L’ALBANIE PRECISE SA POLITIQUE EN FAVEUR DE L’EGALITE ENTRE LES SEXES TOUT EN ADMETTANT LES LIMITES DE SON ACTION
Communiqué de presse FEM/1234 |
Comité pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes
605e séance – matin
L’ALBANIE PRECISE SA POLITIQUE EN FAVEUR DE L’EGALITE ENTRE LES SEXES TOUT EN ADMETTANT LES LIMITES DE SON ACTION
La Présidente du Comité pour l’égalité des chances en Albanie a, ce matin, reconnu les limites de l’action gouvernementale en faveur de la parité entre les hommes et les femmes, répondant ainsi à une série de questions posées le 16 janvier dernier par les 23 experts indépendants du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). L’Albanie, qui est partie depuis 1993 à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, avait, pour la première fois, présenté les mesures législatives, administratives et autres prises par le gouvernement pour garantir la protection des droits des femmes en Albanie. Les experts avaient plus particulièrement exprimé leurs préoccupations quant à l’accroissement des disparités entre les sexes depuis la transition à une économie de marché et au désengagement de l’État sur les questions d’égalité entre les sexes.
Ladvie Ruci, Présidente du Comité pour l’égalité des chances en Albanie, a indiqué que la Convention n’avait en effet jamais été invoquée devant la Cour constitutionnelle qui n’a pas non plus interprété le principe de l’égalité entre les sexes. Selon la Constitution toutefois, tout citoyen peut se prévaloir des instruments internationaux ratifiés par le Parlement.
En matière d’emploi, il n’existe pas actuellement de programmes spécifiques en faveur des femmes mais certains sont en cours d’élaboration et devraient être mis en œuvre au cours du deuxième trimestre 2003, de même que des schémas de microcrédit dans les régions rurales. Malgré les nombreuses initiatives menées par le Comité pour l’égalité des chances pour inclure davantage de femmes sur les listes des partis, les résultats ont été mauvais. Le pourcentage de femmes dans le Parlement albanais est de 5,7%.
Selon le Code pénal, la prostitution est réprimée par une amende ou par trois ans d’emprisonnement mais il ne prévoit pas de condamnation du client. Toutefois, la répression de la traite des femmes est une des priorités du gouvernement qui entend démanteler les réseaux de trafiquants. À ce sujet, Ladvie Ruci a mis en garde contre les chiffres gonflés par les journaux italiens ou grecs, en précisant qu’entre 1992 et 2002, on avait compté 5 100 victimes albanaises. Des articles ont été ajoutés au Code pénal pour protéger les victimes du trafic des êtres humains et c’est dans ce cadre que le Gouvernement a signé la Convention de Palerme.
Concernant la situation des femmes rurales, la représentante a indiqué qu’elles jouissent des mêmes droits que leur époux pour ce qui est de la propriété et de l’héritage. Toutefois, la femme rurale se heurte aux tendances conservatrices. La domination des hommes dans les villages est évidente et la faible éducation de ces femmes a un impact direct sur leur participation à la vie publique, politique et sociale.
Le Comité entamera lundi 27 janvier à 10 heures 30 l’examen des rapports périodiques de la République du Congo.
Examen des premier et deuxième rapports de l’Albanie
Réponses de l’État partie
Mme LADVIE RUCI, Présidente du Comité pour l’égalité des chances en Albanie, a indiqué que la Convention n’avait pas été invoquée devant la Cour constitutionnelle. Le principe de l’égalité n’a pas non plus été interprété par la Cour constitutionnelle. La représentante a expliqué que l’élaboration du rapport a été faite en collaboration avec les ONG, notamment pour ce qui est de la collecte de données. Ce processus, a-t-elle précisé, a été long et difficile. En 1998, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a lancé avec le Gouvernement un projet visant à assurer la promotion de la femme dans la vie publique et dans ce cadre, une banque de données a été créée ainsi qu’un centre de documentation. Nous avons mis en place une collaboration permanente avec l’Institut des statistiques. Nous disposons d’une base de données dans divers domaines comme la justice sociale, le trafic d’êtres humains, l’emploi… Les données statistiques présentées dans le premier rapport sont fournies par l’entremise de publications périodiques de l’Institut de statistiques et les unités des divers ministères. Un tribunal peut se référer aux instruments internationaux ratifiés par le Parlement. Selon la Constitution, tout citoyen peut se prévaloir des instruments internationaux ratifiés par le Parlement comme les Conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ou la Convention sur la protection des minorités roms. Les médias albanais ont un rôle important à jouer dans la sensibilisation des femmes à leurs droits.
