EXAMEN DE RAPPORTS SUR LA TORTURE, LES DISPARITIONS FORCEES, LES EXECUTIONS EXTRAJUDICIAIRES ET L'INDEPENDANCE DE LA JUSTICE
Communiqué de presse DH/G/199 |
Commission des droits de l'homme
EXAMEN DE RAPPORTS SUR LA TORTURE, LES DISPARITIONS FORCEES, LESEXECUTIONSEXTRAJUDICIAIRESETL'INDEPENDANCEDELAJUSTICE
La Commission des droits de l'homme entame son débat sur les droits civils et politiques
GENEVE, le 8 avril -- La Commission des droits de l'homme a entendu ce matin, dans le cadre de l'examen des questions relatives aux droits civils et politiques, le Rapporteur spécial sur la torture, le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats et la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Elle a également été saisie du rapport du Groupe de travail sur les disparitions involontaires ou forcées, ainsi que le rapport du Groupe de travail intersessions intergouvernemental chargé d'élaborer un projet d'instrument international juridiquement contraignant sur les disparitions forcées ou involontaires.
Présentant son rapport, M. Theo van Boven, Rapporteur spécial sur la torture, a notamment précisé que le fait que peu d'informations figurent dans le rapport à propos d'un pays donné ne signifie pas que la torture ou d'autres formes de mauvais traitements n'existent pas dans ce pays. Il également rappelé que les communications concernant les cas individuels ne constituent pas un jugement de sa part quant à leur bien-fondé. M. van Boven a en outre présenté le résultat de sa mission d'établissement des faits en Ouzbékistan. Un dialogue interactif a suivi l'intervention de M. van Boven, auquel ont participé les délégations de la Grèce (au nom de l'Union européenne), du Canada et de Cuba.
Mme Asma Jahangir, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, s'est dite profondément préoccupée que, depuis l'an dernier, qu'il n'y ait eu aucune amélioration dans ce domaine. Elle a même noté une tendance croissante aux exécutions extrajudiciaires dans le contexte de la lutte contre la criminalité et contre le terrorisme. Elle a par ailleurs relevé avec une vive préoccupation un grand nombre de décès en détention dans des circonstances mystérieuses. Une attention insuffisante a en outre été accordée aux meurtres d'enfants perpétrés par les forces de sécurité, notamment les jeunes qui vivent ou travaillent dans la rue, et les enfants toxicomanes. Mme Jahangir a également rendu compte des visites qu'elle a effectuées en Afghanistan, en République démocratique du Congo et au Honduras. Ces deux derniers pays ont fait des déclarations en tant que parties intéressées. La Suisse, la Grèce, la Jamaïque et la Norvège ont participé au débat interactif avec Mme Jahangir.
Présentant son rapport, M. Dato' Param Cumaraswamy, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, a pour sa part attiré l'attention de la Commission sur la nécessité de renforcer les institutions judiciaires des États. Abordant en particulier la situation aux États-Unis, M. Cumaraswamy a exprimé de sérieuses préoccupations sur le déni d'un procès dans des délais raisonnables aux personnes arrêtées et détenues sur la simple suspicion d'être impliquées dans le terrorisme. Il a rappelé qu'il avait exprimé de vives préoccupations, le 12 mars dernier, devant la décision de la Cour d'appel du District de Columbia concernant le déni de procès aux détenus de la base de Guantanamo. Il s'est également inquiété de la déclaration du Procureur général qui affirmait cette décision était une «victoire importante dans la guerre contre le terrorisme». Le Rapporteur a rappelé que la guerre contre le terrorisme ne saurait être menée dans le déni des droits des personnes détenues sur simple suspicion. Les détentions sans procès sont en réalité des détentions administratives en contradiction avec les principes du droit, a-t-il rappelé. Le Rapporteur spécial a par ailleurs rendu compte de ses missions en Indonésie, en Arabie saoudite et en Italie. Ces pays ont fait des déclarations en tant que pays concernés. La Grèce (au nom de l'Union européenne) et Cuba ont participé au dialogue interactif avec le Rapporteur spécial.
Le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions involontaires ou forcées, M. Diego García-Sayan, a déclaré que le Groupe avait reçu depuis une dizaine d'années plusieurs dénonciations d'enlèvements transfrontaliers du fait des États, notamment l'enlèvement de citoyens japonais par la République démocratique populaire de Corée. En matière de prévention, il est capital que les responsables soient traduits devant des tribunaux civils et impartiaux et qu'ils ne jouissent d'aucune impunité. Lors du dialogue interactif qui a suivi la présentation de M. García-Sayan, la Grèce (au nom de l'Union européenne), Cuba, le Guatemala et le Japon ont pris la parole.
Le Président-Rapporteur du Groupe de travail intersessions intergouvernemental chargé d'élaborer un projet d'instrument international juridiquement contraignant sur les disparitions forcées ou involontaires, M. Bernard Kessedjian, a pour sa part a rendu compte du bon déroulement de la première session du Groupe de travail, indiquant qu'il avait dégagé plusieurs thèmes qui restent à approfondir : responsabilité des entités non étatiques, qualification autonome en droit interne du crime de disparitions forcées et de sa définition en tant que crime contre l'humanité, ainsi que questions d'amnistie et de grâce, entre autres.
La Commission a en outre été saisie du rapport du Conseil d'administration du Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture, qui indique notamment que les nouvelles demandes de financement représentent un montant de 13 millions de dollars alors que les nouvelles contributions volontaires ne s'élèvent qu'à 1,2 million de dollars.
Entamant par ailleurs son débat général des droits civils et politiques, la Commission a entendu les déclarations du Pakistan, du Costa Rica (au nom du Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes), du Paraguay (au nom du MERCOSUR) et de l'Argentine.
La délégation des États-Unis a fait une déclaration concernant le rapport du Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats dans le cadre de l'exercice du droit de réponse.
La Commission poursuivra, cet après-midi à 15 heures, le débat général sur les droits civils et politiques.
Présentation de rapports au titre de l'examen des droits civils et politiques
Présentation du rapport sur le Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture
Un membre du Secrétariat a lu le rapport du Président du Conseil d'administration du Fonds de contributions volontaires pour les victimes de la torture (E/CN.4/2003/61), M. JOOP WALKATE qui met à jour le rapport soumis à la dernière session de l'Assemblée générale (A/57/268) présentant les tendances et les statistiques sur l'aide fournie par le fonds au cours des vingt dernières années. Il a rappelé que le Fonds restait la source principale de financement des projets de petite et moyenne envergure de quelque 200 organisations non gouvernementales, qui viennent en aide à près de 80 000 victimes de la torture dans toutes les régions du monde. Il a précisé que, cette année, le Fonds avait reçu 260 nouvelles demandes de financement, ce qui représente un montant de 13 millions de dollars-, alors que les nouvelles contributions volontaires ne s'élèvent qu'à 1, 2 million de dollars. Il a indiqué que, si les gouvernements de l'Algérie, du Brésil, de la Bulgarie, du Danemark, de l'Allemagne, du Koweït, du Luxembourg, de Monaco, des Philippines, du Royaume-Uni et du Venezuela s'acquittaient des sommes promises au Fonds avant le 12 mai 2003, le Fonds disposerait de 750 000 dollars des États-Unis supplémentaires. Cela étant, le déficit à combler pour répondre à toutes les demandes serait encore de 11 millions de dollars. Dans ce contexte, le Conseil d'administration exhorte tous les gouvernements, institutions privées et personnes privées intéressées à offrir une contribution volontaire d'ici à la fin de la présente session de la Commission.
Présentation du rapport sur la torture
M. THEO VAN BOVEN, Rapporteur spécial sur la question de la torture, a indiqué que l'additif 1 à son rapport principal contient un résumé des communications envoyées à des gouvernements ou reçues de gouvernements concernant des cas individuels. M. van Boven a précisé avoir envoyé 294 appels urgents et 109 lettres d'allégations. Le fait que peu ou pas d'informations figurent dans le rapport s'agissant de tel ou tel pays ne signifie pas que la torture ou d'autres formes de mauvais traitements n'existent pas dans ce pays, a souligné le Rapporteur spécial. Il a rappelé que les communications concernant des cas individuels ne constituent pas un jugement de sa part quant au bien-fondé de ces cas.
