LES EXPERTS DU CEDAW CRITIQUENT LA POLITIQUE DE LA FRANCE EN MATIERE DE PROSTITUTION
Communiqué de presse FEM/1255 |
Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
614e et 615e séances – matin et après-midi
LES EXPERTS DU CEDAW CRITIQUENT LA POLITIQUE DE LA FRANCE
EN MATIERE DE PROSTITUTION
La situation des jeunes femmes issues
de l’immigration également une source d’inquiétude
La France, berceau des droits de l’homme et dont les mouvements féministes des années 60 ont été imités dans le monde entier, a été invitée aujourd’hui par les experts du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) à déployer davantage d’efforts pour être à la hauteur de sa réputation. Les experts ont regretté en particulier le maintien de réserves* à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, vingt ans après sa ratification, l’existence de dispositions législatives jugées «absurdes» et la persistance de discriminations multiples envers certains groupes de femmes.
Ayant ratifié en décembre 1983 un texte que l’on considère désormais comme une véritable charte des droits de la femme, la France présentait ce matin, conformément à ses obligations, les mesures qu’elle a prises pour assurer à ses citoyennes la jouissance de leurs droits et libertés fondamentales. Depuis le 9 juin 2000, les Françaises victimes de discriminations fondées sur le sexe sont désormais en mesure de porter plainte auprès du Comité dès lors que tous les recours nationaux ont été épuisés. La délégation française était conduite par la Ministre déléguée à la parité et à l’égalité professionnelle, Nicole Ameline, qui a assuré le Comité de la détermination de son Gouvernement d’honorer ses engagements.
Les critiques des experts ont plus particulièrement porté sur la Loi sur la sécurité intérieure promulguée le 18 mars 2003. Ce texte créé une nouvelle incrimination de la traite des êtres humains, mais également un délit de racolage passif à l’article 18, faisant dire à l’expert des Pays-Bas, Cornelis Flinterman, que la France est devenue le premier pays de l’Union européenne à considérer les femmes prostituées comme des délinquantes.
L’experte de l’Algérie, Meriem Belmihoub-Zerdani, est allée jusqu’à qualifier l’article 18 de cette Loi d’aberration dans la mesure où il manque un élément – moral, matériel ou juridique - permettant de qualifier le délit. Elle a par ailleurs dénoncé la non-conformité de l’article 29 de cette Loi avec le droit français. En vertu de ces dispositions, les femmes étrangères prostituées n’ont accès à une protection que si elles acceptent de porter plainte et de témoigner contre leur souteneur, ce qui, selon Mme Belmihoub-Zerdani, constitue un véritable chantage qui est d’ailleurs puni par la loi française.
La situation des femmes et jeunes filles issues de l’immigration a également suscité de nombreuses interrogations, en particulier par l’experte du Portugal, Regina Tavares da Silva, qui a regretté le peu de mesures qui leur sont consacrées, notamment pour lutter contre la violence à leur égard. Une experte a également suggéré que le Gouvernement français engage une réflexion sur les moyens de lutter contre les mariages forcés conclus dans les milieux de l’immigration. La persistance du droit coutumier dans certains des Territoires d’outre-mer a aussi inquiété les experts, notamment à Mayotte où la polygamie et la répudiation sont une réalité pour la population qui est, à 80%, soumise au statut de droit musulman. Une évolution significative vient toutefois d’être marquée par l’adoption il y a quelques jours de la Loi de programme pour les Territoires d’outre-mer qui contient un article abrogeant la polygamie à Mayotte, la répudiation et les dispositions discriminatoires relatives à la dévolution successorale.
Les experts ont toutefois reconnu l’existence d’une réelle volonté politique au sein du Gouvernement en faveur de la parité qui s’est manifestée, entre autres, par la reconnaissance de la notion de discrimination indirecte dans le droit français. La Loi électorale qui prévoit un quota de 50% de candidats de chaque sexe a permis d’atteindre la parité aux élections municipales de mars 2002, les femmes représentant 47,5% des conseillers municipaux dans les communes de plus de 3 500 habitants. Aux élections sénatoriales de 2001, la part de femmes élues était de 21,5% contre 6% lors des élections précédentes. Les femmes n’occupent cependant que 11% des sièges au Sénat et elles ne représentent que 6% des postes de maire.
Le Comité entendra les réponses de la délégation du Brésil aux questions posées par les experts, lundi 7 juillet à 10 heures.
* La France a annoncé son intention de lever ses réserves aux articles 5b) sur l’éducation familiale et 16d) sur les droits et responsabilités des parents.
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 18 DE LA CONVENTION SUR L’ÉLIMINATION DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES
Troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques de la France (CEDAW/C/FRA/3-5)
L’égalité entre les femmes et les hommes devant la loi est acquise en droit et est un principe à valeur constitutionnelle. Ces principes ont été complétés par de nouvelles dispositions contenues dans le Traité d’Amsterdam. De plus, trois axes de travail prioritaires ont été dégagés au printemps 2000 dans la cadre de la plate-forme gouvernementale pour les femmes, à savoir: l’accès des femmes aux responsabilités; l’égalité professionnelle et l’articulation du temps de vie; les droits fondamentaux des femmes et la lutte contre les violences. Un premier rapport statistique intitulé «regards sur la parité» a été publié en octobre 2001 tandis que l’action du Gouvernement s’appuie désormais sur un document budgétaire relatif aux droits des femmes et à l’égalité.
La France a fait de l’articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle un des thèmes de sa présidence de l’Union européenne en 2000. Elle a présenté un rapport sur ce thème et le Conseil de l’Union européenne a par la suite adopté une résolution contenant neuf indicateurs quantitatifs et qualitatifs d’évaluation. La Loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 instaure un congé de paternité de 11 jours ouvrés. La Loi du 4 juillet 2001 a fait passer le délai légal pour l’interruption volontaire de grossesse (IVG) de 10 à 12 semaines avec possibilité pour les femmes mineures de garder le secret à l’égard des titulaires de l’autorité parentale.
La lutte contre la violence a constitué également un des objectifs essentiels du Gouvernement. D’après une enquête nationale lancée auprès de 7 000 femmes âgées de 20 à 59 ans, près d’une femme sur dix a fait état de violences conjugales (physiques, sexuelles, verbales et psychologiques). Près d’une femme sur dix a subi des agressions sexuelles au cours de sa vie et près de deux femmes sur dix dénoncent les pressions psychologiques sur le lieu du travail. Le Gouvernement a lancé en janvier 2001 le plan d’action interministériel contre la violence.
