conclu l’experte algérienne. L’experte de Maurice, a pour sa part demandé que des mesures de discrimination positive soient introduites en vue de la nomination de fonctionnaires. L’experte de la France a demandé pourquoi il n’existe pas de mesures pour augmenter la participation des femmes aux élections locales. Pourquoi le nombre de femmes dans la magistrature est-il si faible et quelles sont
les mesures que le Gouvernement compte prendre en la matière, a encore demandé l’experte. Dans la mesure où la femme doit obtenir une autorisation particulière pour accompagner son mari diplomate, l’experte du Nigéria a voulu savoir si c’est le cas pour les hommes qui souhaitent accompagner leur épouse diplomate. Pourquoi n’y a-t-il eu aucune femme ambassadeur depuis 1972? a –t-elle enfin demandé.
Il n’y a aucun obstacle d’ordre religieux à la nomination des femmes aux postes les plus élevés dans la carrière diplomatique, a répondu le Représentant permanent du Maroc qui a souligné qu’il s’agit plutôt d’un problème de mentalité qui voit les femmes invoquer leurs obligations familiales. Il a, en outre, assuré qu’en matière d’éducation, il n’existe plus aucun problème. Les femmes sont de plus en plus présentes à l’université et qu’en ce qui concerne la magistrature, le taux de leur représentation est passé à 16%. Là encore, il a dit constater un problème de mentalité où l’on voit encore beaucoup d’hommes refuser de se faire juger par des femmes. Commentant la question des quotas dans les partis politiques, il a espéré, que dans un proche avenir, il ne sera plus nécessaire de recourir à ce système.
Le Gouvernement a pris toute une série de mesures dans le domaine administratif afin d’améliorer la participation des femmes à la prise de décisions, a indiqué le Chef de Service des affaires féminines du Secrétariat d’Etat chargé de la famille, de la solidarité et de la protection sociale, en attirant, une nouvelle fois, l’attention du Comité sur la lettre envoyée à cet effet par le Premier Ministre à toutes les administrations. Dans le domaine politique, elle a souligné les efforts déployés par la société civile.
Abordant les questions de la troisième partie, à savoir sur les articles 10 à 14 de la Convention, l’experte du Bangladesh a rappelé l’importance du principe selon lequel tous les travailleurs sont égaux. Au Maroc, ces derniers le sont-ils dans tous les types d’emploi, y compris dans le secteur informel et le secteur agricole, a-t-elle demandé. Existe-t-il en outre des dispositions dans la législation qui garantissent l’égalité de traitement? L’experte portugaise a souligné qu’il est indiqué dans le rapport qu’une des raisons de la faible participation des filles à l’école est son coût élevé. Or, il y est aussi dit que la scolarisation est gratuite. Qu’en est-il exactement? L’experte hongroise a pour sa part demandé quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour améliorer la situation des femmes en milieu rural. Elle a aussi voulu savoir quelles sont les mesures envisagées pour réduire la ségrégation professionnelle en général.
Dans quelle mesure les droits des femmes en tant que droits de la personne sont inclus dans les efforts déployés pour la promotion de la culture des droits de l'homme, a pour sa part demandé Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l’Indonésie, qui a aussi voulu savoir dans quelle mesure les droits des femmes sont pris en compte dans la révision des manuels scolaires et lors des sessions de formation des enseignants.
Faisant remarquer que 87% des médecins du secteur public pratiquent dans les zones urbaines, l’experte du Nigéria a suggéré au Gouvernement de prendre des mesures pour inciter les médecins à rester dans les zones rurales.