En matière d’emploi, il n’existe pas de programmes spécifiques en faveur des femmes. On prévoit l’élaboration de tels programmes qui seront réalisés sous la supervision du Département des politiques de l’emploi et qui devraient être mis en œuvre au cours du deuxième trimestre 2003. Nous avons commencé à mettre en place des programmes de microcrédit dans les régions rurales où les femmes sont devenues plus conscientes des possibilités ainsi offertes.
Dans les ministères, les femmes sont présentes à hauteur de 30%. Sur 237 directeurs, 39 sont des femmes. Sur 139 chefs de division, 42 sont des femmes. Il y a 10 000 femmes d’affaires en Albanie, 80% étant chef d’entreprise d’une société de petite taille. Plus de 30% des femmes d’affaires ont un niveau d’éducation supérieure.
Le Bureau du médiateur organise une fois par an des activités d’information et de sensibilisation dans le pays sur la situation des droits de l’homme et des libertés en Albanie. Le budget du Comité pour l’égalité des chances a augmenté annuellement de 10 à 20%. En 2000, les subventions étrangères ont couvert 35% du budget. Ce taux a été de 45% en 2001.
Malgré les nombreuses initiatives menées par le Comité pour l’égalité des chances afin que les partis politiques inscrivent un plus grand nombre de femmes sur leurs listes électorales, les résultats ont été mauvais. Le pourcentage de femmes dans le Parlement albanais est de 5,7%. Le projet «Les femmes peuvent le faire» a été mis en œuvre il y a six mois, l’objectif étant de former les femmes membres des cinq partis politiques présents au Parlement. Au cours des mois de mars et avril, nous avons organisé des séminaires de formation auxquels 100 femmes ont participé. Nous avons également organisé des ateliers de sensibilisation à l’importance de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Plusieurs mesures ont été prises pour modifier les stéréotypes qui portent atteinte aux droits des femmes. Des programmes ont été lancés localement dans les écoles ainsi qu’au niveau national. Le mouvement des femmes est bien développé et joue un rôle important dans la prise de conscience des femmes albanaises de leurs droits. Les ONG ont joué un rôle important en lançant le processus de changement de mentalités. Le droit coutumier ne vaut que dans la partie nord de l’Albanie.
La section 8 du Code pénal indique que la prostitution est réprimée par une amende ou par trois ans d’emprisonnement mais elle ne prévoit pas de condamnation du client. La répression de la traite des femmes est une des priorités du Gouvernement qui entend démanteler les réseaux de trafiquants.
S’agissant de la traite des êtres humains, elle a indiqué que contrairement aux chiffres gonflés par les journaux italiens ou grecs, la traite ne concernait, entre 1992 et 2002, que 51 00 victimes albanaises. Aujourd’hui, les dispositions relatives aux crimes contre la dignité et la moralité prévoient une peine maximale de 15 ans de prison pour les proxénètes. De plus, la nouvelle philosophie est que la femme concernée n’est jamais considérée comme personne consentante mais comme véritable victime. En conséquence, des articles ont été ajoutés au Code pénal pour protéger les victimes et c’est en collaboration avec l’Organisation mondiale des migrations (OMI), que le Gouvernement lutte contre la traite. C’est dans le cadre de cette lutte qu’il a signé la Convention de Palerme, a ajouté l’intervenante.