Pour ce qui est des mesures temporaires spéciales, une loi électorale de juin 2000 prévoit 50% de candidats de chaque sexe. Aux élections législatives, la loi prévoit une sanction financière pour ceux qui ne respecteraient pas le principe de la parité des candidatures. Cette nouvelle disposition qui a été mise en œuvre pour la première fois aux élections municipales, ce qui a doublé la proportion des conseillères municipales. Toutefois, le nombre de femmes maires reste très faible, soit 6,6%.
S’agissant de la prostitution et de la traite des femmes, le rapport précise que la France a signé la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son Protocole visant à réprimer le trafic des personnes. Ce texte est actuellement soumis au Parlement pour sa ratification. La lutte a été renforcée contre le proxénétisme en élargissant notamment la définition d’association de malfaiteurs et en créant une nouvelle infraction caractérisée par le fait de ne pas pouvoir justifier de son train de vie. Une mission parlementaire s’est par ailleurs attachée à décrire la réalité française de l’esclavage moderne et une proposition de loi renforçant la lutte contre les diverses formes d’esclavage.
Cette proposition de loi envisage l’incrimination de la traite des êtres humains ainsi que l’octroi d’un titre de séjour temporaire pour les victimes de la traite qui accepteraient de porter plainte ou de témoigner contre un trafiquant. La prostitution des mineurs a fait l’objet de nouvelles dispositions en comblant le vide juridique des mineurs prostitués de 15 à 18 ans et en introduisant pour la première fois un délit pour les clients. Les peines d’amendes actuelles, prononcées dans le cadre de la répression du proxénétisme (comprises entre 150 000 et 4,5 millions d’euros) sont relativement dérisoires par rapport aux gains générés par l’exploitation sexuelle. L’application de sanctions financières et les procédures de saisies gagneraient à être renforcées.
Pour ce qui est de la vie politique et publique, le rapport indique que le Gouvernement comptait en avril 2002 neuf femmes, soit 27%, dont deux occupent les troisième et quatrième places au sein du Gouvernement. La place des femmes dans les institutions régionales et départementales reste faible, ce qui représentait en 1998 25% des conseillers régionaux et 7,9% des conseillers généraux. Le Conseil constitutionnel comprend trois femmes. Elles sont également majoritaires dans la fonction publique toutefois elles ne représentent plus que 15% dans les hautes fonctions. Dans les grands corps de l’Etat, la proportion de femmes reste faible mais a triplé pour passer de 7% à 20,6% en 2000. Au 32 octobre 2001, on comptait 9,5% de femmes ayant rang d’ambassadeur, et 10% de femmes occupant des postes de consul général. Au sein de l’administration centrale, le nombre de femmes assumant des fonctions à responsabilités est de 30 sur un total de 149.
S’agissant de l’éducation, le rapport indique que le taux de réussite des filles au baccalauréat dépasse toujours les 80% en 2001 et reste supérieur à celui les garçons. Les filles réussissent mieux leur premier cycle universitaire (55,6%), leur part augmente dans le second cycle (56,9%) mais s’inverse au niveau du doctorat (50,2%). Plus des trois quarts des filles sont inscrites en langues, lettres, sciences du langage et arts. On compte 23% de femmes recteurs d’université, 45,50% de directeurs, 37% de maîtres de conférences et 14% de professeurs, 77% d’instituteurs, 51,40% d’agrégées ou encore 17,80% des présidents de jury de concours.
Sur le marché du travail, le taux d’activités des femmes entre 25 et 49 ans était de 79,3% en 2000 contre 94,8% pour les hommes. Il existe un écart de 3,2% entre le taux de chômage des femmes et celui des hommes et un écart de salaire de 24,8%.
Dans le domaine de la santé, le rapport précise que si le nombre de cas de sida déclaré a continué de baisser chez les hommes (une diminution de 9%), il a augmenté de 9% chez les femmes en raison de l’augmentation du nombre de cas chez les femmes africaines. Il y a au moins 20 000 femmes et plus de 10 000 fillettes mutilées ou menacées de l’être sur le territoire français. Les risques encourus par les exciseuses en France ont conduit à un changement de comportements. Les fillettes sont désormais de plus en plus mutilées dans leur pays d’origine au cours de vacances.
Présentation par l’État partie
Mme NICOLE AMELINE, Ministre déléguée à la parité et à l’égalité professionnelle de la France, a précisé que son Ministère relève de celui des affaires sociales, du travail et de la solidarité qui constitue une large part de travail ministériel qui doit être accompli en coopération avec le Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche qui tient compte systématiquement de la démarche d’intégration des sexospécificités. Elle a également expliqué que bien que la Constitution française consacre la supériorité des traités et accords sur les lois, force est de constater que la Convention n’est pas totalement mise en œuvre en France.
Après avoir décrit ses diverses responsabilités au sein de diverses structures consacrées à l’égalité entre les sexes, la Ministre a précisé que sur le plan juridique, la Loi sur la lutte contre les discriminations apporte des modifications importantes au Code du travail en élargissant le champ de la discrimination interdite par la Loi concernant le patronyme, l’apparence physique, l’âge et l’orientation sexuelle. Le texte introduit la notion de discrimination indirecte dans le droit français. La discrimination à raison du sexe a été spécifiquement traitée dans la Directive 97/80 du Conseil de l’Union européenne.
La parité dans la prise de décisions et dans la vie politique a focalisé le débat ses dernières années. La révision de la Constitution, le 28 juin 1999, a consacré le principe de l’égalité d’accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Une loi tendant à favoriser leur entrée dans la vie politique ainsi qu’une loi organique pour les territoires d’outre-mer ont été promulguées le 6 juin 2000. La loi électorale prévoit 50% de candidats de chaque sexe et est articulée autour de mesures obligatoires et de sanctions financières pour les partis qui ne respectent pas la parité. L’objectif de la parité a été atteint aux élections municipales de mars 2002, les femmes représentant 47,5% des conseillers municipaux dans les communes de plus de 3 500 habitants mais elles n’occupent que 6,6% des postes de maire. Aux élections sénatoriales de 2001, la part de femmes élues pour la série renouvelée a été de 21,5% alors qu’elle n’était que de 6% lors du renouvellement précédent. En revanche, lors des élections législatives de juin 2002, seules 12,3% de femmes ont été élues. A l’issue des élections européennes de 1999, 40,2% de sièges avaient été remportés par des femmes.
Depuis la mise en place du Gouvernement actuel, des femmes ont été nommées à des postes qui étaient traditionnellement réservés aux hommes, et notamment la présidence de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ou encore la direction des sports au Ministère des sports. La présidence d’AREVA, grande entreprise publique nationale, est assurée par une femme.
La Ministre a reconnu que rien dans la législation française ne réprime l’incitation à la discrimination sexiste et une réflexion a donc été lancée avec les ministères concernés et les responsables des grands médias sur la création d’un mécanisme permettant de réprimer une telle discrimination liée au sexe ou à l’orientation sexuelle.