Répondant à ces questions, le Représentant permanent adjoint du Maroc, M. MOHAMMED LOULICHKI, a indiqué que l’adoption du Code du travail a été l’aboutissement d’un long travail de consultations. Il s’agit, a-t-il dit, d’un instrument novateur propre à enraciner le respect des droits de l’homme, en particulier ceux de la femme. Concernant l’enseignement, il a précisé que la scolarisation des enfants est certes gratuite mais que les dépenses afférentes au transport, aux vêtements et aux fournitures scolaires sont élevés. En l’occurrence, le Gouvernement prend en charge la distribution des repas dans certaines régions de pays mais un effort remarquable est fait par les mécènes et les ONG nationales et internationales. A son tour, la Directrice des relations internationales du Ministère des droits de l’homme a souligné que la concrétisation du droit du travail est extrêmement difficile puisque dépendant du niveau de développement. La consolidation de la démocratie, a-t-elle insisté, doit s’accompagner d’une démocratisation économique et sociale. Poursuivant, elle a affirmé que le principe « travail égal, salaire égal » est strictement respecté tout en admettant que les choses sont plus compliquées pour le secteur informel dont le fonctionnement et les activités échappent au Gouvernement. Dans le secteur privé, les salaires sont le fruit de négociations mais un travail de sensibilisation est effectué. Elle a aussi indiqué que le nouveau Code du travail prévoit des sanctions en cas de discrimination. Toutefois, la consécration de ces mesures exigera un travail de sensibilisation par les inspecteurs du travail, par exemple, qui ont aussi eu une formation à la dimension sexospécifique.
Concernant les employés de maison, a-t-elle poursuivi, le nouveau Code du travail prévoit un statut spécial à leur intention mais les mesures d’application concrètes sont toujours à l’étude. Pour les mères qui travaillent, ce Code prolonge le congé de maternité qui passe de 12 à 14 semaines tout en maintenant les autres avantages liés à la maternité du code précédent. Parlant du milieu rural, le Chef de Service de la promotion du secteur associatif du Secrétariat chargé de la famille, de la solidarité et de la promotion sociale, M. MOHAMED AIT AZIZI, a énuméré les mesures d’encouragement de la femme. Les programmes menés aujourd’hui, a-t-il indiqué, seront renforcés par la déclaration gouvernementale qui prône une politique de proximité dans les affaires de développement. A son tour, la Chef de la Division de la gestion pédagogique de la Direction des lycées du Ministère de l’éducation et de la jeunesse, Mme KHADIDJA CHAKIR, a donné les taux d’inscription scolaires dans les cycles primaire, secondaire inférieur et secondaire supérieur qui sont, en 2003, 92%, 60,5% et 41%. Les mesures prises pour maintenir ou augmenter ces tendances sont accompagnées des mesures d’action sociale comme l’élargissement des réfectoires et des pensionnats ou encore l’octroi de bourses plus avantageuses. La révision des programmes scolaires, a-t-elle aussi indiqué, se fonde sur les valeurs de la religion, de la civilisation, des droits de l’homme et de la citoyenneté. Elle a terminé sur les efforts d’alphabétisation en indiquant que 62% des femmes sont analphabètes. Elle a donc attiré l’attention sur les activités de l’Agence nationale qui a lancé un programme qui par an prend en charge 1 million de personnes pour une période de 5 ans. Aujourd’hui, 80% des femmes y ont participé ou y participent.
La Directrice des relations internationales au Ministère des droits de l'homme a admis qu’un des problèmes majeurs dans le domaine de la santé est celui de l’accessibilité aux soins. C’est pourquoi le Gouvernement déploie des efforts unifiés et intégrés pour améliorer cette accessibilité. Le Gouvernement procède également à l’installation de centres de santé de proximité.
Passant à présent à la dernière partie des questions, l’experte béninoise a demandé quelles sont les chances réelles de voir abrogées ou amendées les dispositions légales dérivées de l’Islam. Elle a aussi regretté le silence du rapport sur les pratiques discriminatoires dont l’abrogation rencontre toujours une résistance. Qu’en et-il du droit des femmes à demander le divorce? Toujours en ce qui concerne le droit relatif au mariage, l’experte algérienne a précisé que la présence d’un tuteur de la femme lors du mariage n’est pas une règle religieuse et n’est jamais mentionnée dans le Coran. Or, au Maroc, le mariage se fait souvent sans le consentement de la jeune fille, ce qui est en opposition au droit musulman et au droit moderne. Lorsqu’il y a des problèmes dans un mariage et qu’il y a divorce, rien dans la pratique du droit musulman n’interdit de trouver des solutions équitables.
L’experte du Portugal a demandé ce qu’il en est de la reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels des femmes. En ce qui concerne les mères célibataires, la situation décrite dans le rapport est dramatique, a-t-elle estimé avant de demander si le Gouvernement envisage de mettre au point une politique qui permettrait de modifier leur situation. L’experte hongroise a suggéré au Gouvernement d’encourager la coordination des mesures législatives qui relèvent de différents ministères en matière de lutte contre la violence à l’égard des femmes. La discrimination de jure et de facto contre la femme perdure, a fait remarquer l’experte mexicaine. L’homme peut en particulier répudier sa femme comme il le veut. La situation globale de la femme au Maroc est très décourageante, d’autant que peu de progrès ont été accomplis depuis la présentation du dernier rapport, a-t-elle ajouté.