M. van Boven a par ailleurs rappelé qu'il a effectué en novembre-décembre 2002 une mission d'établissement des faits de deux semaines en Ouzbékistan qui fait l'objet de l'additif 2 au rapport principal. Le Rapporteur spécial a fait part de son regret que les termes de son mandat n'aient pas été respectés dans le cadre de cette mission. En effet, M. van Boven a indiqué ne pas avoir pu visiter la colonie de Jaslyk de manière complète et satisfaisante et ne pas avoir pu avoir accès au centre de détention du Service de sécurité nationale à Tachkent. Le Rapporteur spécial a toutefois pris note de la volonté affichée par de hauts responsables du Gouvernement ouzbek d'assurer le suivi de son rapport et des recommandations qu'il contient. M. van Boven a souligné que, dans son rapport sur cette mission, il conclut, sur la base de nombreux témoignages qu'il a reçus durant sa visite, que la torture est systématique.
M. van Boven a informé la Commission qu'il a fait part de son désir d'entreprendre des visites dans les pays suivants: Algérie, Égypte, Inde, Indonésie, Israël, Népal, Fédération de Russie s'agissant de la République de Tchétchénie, et Tunisie. Pour de possibles missions cette année, le Rapporteur spécial a de surcroît précisé que des contacts ont été pris avec les gouvernements de Bolivie, de Chine, de Géorgie et d'Espagne. .
S'agissant du commerce et de la production des matériels spécifiquement destinés à infliger la torture ou tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant (question qui fait l'objet du rapport E/CN.4/2003/69), le Rapporteur spécial a souligné que l'absence de test médical approfondi, indépendant et impartial sur les effets à court et long terme de l'utilisation de ce matériel constitue un réel problème pour qui envisage d'évaluer si tel ou tel matériel est intrinsèquement cruel, inhumain ou dégradant. Le droit international des droits de l'homme a jusqu'ici principalement traité la question des circonstances dans lesquelles ce type de matériel peut être utilisé. M. van Boven a exprimé l'espoir que la Commission lui demandera de poursuivre l'examen de cette question.
Le Rapporteur spécial a rappelé l'importance qu'il accorde au suivi de ses activités. Il a toutefois attiré l'attention sur les ressources limitées dont il dispose pour suivre l'évolution des cas individuels transmis aux gouvernements. M. van Boven a indiqué qu'avec l'assistance du Haut Commissariat aux droits de l'homme, il a l'intention d'améliorer la qualité de ce suivi et d'aborder cette question du suivi dans un chapitre distinct de son prochain rapport. Le Rapporteur spécial a vivement encouragé tous les États à signer et ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, qui met en place un système préventif de visites régulières dans les lieux de détention par le Comité contre la torture.
Dans son rapport sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (E/CN.4/2003/68), M. van Boven, décrit brièvement ses méthodes de travail afin d'améliorer la coopération avec toutes les parties concernées. et résume ses activités au cours de l'année 2002. , Le Rapporteur spécial présente également une version révisée des recommandations de son prédécesseur. Il encourage une nouvelle fois les États à réfléchir à ces recommandations en tant que moyen efficace de combattre la torture.
L'additif 1 au rapport contient le résumé des communications envoyées par le Rapporteur spécial et des réponses reçues des gouvernements du 1er décembre 2001 au 1er décembre 2002, ainsi que des observations sur tel ou tel pays.
L'additif 2 porte sur la mission en Ouzbékistan (E/CN.4/2003/68/Add.2) que le Rapporteur spécial a effectué du 24 novembre au 6 décembre 2002. Les nombreux témoignages recueillis au cours de la mission l'ont convaincu que la pratique de la torture et d'autres mauvais traitements était systématique. Il prend note avec intérêt et avec espoir de la volonté de donner suite aux recommandations figurant dans le rapport qu'ont exprimée de hauts fonctionnaires du pays.
M. van Boven, a également soumis une étude préliminaire de la situation concernant le commerce et la production de matériel spécialement conçu pour infliger des tortures ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que son origine, sa destination et les formes qu'il revêt (E/CN.4/2003/69), en vue de trouver le meilleur moyen d'interdire un tel commerce et une telle production et de combattre leur expansion. L'attention de la Commission est appelée tout d'abord sur un certain nombre de mentions de ce type de matériel faites dans des rapports précédents du Rapporteur spécial. Il est admis que le recours à certains types de matériel, en particulier certaines entraves (comme les menottes) et dispositifs à énergie cinétique et agents chimiques, est légitime dans certaines circonstances appropriées. Le Rapporteur spécial note qu'ils peuvent souvent constituer des moyens de contrainte non meurtriers susceptibles de se substituer à d'autres dispositifs de sécurité même s'ils ont pu être utilisés de façon abusive. D'autres types de matériel sont en revanche tenus pour être foncièrement cruels, inhumains ou dégradants, et leur utilisation constituerait forcément une violation de l'interdiction de la torture et d'autres formes de mauvais traitements.
Le Rapporteur spécial prend note avec satisfaction d'un certain nombre d'initiatives adoptées aux niveaux national et régional pour empêcher le commerce et la production de tels matériels et souhaiterait obtenir des informations supplémentaires sur ces initiatives dans la perspective de l'établissement, à une date ultérieure, d'un guide des meilleures pratiques. Il tient à souligner, en particulier, l'importance d'établir des mécanismes de surveillance permettant de s'assurer du respect des règlements applicables au commerce et à la production de ce type de matériel, qu'ils soient nationaux ou internationaux. Il est en outre convaincu de la nécessité de poursuivre l'étude et encourage les gouvernements et les sources non gouvernementales à communiquer des renseignements à ce sujet afin de lui permettre de conduire une étude approfondie, dans la perspective de formuler des recommandations précises sur les moyens d'interdire le commerce et la production du type de matériel visé et de combattre leur expansion.
Dialogue interactif avec le Rapporteur spécial sur la question de la torture
Le représentant de la Grèce (au nom de l'Union européenne) a demandé au Rapporteur d'indiquer ses plans concernant de futures missions. Il a par ailleurs relevé que certains pays n'ont pas tenu compte des demandes de visite. Quelles mesures pratiques compte-t-il prendre pour organiser correctement ces visites? Enfin, quelle pourrait être la Contribution du rapporteur pour assurer l'entrée en vigueur du Protocole facultatif?
Le représentant du Canada a demandé quelles étaient les activités au titre du mandat qui sont les plus efficaces pour la prévention de la torture?
Le représentant de Cuba a demandé quelle était l'évolution des instruments juridiques pour prévenir la torture et la diffusion et le commerce de matériel de torture. Le Rapporteur spécial compte-t-il continuer à s'intéresser à ces questions, et comment envisage-t-il ce travail? Quel type de communications entend-t-il échanger avec les organisations non gouvernementales et les États à ce sujet?
M. VAN BOVEN a notamment expliqué que son plan de voyages dépend des ressources financières disponibles. Il est en contact avec plusieurs gouvernements et espère que des visites pourront être effectuées l'an prochain. Le Rapporteur spécial a rappelé que ses visites dépendent de l'accord des pays concernés, et les modalités pratiques ne peuvent être prises qu'une fois leur assentiment acquis. Il appartient d'autre part à chaque État de ratifier les accords internationaux. Le Rapporteur encourage dans son rapport les États à signer le Protocole facultatif et continuera d'encourager les États à en accepter les mécanismes de contrôle. La réhabilitation des victimes est une autre préoccupation importante, et le Rapporteur spécial continue d'insister sur la poursuite des soins et de la réhabilitation des victimes. Les États devaient contribuer financièrement à ce genre d'activités. Quant au meilleur moyen d'empêcher la torture, il n'y a pas de réponse simple. Les recommandations des précédents Rapporteurs spéciaux devraient en tout état de cause être respectées, et il s'efforcera pour sa part d'établir une procédure de suivi plus systématique. Il faut, a répété M. van Boven, que les représentants des États s'engagent à mettre en œuvre ses recommandations. Enfin, la question du commerce et de la production du matériel destiné à la torture fait l'objet de toute l'attention de M. van Boven, il s'agit d'un problème déjà ancien et le Rapporteur spécial espère être en mesure dès l'année prochaine de définir un ensemble de meilleures pratiques pour le contrôle du commerce international de ces équipements.