S’agissant de la prostitution et de la traite des personnes, la Ministre a rappelé que la France a ratifié en 2000 la Convention de Palerme, et en 2002, son Protocole facultatif sur la répression de la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants. La Loi sur la sécurité intérieure promulguée le 18 mars 2003 a créé une nouvelle incrimination de traite des êtres humains passible de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. La loi prévoit qu’une autorisation provisoire de séjour, assorti d’un droit à exercer une activité professionnelle, pourra être délivrée si la personne porte plainte ou témoigne en justice contre une personne qu’elle accuse de proxénétisme. En cas de condamnation définitive, la personne prostituée pourra bénéficier d’une carte de résident. La législation française est la plus sévère à l’encontre des personnes qui exploitent des prostituées. Depuis 2001, le proxénétisme est passible au minimum de sept ans de prison et de 150 000 euros d’amende. La Loi du 4 mars 2002 crée un nouveau délit prévoyant des circonstances aggravantes pour le client ayant eu recours aux services d’un mineur de moins de 15 ans.
La Loi sur la sécurité intérieure prévoit également qu’à compter de 2004, le Gouvernement fera rapport à l’Assemblée nationale et au Sénat un rapport sur l’évolution de la situation démographique, sanitaire et sociale des prostituées ainsi que des moyens dont disposent les associations qui leur viennent en aide. La Ministre a évoqué par ailleurs les discriminations persistant sur le marché du travail tout en précisant que malgré tout, l’activité professionnelle des femmes continue de progresser. Elles représentent 45,9% de la population active mais restent sous-représentées aux postes les plus qualifiés et leur part est plus importante dans les contrats à durée déterminée.
Poursuivant, Mme Ameline a indiqué que les femmes ne représentent que 30% des créateurs d’entreprises. D’où la démarche retenue qui consiste à développer à la fois des actions spécifiques et des actions transversales. Concernant les actions spécifiques, on peut citer la création du Fonds de garantie destiné à permettre aux femmes d’accéder plus facilement aux emprunts bancaires. Concernant les actions transversales, le Ministère développe un partenariat avec l’Agence pour la création d’entreprises sur la promotion de l’entrepreunariat féminin.
La France condamne fermement toutes les formes de violence qui nient les droits humains des femmes et ne leur permettent pas de jouir de leurs libertés fondamentales. Afin de mieux connaître la réalité des violences, une enquête nationale sur les violences à l’encontre des femmes en France a été réalisée de mars à juillet 2000, à la demande des pouvoirs publics, par une équipe de chercheurs. Les résultats ont notamment fait apparaître que ces violences constituent un fait social qui concerne tous les milieux sociaux et culturels et toutes les tranches d’âge. Un plan d’action triennal a été lancé à la suite des assises nationales sur les violences faites aux femmes de 2001 qui comprend, entre autres, la création d’une commission nationale contre les violences faites aux femmes. En matière pénale, depuis 1994, la particulière gravité des violences au sein du couple est reconnue puisque toute violence commise par le conjoint ou le concubin constitue un délit puni de trois ans d’emprisonnement et de 6 860 euros d’amende. La répression du viol a été aggravée en 1994 puisqu’il est désormais puni de quinze ans de réclusion criminelle, au lieu de dix ans auparavant. Une campagne d’information et de sensibilisation sera lancée au deuxième semestre de 2003 sur le thème de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la dignité et du respect de l’autre.
Les politiques de santé menées par la France visent à prendre en compte les perspectives de genre et l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes. Il s’agit désormais d’étendre la réflexion et de développer un partenariat avec le Ministère de la santé sur des problématiques de santé, à la fois celles qui sont spécifiques aux femmes et celles qui, sans les concerner directement, ont des répercussions sanitaires comme le sida, la toxicomanie ou le tabagisme. S’agissant de la santé reproductive, les pouvoirs publics français s’attachent à développer une politique active de prévention des grossesses non désirées.
La Loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999 offre aux conjoints d’agriculteurs qui ne souhaitent pas de devenir co-exploitants ou associés, la possibilité de choisir le statut du conjoint collaborateur, qui renforce les droits en matière de retraite. Par ailleurs, le Ministère de l’agriculture développe un programme intitulé «femmes, formation et emploi en milieu rural», qui vise à promouvoir la prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes en milieu rural. Des dispositions ont en outre été introduites dans le droit français afin de favoriser un partage plus égalitaire des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes. Le thème de l’articulation de la vie familiale et de la vie professionnelle est au cœur de la question de l’égalité, dans la mesure où près de 80% des tâches domestiques reposent encore sur les femmes et que ces dernières sont des variables d’ajustement du temps collectif. Il convient donc de faire de l’accueil des jeunes enfants une responsabilité partagée entre l’Etat et les collectivités locales, les entreprises et la famille. La Loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a ouvert un congé de paternité de 11 jours à l’occasion de la naissance ou de l’adoption d’un enfant.
En conclusion, la Ministre a indiqué qu’il faut aujourd’hui combler le fossé entre une égalité «de droit», où des progrès importants sont intervenues et une égalité réelle, qui reste à réaliser, en prenant en compte tous les domaines de la vie économique, politique et sociale. Nous sommes confrontés à deux défis. Le premier est de permettre aux personnes en difficulté de rejoindre la collectivité nationale pour participer au progrès et jouir de ses fruits. Le second est d’établir une démocratie paritaire où les femmes qui auront la même éducation, la même formation que les hommes, apporteront leurs talents et leurs compétences. Il est un domaine, cependant, celui de la parité dans la prise de décisions, quel qu’en soit le niveau, où la conviction des femmes a rencontré beaucoup de résistance. L’appartenance à l’Union européenne est un soutien pour la cause des femmes, et plus d’une directive a poussé la France à dépoussiérer sa législation.
Dialogue avec les experts
S’exprimant au nom des autres experts, Mme AYSE FERIDE ACAR, Présidente du Comité et experte de la Turquie, a dit son appréciation pour le niveau élevé de la délégation française ainsi que pour les initiatives mises en œuvre par la France pour donner suite à la Convention, notamment la notion de discrimination élargie à la discrimination indirecte. Cependant, nous aurions souhaité une reconnaissance plus forte de la réalité de la discrimination à l’égard des femmes telle qu’elle se manifeste en France. Ces discriminations sont une réalité pour divers groupes de femmes comme les femmes issues de l’immigration, les migrantes et les réfugiées. En raison de son histoire, on attend beaucoup de la part de la France pour remédier aux multiples discriminations dont souffrent ces femmes. La Présidente a rappelé que dans les années 60, le mouvement féministe en France a été imité dans le monde entier. Aujourd’hui, la France doit calquer son rythme sur celui du mouvement en faveur des femmes dans le monde. Mme Acar a regretté que la France n’ait pas encore levé ses réserves à la Convention, vingt ans après sa ratification, même si elle dit apprécier l’intention du Gouvernement de lever de telles réserves.
