LES EXPERTS DU CEDAW ENCOURAGENT LE JAPON A RENFORCER SA LEGISLATION EN VUE DE LA FORMATION D’UNE SOCIETE FONDEE SUR L’EGALITE ENTRE LES SEXES
Communiqué de presse FEM/1257 |
Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
617e et 618e séances – matin et après-midi
LES EXPERTS DU CEDAW ENCOURAGENT LE JAPON A RENFORCER SA LEGISLATION EN VUE
DE LA FORMATION D’UNE SOCIETE FONDEE SUR L’EGALITE ENTRE LES SEXES
La faiblesse de la législation et des mesures juridiques prévues par le Japon pour garantir une égalité entre les sexes a été déplorée par les experts du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) qui examinaient aujourd’hui les quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Etat partie. En l’absence notamment de lois contre le proxénétisme, la traite des femmes et l’inceste, les experts ont incité le Gouvernement japonais à ratifier le Protocole facultatif à la Convention, à éliminer toutes les dispositions discriminatoires qui figurent encore dans la Constitution et à prendre davantage de mesures spéciales pour construire une société fondée sur l’égalité entre les sexes.
Sur ce point, Mme Mariko Bando, Directrice générale du Bureau pour l’égalité des sexes et Chef de la délégation du Japon, a estimé que les lois étaient importantes mais qu’elles ne suffisaient pas à changer une société fortement marquée par les stéréotypes défavorables aux femmes. Par une modification du système fiscal et de protection sociale, le Gouvernement tente néanmoins de procéder à des réformes en profondeur d’une société toujours marquée par l’idée selon laquelle la femme doit rester au foyer et l’homme travailler. Il s’agirait alors de ne plus considérer le salaire des femmes comme un simple supplément de celui des hommes. Dans l’intervalle de l’aboutissement d’un processus de changement des mentalités qui est par essence lent, M. Göran Melander, expert de la Suède, a souligné que l’Ombudsman était une institution permettant de combler les lacunes d’une législation et d’accélérer les transformations en vue de l’égalité entre les sexes. Afin de dépasser les imperfections de son système juridique, le Gouvernement japonais a donc été invité à se doter d’une telle institution et ce, en dépit du nombre important d’habitants au Japon, présenté par la délégation comme l’obstacle principal à l’établissement d’une institution nationale des droits de l'homme dans ce pays.
En outre, tout en se félicitant de l’élimination des dernières réserves à la Convention CEDAW ratifiée par le Japon en 1985, les experts ont vivement encouragé ce pays à procéder à la ratification de son Protocole facultatif lequel, de l’avis de Mme Ayse Feride Acar, Présidente du Comité et experte de la Turquie, permet une mise en œuvre plus efficace de la Convention. Le Protocole facultatif prévoit un processus qui permet aux femmes et aux organismes estimant que les droits garantis aux femmes par la Convention CEDAW ont été violés de déposer une plainte auprès du Comité lorsque tous les recours nationaux ont été épuisés. A cet égard, la délégation du Japon a fait savoir que la ratification du Protocole facultatif était actuellement à l’examen mais qu’elle se heurtait à la crainte qu’une telle ratification n’affaiblisse le pouvoir judiciaire. Or, comme l’ont fait remarquer plusieurs experts, 75 pays qui disposent d’un pouvoir judiciaire parfaitement indépendant ont déjà ratifié le Protocole facultatif.
Enfin, s’ils se sont montrés particulièrement satisfaits de la participation de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) à la formulation des politiques en faveur des femmes et à l’élaboration du dernier rapport périodique, les experts ont néanmoins regretté que ce dernier fasse l’impasse sur un nombre important de points, au premier rang desquels figurent les questions du harcèlement sexuel, du viol conjugal, de la pornographie infantile ou encore le problème de la faible représentation des femmes aux postes de direction. Le Gouvernement japonais a également été invité à fournir, dans son prochain rapport, des données socioéconomiques concernant les femmes appartenant à des groupes minoritaires qui semblent souffrir de discriminations multiples.
La délégation du Japon était aussi composée des personnalités suivantes: M. Yuichi Takayasu, Conseiller pour l’égalité entre les sexes; Mme Yasuko Nishino, Directeur adjoint de la Division des affaires générales; M. Tomoaki Onizuka, Sous-Directeur de la l’Agence nationale de la police; Mme Chiho Hatakeyama, Sous-Directrice de la l’Agence nationale de la police; Mme Misako Kaji, Directrice de la division des droits de l’homme et des affaires humanitaires; Mme Teruyo Shimasaki, Division des droits de l'homme et des affaires humanitaires; Mme Suzuko Ooki, Chef de la Division de la formation en matière d’égalité entre les sexes; M. Masataka Isashiki, Unité de la planification en matière d’égalité entre les sexes; Mme Chihoko Asada, Division des affaires générales; Mme Mamiko Chiya, Chef de section de la Division des affaires générales; Mme Ryoko Kawai, Directrice adjointe du Bureau des affaires des femmes et des personnes âgées; M. Hiroki Kimura, Consul du Japon à New York; M. Eiji Yamamoto, Mission permanente du Japon auprès des Nations Unies à New York; Mme Naoko Hashimoto, Conseillère, Mission permanente du Japon auprès des Nations Unies à New York.
Le Comité reprendra ses travaux, demain à partir de 10 heures pour achever l’examen des deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques combinés du Costa Rica.
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES
Quatrième et cinquième rapports périodiques du Japon (CEDAW/C/JPN/4-5)
Le quatrième rapport porte sur l’évolution de la situation concernant l’application de la Convention sur toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes au Japon de janvier 1994 à mai 1998. Le cinquième rapport traite de la situation de mai 1998 à avril 2002.
La Loi fondamentale pour une société fondée sur l’égalité des sexes a été promulguée et mise en application en juin 1999. En décembre 2000, le Gouvernement a approuvé le plan de base pour l’égalité des sexes comme premier plan issu de cette Loi. La réforme de l’appareil d’Etat s’est traduite, en janvier 2001, par la création du Conseil pour l’égalité des sexes.