Présentation du rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires
M. BERNARD KESSEDJIAN, Président-Rapporteur du Groupe de travail intersessions intergouvernemental chargé d'élaborer un projet d'instrument international juridiquement contraignant sur les disparitions forcées ou involontaires, a indiqué que la première session du Groupe de travail s'était déroulée du 6 au 24 janvier 2003 et avait rassemblé 79 États, douze organisations non gouvernementales et de deux organisations internationales, qui ont tous fait preuve d'un esprit positif et constructif qui mérite d'être souligné. Il a expliqué que les travaux du Groupe de travail s'étaient fondés, entre autres, sur le travail qui a conduit à l'adoption de la déclaration de l'Assemblée générale datant de 1992 sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ou involontaires, et sur un projet de convention établi en 1998 par la Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme. M. Kessedjian s'est félicité de la participation de l'Expert indépendant chargé d'étudier le cadre international actuel en matière pénale et des droits de l'homme pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ou involontaires, M. Manfred Novak, et du Président-Rapporteur du Groupe de travail sur l'administration de la justice, M. Louis Joinet.
M. Kessedjian a précisé que le Groupe de travail avait aussitôt examiné les questions de fond, laissant à plus tard la question de la forme du nouvel instrument. Ainsi, les discussions ont successivement porté sur la définition, les incriminations et les sanctions, la protection contre l'impunité, les poursuites au plan national et la coopération internationale, la prévention, les victimes et les enfants de personnes disparues. Le Groupe de travail a également dégagé plusieurs thèmes qui restent à approfondir. Il s'agit, entre autres, de la responsabilité des entités non étatiques, de la qualification autonome en droit interne du crime de disparitions forcées et de sa définition en tant que crime contre l'humanité, des problèmes liés à la prescription et des mesures à prendre contre l'impunité ainsi que des questions d'amnistie et de grâce. Il conviendrait en outre d'approfondir la réflexion sur les questions liées à l'extradition et la coopération internationale, l'étendue des réparations pour les victimes, la question de l'appropriation d'enfants de disparus. M. Kessedjian a conclu en mettant l'accent sur le fait que les disparitions forcées sont un acte terrible qui viole un grand nombre de droits internationalement protégés et bafoue les lois élémentaires de la dignité, non seulement pour ceux ou celles qui les subissent mais aussi pour leur famille, leurs proches, voire la communauté tout entière.
M. DIEGO GARCÍA-SAYAN, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, a indiqué qu'en 2002, le nombre total de nouveaux cas qui lui ont été transmis a été de 120 concernant 24 pays. Le plus grand nombre de cas transmis concernant un même pays concernait le Népal, avec 28 cas, a-t-il précisé. Ces cinq dernières années, le Groupe de travail a éclairci 5 255 cas, a indiqué M. García-Sayan; néanmoins, 41 636 cas restent pendants. Il a signalé avec une vive préoccupation que certains gouvernements n'ont pas encore répondu aux demandes d'information adressées par le Groupe de travail; il s'agit en particulier des gouvernements du Burkina Faso, du Burundi, du Cambodge, du Congo, de la Guinée équatoriale, de la Guinée, d'Israël, du Mozambique, de la Namibie, du Rwanda, des Seychelles, du Tadjikistan et du Togo. Le Groupe de travail signale en outre le manque de coopération du Gouvernement de l'Iraq pour ce qui est de l'éclaircissement des disparitions forcées ou involontaires dans ce pays, a poursuivi le Président-Rapporteur. L'Iraq est d'ailleurs le pays où persiste le nombre le plus élevé de cas non résolus, soit 16 384 cas.
Au cours de ses 23 années d'existence, le Groupe de travail a acquis une grande expérience du traitement des cas de disparitions et a pu identifier différents contextes susceptibles de favoriser l'apparition de ce phénomène. Certains de ces contextes sont associés aux politiques de régimes totalitaires. Les conflits ou tensions internes constituent une situation plus complexe, a précisé M. García-Sayan, qui a souligné que tel est actuellement le cas dramatique du Népal ou de la Colombie, pays pour lesquels la prévention efficace des disparitions dépend dans une large mesure de la résolution du conflit interne. Au cours de l'année écoulée, le Groupe de travail a eu à connaître des cas de Japonais qui, selon les plaintes reçues, auraient été séquestrés par des agents nord-coréens au Japon et dans des pays européens avant d'être ensuite emmenés en République populaire démocratique de Corée. M. García-Sayan a par ailleurs rappelé que l'expérience a montré qu'il est possible d'obtenir des résultats hautement positifs en matière d'éclaircissement des cas par le biais de la mise en place d'organismes indépendants au sein de chaque pays. La création de commissions de la vérité est à cet égard un exemple très positif. Le Groupe de travail est en outre convaincu que pour prévenir efficacement les disparitions forcées et involontaires, il est capital de mettre un terme à l'impunité des responsables desdites disparitions. Le Groupe de travail tient par ailleurs à exprimer sa reconnaissance au Gouvernement de l'Iran pour l'invitation qu'il lui a adressée en vue d'effectuer une visite dans ce pays, ainsi que pour la coopération qu'il a reçue aux fins de la préparation de ladite visite. Cette visite devrait avoir lieu au cours de cette année, a précisé le Président-Rapporteur. Les sévères restrictions qui pèsent sur la dotation en personnel dont dispose le Groupe de travail ont gravement affecté l'exécution de son mandat, a par ailleurs souligné M. García-Sayan, qui a souligné que l'immense quantité de renseignements devant être traités s'accumule sans pouvoir être examinée.
Dans le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires (E/CN.4/2003/70 et Corr.1 et Corr.2), il est rendu compte des faits nouveaux relatifs à deux aspects fondamentaux du phénomène des disparitions forcées ou involontaires dans le monde. Le premier aspect - les cas nouveaux - a trait à la pratique des disparitions, qui persiste dans plusieurs pays. En 2002, le Groupe de travail a porté à l'attention de 24 gouvernements 120 nouveaux cas de disparition, dont 63 se sont produits en 2002. À la clôture de sa soixante-huitième session, le 13 novembre 2002, le Groupe de travail avait dans ses dossiers 41 618 cas non résolus. En 2002, il a porté 65 cas à l'attention des gouvernements de 13 pays dans le cadre de sa procédure d'action urgente. C'est au Népal (28) et en Colombie (14) que le plus grand nombre de disparitions forcées ou involontaires aurait été enregistré en 2002. Depuis sa création, le Groupe de travail a porté 49 872 cas à l'attention des gouvernements. Au moment de la rédaction du présent document, plus de 3 000 communications signalant des disparitions forcées ou involontaires restaient à traiter avant d'être examinées par le Groupe de travail. Du fait de cet arriéré, il est difficile d'appréhender et d'évaluer avec précision le nombre de cas que le Groupe de travail a effectivement dans ses dossiers.
Le second aspect essentiel du phénomène des disparitions forcées est lié au processus d'élucidation des affaires, notamment celles qui ont été signalées il y a plus de 10 ans. En 2002, le Groupe de travail a élucidé au total 302 cas de disparition forcée, dont 198 concernaient le Soudan. Il convient de noter que ce chiffre total n'est pas définitif car il ne tient pas compte des 12 550 réponses de gouvernements qui restent à traiter. Si 5 255 cas ont été élucidés au cours des cinq dernières années, le Groupe de travail doit encore absorber un arriéré de 41 618 cas non résolus. En 2002, le Groupe a obtenu l'aide concrète et la coopération efficace de plusieurs gouvernements, notamment ceux de l'Algérie, de l'Angola, de l'Inde, du Liban, du Maroc, du Mexique et de Sri Lanka. Il demeure néanmoins très préoccupé par le fait que certains des gouvernements des 78 pays concernés par des affaires non élucidées (ceux du Burkina Faso, du Burundi, du Cambodge, du Congo, de la Guinée, de la Guinée équatoriale, d'Israël, du Mozambique, de la Namibie, du Rwanda, des Seychelles, du Tadjikistan et du Togo) n'ont jamais répondu à ses demandes d'information ni à ses rappels.
