DISCOURS PRONONCE PAR LA VICE-SECRETAIRE GENERALE A L’OCCASION DE LA REUNION MINISTERIELLE DU GROUPE DES ETATS DE L’AFRIQUE, DES CARAIBES ET DU PACIFIQUE ET DE L’UNION EUROPEENNE
Communiqué de presse DSG/SM/197 |
Discours prononce par la Vice-Secrétaire generale a l’occasion de la reunion ministerielle du Groupe des Etats de l’Afrique, des Caraibes et du Pacifique et de l’Union européenne
Bruxelles, le 16 mai 2003 -- Je suis heureuse et très honorée de pouvoir m’adresser à un auditoire aussi éminent. J’aimerais prendre quelques minutes de notre temps pour évoquer avec vous un défi historique, celui de la réalisation des objectifs que le monde s’est fixés à lui-même à l’aube du XXIe siècle.
En septembre 2000, tous les États Membres de l’Organisation des Nations Unies ont adopté la Déclaration du Millénaire, projet décisif pour la lutte contre la pauvreté, la paix et la sécurité, les droits de l’homme et la garantie d’un environnement durable. Elle a servi de cadre pour la définition de huit objectifs précis, assortis de délais, connus sous le nom d’objectifs du Millénaire en matière de développement, ou OMD.
Ces objectifs constituent la déclaration la plus précise d’engagements convenus par la communauté internationale, sur la base du consensus dégagé tout au long de la série de conférences internationales qui se sont tenues dans les années 90.
Depuis la réduction de moitié de l’extrême pauvreté jusqu’à l’arrêt de la propagation du VIH/sida et l’accès de tous les garçons et filles à l’enseignement primaire, tout cela d’ici à 2015, les OMD représentent un ensemble d’objectifs simples mais fermes que toute citoyenne et tout citoyen, de New York à Nauru, d’Abidjan à Antigua, peut aisément comprendre et approuver.
L’action qui vise à atteindre ces objectifs requiert un nouveau partenariat mondial qui fasse appel au sens des responsabilités mutuelles et dans lequel les réformes politiques et économiques instaurées dans les pays en développement soient assorties d’une aide fournie par les pays développés sous forme d’accès au marché, d’allégement de la dette et d’aide financière.
Cet esprit de partenariat a été clairement réaffirmé à la Conférence de Monterrey (qui a permis de donner un contenu plus précis au huitième objectif) et au Sommet de Johannesburg.
Nous avons ici, dans cette salle, une parfaite illustration de l’esprit qui préside à un tel partenariat. Les relations entre l’Union européenne et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique – des relations solides qui ont évolué au cours de ces dernières décennies – peuvent s’avérer un puissant moyen de concrétiser les objectifs du Millénaire en matière de développement.
Ce travail exige de nous toute l’énergie et la persévérance dont nous sommes capables.
Aujourd’hui, moins de trois années se sont écoulées depuis l’adoption de la Déclaration du Millénaire, mais, en si peu de temps, le monde a connu de considérables changements.
– L’économie mondiale a vécu son plus grand ralentissement en 10 ans, et sa reprise reste timide.
– On ignore encore de quelle façon la communauté internationale compte s’y prendre pour continuer à gérer la crise de la dette, alors que les pays à faible revenu qui doivent bénéficier de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés sont encore nombreux.
– L’essor du commerce mondial est lent, en particulier pour les pays en développement. Alors que se profile la cinquième Réunion ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce à Cancun, on a très peu progressé sur les questions qui préoccupent le plus les pays en développement, notamment sur l’agriculture et les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).
– Si l’on ne sort pas de l’impasse sur les ADPIC, non seulement on empêchera de nombreux pays en développement d’acquérir des médicaments génériques à moindre coût pour ceux qui en ont le plus besoin, mais on entamera leur confiance dans un système multilatéral fondé sur des règles.
– L’échec des négociations sur l’agriculture risque de mettre en péril les perspectives qui se dessinent concernant un cycle constructif, sans parler d’un véritable cycle de négociations vraiment axé sur le développement, ce qui entamerait considérablement les chances d’améliorer les conditions d’existence des trois quarts de la population pauvre mondiale qui vit en milieu rural.