Comme principe de base pour assurer l’égalité des sexes, la Loi fondamentale pour une société fondée sur l’égalité des sexes prévoit la participation des deux sexes à la planification et à la prise de décisions en matière politique. Elle définit également une politique de discrimination positive dont la mise en œuvre incombe à l’Etat. Le nouvel objectif, qui est de parvenir à un taux de participation de 30% de femmes le plus tôt possible avant la fin 2005, est en bonne voie d’être atteint. Au 30 septembre 2001, le taux était de 24,7%, soit une évolution spectaculaire par rapport au taux de 17,4% de septembre 1997 dont il est fait état dans le quatrième rapport périodique. En juin 2001, le Centre pour la promotion de l’égalité des sexes a décidé d’élargir le recrutement et de faire un plus gros effort de promotion des femmes dans la fonction publique. Les préfectures et les villes font des efforts pour promouvoir la présence de femmes dans leurs organes et comités consultatifs en fixant des objectifs à atteindre et des dates limites pour y parvenir. La proportion des femmes au sein des organes consultatifs est de 22,8% (elle était de 17,3% en mars 1998).
La Loi révisée sur l’égalité des chances dans l’emploi, qui est entrée en vigueur en avril 1999, dispose que l’Etat peut offrir une aide aux entreprises du secteur privé qui pratiquent une politique de discrimination positive. A ce jour, 26,3% des entreprises appliquent des mesures de discrimination positive.
Les stéréotypes concernant les rôles respectifs des hommes et des femmes qui se sont forgés avec le temps dans l’esprit des gens ont été le principal obstacle à la formation d’une société fondée sur l’égalité entre les sexes. Le Gouvernement a décrété en 2001 que la semaine allant du 23 au 29 juin de chaque année serait dite «semaine de l’égalité entre les sexes» afin de mieux faire comprendre à la population ce que sont les objectifs et la raison d’être de la Loi fondamentale pour une société fondée sur l’égalité des sexes ainsi que de susciter la volonté d’entreprendre diverses mesures tendant à la formation d’une société fondée sur l’égalité entre les sexes.
En matière de prévention de la prostitution des enfants, une Loi interdisant la prostitution des enfants et la pornographie les impliquant a été promulguée en mai 1999. Elle prévoit notamment des peines contre les personnes impliquées dans la prostitution des enfants et contre les personnes qui organisent la prostitution des enfants. En ce qui concerne les cas d’exploitation sexuelle d’étrangères, la Loi relative au contrôle de l’immigration et à l’admission des réfugiés, la Loi
sur la sécurité de l’emploi, la Loi contre la prostitution et d’autres lois pertinentes sont appliquées aux organisations criminelles internationales qui jouent le rôle d’intermédiaires. La Loi contre la prostitution contient des dispositions relatives à la protection et à l’insertion sociale des femmes qui pourraient éventuellement se prostituer en raison de leur conduite et de leur milieu. Elle prévoit la mise en place de bureaux de consultation pour femmes, de services-conseils et d’institutions de protection de la femme.
Pour ce qui est de la participation des femmes à la vie publique, le rapport indique que le pourcentage de femmes membres de la Diète en juin 2000 était de 5,3% à la Chambre de représentants contre 4,6% en 1996. Huit femmes ont en outre été nommées ministres et onze vice-ministre parlementaires depuis la présentation du quatrième rapport périodique. Comme il est dit dans le quatrième rapport périodique, la première femme juge à la Cour suprême a été nommée en février 1994 et y a siégé jusqu’en septembre 1997. la deuxième a été nommée en décembre 2001. On compte également, au 30 avril 2002, six femmes présidentes de tribunal. Le nombre de femmes et le pourcentage de femmes qui occupent des postes de direction dans la fonction publique sont encore faibles, se situant respectivement à 122 et 1,3% en 2000. Ils étaient de 94 et 1% à la fin de 1996.
En vue d’améliorer l’enseignement et l’acquisition du savoir-faire de façon à promouvoir l’égalité entre les sexes, les établissements d’enseignement supérieur s’efforcent de promouvoir l’étude de la condition féminine dans le but de reconstruire le système classique d’acquisition du savoir tel que le verraient les femmes. Le Centre pour l’éducation des femmes a été créé pour promouvoir l’éducation des femmes par la formation d’instructeurs en éducation des femmes et d’autres personnes dont la profession touche à l’éducation des femmes.
Compte tenu de la gravité de la situation actuelle en matière d’emploi, les étudiantes à la recherche d’un emploi continuent à être désavantagées. On observe aussi que la situation tarde à s’améliorer. C’est ainsi que, par exemple, le pourcentage de femmes qui occupent des postes de direction est encore faible et demeure stationnaire depuis quelques années. A cet égard, le Gouvernement organise des activités de relations publiques afin de faire savoir aux gens qu’il existe une Loi sur l’égalité des chances dans l’emploi. Diverses mesures ont été mises en place pour améliorer et renforcer encore l’orientation professionnelle à l’école afin que chaque élève puisse, sans considération de sexe, être en mesure de réfléchir à ce que pourrait être sa vie et de décider de sa future carrière.
En novembre 2001, le «Plan 21 de Sukoyaka pour la famille» a été adopté pour donner une idée de ce que pourraient être les grandes lignes de l’action à mener en faveur de la santé des mères et des enfants au cours du XXIe siècle. Au cours de l’exercice 2002, les services chargés d’aider les femmes à rester en bonne santé tout au long de leurs vies ont été mis en place dans 27 préfectures et dans des villes désignées. Sur le plan scolaire, des efforts ont été faits en vue d’améliorer et de renforcer encore les conseils d’éducation sexuelle. Le «Plan 21 de Sukoyaka pour la famille» fixe pour objectif à atteindre d’ici à 2010 la diminution du nombre d’avortements provoqués et de maladies transmises par relation sexuelle entre adolescents. Les statistiques montrent que le nombre de cas de grossesses involontaires parmi les adolescentes, qui était de 7 pour 1 000 en 1996 était monté à 12,1 pour 1 000 en 2002, tendance que les pouvoirs publics se sont efforcés de combattre en faisant paraître une directive sous la forme d’un manuel sur le sexe et la santé à l’intention des adolescentes.
Des mesures d’une large portée comprenant la prévention et le traitement du VIH/sida vont en outre être appliquées dans le cadre d’une coopération entre les pouvoirs publics, les administrations locales et les ONG.