La coopération entre le Groupe de travail et les gouvernements concernés est primordiale pour l'élucidation des cas de disparition. Par ailleurs, l'expérience montre que lorsque les gouvernements prennent des mesures au plan interne pour créer ou renforcer des organes indépendants chargés d'élucider les cas de disparition, il est possible d'obtenir des résultats très positifs. Néanmoins, il s'agit avant tout de prendre des mesures de prévention efficaces. En matière de prévention, le Groupe met l'accent sur un certain nombre de mesures et, en particulier, exprime sa conviction qu'il est de la plus haute importance de mettre fin à l'impunité des auteurs des actes conduisant à des disparitions forcées ou involontaires, et ce non seulement pour une bonne administration de la justice, mais aussi pour une prévention efficace.
La grave pénurie de personnel dont souffre le Groupe de travail l'a empêché d'examiner plus de 3 000 nouveaux cas, d'analyser plus de 12 000 réponses reçues des gouvernements et plus de 200 observations présentées à leur sujet par les sources. Si aucune solution n'est trouvée au problème de sous-effectif, le Groupe de travail craint fort de ne plus pouvoir agir en tant qu'instrument efficace de la Commission des droits de l'homme.
Dialogue interactif avec le Président du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires
Le représentant de la Grèce a demandé si le Groupe de travail avait mis en place une banque de données sur les cas qui lui sont soumis et quelles conséquences cela pourrait avoir sur le traitement des cas? Comment résorber le retard accumulé dans le traitement des cas soumis? De quel type d'assistance les pays qui comptent de très nombreux cas de disparitions ont-ils besoin? Enfin, le représentant de la Grèce souhaiterait plus d'information sur les cas d'enlèvements transfrontaliers.
Le représentant de Cuba a demandé au Président du Groupe de travail son opinion sur les possibilités de créer des mécanismes de contrôle des législations capables de lutter contre l'impunité dont jouissent les auteurs de violations massives commises dans le passé. Le Président a-t-il l'intention d'établir un relevé des meilleures pratiques législatives existantes? Le Groupe propose-t-il des mesures capables d'accélérer certaines enquêtes, et notamment en Amérique latine, afin d'assurer une justice plus diligente dans les cas de disparitions?
La représentante du Guatemala s'est déclarée préoccupée par le manque de ressources qu'évoque le Groupe de travail; que peuvent faire les États membres pour résoudre cette difficulté afin que le groupe puisse travailler correctement?
Le représentant du Japon a demandé à M. García-Sayan comment son Groupe allait pouvoir rattraper son retard (40 000 cas de disparitions en souffrance) et de quelle aide il aura besoin pour ce faire.
Répondant à ces questions, M. García-Sayan, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées a précisé qu'au cours de ses 20 ans d'existence, le Groupe avait fonctionné avec une vingtaine de bases de données différentes. Il importe donc d'unifier ces bases de données, ce qui permettra à long terme de réduire le besoin en ressources humaines, même si cela demande un apport en ressources humaines dans un premier temps.
S'agissant des disparitions qui continuent d'avoir lieu au Népal, il a proposé que l'on établisse des listes et qu'un accès soit assuré aux personnes appropriées. En outre, il conviendrait de modifier l'appareil législatif en vue de prévenir les disparitions et surtout régler le conflit armé qui en est à la source. À la question de Cuba sur l'impunité, le Président-Rapporteur a répondu que les disparitions qui se sont produites par le passé doivent tout de même faire l'objet d'enquête. Quand il s'agit de disparitions en masse, il convient d'établir des commissions d'enquête et d'établissement des faits, qui travaillent aussi avec des anthropologues afin de pouvoir reconnaître les victimes, ce qui est indispensable pour apaiser les familles.
S'agissant des 15 000 affaires qui attendent d'être examinées par le Groupe de travail, M. García-Sayan a déclaré qu'il fallait prévoir des ressources humaines additionnelles. Il importe donc que la résolution concernant le travail du Groupe soit plus précise et qu'au lieu d'appeler à la fourniture de ressources nécessaires la résolution prévoie d'allouer véritablement les ressources humaines dont le Groupe a besoin, a-t-il demandé. Par ailleurs, il a expliqué que les mécanismes internes aux États doivent être renforcés. Dans les cas où les victimes sont décédées, il convient d'identifier les victimes. Dans ce contexte, il s'est félicité des progrès enregistrés à Sri Lanka, qui prouvent qu'avec la bonne volonté des États, il est possible d'obtenir des résultats. En prenant des mesures concrètes au plan national, il serait donc possible à terme de trouver une explication au 40 000 disparitions qui restent en suspens, a-t-il conclu.
Présentation du rapport de la Rapporteuse spéciale sur les disparitions forcées ou involontaires
Présentant son rapport, MME ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, s'est dite profondément préoccupée que ces dernières années, il n'y ait eu aucune amélioration s'agissant des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Elle a même indiqué avoir relevé de nouveaux contextes et de nouvelles tendances préoccupants liés à son mandat. En effet, Mme Jahangir a constaté une tendance croissante aux exécutions extrajudiciaires effectuées dans le cadre de la lutte contre la criminalité et contre le terrorisme. Au moins huit cas lui ont été communiqués concernant des exécutions extrajudiciaires perpétrées par des forces de sécurité et visant des membres de syndicats ou des paysans sous prétexte de lutte contre le terrorisme. Selon la Rapporteuse spéciale, les victimes ne faisaient que réclamer leurs droits économiques. Mme Jahangir a donc exhorté les gouvernements à accorder une attention spéciale à la nécessité d'assurer qu'il n'y ait pas d'abus d'autorité durant de telles opérations.
La Rapporteuse spéciale a par ailleurs relevé avec une profonde préoccupation le grand nombre de décès en détention dans des circonstances mystérieuses et noté que peu de cas ont fait l'objet d'une enquête. En outre, peu d'attention a été accordée aux meurtres d'enfants perpétrés par les forces de sécurité; , les vendeurs de rue, les enfants qui travaillent, les enfants appartenant à des bandes et les enfants toxicomanes étant à cet égard des cibles faciles dans certains pays. Mme Jahangir a par ailleurs attiré une nouvelle fois l'attention de la Commission sur le fait que les exécutions extrajudiciaires se produisent souvent dans des situations de conflit ou après un -conflit. Elle a en outre affirmé qu'il est préoccupant de constater que, dans certains pays, la peine capitale continue d'être imposée sans tenir compte des normes fondamentales liées à l'imposition de la peine de mort.
Mme Jahangir a rappelé qu'elle avait effectué en juin 2002 une visite en République démocratique du Congo en se concentrant sur les événements qui s'étaient produits à Kisangani le 14 mai 2002. Les conclusions de cette visite figurent à l'additif 3 au rapport principal, a indiqué la Rapporteuse spéciale. Elle a également indiqué qu'elle avait effectué en octobre 2002 une visite en Afghanistan et a souligné la nécessité de lancer un processus afin d'éviter un renversement du processus de paix; elle a donc recommandé la constitution d'une commission d'enquête indépendante appuyée par les Nations Unies qui ferait office de premier pas vers l'obligation redditionnelle s'agissant des crimes commis par le passé. Mme Jahangir a indiqué qu'elle présenterait prochainement son rapport sur la mission qu'elle vient d'effectuer en Jamaïque (février 2003). Elle a rappelé, comme elle l'a déjà dit à la fin de cette mission, qu'elle avait constaté que des exécutions extrajudiciaires se produisent bel et bien en Jamaïque. Mme Jahangir a enfin souligné que pour s'acquitter de son mandat de manière plus efficace, elle aura besoin de ressources adéquates.