Saluant la présence de l’importante délégation française faisant preuve d’une réelle volonté politique ainsi que l’enthousiasme et la sincérité de la délégation, Mme NAELA GABR, experte de l’Egypte, a reconnu que la France a joué un rôle pionnier dans le domaine des droits de l’homme. C’est ce qui explique les attentes importantes que nous plaçons en elle. Nous attendons de la France qu’elle donne l’exemple en proposant des mécanismes novateurs permettant de réaliser l’égalité entre les hommes et les femmes. Nous nous félicitons des mesures législatives en vigueur ainsi que de la participation de la société civile. L’experte de l’Egypte a suggéré à l’Etat partie de se doter d’un mécanisme de coordination permettant de traiter de nombreuses questions liées entre elles comme les stéréotypes, la violence à l’encontre des femmes, l’intégration des jeunes filles issues de l’immigration dans le respect de leurs convictions culturelles. Nous attendons de la France qu’elle dispose d’un organe national pour les questions relatives à la lutte contre les discriminations.
Préoccupé par la place que la Convention occupe dans le droit français, M. CORNELIS FLINTERMAN, expert des Pays-Bas, a relevé que le Pacte international pour les droits civils et politiques ne fait partie intégrante du droit français et que ses dispositions ne sont donc pas directement applicables. Est-ce que la Convention est directement applicable dans l’ordre juridique français? L’entrée en vigueur du Protocole facultatif à la Convention aura—t-elle une incidence sur la place de la Convention dans la hiérarchie des normes? L’expert a regretté ne pas disposer d’informations sur la situation des femmes dans les DOM-TOM. Quels sont les instruments mis en place pour encourager les territoires d’outre-mer à appliquer la Convention? Faisant référence à la Loi sur la sécurité intérieure, l’expert a relevé que ce texte crée un délit de sollicitation, y compris la sollicitation passive. Peut-on dire que la France est devenue le premier pays de l’Union européenne à considérer les femmes prostituées comme des délinquantes et, si oui, pour quelles raisons?
Mme MARIA REGINA TAVARES DA SILVA, experte du Portugal, a souhaité obtenir des précisions sur les résultats concrets de la plate-forme mise en œuvre, visant à harmoniser les conditions de travail pour les hommes et les femmes. Elle a regretté que peu soit fait en faveur des femmes issues de l’immigration, notamment pour lutter contre la violence dont elles sont victimes. En ce qui concerne les moyens de promotion de l’égalité entre les sexes, Mme SJAMSIAH ACHMAD, experte de l’Indonésie, s’est dite préoccupée par l’inexistence de mécanismes de suivi de toutes ces activités. Quelle est la participation des organisations non gouvernementales dans les processus de suivi des mesures prises?
Après avoir fait remarquer que plus de la moitié des personnes qui se prostituent en France sont des étrangères, Mme AIDA GONZALEZ MARTINEZ, experte du Mexique, s’est félicitée de l’aggravation des peines contre les clients des mineurs. Cependant, elle a regretté qu’aucune référence aux résultats obtenus grâce aux différentes mesures qui ont été prises en matière de lutte contre la prostitution ne figure dans le rapport. Elle a demandé cependant si, dans l’application du programme de lutte contre la traite, on a pu établir parmi les victimes de la traite des jeunes filles mineures. Combien de personnes victimes de cette traite ont-elles été sauvées, combien de ces personnes sont étrangères? A-t-il été possible de déterminer le nombre de celles qui ont décidé de rester en France et de celles qui ont préféré rentrer dans leur pays d’origine?
En matière de polygamie, Mme KRISZTINA MORVAI, experte de la Hongrie, a demandé s’il existe une véritable stratégie qui donnerait aux femmes et aux enfants un accès au système judiciaire leur permettant de recevoir l’aide de juristes compétents. Soulignant le lien étroit entre prostitution et traite, de même que le caractère oppresseur, violent et sexiste de ces phénomènes, elle a demandé des précisions sur les efforts déployés par la France en la matière. Elle a également émis l’espoir que la Loi qui incrimine le client de prostituées mineures ouvre la voie vers la criminalisation de tous les autres clients.
Répondant aux questions des experts, Mme AMELINE, a expliqué que la France suit une logique faisant de l’égalité un principe actif de l’organisation de l’ensemble de la société. Deux axes majeurs sont suivis: la relance du dialogue social pour donner un contenu réel à la loi et l’élargissement de ce dialogue au sein d’un conseil national de l’égalité qui permettra d’associer le Gouvernement et les forces vives de la nation autour de la question de l’égalité. Ce conseil constituera l’outil qui nous permettra de faire émerger une culture de l’égalité. La Convention fait partie intégrante du droit applicable en France et prime sur toute norme législative. Toutefois, pour qu’un traité ratifié soit invoqué devant le juge, ses dispositions doivent s’appliquer directement.
Sur la question de la prostitution, la France estime que la majorité des prostituées sont des victimes de réseaux internationaux. La récente Loi sur la sécurité intérieure qui s’applique depuis trois mois vise ces réseaux dont l’activité a déjà été réduite. Il est vrai que nous n’avons pas fait de différence entre racolage actif et racolage passif dans la mesure où l’activité des réseaux porte atteinte à la dignité humaine. Nous avons mis en place un système de cartes de résident pour ceux qui veulent dénoncer ces réseaux et mettons en place un programme de suivi et d’insertion professionnelle.
S’agissant de l’égalité au quotidien, un autre défi majeur de notre temps est la reconnaissance de la paternalité dans le milieu professionnel. Nous avons par ailleurs engagé une réflexion en deux temps sur les médias mais il est vrai qu’un pas significatif devra être fait en matière de déontologie professionnelle. Elle a expliqué que l’approche du genre intégrée aux mesures prises à tous les niveaux est la logique pro-active que suit le Gouvernement.
Pour ce qui est des femmes issues de l’immigration, la Ministre a fait état de diverses initiatives qui seront lancées à l’avenir comme la publication d’un guide sur le respect de la dignité élaboré à leur demande et co-financé par le Gouvernement ainsi que la création d’universités pour les femmes des quartiers. Nous souhaitons que ces jeunes femmes issues de l’immigration soient des citoyennes à part entière. Nous mettons à l’heure actuelle un système de création d’entreprises pour ces femmes. En vertu du nouveau contrat d’accueil et d’intégration que nous venons de mettre en place, les nouveaux arrivants signent un contrat qui fixe les droits et devoirs dans lequel il est expressément indiqué que les mariages forcés et les mariages polygames sont interdits.