Les violences d’ordre physique ou sexuel, même commises à l’intérieur d’une famille, n’échappent pas à l’application des dispositions pénales prévues pour homicide, préjudices corporels, coups et blessures, arrestation et détentions illégales, attentat à la pudeur et viol. La Loi pour la prévention de la violence entre époux et la protection des victimes a été promulguée en avril 2001. C’est la première loi japonaise qui contient des dispositions générales sur la question de la violence entre époux. Elle précise la mission des centres de conseils et d’aide aux victimes de violences conjugales.
Présentation par l’État partie
Mme MARIKO BANDO, Directrice générale du Bureau pour l’égalité des sexes, a indiqué que les dix dernières années ont été marquées par d’importants progrès en matière d’égalité entre les sexes au Japon. Elle a également fait savoir que le Japon a rationalisé ses ministères et ses agences gouvernementales en janvier 2001, en faisant passer leur nombre de 24 à 13. Dans ce cadre, le Bureau pour l’égalité entre les sexes a été créé au sein du Cabinet pour l’égalité entre les sexes avec pour mission de planifier et de coordonner les politiques du Gouvernement et de renforcer les systèmes existants. Dans le même temps, le Conseil pour l’égalité entre les sexes a été créé en tant que nouveau forum au sein duquel les ministres et les intellectuels partagent leurs expériences et leurs connaissances et discutent des questions liées à l’égalité entre les sexes. Le renforcement de ces mécanismes permet la mise en œuvre des politiques en faveur des femmes sous le leadership vigoureux du Cabinet du Premier Ministre.
Au rang des mesures législatives et administratives prises, on peut noter l’adoption de la Loi fondamentale pour une sociétéfondée sur l’égalité des sexes en juin 1999. Cette Loi fixe les principes fondamentaux pour la création d’une société où règnent l’égalité entre les sexes ainsi que les responsabilités du Gouvernement et des citoyens en la matière. Un plan de base a également été défini qui comprend les mesures politiques à appliquer à long terme, les objectifs à atteindre d’ici à 2010 de même que des mesures concrètes à mettre en œuvre d’ici à 2005. Cela représente une nouvelle étape dans l’histoire de l’édification d’une société où règne l’égalité entre les sexes au Japon.
En avril 2001, le Parlement japonais a adopté la première Loi globale sur la violence domestique. Au Japon, 103 centres d’aide et de conseil aux victimes de violence ont vu le jour. Ces centres sont gérés par les préfectures et financés sur le budget des collectivités. Les ONG participent activement à l’aide aux victimes de violences. Deux types de mesures judiciaires ont été prises avec interdiction d’approcher les victimes et obligation pour les auteurs d’infraction de quitter le logement qu’ils partageaient avec la victime. Près de 100 mandats de ce type sont émis chaque mois. A l’occasion d’une enquête nationale rendue publique en novembre dernier, il est apparu qu’une femme sur cinq disait avoir été victime de violence physique, psychologique et sexuelle et une sur vingt disait avoir craint pour sa vie. Le Gouvernement s’est donc lancé dans une campagne d’information en distribuant des brochures et en faisant de la publicité dans les journaux et sur les ondes radiophoniques. Un symbole pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes a également été créé et fait office de logo. Afin de rendre plus efficace cette Loi, des révisions ont y été apportées avec notamment une extension de l’obligation de quitter le logement, laquelle est passée de deux semaines à un mois.
La Loi sur l’égalité des chances sur le marché du travail interdit toute discrimination à l’égard des femmes à tous les moments de leur vie de travailleuse. Cette Loi a conduit à une forte baisse des recrutements discriminatoires et l’égalité de traitement est bien meilleure. Cependant, si l’on analyse le pourcentage de femmes cadres et le revenu moyen des femmes, on constate que des fossés demeurent. Le Gouvernement a par conséquent créé un Conseil sur la promotion de mesures positives afin de mettre l’accent sur l’avantage qu’il y a à tirer profit des qualités propres aux femmes. S’agissant des différences de rémunération, les femmes gagnaient en 2002 66% de ce que gagnaient les hommes. Les causes essentielles de ce fossé sont dues à la différence de statut et au fait que les femmes travaillent moins longtemps. En outre, 70% de tous les travailleurs à mi-temps sont des femmes. Un Conseil comprenant des membres du marché du travail a examiné cette question et fera rapport en mars 2004. La Loi sur le congé parental a aussi été révisée en 2001 afin d’interdire le traitement discriminatoire des employés. En juillet 2001, le Cabinet du Premier Ministre a pris des mesures pour équilibrer travail et famille. Le nombre de jours de congés qui peuvent être pris pour s’occuper des enfants a été étendu et un congé parental de cinq jours pour les pères a notamment été institué. D’après une enquête menée en 2001, 2 femmes sur 3 ont cessé de travailler après la naissance de leurs enfants et l’on s’aperçoit que c’est essentiellement sur les femmes que repose le travail lié à l’éducation des enfants. Face au nombre croissant de mères célibataires, le Gouvernement a pris des mesures pour aider ces nouvelles familles monoparentales.
Poursuivant, Mme Bando a indiqué que les grands principes de la promotion des femmes fonctionnaires sont désormais mis en œuvre; l’objectif d’assurer un taux de 20% de femmes dans les conseils nationaux ayant été atteint en 2000. Mme Bando a tout de même reconnu que le nombre de femmes qui assument des fonctions importantes dans la société japonaise reste faible. Elle a ainsi indiqué que les femmes n’occupent que 8,9% des postes de direction dans le secteur public. En conséquence, le Gouvernement a décidé d’axer ses efforts sur les questions de la participation dans le processus de prise de décisions et dans les métiers de techniciens, d’ingénieurs ou de chefs d’entreprises. Les efforts du Gouvernement visent aussi à mettre en œuvre des mesures incitatives pour encourager les femmes à revenir sur le marché du travail après leur congé de maternité.