Dans son rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (E/CN.4/2003/3), la Rapporteuse spéciale, relève qu'au cours des douze derniers mois, il n'y a pas eu la moindre amélioration en ce qui concerne les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. On apprend également que les journalistes sont la cible de menaces et d'exécutions extrajudiciaires dont il faut prendre acte et qu'il faut expressément condamner. Il est également préoccupant de constater que des défenseurs des droits de l'homme, des avocats, des étudiants, des dirigeants syndicaux et des magistrats semblent de plus en plus visés. Les gouvernements de certains pays commencent à s'occuper davantage des assassinats de femmes commis au nom de l'honneur, mais dans d'autres pays l'impunité institutionnalisée continue d'être la règle. Les recommandations formulées par la Rapporteuse spéciale dans son précédent rapport (E/CN.4/2002/74) doivent être considérées comme toujours valables. D'autre part, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires se produisent souvent dans la période précédant le déclenchement d'un conflit. Il faut s'attacher davantage aux actions préventives afin d'éviter l'escalade de la violence ou empêcher qu'elle ne dégénère en conflit. La Rapporteuse spéciale encourage les organisations de journalistes à tenir les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme informés de tout incident constitutif de violations des droits fondamentaux. Enfin, les forces armées ne doivent intervenir pour assurer la sécurité intérieure qu'en dernier recours, dans le meilleur des cas.
Dans son additif au rapport (E/CN4./2003/Add.4) sur sa visite en Afghanistan, la Rapporteuse spéciale recommande qu'une Commission d'enquête internationale et indépendante, premier pas sur la voie de la responsabilisation. Cette commission aurait simplement pour mandat de faire un premier bilan des graves violations des droits de l'homme qui ont eu lieu par le passé, et qui risquent bien de représenter le catalogue des crimes contre l'humanité. Le système national assurant la légalité a aussi besoin d'être renforcé et doté de moyens suffisants pour régler efficacement le problème de l'impunité. La communauté internationale devrait poursuivre l'examen des moyens de renforcer la sécurité en Afghanistan. Le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des miliciens et de leurs chefs doivent être menés à bien avec fermeté. Il faudrait accorder un soin particulier à la sélection des juges et à leur formation et mettre en place une école de magistrature pleinement opérationnelle. Enfin, la peine de mort devrait être abolie tant que le dispositif légal et l'appareil judiciaire ne pourront garantir le respect des garanties et des restrictions des Nations Unies relatives à la peine de mort.
L'additif 2 au rapport de Mme Jahangir porte sur sa mission au Honduras, effectuée du 5 au 15 août 2001. Cette mission répondait principalement à des allégations selon lesquelles un grand nombre d'enfants âgés de moins de 18 ans auraient été victimes d'exécutions extrajudiciaires, dont la plupart auraient été commises pendant la période 1998-2000. Des informations concernant des personnes qui auraient fait l'objet d'exécutions extrajudiciaires à cause de leur orientation sexuelle ont été également communiquées à la Rapporteuse spéciale. Elle demande instamment au Gouvernement hondurien d'envisager de créer un mécanisme de recours indépendant qui pourrait être un médiateur pour les enfants. Elle souligne en outre que toutes les exécutions d'enfants doivent faire l'objet d'une enquête approfondie. Le Gouvernement doit respecter l'obligation qui lui incombe de faire la lumière sur le mystère des enfants tués par des inconnus.
L'additif 3 au rapport de la Rapporteuse spéciale porte sur sa mission d'établissement des faits en République démocratique du Congo, du 16 au 22 juin 2002. Cette mission faisait suite à une déclaration du président du Conseil de sécurité en date du 24 mai 2002, dans laquelle celui-ci, au nom du Conseil, appelait l'attention de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la gravité des événements qui s'étaient produits à Kisangani le 14 mai 2002 et immédiatement après. Le rapport affirme que la situation à Kisangani demeure explosive et que des mesures préventives doivent être prises immédiatement pour éviter tous nouveaux actes de violence. Les excès commis par les responsables du RCD-Goma sont graves et il pourrait y avoir de nouvelles représailles de toutes les parties, qui risquent de déclencher une escalade de la violence dont les répercussions se feraient sentir dans d'autres régions du pays. Face à cette violence, il n'y a guère de moyen de dissuasion, car l'impunité est pratiquement garantie à ceux qui exercent un pouvoir quelconque, même lorsqu'ils commettent de
graves violations des droits de l'homme, par exemple des massacres en plein jour. Il est impératif et crucial de maintenir la stabilité à Kisangani pour qu'un dialogue intercongolais incluant toutes les parties puisse se poursuivre. Les événements du 14 mai 2002 à Kisangani ne peuvent être dissociés du climat de violence qui règne dans le pays. Mais ils soulignent combien il est indispensable de poursuivre le processus de paix pour que la population ne craigne pas perpétuellement pour sa vie.
Interventions de pays concernés
M. BENJAMÍN ZAPATA (Honduras) a déclaré que la visite de la Rapporteuse spéciale avait été très constructive. Le représentant a rappelé la violence extrême qui sévit actuellement au Honduras. Le gouvernement actuel est le premier à avoir pris des mesures fermes pour lutter contre cette violence. Une Commission interministérielle permanente pour l'intégration morale et physique des enfants, récemment instituée, travaille de façon intensive afin d'effectuer des enquêtes complètes sur les meurtres de mineurs. Elle a notamment pu établir que 744 mineurs ont été victimes de meurtres entre 1998 et 2002. Les causes de ces morts sont sociales et liées à la criminalité. Lorsque les forces de police sont clairement impliquées dans ces violences, des enquêtes sont diligentées par le ministère public; le Gouvernement a aussi pris des mesures de recensement des armes à feu et s'occupe d'identifier des mécanismes de réhabilitation des mineurs. Le Gouvernement demande aux institutions multilatérales et aux organisations non gouvernementales d'aider l'administration hondurienne dans ses efforts.
S'exprimant en qualité de partie concernée, M. ANTOINE MINDUA KESIA-MBE (République démocratique du Congo) a regretté que Mme Jahangir n'ait pas condamné les exécutions extrajudiciaires auxquelles se livrent les services secrets de certains pays, y compris certains États démocratiques. Il a demandé si cette omission des cas de liquidation par des agents de renseignement dans le rapport signifie que la Rapporteuse spéciale ignore ou doute de leur existence. Si ce n'est pas le cas, il a demandé comment on pouvait remédier à cet état de fait et faire en sorte que ces techniques ne soient plus enseignées dans les écoles de renseignement et soient définitivement bannies. Il s'est indigné que certains pays qui en critiquent d'autres pour ne pas avoir aboli la peine de mort ou pour l'avoir rétablie continuent de se livrer à ces pratiques criminelles. S'agissant de la visite de Mme Jahangir en République démocratique du Congo, il a remercié la Rapporteuse spéciale pour la qualité de sa présentation au Conseil de sécurité et pour avoir reconnu que de nombreuses exécutions extrajudiciaires et sommaires étaient le fait du RCD-Goma. Rappelant que son pays compte aujourd'hui 3, 8 millions de morts du fait du conflit, il a regretté qu'aucune suite n'ait été donnée à la demande d'établissement d'un tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo. Dans ce contexte, il a demandé à Mme Jahangir comment elle entrevoyait la fin de l'impunité en République démocratique du Congo -- pays qui a notamment souffert d'actes de cannibalisme, a-t-il rappelé.
Débat interactif avec la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires
Le représentant de la Suisse a indiqué que son pays est d'avis que la peine capitale relève du mandat de la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires lorsque la sanction est prononcée en violation des articles 6, 7 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l'article 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant. La Commission ne pourrait-elle pas demander à la Cour internationale de justice si cette question relève du jus cogens.
Le représentant de la Grèce a souhaité en savoir plus sur les journalistes et leur sécurité ainsi que sur le rôle croissant des médias en tant qu'instruments de vigilance.