Quant aux chances de voir des dispositions dérivées de l’Islam disparaître, le Représentant permanent adjoint du Maroc a souligné que l’Islam a comme base l’égalité de tous. A son tour, la Directrice des relations internationales au Ministère des droits de l’homme a expliqué que les pratiques discriminatoires ne viennent pas de l’Islam mais bien de l’interprétation qu’en font les hommes. Elle a reconnu que la question du droit de la famille et de l’égalité devant le mariage et le divorce est « là où le bât blesse ». Elle a rappelé les orientations données par le Roi Hassan II, dans les années 50, qui visaient à débarrasser l’Islam des hérésies, des coutumes et des us qui lui ont été appliqués au fil du temps. Aujourd’hui, a-t-elle estimé, la Commission consultative dispose d’une pluralité et d’une diversité de conceptions telles que l’on peut espérer des résultats consensuels qui permettront à la femme d’aller de l’avant, soit vers une consécration de ses droits en tant que partie intégrante des droits de l’homme.
Faisant part de quelques innovations, la Directrice des relations internationales a indiqué que la répudiation est désormais plus ou moins « judiciarisée ». De plus, la loi régissant l’état civil a introduit une disposition qui impose l’inscription du mariage et du divorce dans l’état civil. Concernant la garde des enfants, l’homme est désormais deuxième après la mère, en matière dévolutaire du droit de garde et en cas de remariage, la mère peut avoir la garde des enfants. Toutes les « forces vives » du Maroc, en particulier la société civile, se sont mobilisées autour de cette question.
La Chef du Service des affaires féminines a fait savoir que le Maroc a organisé en 1999 une campagne contre la violence à l’égard des femmes en coopération avec la société civile. Après avoir évalué cette campagne, le Gouvernement a mis en place une stratégie nationale contre ce fléau en vue de répondre aux besoins fondamentaux des femmes qui ont été victimes de violence. Le Maroc a créé des centres d’information sur la violence familiale et a mis en place des procédures d’enregistrement des cas de violence dans des procès verbaux. Des cours de formation sont aussi dispensés et un manuel sera mis à la disposition des policiers et des juges. Des centres d’accueil et d’écoute ont en outre été créés dans les hôpitaux.
En conclusion, la Présidente du Comité s’est félicitée du fait que le Maroc ait exprimé systématiquement l’intention d’œuvrer pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et que des mesures importantes aient été prises en ce sens. Le Comité est néanmoins préoccupé de la lenteur manifestée dans l’application des mesures prises. C’est pourquoi le Maroc doit renforcer ses efforts, notamment en ce qui concerne la consolidation des mécanismes nationaux, la nécessité de reconnaître la violence à l’égard des femmes, en particulier dans la sphère privée. Il est également nécessaire de mettre en place des campagnes de plaidoyer pour lutter contre ces violences. La nécessité de faire face aux stéréotypes à la base des discriminations doit aussi être reconnue. Les programmes en faveur de l’alphabétisation doivent être salués et le Comité serait heureux de voir dans le prochain rapport les résultats enregistrés en la matière. Cependant, l’éducation en elle-même n’est pas suffisante. Il faut encore reconnaître l’importance du contenu des matériaux éducatifs.
Le Comité est impressionné par les efforts déployés pour faire participer les femmes au processus de prise de décisions. Cependant, les résultats ne sont importants que dans la mesure où il est possible de les rendre durables. Le Comité est aussi préoccupé en ce qui concerne la participation des femmes au secteur économique, malgré la législation prise pour améliorer la situation, les inégalités de jure et de facto en matière de mariage, de divorce et de garde des enfants. Le Comité demande également au Maroc d’examiner la possibilité de réduire les objections aux articles 16 et 9 de la Convention. Cela serait considéré comme une preuve manifeste de la volonté du Gouvernement d’œuvrer en faveur de l’égalité. Enfin, la Présidente a demandé instamment au Gouvernement de ratifier le Protocole facultatif à la Convention CEDAW.
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