Dans ce contexte, une recommandation chiffrée a été faite visant à ce que les femmes détiennent 30% des postes de direction d’ici à 2020. Ce chiffre peut ne pas être impressionnant mais il représente, pour le Japon, un objectif ambitieux, a souligné Mme Bando qui aussi confié que le manque d’informations sur l’expertise et le capital des femmes ainsi que l’absence de modèles féminins constituent des obstacles réels à la promotion des femmes. Des recherches scientifiques et sociologiques ont donc été lancées pour remédier à ce problème. De plus, le Gouvernement travaille de pair avec les autorités locales pour collecter les informations nécessaires et grâce à tous ces efforts, un changement des mentalités se fait jour. Ainsi, si, en 1997, 67% des personnes s’étaient prononcées pour que les femmes renoncent à travailler pour le bien de leur famille, ce taux est tombé à 47% en 2002. Au titre d’autres efforts, Mme Bando a attiré l’attention du Comité sur le manuel de lutte contre les stéréotypes que son Gouvernement distribue dans toutes ses instances et, ce, avec l’aide des ONG. Mme Bando a aussi informé le Comité des efforts déployés pour neutraliser l’influence des systèmes fiscaux sur le choix des femmes. Les modes de pensée ne peuvent pas changer en un jour. C’est un travail de longue haleine auquel s’attèle le Gouvernement, a-t-elle conclu.
Dialogue avec les experts
Mme AYSE FERIDE ACAR, Présidente du Comité et experte de la Turquie, s’est félicitée de la coopération du Gouvernement japonais avec la société civile et de la présence de très nombreuses ONG japonaises aujourd’hui. Au nom du Comité, elle a salué la ratification le 12 juin dernier des amendements à l’article 20 alinéa 1 de la Convention qui montre le soutien du Gouvernement aux travaux du Comité. Cependant, elle a formulé l’espoir que le Protocole facultatif sera ratifié par le Japon car il s’agit d’un instrument qui permet une mise en œuvre plus efficace de la Convention.
Le grand nombre d’ONG ayant participé à l’élaboration du rapport ainsi que l’inclusion des informations fournies par ces dernières ont été salués par Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, experte de la Croatie. Elle s’est également félicitée du grand nombre de données statistiques disponibles dans le rapport mais a regretté le peu d’informations fournies sur les femmes appartenant à des minorités. Elle a salué le rôle actif du Japon pour ce qui est de la mise en œuvre de «Beijing + 5», mais a demandé davantage d’informations sur les mesures concrètes qui ont été prises pour éliminer toutes les discriminations dans la législation nationale. Elle a également demandé si le Gouvernement procèdera à un examen des commentaires de conclusion du CEDAW. Est-ce qu’il déploie des efforts pour que les sexospécificités soient prises en compte dans le budget? L’experte a enfin fait remarquer qu’il est dit dans le rapport que le Gouvernement s’est penché sur la possibilité de ratifier le Protocole facultatif, mais que certains estiment que cette ratification pourrait porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire. A ce jour, a-t-elle fait remarquer, 75 pays ont ratifié ce Protocole facultatif tout en disposant d’un pouvoir judiciaire indépendant. Que compte donc faire le Japon en la matière?
Dans le même ordre d’idées, Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l’Indonésie, a demandé si le Japon s’est fixé une date limite pour l’élimination de toutes les dispositions discriminatoires de sa législation. Elle a aussi demandé des précisions sur les programmes visant à concilier vie familiale et travail.
Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, s’est félicitée de la promulgation de Loi fondamentale pour une société fondée sur l’égalité des sexes qui, à ses yeux, représente une véritable réussite. La promulgation du plan fondamental est aussi très importante. Elle a cependant souhaité que des efforts soient déployés pour encourager les autorités locales à élaborer des projets concrets. Il faut que cette Loi fondamentale soit appliquée par toutes les préfectures. Pourquoi certaines d’entre elles ne l’ont-elles pas appliquée? Qu’en est-t—il, en outre, des groupes de femmes appartenant aux minorités? Elle a demandé des précisions sur les indicateurs socioéconomiques les concernant, notamment pour ce qui est des femmes coréennes.
A son tour, Mme HUGUETTE BOKPE GNANCADJA, experte du Bénin, a voulu savoir en quels termes juridiques est définie la discrimination à l’égard des femmes dans les lois japonaises. Comment, a-t-elle aussi demandé, est libellée la garantie de l’égalité des sexes dans la Constitution car il semble que des juges ont pu dénier un caractère anticonstitutionnel à des pratiques discriminatoires? Quel est, a poursuivi l’experte, le bilan du Premier Plan et celui du Second Plan depuis sa mise en application en juin 1999? Au niveau de la machine administrative, quels sont, par exemple, les modalités et le fruit de la collaboration entre l’Etat et la société civile et quelle suite les organismes judiciaires donnent à leur enquête? L’experte a aussi demandé à connaître les conclusions des rapports du Comité d’experts sur la violence. Se déclarant surprise de voir que ce n’est qu’en 2002 que le Japon s’est mis à étudier le concept de discrimination indirecte alors même qu’il est inscrit dans la Convention, Mme HANNA BEATE SCHÖPP-SHILLING, experte de l’Allemagne, a demandé des données ventilées par âge sur le statut des femmes. Le tableau, a-t-elle dit, serait différent et s’écarterait un peu de cette tradition du consensus à laquelle le Japon semble si attaché. Le Gouvernement japonais est, par exemple, trop prudent en matière de mesures spéciales, a-t-elle estimé en demandant pourquoi ce Gouvernement n’a pas pris de telles mesures à l’intention du secteur privé.
Intervenant aussi, Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, a voulu savoir si la fonction d’Ombudsman a été créée. Elle s’est, par ailleurs, déclarée préoccupée par le fait que l’inceste ne soit toujours pas pénalisé au Japon. Elle a, pour finir, demandé au Gouvernement du Japon de renforcer sa lutte contre les stéréotypes. Le poids de ces stéréotypes est particulièrement lourd dans la société japonaise, a dit en écho Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, en s’interrogeant sur les mesures qui ont été prises pour sensibiliser les décideurs politiques et sur le poids du budget alloué aux campagnes lancées à cette fin.
Répondant aux premières questions, Mme Bando a relevé les observations formulées au sujet de la volonté du Gouvernement japonais de tout faire fonctionner sur la base du consensus, ce qui empêcherait le pays de progresser. Nous ne pouvons pas faire changer complètement la société. Le Japon a avancé doucement mais sûrement sur la voie de l’égalité entre les sexes. Les lois qui ont été adoptées en la matière sont très importantes mais la situation ne peut pas changer du jour au lendemain par le simple fait de leur adoption. Le système social du Japon veut que le mari travaille pendant que la femme reste à la maison. Le système fiscal et les pratiques sociales sont fondées sur ce principe.