Le représentant de la Jamaïque a indiqué que sa délégation attendait de recevoir le rapport de Mme Jahangir sur la visite qu'elle vient d'effectuer dans le pays, pour y apporter des commentaires. En l'absence de ce rapport, il a regretté que la Rapporteuse spéciale ait déclaré qu'il y avait des exécutions extrajudiciaires en Jamaïque, d'autant plus que la délégation ne possède aucune information sur les cas visés. La Jamaïque a pris des dispositions pour que les forces de sécurité aient à rendre des comptes. .
La représentante de la Norvège a commenté la visite de Mme Jahangir en Afghanistan en soulignant que cette visite témoigne de tous les défis que le pays doit encore relever. La Norvège aimerait que la Rapporteuse spéciale donne son point de vue concernant le rôle et le calendrier d'une commission d'enquête.
Mme Jahangir a répondu aux questions du Honduras et déclaré que sa mission dans ce pays avait été utile pour comprendre la situation. La coopération a été excellente, le peuple du Honduras est énergique et tourné vers l'avenir.
Répondant à la délégation de la République démocratique du Congo sur la question de savoir comment mettre fin à l'impunité dans ce pays, la Rapporteuse spéciale a souligné que sa mission concernait un incident spécifique, mais elle n'a pu se déplacer dans le pays ni explorer la zone sensible. La question posée est difficile et la Rapporteuse ne pourra y répondre avant d'avoir mené des consultations avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme en République démocratique du Congo. S'agissant de l'avis consultatif de la Cour internationale de justice sur la peine de mort, il aussi faut prendre en compte les capacités des gouvernements. Il y a des signes encourageants de préparation de l'opinion publique à la mise en place de garde-fous. Il faut donner de l'espace aux gouvernements et aux organisations non gouvernementales pour qu'ils sensibilisent le public. Quant aux journalistes, il faut relever que les médias de nos jours jouent un rôle de prévention mais aussi de sensibilisation. L'opinion mondiale est aujourd'hui plus consciente, même dans les zones les plus reculées. Les journalistes qui dénoncent les crimes sont parfois tués avec une grande brutalité, la police et les gouvernements étant souvent à la source de ces meurtres. Pour l'Afghanistan, une lutte résolue contre l'impunité permettrait d'améliorer la situation générale et de réduire la violence.
Présentation du rapport sur l'indépendance des juges et des avocats
M. DATO' PARAM CUMARSWAMY, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, s'est félicité de pouvoir présenter à cette session le produit final des travaux du Groupe judiciaire sur le renforcement de l'intégrité judiciaire : les principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire, dont le texte intégral figure en annexe du rapport. Il a estimé que l'adoption de ces principes par les États qui ne l'ont pas encore fait aura un impact positif sur l'intégrité des systèmes judiciaires et a exhorté la Commission à appuyer ce document ou du moins à demander instamment aux États d'en prendre note.
Le Rapporteur spécial a ensuite rendu compte de sa mission en Indonésie, regrettant qu'il n'y ait dans ce pays pas de culture de l'indépendance de l'appareil judiciaire. Il a observé que le pouvoir judiciaire avait longtemps été conçu comme une extension du pouvoir exécutif, ce qui a été source de corruption. Il a noté que le Gouvernement avait entrepris des réformes, dont l'application est toutefois trop lente. S'agissant de sa mission en Arabie saoudite, il s'est félicité que ce pays ait pour la première fois accepté d'accueillir un rapporteur spécial et de l'esprit positif avec lequel il a été accueilli. Il a déclaré que le Gouvernement avait témoigné d'une réelle volonté d'améliorer le fonctionnement de ses institutions judiciaires. Il a également attiré l'attention sur la détérioration des systèmes judiciaires au Zimbabwe et au Swaziland.
Abordant la situation aux États-Unis, M. Cumaraswamy a ensuite exprimé de sérieuses préoccupations sur le déni d'un procès rapide aux personnes arrêtées et détenues sur la simple suspicion d'être impliquées dans des activités terroristes depuis le 11 septembre 2001. Il a rappelé qu'il avait exprimé de graves préoccupations, dans un communiqué de presse en date du 12 mars 2003, s'agissant de la décision de la Cour d'appel du circuit du District de Columbia concernant le déni de procès aux détenus de la base de Guantanamo. Il s'est également inquiété de la déclaration du Procureur général, M. John Ashcroft, qui affirmait que c'était là une «victoire importante dans la guerre contre le terrorisme». Il a rappelé que la guerre contre le terrorisme ne saurait être menée dans le déni des droits des personnes détenues sur simple suspicion. Les détentions sans procès sont en réalité des détentions administratives en contradiction avec les principes du droit, s'est-il exclamé. Il a exhorté la Commission à demander au Gouvernement des États-Unis de respecter la résolution 57/219 de l'Assemblée générale en date du 16 décembre 2002 et la récente résolution 1456 (2003) du Conseil de sécurité, en date du 20 janvier, concernant les mesures prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il a déclaré que de telles détentions étaient également contraires aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et a estimé que les États-Unis devraient se garder de toute sélectivité dans leur application des résolutions du Conseil de sécurité.
Dans son rapport sur l'indépendance des juges et des avocats (E/CN.4/2003/65), le Rapporteur spécial, M. Dato' Param Cumaraswamy, indique que, pendant l'année écoulée, il est intervenu à plusieurs reprises, notamment pour lancer des appels urgents, dans certains cas conjointement avec d'autres rapporteurs spéciaux. Il s'est rendu en Indonésie et en Arabie saoudite et a effectué une mission de suivi en Italie. Il s'est également rendu au Timor-Leste, à l'invitation du Ministre des affaires étrangères, afin de résoudre un différend
entre le Gouvernement et les magistrats. Il n'a pu, faute de temps, se rendre en mission en Grèce, comme le Gouvernement de ce pays l'y avait invité. Il a assisté à Rome, en décembre 2002 avec d'autres participants, à une réunion destinée à aider la Commission pour la réforme judiciaire en Afghanistan établie en application de l'Accord de Bonn.
Le Rapporteur spécial signale que si les deux principaux instruments relatifs à l'indépendance du pouvoir judiciaire et au rôle des avocats adoptés par l'Organisation des Nations Unies sont bien connus, des progrès restent à faire en ce qui concerne leur application. S'agissant de l'obligation redditionnelle des magistrats, le Rapporteur spécial joint au présent rapport les Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire et invite la Commission à les adopter, ou du moins à en prendre note dans sa résolution relative au mandat du Rapporteur. Ce document est l'aboutissement de trois années de travail avec d'éminents magistrats des diverses régions. S'agissant de la lutte contre le terrorisme, le Rapporteur spécial est préoccupé par les répercussions qu'elle peut avoir sur le respect de la légalité et invite instamment la Commission à rappeler aux États membres leurs obligations découlant du droit international, et plus particulièrement des instruments relatifs aux droits de l'homme, au droit des réfugiés et au droit humanitaire. Il est également préoccupé par l'opposition du Gouvernement des États-Unis d'Amérique à la création de la Cour pénale internationale et par l'action qu'il continue de mener pour obtenir la conclusion d'accords bilatéraux avec les États membres en application de l'article 98 du Statut de Rome.
Au Zimbabwe, la situation en ce qui concerne la primauté du droit a continué à se détériorer, et le Rapporteur spécial invite instamment la Commission à prendre les mesures appropriées pour y faire face. Il conviendrait qu'elle fasse de même en ce qui concerne le Swaziland, au cas où la situation dans ce pays ne s'améliorerait pas d'ici sa prochaine session. S'agissant du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, il réitère sa demande tendant à ce qu'une enquête judiciaire publique soit ouverte sur les meurtres de Patrick Finucane et Rosemary Nelson. Le Rapporteur spécial rappelle une fois de plus à la Commission que les pays en transition, particulièrement en Europe orientale et centrale et en Asie, ont besoin d'une assistance technique pour structurer ou restructurer leurs institutions aux fins d'une administration efficace de la justice. Parmi ces pays, le Rapporteur spécial estime que le Timor-Leste et l'Afghanistan doivent faire d'urgence l'objet d'une attention particulière.