– Il s’est toutefois produit un changement positif : le redressement de l’aide publique au développement, qui est passé de 52,3 milliards de dollars en 2001 à 57 milliards de dollars en 2002. Avec le déliement de l’aide, l’harmonisation et le renforcement de la coordination, on est aussi parvenu à améliorer la qualité de l’aide apportée.
– Mais, même si l’on devait respecter les engagements de Monterrey, ce qui nécessiterait 16 autres milliards de dollars d’ici à 2006, l’APD calculée en pourcentage du revenu national brut n’augmenterait que de 0,26 %, soit moins que les taux de 0,3 % et plus enregistrés avant 1992, et bien moins encore que les 50 milliards de dollars supplémentaires requis chaque année pour atteindre les OMD ou encore l’objectif de 0,7 % annoncé par l’ONU.
Mesdames et Messieurs,
Il est clair que les changements que je viens d’évoquer nous rendent les objectifs du Millénaire en matière de développement encore plus difficiles à atteindre.
Il nous faut donc redoubler d’efforts, tant au niveau international qu’au niveau national, dans les pays en développement comme dans les pays développés.
En toute sagesse, les États Membres de l’ONU ont décidé qu’il s’agissait pour eux non plus d’organiser de nouvelles conférences, mais bien d’appliquer les décisions adoptées.
Les gouvernements doivent prendre un engagement politique clair et durable à réaliser les OMD et tous les autres objectifs qu’ils ont arrêtés dans le cadre des conférences internationales. Ils doivent être disposés à fournir les ressources voulues et à suivre étroitement les progrès accomplis de façon à adapter leurs stratégies en fonction des résultats obtenus.
Soyons clairs : comme il est indiqué dans le huitième objectif du Millénaire en matière de développement et dans le Consensus de Monterrey, il est impossible d’atteindre les OMD si les pays qui ont les moyens d’offrir l’APD, l’allégement de la dette, l’accès au marché et les encouragements aux investissements étrangers directs ne soutiennent pas les efforts déployés par les pays en développement.
C’est la raison pour laquelle le partenariat entre les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et l’Union européenne revêt une telle importance.
Ce n’est qu’en travaillant ensemble que l’on parviendra à faire de réels progrès dans la lutte contre la pauvreté, la promotion de la santé et de l’éducation, l’adduction d’eau potable et la protection de l’environnement. Seuls les efforts combinés de tous les partenaires permettront d’avancer dans la lutte contre le sida, qui détruit tant de vies et sape le développement de trop nombreux pays.
Tous les membres de la famille des Nations Unies se lancent dans un effort décisif en faveur des OMD. Notre stratégie vise quatre grands axes :
– Premièrement, nous devons élaborer les outils pour suivre les progrès accomplis aux échelons mondial, régional et national. Des rapports d’évaluation de ces progrès sont établis chaque année au niveau de chaque pays. Plus d’une trentaine de ces rapports ont déjà été publiés, et plusieurs dizaines d’autres sont en cours d’élaboration;
– Deuxièmement, nous avons lancé une nouvelle initiative : le Projet de recherche des Nations Unies concernant les objectifs du Millénaire. Ce projet du Millénaire mené sous la direction du Professeur Jeffrey Sachs, Conseiller spécial du Secrétaire général pour les objectifs du Millénaire en matière de développement, associe plusieurs dizaines d’experts éminents de pays développés ou en développement. Leur travail devrait nous aider à cerner les meilleures stratégies et pratiques pour atteindre les OMD;
– Troisièmement, le Secrétaire général a prié l’ancien ministre néerlandais de la coopération pour le développement, Eveline Herfkens, de mener une Campagne du Millénaire. Cette campagne vise à susciter puis préserver un véritable mouvement populaire et politique de soutien aux OMD là où ils importent le plus, c’est-à-dire sur le terrain, chez les citoyens et les dirigeants des pays développés comme des pays en développement;
– Quatrièmement, et surtout, toutes les parties prenantes de l’initiative lancée par l’ONU tentent, par une action concertée, d’apporter une aide concrète, coordonnée à nos pays partenaires. Nos priorités et programmes ont été examinés et intégralement alignés sur les objectifs, et ce, non seulement dans les organismes, fonds et programmes des Nations Unies mais aussi dans d’autres entités telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, de sorte que les OMD sont désormais placés au cœur des stratégies de lutte contre la pauvreté élaborées et contrôlées au niveau national.