Le Bureau et le Conseil à l’égalité des sexes ont organisé des enquêtes sur l’évaluation de la perspective hommes/femmes en rapport avec ces pratiques sociales existantes au Japon. Il en ressort que trop d’attention est accordée au foyer mais le système fiscal fait l’objet d’une révision de même que le système de sécurité sociale. L’inclusion de la perspective hommes/femmes se fait petit à petit et le Bureau seul ne peut faire changer les choses. Tous les ministères et agences gouvernementales doivent se sentir parties prenantes. Des campagnes de sensibilisation au sein du public jouent un rôle non négligeable. Il est vrai que certains hommes politiques ont tenu des propos sarcastiques à l’égard de l’égalité entre les hommes et les femmes. Des sanctions doivent être prises. Lorsque de tels propos sont tenus, les médias s’en saisissent et ne les passent plus sous silence. Les agents de la Force de l’ordre qui sont appelés à travailler avec les femmes victimes doivent effectivement être formés pour répondre à leurs demandes. Certains départements de la police pourraient recevoir l’aide d’experts.
Le Gouvernement japonais n’a pas fixé d’objectif numérique ni de date concernant les mesures de discrimination positive. On a parlé de 20% d’ici à 2005 et il s’agit du seul objectif chiffré qui ait été fixé. Le recrutement et l’emploi des femmes dans la fonction publique se font à présent sur la base des préceptes d’un guide élaboré par le Gouvernement. Certains ministères sont particulièrement actifs et ont chiffré les objectifs de présence de femmes cadres. D’ici à 2020, dans tous les secteurs de la société, nous espérons que le taux des femmes à des postes de direction atteindra 30%.
En ce qui concerne la nomination d’un ombudsman, Mme Bando a précisé que des professionnels des droits de l'homme décident volontairement de travailler dans ce domaine en tant que médiateurs locaux. Nous souhaiterions que ces volontaires soient davantage sensibilisés aux questions relatives aux femmes. Les violations des droits des femmes sont plus fréquentes en zones rurales et nous espérons que ces médiateurs puissent faire quelque chose et que les plaintes remontent au Conseil. Le travail avance lentement mais, a rappelé Mme Bando, le Japon compte 120 millions de personnes, ce qui représente un obstacle en soi.
Le Gouvernement se penche sur la situation des femmes appartenant à des minorités mais il ne connaît pas assez bien leurs conditions de vie. Une enquête est actuellement en cours pour déterminer la situation de ces femmes. Nous estimons qu’il est important de recueillir des données statistiques en la matière mais pour le moment, il n’y a pas eu d’enquête sérieuse sur ces femmes. Le Comité pour le traitement des plaintes devrait pouvoir recueillir des données sur leur situation. Mme Bando a indiqué par ailleurs que le Gouvernement va procéder à une étude qui permettra de déterminer si la ratification du Protocole facultatif aura un impact sur l’indépendance du pouvoir judiciaire.
S’agissant de l’élaboration des plans au niveau des préfectures, la Directrice générale du Bureau de l’égalité entre les sexes s’est montrée optimiste et s’est dite convaincue que les préfectures qui ne l’ont pas encore fait élaboreront de tels plans dans un avenir proche. Le Bureau s’est d’ailleurs décidé à distribuer des brochures auprès des autorités locales concernées pour les aider à élaborer leurs plans. Au niveau des ministères, elle a indiqué que chaque ministère a l’obligation de lutter contre la discrimination conformément à son mandat et à la Convention. L’ensemble des mesures prises est suivi par le Conseil pour l’égalité entre les sexes qui dirige le Comité des traitements des plaintes. Un Comité spécial est également chargé de suivre les politiques et les procédures entreprises par le Gouvernement.
Concernant la discrimination indirecte, Mme Bando a admis que les réponses apportées sont encore lentes. Compte tenu du caractère «vague» du concept, un Groupe de recherche a été créé dont les conclusions ont permis la prise de mesures adéquates. Sur la question des travailleuses à mi-temps, là encore, elle a admis un réel problème; l’égalité des salaires demeurant un défi à relever. S’agissant de la lutte contre la violence domestique, elle a indiqué que le Comité spécial chargé de la question a présenté son rapport sur la mise en œuvre de la loi pertinente à la fin de l’année 2002. Le rapport a préconisé la formation des professionnels afin que les victimes soient correctement traitées, a-t-elle dit en attirant l’attention des experts sur le fait que le Comité spécial traite de toutes les formes de violence dont la prostitution.
Un autre membre de la délégation a fait remarquer que la Convention est directement appliquée dans la législation nationale. En ce qui concerne la politique du Gouvernement en matière d’emploi, le Gouvernement travaille sur des mesures de discrimination positives, reconnaissant que des mesures encore plus agressives doivent être prises, notamment en ce qui concerne la lutte contre les stéréotypes. Des études sont également menées sur le travail à mi-temps.
Notant qu’à la lecture des rapports périodiques, aucune décision de justice qui fasse état d’une référence aux traités internationaux ratifiés par le Japon ne semble avoir été rendue, a fait remarquer M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, qui a demandé si, dans ce cadre, la Convention CEDAW a déjà été évoquée dans une décision de justice au Japon. A la lumière de l’ouverture dont fait montre le Gouvernement japonais à l’égard des ONG, peut-on penser qu’il est prêt à entendre les plaintes et les revendications des victimes?
Faisant référence aux remarques de la délégation qui indiquait que les lois ne suffisaient pas à changer une société, M. GÖRAN MELANDER, expert de la Suède, a souligné qu’elles n’en restent pas moins un élément important. Il est également important de fixer des objectifs même si cela n’est pas suffisant. C’est pourquoi, la fonction de l’ombudsman existe avec succès dans de nombreux pays. Cette fonction n’a rien à voir avec la taille du pays. Parfois, on parle d’institution nationale des droits de l’homme sans citer le terme précis d’ombudsman. Cette institution existe pour offrir la possibilité de se battre contre des fonctionnaires qui ne sont pas parfaits. Enfin, l’expert a indiqué que la définition de ce qu’est la discrimination dans la Constitution japonaise ne lui semble pas pleinement alignée avec ce qui figure dans la Convention CEDAW.