Concernant la toxicomanie, elle a indiqué que le nombre des personnes concernées se situe entre 25 000 et 30 000 dont 5 000 sont des femmes. Quant au VIH/Sida, dix femmes seulement ont été touchées en 2002. Elle est ensuite passé à la question de la participation des ONG à l’action en faveur des femmes. Elle a ainsi attiré l’attention du Comité sur le programme «Promotion du statut social et économique des femmes en Albanie» qui a été financé par le Gouvernement italien sur la base d’un accord signé entre le PNUD et le Gouvernement albanais. Ce programme doit aider au financement de 70 projets différents présentés par les ONG et concernant l’emploi des femmes, la protection de leurs droits, la santé ou encore l’éducation.
La Représentante de l’Albanie a rendu compte des mesures lancées pour lutter contre l’abandon scolaire. Elle a cité des mesures d’élimination de la pauvreté concrétisées par les programmes d’aide sociale. Elle a aussi cité des mesures culturelles et pédagogiques visant à convaincre les parents et les élèves de l’importance de l’éducation pour l’avenir. Des dispositions ont également été prises pour améliorer les systèmes de transport scolaire et pour fournir un apprentissage spécial à l’intention des enfants qui ne peuvent se rendre à l’école en raison des affrontements familiaux, «vendetta». Enfin les mesures juridiques prévoient des amendes pour les parents qui n’envoient pas leurs enfants à l’école. Mais, a admis la représentante, cette dernière mesure est inapplicable compte tenu des conditions de pauvreté dans lesquelles ces parents vivent. Grâce à ces différents efforts, le taux d’abandon scolaire n’a cessé de baisser passant de 6,4% en 1992 à 3,1% en 1997 et à 2% en 2002.
Concernant l’éducation des filles musulmanes, elle a indiqué qu’en Albanie, la pratique de la religion n’a jamais été un obstacle à la fréquentation scolaire. La représentante de l’État partie a ajouté que du fait que le pays ait vécu une ère communiste, les différences sur une base religieuse sont moins marquées. La liberté religieuse est très poussée en Albanie, ce qui a permis à des filles musulmanes de changer de religion. Les écoles publiques étant laïques, le Gouvernement a interdit les ingérences conservatrices et fondamentalistes qui feraient obstacle à l’éducation des filles. Quant aux écoles religieuses, elles sont privées et concernent surtout le niveau supérieur. La participation à des activités scolaires musulmanes et autres est donc librement décidée par les participants.
Venant à la question des congés maternité, la représentante a indiqué que des revenus sont fournis aux femmes du début de la grossesse à l’accouchement si elles ont cotisé pour une période minimale de 12 mois à la sécurité sociale. La période de congé maternité est de 365 jours, soit au minimum 35 jours avant et 42 jours après la naissance. En Albanie, aucun congé parental n’est prévu pour le père. Concernant la situation des femmes rurales, la représentante a indiqué qu’elles jouissent des mêmes droits que leur époux pour ce qui est de la propriété et de l’héritage. Toutefois, le statut de la femme rurale se heurte aux tendances conservatrices. La domination des hommes dans les villages est évidente et la faible éducation de ces femmes a un impact direct sur leur participation à la vie publique, politique et sociale. Du point de vue juridique, la législation albanaise prévoit une assistance économique aux familles à faible revenu.
Entamant une série de questions supplémentaires, Mme SALMA KHAN, experte du Bangladesh, a voulu des précisions sur le droit des femmes à l’héritage en demandant si tous les enfants, filles et garçons, peuvent hériter sur une base égalitaire. A son tour, Mme HANNA BEATE SCHOPP-SCHILLING, experte de l’Allemagne, s’est inquiétée du délai de promulgation de la loi sur la violence familiale. Elle s’est aussi interrogée sur l’accès des femmes indépendantes à la sécurité sociale. Soulevant la question de la privatisation des coopératives agricoles et des fermes, elle a souhaité savoir le nombre de fermes enregistrées en copropriété entre hommes et femmes. Mme HEISOO SHIN, experte de la République de Corée, est revenue sur la question de la lutte contre la prostitution et a demandé si les nouvelles dispositions relatives à la pénalisation de la prostitution signifient que les clients ne sont toujours pas poursuivis.