Le Rapporteur spécial souligne à nouveau l'ampleur des travaux de recherche qu'exige l'exécution de son mandat et demande que des ressources supplémentaires, en particulier en personnels compétents, y soient affectées.
Dans l'additif 1 à son rapport, le Rapporteur spécial examine la situation dans un certain nombre de pays. Il y résume les appels urgents et les communications transmis aux gouvernements entre le 1er décembre 2001 et le 31 décembre 2002 ainsi que les réponses reçues.
L'additif 2 au rapport porte sur la mission que le Rapporteur spécial a effectuée en Indonésie. Il avait reçu des informations concernant l'état de droit, l'administration de la justice et en particulier l'indépendance du pouvoir judiciaire, dont des allégations de corruption généralisée et systématique de l'appareil judiciaire, touchant tous les personnels, juges, procureurs, policiers et autres fonctionnaires de justice compris. Il avait aussi reçu des informations sur la situation de l'administration de la justice à Aceh, en Papouasie-Nouvelle-Guinéeet aux Moluques. Sa demande d'accès à ces zones de conflit a été rejetée par le Gouvernement au motif que sa sécuriténe pouvait être garantie. Dans son rapport, il aborde aussi des questions concernant les procureurs, les professions juridiques, les réformes entreprises par le Gouvernement et le Tribunal spécial des droits de l'homme au Timor oriental, et évoque brièvement la situation dans les zones de conflit, et la situation des femmes et des enfants.
L'additif 3 est consacré à la mission effectuée en Arabie saoudite. Il s'agissait de déterminer dans quelle mesure, dans l'exercice de leurs fonctions, les magistrats du siège et du parquet et les avocats observent au regard du droit à un procès équitable les règles internationales de procédure pénale et autres. Notant que le système juridique a été profondément remanié ces 10 dernières années de manière à améliorer l'administration de la justice et que le Gouvernement et les magistrats eux-mêmes accordent un degré de priorité élevé à l'indépendance de la magistrature, le Rapporteur spécial indique qu'il existe cependant des facteurs d'ordre structurel qui risqueraient de saper cette indépendance. Il recommande que les juges soient dotés d'un statut spécial qui reconnaisse l'unicité de leurs fonctions. En outre, le Gouvernement devrait faire en sorte que le corps des magistrats soit plus représentatif en veillant à la nomination de femmes aux postes de magistrat. Il recommande d'autre part que le parquet soit placé sous la supervision du Ministère de la justice. Il encourage le Gouvernement à accélérer le processus d'inscription des avocats afin d'aider ceux-ci à se constituer en un ordre autonome et à prendre des mesures pour inciter les femmes à exercer la profession d'avocat. Le Rapporteur spécial se félicite de la loi sur la procédure pénale qui clarifie la procédure pénale et les droits de l'accusé, ainsi que de l'interdiction de la torture, tout comme de l'importance accordée au droit à être représenté par un conseil. Néanmoins, la loi autorise le maintien d'une personne en détention sans jugement pendant une période pouvant aller jusqu'à six mois. À cet égard, il considère que le poids qui s'attache aux aveux exacerbe les risques liés aux détentions de longue durée et recommande que l'accusé soit déféré promptement à un tribunal.
Enfin, dans l'additif 4 au rapport, qui porte sur la mission complémentaire effectuée en Italie, le Rapporteur spécial rappelle les conclusions de sa précédente mission effectuée en mars 2002 à la suite d'informations faisant état d'une tension croissante entre les magistrats, y compris les procureurs, et le Gouvernement. Lors des entretiens qu'il a eus au cours de sa mission, le Rapporteur spécial a soulevé les questions suivantes : l'ampleur des progrès accomplis dans la réforme du système judiciaire, et la tension entre le Gouvernement et les magistrats; les procédures pénales engagées contre des personnalités politiques, la loi sur la suspicion légitime et ses incidences; la non-comparution du Premier Ministre en qualité de témoin dans deux procès; et la pratique selon laquelle des magistrats sont élus au Parlement et ont une activité politique. Il constate notamment que la tension persiste entre les magistrats et le Gouvernement et que la réforme du système judiciaire dont le pays a grand besoin fait les frais de cette tension persistante. Le Rapporteur spécial présente des recommandations sur les réformes judiciaires à faire; sur les poursuites dont sont actuellement l'objet le Premier Ministre et son collaborateur; sur les jugements rendus par les tribunaux et les critiques dont ils peuvent faire l'objet; sur l'activité politique des magistrats et la question de savoir si une action de grève collective des magistrats est compatible avec les principes de l'indépendance de la magistrature.
Déclarations de parties concernées
M. ABDULWAHAB ABDULSALAM ATTAR (Arabie saoudite) a exprimé son appréciation pour les efforts déployés par le Rapporteur spécial dans la préparation de sa mission. L'Arabie saoudite a indiqué très clairement sa volonté d'assurer le succès de cette visite. Depuis janvier dernier, les autorités du Royaume ont étudié avec soin le projet du rapport et les conclusions et recommandations présentées. Certaines avaient déjà été mises en pratique, a fait valoir le représentant, citant notamment les recommandations relatives au processus d'enregistrement des avocats ou l'encouragement donné aux femmes de pratiquer les professions juridiques. De même, le système de formation des juges, des procureurs et des avocats est constamment renforcé et un décret royal a été promulgué qui prévoit l'introduction de cours obligatoires sur le droit international en matière de droits de l'homme dans les universités. Les recommandations du Rapporteur concernant le Code de procédure criminelle ont également été étudiées avec soin et prises en compte dans le projet de règles d'application du Code. Le représentant saoudien a toutefois relevé certaines imprécisions qu'il a mises sur le compte de la brièveté de la visite du Rapporteur spécial. Il a fait part de la satisfaction de son gouvernement au sujet de la visite du Rapporteur spécial et assuré la Commission de l'intention des autorités saoudiennes de mettre en œuvre ses recommandations de façon claire et transparente et de coopérer avec tous les mécanismes relatifs aux droits de l'homme.
M. DJISMUN KASRI (Indonésie) déclaré que son pays, soucieux de renforcer sa capacité judiciaire et les secteurs connexes, avait invité M. Cumaraswamy à faire une visite en Indonésie. La reconnaissance du Gouvernement de l'Indonésie envers le Rapporteur est malheureusement tempérée par certains aspects de son rapport. En effet, sa déclaration sur l'absence de volonté de progrès de la part du Gouvernement est fausse, a déclaré le représentant, qui a souligné la volonté affichée de réformes du Gouvernement indonésien. En outre; dire que le système judiciaire indonésien est corrompu est aussi totalement excessif et contre-productif, a déclaré le représentant, tout en reconnaissant que le système judiciaire.
Depuis 1998, tout le pays est lancé dans un programme de réformes judiciaires et de lutte contre la corruption. Des amendements ont été apportés à la Constitution et à la législation. Dire que ces mesures ne se sont pas traduites dans la réalité, comme l'affirme un peu rapidement M. Cumaraswamy, est totalement injustifié, même si le processus prend plus de temps que ne prévoyait le Gouvernement. Une Commission nationale et certaines organisations non gouvernementales surveillent de façon constante le système judiciaire. Les fonctionnaires sont également justiciables de leurs actes devant les tribunaux. Certains juges, condamnés pour corruption, ont pu influencer l'image générale de la justice, de même que l'opinion du Rapporteur. Ce dernier a également effectué une évaluation prématurée quant au tribunal spécial pour le Timor-Leste. Les résultats du procès mentionné sont provisoires, par conséquent, les conclusions du Rapporteur spécial sont hâtives. Le représentant a souligné qu'il s'est d'ailleurs trompé sur le nombre de personnes inculpées, plus élevé en fait qu'il ne dit.