Posant la question de l’accès des femmes à la justice, Mme KRISZTINA MORVAI, experte de la Hongrie, a demandé en quoi consiste le système d’aide judiciaire aux femmes. Pourrait-on avoir une analyse des mécanismes d’aide judiciaire en terme d’accès des femmes à la justice? Dans 90% des cas, le Gouvernement consacre davantage de son aide au pénal qu’au civil. Quels sont les moyens financiers qui sont accordés et quelles sont les chances pour une femme de gagner une affaire? Qui forme les juges, a-t-elle en outre demandé. La perspective hommes/femmes est-elle prévue dans la formation des juges?
Félicitant tout d’abord la délégation pour sa collaboration avec les ONG, Mme FATIMA KWAKU, experte du Nigéria, a demandé d’expliquer comment l’égalité entre les hommes et les femmes est respectée au sein du Conseil pour l’égalité entre les sexes. Quel est le pourcentage du budget national alloué à ce Conseil? Quelles est la situation dans le domaine de la pornographie impliquant des enfants? L’experte a aussi félicité le Gouvernement pour avoir pris en considération la question des femmes handicapées. Sur la question des femmes appartenant à des minorités, elle a souhaité que le prochain rapport périodique comporte des informations complémentaires.
Au sujet du Bureau pour l’égalité entre les sexes, Mme HEISOO SHIN, experte de la République de la Corée, demandé si le Conseil pour l’égalité entre les sexes entend demander un budget plus important. Comment le Gouvernement compte-t-il intégrer la question des droits des femmes au sein de la Commission des droits de l’homme qui va être créée? Elle a également demandé comment il est possible de punir le vol plus sévèrement que le viol et la traite des personnes?
Poursuivant la série de questions, Mme ROSARIO MANOLO, experte des Philippines, a voulu connaître la nature des dispositions juridiques concernant les poursuites judiciaires engagées contre des prostituées. Elle a aussi soulevé la question de l’exploitation de femmes étrangères par les hommes japonais avant d’aborder celle de la «neutralité des sexes». Que doit-on entendre par ce nouveau concept, a demandé l’experte en soulignant que le Comité a pour objectif principal de défendre l’égalité entre les sexes? S’agissant de la violence à l’égard des femmes, elle s’est interrogée sur l’absence de données statistiques sur le harcèlement sexuel et le viol conjugal. La Loi sur la violence conjugale couvre-t-elle tous les aspects de la violence et toutes les victimes de la violence, a demandé, à son tour, l’experte du Portugal? Qu’en est-il de la participation des médias dans la lutte contre les stéréotypes et quel est le pourcentage des femmes qui y travaillent, a-t-elle encore demandé en voulant avoir aussi une vision claire des dispositions juridiques sur la protection des femmes victimes de trafic? Quelle est l’ampleur du phénomène et quelle est la structure d’accueil mise en place à l’intention de ces femmes?
Répondant à cette deuxième série de questions, la Directrice générale du Bureau de l’égalité entre les sexes a d’abord donné les informations voulues sur la situation des «femmes de réconfort». En la matière, elle a jugé que la Convention ne peut leur être applicable compte tenu de l’époque où se sont déroulés les faits. Le Gouvernement japonais, a-t-elle indiqué, estime qu’il a fait le nécessaire en transmettant ses excuses et en faisant part de son intention d’aider ces femmes d’une manière ou d’une autre. Passant à la question de l’allocation du budget alloué au Bureau de l’égalité entre les sexes, elle a estimé que le Gouvernement ne doit pas être seul à allouer un budget au Bureau. Il faut y impliquer des acteurs extérieurs comme le secteur privé. La taille du budget et le nombre du personnel ne sont pas les questions les plus importantes. Ce qui importe, a-t-elle dit, c’est l’implication de toute la société. Concernant la pornographie des enfants, elle a réaffirmé que cette pratique est interdite par la loi de 1999 tout en reconnaissant, par ailleurs, l’absence de lois qui permettent de poursuivre les proxénètes ou qui ciblent directement la traite des femmes.
Expliquant la notion de «neutralité des sexes», Mme Bando a expliqué qu’il s’agit de neutraliser l’impact sur le choix des femmes du système fiscal, de celui de la sécurité sociale ou encore des pratiques japonaises dans le domaine d’emploi. Concernant la part des médias dans la lutte contre la discrimination, elle a indiqué que compte tenu de l’attachement à leur indépendance, il est difficile pour le Gouvernement de leur dicter telle ou telle démarche. De plus, les femmes journalistes ne représentent que 10% de la profession. A la question sur les femmes handicapées, elle a répondu qu’il existe un peu plus de 3 millions de personnes handicapées avant de rappeler qu’après le programme qui s’est achevé en 2001, un autre a été adopté pour la période allant jusqu’en 2012.
La Directrice générale a aussi reconnu, avec les experts, que l’indépendance de la future Commission des droits de l’homme est une question importante. La loi prévoit, a-t-elle indiqué, que les femmes doivent y être représentées à hauteur de 40% au moins.
Revenant sur la question de la violence à l’égard des femmes, elle a souligné que la loi couvre la violence physique et la violence psychologique et sexuelle. Si le premier type de violence fait l’objet d’une loi spécifique, le deuxième type est envisagé sous l’angle des dispositions juridiques relatives à la protection des victimes. Complétant les informations sur la question de la pornographie impliquant les enfants, un autre membre de la délégation a indiqué qu’en 2002, les autorités compétentes ont procédé à 291 arrestations. De plus, la Diète a pris l’initiative d’approuver une loi pour lutter contre la prostitution sur Internet. La traite des êtres humains, a-t-il poursuivi, est un vrai problème au Japon. Reconnaissant l’inexistence de lois pour lutter contre ce phénomène, il a néanmoins attiré l’attention sur les autres lois qui peuvent être invoquées pour condamner ces activités dont la Loi sur l’immigration ou celle sur les activités de loisir des adultes qui prévoient des peines allant jusqu’à 10 ans. Cette dernière Loi a d’ailleurs fait l’objet d’une révision permettant, par exemple, de confisquer les passeports des femmes concernées et autorisant les autorités à procéder à des contrôles. Le Gouvernement japonais a aussi pris l’initiative de renforcer sa coopération avec les pays d’Asie du Sud-Est comme la Thaïlande et de proposer une assistance technique et financière à ces pays. La Diète prend actuellement d’autres mesures en se préparant à ratifier la Convention pertinente. S’agissant des mesures de protection des victimes, le Gouvernement essaye d’obtenir que des femmes policières procèdent aux entretiens.