J’ajoute qu’au Secrétariat de l’ONU, nous avons procédé à un examen approfondi du programme de travail de l’ONU pour l’exercice budgétaire 2004-2005, afin de nous assurer qu’il traduisait bien l’intégralité des priorités énoncées dans la Déclaration du Millénaire.
Notre action a déjà donné des résultats sur le terrain. Dans chaque région, à tous les niveaux, l’ensemble des OMD apporte une puissante impulsion au changement. En voici quelques exemples :
– En Tanzanie, l’Équipe des Nations Unies a aidé le Gouvernement à mettre en place un système de surveillance de la pauvreté axé sur les OMD, et elle a facilité la rédaction du Rapport national sur le développement humain, qui souligne l’effet de l’aggravation des disparités entre monde urbain et monde rural sur la réalisation des objectifs de réduction de la pauvreté. Le Gouvernement tanzanien s’appuie sur ces éléments pour affiner sa stratégie de lutte contre la pauvreté, accordant davantage d’importance au développement rural. Dans son budget de cette année, il a doublé les fonds destinés à l’agriculture pour que la croissance joue en faveur des pauvres pour assurer la sécurité alimentaire. De façon analogue, les tendances qui ont pu être dégagées dans les domaines de la santé et de l’éducation ont conduit le Gouvernement tanzanien à garantir le financement intégral de l’enseignement primaire et des soins de santé de base. L’exemple de la Tanzanie montre bien que, lorsqu’il est véritablement intégré au plan directeur du Gouvernement pour la lutte contre la pauvreté, le suivi des OMD peut permettre de déterminer les politiques et stratégies les plus appropriées, condition préalable d’une lutte plus efficace contre la pauvreté et de la poursuite des OMD;
– Dans les îles du Pacifique, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a coopéré avec le Forum des îles du Pacifique et la Banque asiatique de développement pour organiser, au début de cette année, un atelier sur les OMD. Cet atelier a réuni des représentants des pouvoirs publics et de la société civile issus de 15 pays insulaires du Pacifique, ainsi que de pays donateurs. Ils ont élaboré conjointement un programme d’action en vue de la réalisation des OMD, qui sera intégré au processus de développement de chacun des pays insulaires du Pacifique concernés. Comme suite à cet atelier, cinq rapports sur les OMD couvrant tous les pays insulaires du Pacifique devraient être établis au cours de l’année à venir. Le PNUD apporte aussi une assistance technique à l’Université du Pacifique Sud pour l’établissement du Rapport sur le développement humain pour le Pacifique, qui sera axé sur les OMD dans la sous-région;
– Dans plusieurs pays des Caraïbes, des rapports nationaux sur les OMD sont en cours d’élaboration avec la coopération des gouvernements, ce qui dénote clairement une volonté d’agir nationale. Là encore, le PNUD soutient un atelier régional consacré aux OMD, axé sur la promotion des orientations stratégiques et la sensibilisation nationale, le renforcement des capacités en matière d’indicateurs et de suivi technique, et la mise en commun des enseignements tirés et des pratiques optimales.
Mesdames et Messieurs,
La réalisation des objectifs du Millénaire en matière de développement devrait transformer l’existence de millions de personnes. Si nous parvenons à mettre en place un appui véritablement efficace à l’échelle des pays et à obtenir un engagement politique durable à l’échelle mondiale, nous aurons alors de réelles chances d’atteindre ces objectifs. C’est là une épreuve décisive pour la communauté internationale, mais je suis convaincue que nous pouvons la traverser avec succès si nous acceptons d’en faire notre priorité.
Je vous remercie de votre attention.
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