Intervenant à son tour, Mme BRIGITTE GRESY, Chef de service des droits des femmes et de l’égalité, a rappelé que la Conférence de la famille a travaillé dans deux directions. Elle a tout d’abord visé à simplifier les prestations financières permettant aux parents de garder leurs enfants. Les prestations d’accueil du jeune enfant sont destinées aux deux parents. Elles comportent aussi deux branches: une allocation destinée aux parents et un autre type d’allocation destinée au couple «biactif» qui a besoin de faire garder ses enfants. Les prestations d’accueil prévoient un niveau de financement supérieur et sont désormais accessibles au premier enfant. L’offre de garde a en outre été développée en raison du manque de place en crèches. On constate également une plus grande implication des entreprises dans la problématique de la responsabilité parentale. Un crédit d’impôt a été proposé qui prévoit le financement par les entreprises de places dans les crèches et des coûts de l’indemnisation de congés pour les enfants malades. Ces mesures prises dans le cadre de la Conférence de la famille sont trop récentes pour en faire une évaluation.
En ce qui concerne l’image des femmes, le Gouvernement doit trouver un équilibre entre la liberté de créer et d’entreprendre et le principe du respect de la personne humaine dans les mesures prises. Il favorise le renforcement de l’autodiscipline par le biais du Bureau de vérification de la publicité qui a procédé à sa propre réforme puisqu’il a accentué son travail sur la notion de violence. Il y a dix jours, les afficheurs ont annoncé qu’ils soumettraient leurs publicités au Bureau de vérification.
En matière de budget consacré à la parité entre les sexes, le Gouvernement demande à chaque Ministère de donner l’état exact des financements des mesures attribuées aux femmes et des financements des mesures qui peuvent éventuellement toucher les femmes afin de retracer l’effort financier de l’Etat en matière d’égalité mais aussi des collectivités locales. Une nouvelle loi organique a contraint les différents ministères à transformer leurs présentations budgétaires pour faire en sorte que les missions-programmes retracent la politique du Gouvernement. Il faut essayer d’obtenir une mission transversale sur l’égalité entre les hommes et les femmes qui détermine l’accès de ces dernières aux postes de responsabilités, le respect de la dignité de la personne et l’articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle. Il faut également créer des indicateurs associés en nombre réduit, notamment dans le domaine de l’égalité professionnelle.
Concernant les femmes issues de l’immigration, on a vu récemment un renforcement des mesures destinées à sanctionner les viols commis par des groupes. Le 27 septembre 2002, la Cour d’assises, dans le procès des mineures de Pontoise, a prononcé contre les auteurs des peines de 5 à 12 ans de réclusion criminelle. Des contrats d’accueil et d’intégration ont en outre été créés qui mentionnent le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes et la lutte contre la polygamie. Au-delà du bilan social et de la formation linguistique, le contrat prévoit une formation civique d’une journée sur le fonctionnement de l’Etat et des collectivités territoriales.
M. JEAN-LUC GUARDIOLA, Sous-Directeur des affaires politiques au Ministère des DOM-TOM, a rappelé qu’en droit français, les conventions internationales s’appliquent de plein droit aux Territoires d’outre-mer (TOM) sous réserve de la non-applicabilité figurant dans l’instrument lui-même. Or, ce n’est pas le cas dans la Convention qui nous occupe. Cependant, les TOM bénéficient d’un statut d’autonomie, c’est-à-dire que la loi de la métropole ne s’applique pas directement. Elle doit avoir été rendue applicable dans ces territoires. La législation interne applicable aux TOM peut comporter des différences considérables en matière de droits civils et sociaux. En ce qui concerne les formes de discrimination visées par la Convention, nous avons vérifié les lois applicables dans les territoires et aucune d’entre elles ne comporte de dispositions contraires à la Convention.
En ce qui concerne l’invocabilité de la Convention, à l’heure actuelle, aucun recours individuel sur la base de la Convention n’a été présenté devant les tribunaux compétents des TOM. Si un tel recours devait être exercé, le juge devrait s’interroger sur la pertinence de ce dernier. Il pourrait considérer que telle ou telle disposition peut être invoquée par la requérante.
Après avoir demandé à la délégation française d’indiquer les efforts accomplis par le Gouvernement pour diffuser le texte du Protocole facultatif et son contenu, M. HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, a également demandé ce que le Gouvernement comptait faire au sujet de ses réserves à l’article 16g) de la Convention sur les droits personnels des époux alors que le pays a annoncé son intention de lever ses réserves aux articles 5b) sur l’éducation familiale et 16d) sur les droits et responsabilités des parents. Que faites–vous pour sensibiliser les hommes aux discriminations envers les femmes? Il est temps de tenter de modifier les comportements des hommes. En effet, si les sanctions en France sont lourdes à l’encontre des hommes coupables de violence à l’égard des femmes, elles donnent peu de résultats. Il faut également prendre des mesures particulières pour les femmes immigrées pour qu’elles ne perdent pas leur titre de séjour si elles dénoncent leur mari. L’experte de la Roumanie, revenant sur l’article 5 relatif aux stéréotypes, a demandé si le Gouvernement avait l’intention de mener une évaluation du contenu sexiste des productions audiovisuelles ainsi que de l’Internet. Elle a souhaité des renseignements sur la situation des jeunes filles issues de l’immigration dans les écoles, relevant qu’il n’existe pas de disposition légale qui interdise la discrimination fondée sur le sexe.
Pour sa part, M. GORAN MELANDER, experte de la Suède, a demandé si les juges et le public connaissaient la Convention et son Protocole et quelles mesures ont été mises en œuvre dans ce contexte? Revenant à la situation des femmes issues de la traite, l’expert a demandé ce qu’il advenait à la prostituée ayant dénoncé son proxénète dans le cas où celui-ci est acquitté? Si les femmes ne veulent pas témoigner, sont–elles expulsées?
Peu convaincue par les réponses apportées par la délégation de la France sur la question de la prostitution, Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANI, experte de l’Algérie, a noté que la Loi sur la sécurité intérieure introduit dans son article 18 le délit de racolage, y compris par une attitude même passive, ce qui est aberrant dans la mesure où il manque un élément qui permette d’introduire un délit: un élément moral, matériel ou légal. Cet article doit être abrogé si on veut continuer de croire en l’exemple que donne la France en matière de législation. En outre, l’article 29 indique que les femmes étrangères ne seront protégées et ne disposeront d’un titre de séjour que si elles portent plainte et témoignent: il s’agit d’un véritable chantage qui est d’ailleurs puni par la loi française.