Une autre membre de la délégation a indiqué que le Ministère de la santé a fourni des données qui montrent que les femmes étrangères ont un accès facile aux services médicaux conformément à la loi pertinente qui interdit à tout médecin de refuser de donner des soins et, ce, que la Loi sur l’immigration ait été violée ou non. En outre, les centres de soins d’urgence se chargent des soins d’urgence pour les non-ressortissants et au cas où la patiente ne peut rembourser les frais, il revient au Gouvernement de les prendre en charge. La Directrice générale a ensuite attiré l’attention sur la loi relative à la fourniture de conseils et des services d’aide judiciaire. Concernant ce dernier point, elle a reconnu la longueur et le coût des procédures judiciaires qui, a-t-elle expliqué, a justifié la mise en place d’un système d’aide judiciaire qui s’applique aux affaires civiles et pénales. En 2003, une allocation budgétaire «non négligeable» a été débloquée à cette fin, a-t-elle souligné. Dans les tribunaux, la problématique hommes/femmes est bien prise en compte parce que les juges sont tenus de suivre une formation aux questions d’égalité entre les sexes, a-t-elle ajouté. Le concept de discrimination à l’égard des femmes figure dans la Constitution japonaise et la définition de ce concept correspond en tous points à celle de la Convention, a précisé la Directrice générale en répondant à une autre question.
Les réponses de la délégation montrent des avancées en faveur des droits des femmes, a estimé Mme FRANÇOISE GASPARD, experte de la France, mais elles sont trop lentes. Les Japonaises, notamment les plus jeunes, aspirent à l’autonomie mais se heurtent encore à de très fortes résistances pour parvenir à certains postes de direction et aux fonctions électives. Le pourcentage de femmes élues à la Chambre haute a même baissé. Ceci serait dû au mode de scrutin. La question de la représentation des femmes est-elle prise en compte lors de l’adoption de nouveaux scrutins? Existe-t-il au sein de la Diète une commission spécialement chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes? La faible proportion des femmes dans la justice et dans les fonctions juridiques est également inquiétante. L’augmentation du nombre de femmes juges est très lente et le nombre d’avocates a même baissé. Il y a encore un nombre infime de femmes dans la police. Comment les membres de la police sont-ils recrutés?
Sur le même point, Mme VICTORIA POPESCU SANDRU, experte de la Roumanie, a voulu savoir si la faible représentation des femmes aux postes de direction est due au fait que des stéréotypes du rôle de la femme persistent. La procédure des quotas est-elle utilisée au Japon et comment la société japonaise considère-t-elle ces mesures? Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, s’est dite frappée de voir que le Japon, un des pays les plus riches du monde, ne soit pas parvenu à un avancement plus rapide de la condition de la femme en raison, selon les rapports périodiques, du manque de moyens. Comment la délégation peut-elle expliquer ce paradoxe? Le Gouvernement du Japon ne pourrait-il pas prendre des mesures de discrimination positive dans les domaines législatif, exécutif et judiciaire? Mme CHRISTINE KAPALATA, experte de la République-Unie de Tanzanie, s’est dite frustrée en ce qui concerne l’application des articles 7 et 8 par le Japon. Il y a neuf ans, nous avions demandé au Gouvernement japonais de prendre des mesures pour l’amélioration la représentation des femmes en politique. Or, aujourd’hui, nous disons exactement la même chose. Cette situation reflète-t-elle un problème systémique propre au Japon? Le Gouvernement du Japon doit fournir une meilleure évaluation de la raison de cette faible représentation dans son prochain rapport.
Poursuivant la série de questions, l’experte du Portugal a relevé une contradiction entre l’intérêt des femmes à participer à la vie politique et les opportunités qui leur sont offertes pour occuper des postes de direction. Il en va de même pour le secteur privé et le pouvoir judiciaire, a-t-elle aussi relevé. Posant la dernière question, l’experte du Bénin a demandé, quant à elle, d’expliquer pourquoi les japonaises d’origine coréenne ne bénéficient pas des mêmes droits à exercer des fonctions publiques de haut niveau que les autres Japonaises. Elle a aussi posé la même question en ce qui concerne les membres des communautés minoritaires. Sur la question de la nationalité, elle a qualifié de discrimination le déni de la nationalité japonaise à un enfant de père japonais et de mère étrangère dans le cas où le père n’aurait pas reconnu l’enfant durant la grossesse.
Les Japonaises aussi sont frustrées de la lenteur des progrès, a confié la Directrice générale du Bureau de l’égalité entre les sexes en notant, par exemple, que sur 42 gouverneurs seulement 4 sont des femmes. La représentation des femmes est également en diminution au sein du Parlement, a-t-elle dit en imputant ces résultats au système proportionnel. Ces problèmes n’ont pourtant pas convaincu les partis politiques d’adopter le système de quotas, a-t-elle regretté en attirant néanmoins l’attention des experts sur le fait que pour beaucoup de femmes, embrasser une carrière politique ou professionnelle équivaut à renoncer à sa vie privée. Toutefois, les derniers sondages montrent que ce sont désormais essentiellement les femmes âgées de plus de 60 ans et les hommes de plus de 50 ans qui entretiennent les anciens stéréotypes. La société est donc en train de changer même si l’évolution se fait trop lentement, a affirmé la Directrice générale en disant s’attendre à de nouveaux progrès grâce aux différentes mesures de discrimination positive. Concernant le droit de vote, elle a indiqué qu’il est réservé aux citoyens et aux citoyennes japonais âgés de 20 ans et plus.
Dans le cadre d’une autre série de questions, l’experte du Bangladesh, commentant la question du travail à temps partiel, a voulu savoir pourquoi le choix des femmes se porte sur ce type d’arrangement. La Loi sur le travail à temps partiel dispose-t-elle de clauses sur la non-discrimination, a-t-elle demandé en s’interrogeant aussi sur la garantie de l’emploi, en particulier en ce qui concerne les dispositions relatives à l’ancienneté? S’agissant des groupes ethniques, elle a relevé le taux d’analphabétisme élevé dans certains d’entre eux et a souhaité connaître la nature des mesures prises pour remédier à cette situation. Venant à la question de la santé des femmes, elle a regretté le manque d’informations sur les politiques en faveur des femmes âgées dont le nombre est important au Japon.