Intervenant aussi, Mme MERIEM BELMIHOUB-ZERDANIE, experte de l’Algérie, a demandé la suppression d’une phrase contenue dans la réponse de la délégation albanaise selon laquelle «la pratique de la religion musulmane en Albanie diffère de celle du monde arabe car elle est plus libérale et plus coopérative avec les autres religions». Pour l’experte, il s’agit là d’une idée fausse et dénuée de tout fondement sur un certain nombre de pays arabes. Je m’opposerai, a-t-elle dit, à ce que le document final reprenne les termes de la page concernée. S’agissant du droit à l’héritage, l’experte a demandé si les procédures de succession, d’héritage et du testament sont fondées sur la loi civile et laïque.
La Représentante de l’Albanie a d’abord répondu que la législation albanaise octroie les mêmes droits aux femmes et aux hommes pour ce qui est de l’héritage. S’agissant des échéances pour le projet de loi concernant la violence, elle a rappelé que le travail a commencé, il y a un an, avec les ONG. C’est le manque de financement qui a paralysé le travail législatif mais il est toutefois prévu de l’achever en 2003. Pour ce qui est de l’accès des femmes indépendantes des zones rurales à la sécurité sociale, elle a indiqué que seule une fraction de cette catégorie dispose d’une petite retraite. Le problème est réel, a-t-elle reconnu en promettant de travailler à une législation plus favorable notamment aux femmes âgées des zones rurales. Par ailleurs, elle a indiqué que le droit de propriété est reconnu pour les hommes et les femmes. Selon la loi, la copropriété existe pour les fermes. Le droit coutumier s’applique pour certains cas de partages alors que dans d’autres, c’est la législation qui s’applique. Pour l’heure, aucune donnée n’est disponible sur la question. Venant à la question de la prostitution, elle a rappelé son caractère illégal. Dans ce cadre, le client n’est pas condamné, a-t-elle reconnu en se déclarant consciente de la nécessité d’améliorer les choses.
Répondant à la question de l’Algérie, la représentante s’est dite désolée de la mauvaise interprétation auquel peut prêter le paragraphe concerné. L’objectif était tout simplement d’indiquer que du fait du communisme qui a interdit la religion, la pratique de toutes les religions est devenue moins dogmatique. Elle a ensuite répondu que le droit civil albanais ne prend pas en compte le droit musulman pour l’héritage.
Insistant sur sa demande, l’experte de l’Algérie a réitéré le caractère discriminatoire de la phrase, du point de vue des droits de l’homme. Il s’agit d’un jugement injustifié sur la religion musulmane dans les pays arabes, a-t-elle ajouté en demandant cette fois «officiellement et solennellement» la suppression de la phrase. Présentant une motion d’ordre, l’experte du Mexique a rappelé que lors de l’examen des rapports, le Comité est sensé discuter strictement des questions de la discrimination à l’égard des femmes. Elle a appelé ses homologues à s’abstenir du type d’observations venant d’être faites.. A son tour, la Présidente du Comité et experte de la Turquie a rappelé que la réponse de l’Albanie n’est aucunement un document officiel. Commentant cette réponse, elle a suggéré à l’État partie de mettre sur pied des cours traitant de la Convention à l’intention du personnel judiciaire. Elle a ensuite fixé pour priorité au pays de remédier à la situation inégale des femmes dans l’économie et dans la politique et de modifier les modèles socioculturels. La transformation de ces modèles est une chose importante qui doit être envisagée avec plus d’énergie. La Présidente a en outre félicité les ONG qui s’occupent des questions de sensibilisation en jugeant essentiel qu’elles soient appuyées par des mesures gouvernementales et législatives et par des actions déterminées auprès de tous les secteurs de la société. La Présidente a également souligné l’importance d’un changement de mentalité dans la manière dont le pays aborde les questions de la prostitution et de la traite des femmes.
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