Cet article est sans fondement et n’est pas conforme au droit français. Il s’agit d’une discrimination à l’égard de ces femmes qui seront expulsées si elles refusent de témoigner. Nous espérons que cette loi tombera dans quelques mois en désuétude ou qu’elle sera abrogée. Est-ce que des décisions ont été rendues en vertu de cette loi et, dans l’affirmative, quelle en a été la teneur?
Mme DUBRAVKA SIMONOVIC, experte de la Croatie, a demandé quant à elle si le Gouvernement a approuvé les rapports présentés aujourd’hui et si le Parlement les avait examinés. Est-ce que les mesures prises dans le cadre de la réalisation de la parité dans la vie politique sont temporaires?
Quel est le Ministère chargé de la coordination des politiques de parité, a demandé Mme FUMIKO SAIGA, experte du Japon? Concernant la publicité, elle a rappelé que ce qui a été fait se présente sous forme de recommandations et a demandé si ces dernières se sont soldées par des résultats concrets. Sur le même point, Mme MARIA YOLANDA FERRER GOMEZ, l’experte de Cuba a souhaité connaître les mesures concrètes qui ont été prises pour lutter contre la diffusion d’une image dégradante de la femme et pour éradiquer les modèles culturels et les stéréotypes à leur encontre. Il faudrait en particulier mettre en place des programmes de sensibilisation dans les médias vis-à-vis à des journalistes en particulier et des femmes qui travaillent dans les médias. Face au fait que la société française tolère encore le problème de la violence à l’égard des femmes, elle a demandé si les résultats de l’enquête nationale qui a été faite ont été publiés? Pour ce qui est des femmes migrantes, des mesures systématiques doivent être prises pour encourager l’éducation de la population sur toutes les questions les concernant en vue de respecter la culture de ces femmes.
Mme HUGUETTE BOKPE GNANCADJA, l’experte du Bénin, a voulu avoir la confirmation qu’aucune des lois territoriales ne soit contraire à la Convention car elle a appris que la polygamie dans les TOM était encore de mise, que l’âge minimum requis pour le mariage était de 15 ans et que la répudiation avait encore cours. En ce qui concerne la violence dans les banlieues, des mesures sont-elles prévues pour la prise en charge de ces formes de violence pernicieuses?
En matière de diffusion de l’information sur le Protocole facultatif, a répondu Mme AMELINE, le Gouvernement doit déployer des efforts plus systématiques. Pour ce qui est de la sensibilisation des hommes, elle a réaffirmé la volonté du Gouvernement de souligner la gravité sociale d’un tel phénomène par la répression et la sévérité des sanctions mais aussi en accordant une attention particulière aux pathologies liées à ces comportements. Il est vrai qu’il reste beaucoup à faire en ce qui concerne l’image de la femme dans les médias. Sur ce terrain, le Gouvernement va redoubler d’efforts. Les productions audiovisuelles ont fait l’objet d’une évolution. Des femmes sont chargées de responsabilités plus importantes là où elles n’étaient autrefois qu’adjointes, notamment dans la police ou la justice. Le Gouvernement a lancé une opération sur les femmes et les nouvelles technologies pour que les femmes puissent avoir accès à la formation, garder un rôle éducatif avec leurs jeunes enfants qui maîtrisent parfaitement les programmes Internet et rétablir un lien familial entre la mère et les enfants. Des expériences sont menées dans l’éducation pour faire évoluer l’image des femmes dans l’ensemble de l’enseignement. On a cependant remarqué la persistance de conservatismes dans l’orientation professionnelle des jeunes filles. C’est pourquoi, nous avons lancé une brochure qui permet à tous les jeunes de France de mener à bien un projet quel qu’il soit. Le Gouvernement a la volonté d’affranchir l’ensemble des jeunes de toute idée préconçue sur la possibilité de réussir leur vie.
Les femmes issues de l’immigration sont au cœur des préoccupations du Gouvernement qui veut faire en sorte qu’elles puissent suivre pleinement leur scolarité et avoir accès au droit à la connaissance et au parcours professionnel. Nous menons avec les maires une réflexion sur la façon de conduire des actions sur le terrain de la formation. Il est vrai, en outre, que la Convention est insuffisamment connue en France. Il faut donc déployer des efforts en la matière. En ce qui concerne la prostitution, le Gouvernement fonde son action sur le droit, la liberté et la dignité. Nous estimons que les jeunes femmes prostituées ne sont pas victimes d’une fatalité qui les maintiendrait sur les trottoirs de France. Il faut leur offrir une seconde chance. Le dispositif juridique vise prioritairement les réseaux criminels. Nous avons aussi passé des accords internationaux pour que ces jeunes femmes ne quittent pas leurs pays et lorsqu’elles le font fait, pour les y ramener dans des conditions d’humanité. Nous voulons protéger ces jeunes femmes et les procès visent à offrir à toutes celles qui le souhaitent la possibilité de contribuer à mettre fin aux réseaux de traite et une chance réelle de réinsertion. Toute personne victime de l’exploitation de la prostitution doit pouvoir bénéficier d’un système de protection en collaboration avec les divers services d’assistance sociale. Nous avons ouvert des crédits adaptés pour permettre cet accueil dans des conditions satisfaisantes. Nous considérons ces personnes comme des victimes et non comme des délinquantes. Le droit français se fonde sur la limitation au maximum de l’exploitation d’autrui. Enfin, Mme Ameline a précisé que le rapport a fait l’objet d’une très grande concertation au sein du Gouvernement.
Mme Ameline, a précisé que son Ministère est délégué auprès du Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il dispose d’une réelle autonomie qui s’inscrit dans une transversalité liée au thème de l’égalité entre les sexes. C’est d’ailleurs la première fois qu’il existe un Ministère à part entière consacré à cette question, a indiqué Mme Ameline, qui a confirmé également que les organisations non gouvernementales figurent au premier rang des instances consultées.
En qui concerne les femmes et les médias, Mme BRIGITTE GRESY, Chef de service des droits des femmes et de l’égalité, a indiqué que le Bureau de vérification de la publicité est un organisme composé et financé par des professionnels. Nous sommes vraiment là sur le terrain de l’autodiscipline. Quant à l’impact des recommandations, on constate qu’on ne trouve plus de publicités qui font appel à la dégradation du corps des femmes. Cependant, d’autres formes d’atteintes sont fondées sur la domination.
Pour ce qui est de l’impact de la loi sur la sécurité intérieure, Mme Gresy a fait savoir qu’une circulaire a été élaborée par le Ministère de la justice qui indique que la priorité consiste à démanteler les réseaux et à adopter des mesures pour un traitement social de la victime. La question de l’accueil des victimes a fait l’objet des trois lois renforçant la présomption d’innocence. Les mesures consistent à former des agents pour l’accueil des victimes et à leur réserver un espace de confidentialité. Des travailleurs sociaux ont été installés dans les commissariats pour mieux accueillir les victimes. Dans le domaine de l’emploi, des aménagements matériels ont été effectués dans les entreprises pour permettre aux femmes de s’insérer dans des chaînes de production.