Evoquant de nouveau la question des femmes de réconfort, l’experte de la Hongrie a appelé le Japon à reconnaître ce problème «historique et global» qui faisait que les femmes étaient traitées comme une sous-espèce. Reconnaître ce fait, a-t-elle insisté, serait donner plus de crédibilité à la politique japonaise pour la promotion de la femme. Dans le même registre, l’experte de Maurice a voulu savoir dans quelle mesure les employeurs japonais ont reçu la formation appropriée en ce qui concerne la Convention. Soulevant, dans ce cadre, la question de la disparité salariale, l’experte a demandé une évaluation du système mis en place pour palier cette situation. Les indicateurs utilisés jusqu’ici seraient satisfaisants pour un pays en développement mais sont inquiétants pour un pays comme le Japon, a estimé l’experte de l’Egypte, Mme NAELA GABR. Elle a encouragé le Gouvernement à mener des études sérieuses sur l’habilitation économique des femmes japonaises qui représentent, a-t-elle souligné, 51% de la population. Leur habilitation ne peut donc avoir qu’un effet positif sur l’économie japonaise, a insisté l’experte en demandant, par ailleurs, des données concernant l’influence de la libéralisation du secteur agricole sur la situation des femmes rurales.
Pour sa part, l’experte de l’Allemagne a demandé à la délégation d’indiquer les mesures prises par le Gouvernement et les syndicats pour corriger les problèmes de disparité de salaires. Sur le même sujet, l’experte de la République de Corée a demandé de préciser les sanctions imposées aux employeurs qui ne respectent pas la Loi sur l’égalité en matière d’emploi.
La création de cours et l’organisation de conférences sur l’égalité entre les sexes ont été saluées par l’experte du Bénin qui a aussi regretté l’existence de manuels donnant une image stéréotypée de la femme. L’éducation mixte est-elle la règle au Japon, a demandé l’experte du Portugal? Les programmes sont-ils les mêmes pour les garçons et les filles, a-t-elle aussi demandé?
A ces dernières questions, la délégation a admis que la sensibilisation aux qualités des femmes doit être renforcée. Les femmes qui veulent retourner sur le marché du travail doivent le faire à mi-temps. Elles ne peuvent pas exercer leurs pleines capacités. Le retour à un poste à plein temps est très limité. Les personnes qui travaillent à mi-temps bénéficient des mêmes assurances que les autres et des progrès ont été obtenus en ce qui concerne le principe de «à travail égal, salaire égal».
Reprenant les questions, l’experte du Nigéria a demandé quelle était la politique en œuvre en matière de divorce. Qu’en est-il de la reconnaissance des enfants illégitimes qui semblent faire l’objet de discrimination, ont demandé les experts de la Suède et de l’Algérie. Cette dernière a encore demandé si le consentement est requis pour la femme en cas de mariage. Quelle est la volonté politique du Gouvernement japonais de modifier les pratiques discriminatoires en ce qui concerne l’article 16 de la Convention CEDAW, a demandé l’experte croate? L’experte de la République de Corée a précisé que le Gouvernement ne doit pas fuir son obligation d’appliquer la Convention sous prétexte qu’il coopère avec les ONG. L’absence d’évaluation de la mise en œuvre de l’article 15 a été regrettée par l’experte du Bénin. Elle s’est aussi dite inquiète de la façon dont le viol est réprimé et a souhaité obtenir des précisions sur le régime matrimonial de la communauté des acquêts.
Répondant à ces dernières questions, la Directrice générale du Bureau de l’égalité entre les sexes a d’abord évoqué les dispositions relatives à la succession pour reconnaître les différences de traitement entre les enfants légitimes et les enfants illégitimes. Une juridiction supérieure, a-t-elle indiqué, a jugé «fondée et raisonnable» cette disparité mais le débat se poursuit au Japon. Pour ce qui est du partage des biens après le divorce, elle a reconnu que dans 90% des cas, les divorcés font l’objet d’une médiation et généralement, a-t-elle reconnu, ce qui est réservée à la femme est minime.
En conclusion, la Présidente du Comité et experte de la Turquie s’est félicitée des progrès effectués par le Japon, en citant la Loi sur l’égalité des chances sur le marché du travail. L’adoption des lois ne suffit pas, a-t-elle néanmoins averti, il faut encore les traduire dans la pratique. Le Comité, a-t-elle dit, attend des progrès encourageants dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, de la santé et dans la prise de décisions. La Présidente du Comité a souligné la nécessité pour le Gouvernement de continuer à lutter contre les stéréotypes. C’est là, a-t-elle insisté, une question fondamentale au Japon. De la même manière, elle a insisté sur le caractère prioritaire qu’il faut donner à la formation des fonctionnaires et notamment des autorités judiciaires et des décideurs politiques. Le Comité attend des programmes de sensibilisation à l’intention de ces autorités. Le Comité attend aussi une évaluation de ces programmes et projets. La Présidente s’est encore dite encouragée de voir à quel point la société civile japonaise est sensible à la question de l’égalité des sexes. Pour elle, le Gouvernement doit pouvoir se reposer sur ce tissu associatif et se servir du nouvel état d’esprit qui anime les jeunes générations pour continuer de faire progresser la société japonaise. La Présidente a aussi attiré l’attention du Gouvernement sur la nécessité de collecter des informations sur la discrimination à l’égard des femmes appartenant à des minorités ethniques. Elle a enfin souligné la position défavorisée des femmes sur le marché du travail notamment la disparité salariale et la ségrégation dans l’emploi.
Remerciant le Comité pour ses encouragements et ses «remarques constructives», la Directrice générale a admis le chemin qui reste à parcourir. Son pays, a-t-elle souligné, se trouve désormais sur la bonne voie. Elle a reconnu avec le Comité la nécessité de sensibiliser les autorités judiciaires, les décideurs politiques et la société japonaise tout entière. Elle a promis de diffuser les conclusions du Comité au Gouvernement du Japon et de continuer à coopérer avec ce dernier.
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