Reprenant la parole, la Ministre a ajouté que la loi sur la parité a créé une accélération de la prise de conscience de la nécessité d’une démocratie plus respectueuse des femmes. Cependant, il y a encore des instances qui ne sont pas encore suffisamment représentatives. Une évaluation sera effectuée dans les années qui viennent pour mesurer les avancées et les freins aux propositions en matière de parité dans les partis politiques. La prise de conscience est néanmoins très forte aujourd’hui.
M. GUARDIOLA a confirmé que la polygamie et la répudiation sont une réalité à Mayotte où 80% de la population sont soumis au statut de droit musulman. Cette situation s’explique par l’application de l’article 75 de la Constitution de 1958 selon lequel les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé. Cet article permet de garantir le droit de vivre selon des règles coutumières qui leur sont propres, mais il ne prive pas le législateur de la possibilité de faire évoluer par la loi le statut personnel des personnes concernées en supprimant telle ou telle disposition du droit qui apparaît comme un archaïsme injustifié. Une loi du 8 mars 2000 a imposé la présence effective des époux lors du mariage et l’âge de 15 ans minimum pour la femme. Une évolution significative vient d’intervenir puisque la Loi de programme pour les Territoires d’outre-mer qui a été votée par le Parlement contient un article qui abroge la polygamie à Mayotte, la répudiation et des dispositions discriminatoires relatives à la dévolution successorale.
Lorsque la France a adopté une nouvelle loi en 2000 pour promouvoir un accès des femmes à des postes politiques, a rappelé l’experte de la République de Corée, cette mesure avait fait l’objet d’une grande couverture de la part des médias dans son pays. Elle s’est félicitée des succès remportés dans ce domaine. Cependant, après les élections municipales en 2001, a-t-elle regretté, seulement 6,6% des maires élus sont des femmes. Dans ce contexte, elle a demandé si le Gouvernement a l’intention d’appliquer un système contraignant pour les élections de maires. Des analyses ont-elles été faites pour expliquer un si faible taux? Elle a préconisé que des mesures proactives soient mises en œuvre en la matière.
De son côté, l’experte de l’Algérie a dit sa déception quant à la faible proportion de femmes au Parlement, et surtout au Sénat où elles ne représentent que 11% des sièges, alors qu’il existe une loi électorale favorable à la participation des femmes. Cette loi ne comporte-t-elle pas des lacunes et insuffisances, a-t-elle demandé tout en relevant que les taux de participation étaient plus élevés avant l’adoption de cette loi. Il faudra trouver des solutions plus contraignantes pour que les femmes aient leur place au XXIème siècle. Pour sa part, l’experte du Portugal a souhaité des informations sur l’accès des femmes aux grandes écoles et sur les conséquences de la semaine de 35 heures.
Répondant aux questions et commentaires formulés par les experts, la Ministre déléguée à la parité et à l’égalité professionnelle a expliqué que la Loi sur la parité a été promulguée en France car le Gouvernement est convaincu que la modernité politique repose sur la nouvelle dynamique homme/femme dans la société. Nous constatons qu’il existe une génération exceptionnelle de femmes élues qui constituent des sources de responsabilités et de pouvoirs nouveaux qui leur permettront d’exercer davantage de responsabilités dans le cadre du programme de décentralisation accru. Il est vrai qu’elles ne sont que 6,6% de femmes maires mais le mouvement est engagé. Il est vrai que la loi n’impose pas la parité au niveau de l’exécutif. Cette loi mérite cependant des corrections.
Nous sommes également dans des processus de concertation importante avec les partis politiques. Nous faisons également en sorte que les nominations soient la manifestation de l’équilibre homme/femme. C’est sur l’égalité réelle des chances qu’il faut faire porter nos efforts. Nos actions portent aussi bien sur la sensibilisation des jurys de concours à la formation sur les carrières. Nous comprenons désormais que l’économie a autant besoin des hommes que des femmes alors que dans le passé, les femmes n’étaient que des forces d’appoint.
En matière d’organisation des temps dans la fonction publique, Mme GRESY a précisé que des chartes ont déjà été élaborées dans les ministères qui visent notamment à faire en sorte qu’hommes et femmes n’aient pas à assister à des réunions au-delà de 18 heures. Le Gouvernement insiste également sur la nécessaire féminisation des noms de métier, fonction, grades et titres.
L’experte de l’Egypte a souligné la modestie du nombre de femmes diplomates. Elle a donc suggéré la possibilité d’introduire des quotas en la matière. Sur ce point, la Ministre a répondu que le Gouvernement s’attachait à promouvoir des femmes à ces postes en se fixant des obligations de résultats sans pour le moment envisager des quotas.
La situation économique des femmes âgées a fait l’objet de questions de la part de Mme HANNA BEATE SCHÖPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, qui a souligné qu’un certain nombre de facteurs contribuent à leur précarité, notamment les conditions de travail, la différence de salaires avec les hommes, les effets potentiels du divorce, la déstructuration du système de pension et le phénomène de la discrimination multiple. Existe-t-il des études concernant la pauvreté des femmes âgées et, si c’est le cas, quel est le pourcentage de femmes qui sont touchées par ce phénomène? Dans le contexte de la réforme du régime des pensions, dans quelle mesure le Ministère délégué à la parité et à l’égalité professionnelle est-il en mesure d’influencer la situation des femmes précaires dans ces efforts de restructuration? Le secteur de la société civile féminine est-il entendu à cet égard? L’experte s’est enfin dite insatisfaite par les réponses fournies concernant l’application du droit coutumier dans certains des Territoires d’outre-mer dans la mesure où ce droit va souvent à l’encontre des intérêts des femmes. Elle a donc suggéré à la France de faire preuve d’imagination en la matière.
Regrettant ne pas pouvoir disposer de renseignements sur les progrès réalisés en matière de santé des femmes, l’experte du Mexique a souhaité que la délégation française puisse présenter les résultats concrets des programmes mis en place. L’application de la Loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) a-t-elle favorisé cette pratique ou non, et quelle est l’incidence de l’avortement sur la société? Le recours aux contraceptifs a-t-il augmenté? Estimant qu’un pays développé comme la France dispose de telles statistiques, elle a souhaité connaître le taux d’incidence du tabagisme et des drogues sur la santé des femmes? Nous espérons que le Comité n’aura pas à attendre 10 ans avant l’examen du prochain rapport.
Prenant à son tour la parole, Mme PRAMILA PATTEN, experte de Maurice, a relevé que s’il existe peu de discriminations de jure, il existe encore des discriminations de facto répandues dans le domaine de l’emploi. Quelles sont les mesures concrètes prises afin de sensibiliser les femmes à leur droit au travail, quel est le budget alloué à ce type de campagne et dans quelle mesure le Ministère délégué à la parité et à l’égalité professionnelle collabore avec les syndicats? Les contrats d’égalité professionnelle portent-ils uniquement sur le recrutement des femmes? Quels sont les autres mécanismes à votre disposition pour garantir l’absence de discrimination après le stade de recrutement? Que fait le Gouvernement pour mettre en œuvre cette série impressionnante de lois adoptées et l’accès des femmes à la justice?
En ce qui concerne l’article 12, l’experte de la Croatie a voulu savoir si la reproduction médicalement assistée est prise en charge par les services de santé. L’experte de l’Indonésie a, quant à elle, souhaité savoir si le Comité sur la formation créé en 2002 inclut dans ses activités des programmes de formation non pas uniquement des forces de police, mais aussi des juges et des personnels de l’administration. Ce Comité travaille-t-il aussi en direction des syndicats? Les droits de la femme sont-ils enseignés dans les facultés de droit et de médecine? Quelles mesures ont été prises pour combattre la violence dans le système éducatif, a demandé l’experte du Portugal? Cette dernière a aussi voulu savoir pourquoi les femmes ne sont représentées qu’à hauteur de 14% parmi les enseignants dans l’enseignement supérieur et a demandé que le Gouvernement prenne des mesures pour corriger cette disparité. Quelles sont les mesures que le ministère de la parité préconise face au problème du maintien des inégalités de salaires à travail égal et formation égale, a demandée l’experte de l’Algérie? Quel est l’écart du taux de chômage entre les femmes et les hommes? Cet écart fait-il l’objet d’une réflexion par garantir un accès équitable au travail? Comment est répartie la richesse entre les hommes et les femmes en France? La France s’est-elle engagée par des dispositions financières à faire en sorte que 0,7% de son PNB soit destiné à l’aide publique au développement?
Reprenant à nouveau la parole, Mme AMELINE a rappelé l’importance de l’indépendance économique des femmes, notamment pour celles qui entrent dans le troisième âge. Près de 41% d’entre elles touchent une retraite peu élevée contre 11% seulement d’hommes. La mise en place de l’allocation d’autonomie est une des dernières mesures que nous avons mises en place en réponse à la nécessaire amélioration des conditions de vie. Le faible niveau des retraites est moins à rechercher dans le système des retraites que dans le niveau des carrières. Il faut que les carrières des femmes génèrent des droits suffisants. Nous avons également lancé une politique de prévention en facilitant la prise en charge de maladies. S’agissant de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), nous avons fait passer le délai légal de 10 à 12 semaines depuis l’année dernière. Le nombre de femmes ayant recours à l’avortement avoisine les 220 000 par an, la plupart résultant d’accidents de contraception. S’agissant de la violence, la Ministre a précisé que des modules avaient été mis à la disposition des enseignants pour leur permettre d’inculquer les préceptes de base du respect de l’autre. Cette éducation doit également être soutenue à la maison. Les cours civiques et d’éducation à la vie vont être développés. Dans le monde du travail, la Ministre a précisé que, tout au long de la carrière, les obstacles à la promotion professionnelle mènent à des disparités salariales mais il est très rare d’assister à des écarts de salaires pour le même travail.
Répondant tout d’abord sur la question des femmes âgées, Mme GRESY a mentionné la construction d’un plan national de lutte contre l’exclusion qui prend notamment en charge les femmes âgées. Leur accès aux soins de santé est particulièrement pris en compte. En ce qui concerne le VIH/sida, elle a indiqué que peu d’études sont effectuées sur les effets que produisent les médicaments sur la physiologie de la femme mais il a été établi que les antirétroviraux agissent de façon différente sur les hommes et les femmes. Concernant la contraception en France, environ 74,6% des femmes utilisent une méthode contraceptive. La pilule est la méthode la plus utilisée devant le stérilet et le préservatif. Une contraception d’urgence est en outre délivrée aux élèves mineures et majeures. On a constaté une très forte proportion des 15-18 ans qui l’utilisent avec le risque qu’elles la considèrent comme le moyen principal de contraception.
Dans le monde de l’entreprise, des contrats d’égalité sont signés entre une entreprise et l’Etat et sont destinés à augmenter la qualification des femmes sur les postes de travail. Le Gouvernement s’efforce également de renforcer la place des femmes dans les institutions représentatives du personnel et des partenaires sociaux. A cette fin, une Commission égalité a été créée au sein du Comité d’entreprise dans les entreprises de plus de 200 salariés. En cas de discrimination, la Loi du 16 novembre 2001 facilite le recours à la justice en allégeant la charge de la preuve qui incombe à l’employeur. La notion de discrimination indirecte est également définie par cette loi. Nous nous efforçons en outre de conférer des pouvoirs plus importants aux représentants du personnel et d’obliger les entreprises à produire un rapport sur la situation comparée des hommes et des femmes en matière de recrutement. Il reste beaucoup à faire dans le domaine de l’enseignement et des missions pour la parité au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ont été mises en place de façon à promouvoir la femme aux postes de direction dans les instituts de recherche.
L’experte de la Hongrie a voulu savoir si l’âge minimum du mariage est le même pour les hommes et les femmes en France. Elle a également suggéré au Gouvernement français d’adopter une attitude beaucoup plus active pour lutter contre le phénomène des viols collectifs. Les femmes peuvent-elles ne pas adopter le nom du mari, a demandé l’experte de l’Allemagne. Des mesures appropriées ont-elles été prévues pour lutter contre la réputation raciste d’une certaine frange de la police à l’égard des plaignantes immigrées, a demandé pour sa part l’experte béninoise. Enfin, une dernière question a été posée par l’experte de l’Algérie qui a insisté sur la question des mariages contractés entre des femmes très jeunes et des hommes très âgés dans la mesure où il s’agit souvent de mariages forcés. Il serait bon d’initier une réflexion pour déterminer quelle pourrait être la différence d’âge maximum car ces mariages sont souvent contractés pour faire revenir les jeunes femmes dans leur pays d’origine. Ne serait-il pas possible de divulguer un numéro vert à l’attention des femmes qui subissent ce type de mariage?
Mme GRESY a répondu que des opérations fortes ont été menées dans le domaine de la formation des services de police visant à mieux tenir compte de la gravité des faits de violence à l’égard des femmes et de leur nécessaire traitement. Concernant les mariages forcés, l’action qui est menée aujourd’hui insiste sur la nécessité absolue du consentement. L’âge minimum du mariage est de 18 ans pour les garçons et de 15 ans pour les filles.
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