M.ALESSANDRO FALLAVOLLITA (Italie) a rappelé que le Rapporteur spécial avait bénéficié de toute la coopération, sans condition, des autorités de son pays. Il a également rappelé le rôle majeur joué par l'Italie dans la naissance de la Cour pénale internationale et l'appui important qu'elle a accordé à la reconstruction du système judiciaire de l'Afghanistan. Concernant les recommandations de M. Cumaraswamy, il a déclaré que son Gouvernement était conscient de la nécessité de réduire le délai de saisine des tribunaux et que cette question était en cours d'examen. S'agissant les commentaires sur les liens entre la magistrature et le gouvernement, et l'indépendance de la magistrature, il a renvoyé la Commission au document que son pays avait fait parvenir au Haut-Commissariat.
Dialogue interactif avec le Rapporteur spécial sur l'indépendance de la justice
Dans le cadre du dialogue qui s'est engagé avec le Rapporteur spécial, le représentant de la Grèce (au nom de l'Union européenne) a voulu savoir quelles actions il comptait entreprendre pour s'assurer que le manuel du Haut-Commissariat sur l'indépendance des juges et les principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire soient véritablement pris en compte par les États.
Le représentant de Cuba a exprimé sa reconnaissance au Rapporteur spécial pour son travail dans le cadre de l'élaboration des principes de Bangalore qui devraient être distribués à toutes les délégations et à toutes les organisations non gouvernementales. Il a tout particulièrement salué le courage et l'impartialité de M. Cumaraswamy, estimant qu'il était un exemple pour tous les Rapporteurs spéciaux.
Répondant à ces interventions, M. CUMARASWAMY, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, a regretté qu'il semble y avoir un malentendu sur certains points de son rapport et s'est dit prêt à se rendre à Djakarta pour discuter du fond de son rapport. Il a indiqué au représentant de l'Union européenne que le manuel du Haut Commissariat était très complet et avait été élaboré dans l'objectif de former les formateurs, un travail qui peut être entrepris par l'unité de formation du Haut-Commissariat. Il a également fait part de sa participation à l'élaboration d'un manuel concernant le traitement de la torture par le pouvoir judiciaire. Il a espéré que ces textes apporteront une aide pratique à l'appareil judiciaire des États. S'agissant des principes de Bangalore, il a recommandé qu'ils soient distribués à tous les magistrats des États Membres et que les juges soient invités à les adopter eux-mêmes, ce qui serait préférable à une imposition de l'État.
Autres rapports
Au titre des droits civils et politiques, la Commission est également saisi du rapport du Secrétaire général sur l'état de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (E/CN.4/2003/60) qui indique qu'au 13 décembre 2002, 132 États avaient ratifié la Convention, y avaient adhéré ou y avaient succédé et 12 autres l'avaient signée. On trouvera en annexe à ce rapport la liste des États qui ont signé ou ratifié la Convention ou qui y ont adhéré ainsi que la date de leur signature, de leur ratification ou de leur adhésion.
La Commission est en outre saisie du rapport du Secrétaire général concernant le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture (E/CN.4/2003/61) qui contient des informations sur les activités du Fonds entre le 22 juillet 2002 et le 16 janvier 2003, sur les nouvelles contributions disponibles, les contributions annoncées, les tendances des dernières années, les besoins de financement estimés par le Conseil d'administration du Fonds, les bonnes pratiques, les activités du Conseil en matière de recherche de financement, la mise en œuvre des décisions par le Conseil ainsi que les recommandations faites aux donateurs afin de faire face aux besoins croissants en matière d'assistance aux victimes de la torture et aux membres de leurs familles.
Par ailleurs, le Haut-Commissaire aux droits de l'homme a soumis son rapport sur l'incompatibilité entre la démocratie et le racisme (E/CN.4/2003/62) dans lequel il résume la teneur des réponses obtenues à sa demande d'informations et d'observations concernant la question de l'incompatibilité entre la démocratie et le racisme, en particulier sur l'évolution des partis politiques ayant des programmes racistes, ainsi que sur les mesures prises pour contrecarrer ces tendances. Les réponses obtenues émanaient des pays et organismes suivants: Argentine, Koweït, Norvège, Portugal, Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale (CESAO), Commissions nationales des droits de l'homme de l'Inde et de la Nouvelle-Zélande, Organisation des États américains (OEA) et Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). L'additif 1 au rapport résume en outre la réponse fournie par Cuba.
Une note du Haut Commissaire aux droits de l'homme concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations du droit internationale relatif aux droits de l'homme et du droit international humanitaire (E/CN.4/2003/63) était par ailleurs soumise à l'attention de la Commission. Cette note transmet le rapport de la réunion de consultation organisée en vue de mettre au point la version définitive des «Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes de violations du droit international relatif aux droits de l'homme et du droit international humanitaire». Suite aux travaux de la réunion, le Président-Rapporteur recommande à la Commission de créer un mécanisme approprié et efficace qui serait chargé de mettre au point la version définitive de l'ensemble des principes et directives à ce sujet et d'inviter ce mécanisme à établir des consultations et une coopération avec les gouvernements, les organisations intergouvernementales et les organisations non gouvernementales intéressés.
La Commission était aussi saisie du rapport du Haut-Commissaire sur les nouvelles mesures visant à promouvoir et à consolider la démocratie (E/CN.4/2003/64) qui présente les réponses reçues à sa demande adressée aux divers organisations et arrangements régionaux, sous-régionaux et autre de lui faire part de leurs vues sur le rôle qu'ils jouent en matière de promotion et de consolidation de la démocratie. Ces réponses émanent de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, de la Commission économique et sociale pour l'Asie occidentale, de l'Organisation des États américains, et de deux Commissions nationales des droits de l'homme, celle de l'Inde et celle de la Nouvelle-Zélande.
Débat au titre des droits civils et politiques
M. SHAUKAT UMER (Pakistan) a assuré que la protection des droits civils et politiques est une obligation constitutionnelle dans son pays. Il a précisé que le Gouvernement élu du Premier Ministre Zafarullah Khan Jamali est déterminé à consolider les progrès enregistrés ces dernières années et dont témoignent, notamment, l'introduction d'une gouvernance locale pleinement représentative dotée d'une autonomie financière et administrative et de pouvoirs permettant de rendre la bureaucratie comptable de ses actes; l'abaissement de 21 à 18 ans, de l'âge de vote; l'abolition du système d'électorat séparé pour les minorités; ainsi que la promulgation du décret concernant le système de justice juvénile ou encore celle du décret sur la liberté de l'information. La démocratie est un processus évolutif, a rappelé le représentant pakistanais.
M. Manuel A. GONZÁLEZ-SANZ (Costa Rica, au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, GRULAC) a estimé qu'il fallait mettre au point un instrument international de lutte contre les disparitions forcées et que, dans ce cadre, il fallait encourager les travaux du Groupe de travail chargé d'élaborer un projet d'instrument international juridiquement contraignant sur les disparitions forcées ou involontaires. Les délégations du GRULAC espèrent que d'autres groupes régionaux participeront pleinement aux travaux sur les disparitions, aucune région ne pouvant prétendre être exempte de ces crimes. Les organisations non gouvernementales ont aussi un rôle à jouer dans les travaux du Groupe.
M. JULIO DUARTE VAN HUMBECK (Paraguay, s'exprimant au nom du MERCOSUR et des États associés, Bolivie et Chili) a fait part des difficultés auxquelles se sont heurtées les démocraties de sa région, ce qui les a conduits à adopter des réformes visant à réformer leur appareil judiciaire, leurs institutions et à accroître la participation des citoyens. Il a illustré son propos par l'exemple de la clause démocratique figurant au Protocole d'Ushuaïa au Traité d'Asunción, et de la Charte démocratique interaméricaine adoptée par l'Organisation des États américains en septembre 2001. Reconnaissant l'importance des efforts faits par le Haut-Commissariat, il a insisté sur le fait qu'ils devaient être relayés par les États et a fait savoir que les pays du MERCOSUR étaient prêts à accueillir diverses manifestations organisées par le Haut-Commissariat et souhaitaient bénéficier de programmes d'assistance technique. Toutefois, il convient aussi que les efforts des États soient appuyés par les mécanismes des droits de l'homme qui doivent donc disposer des ressources nécessaires à leur fonctionnement, a-t-il ajouté. Il a rappelé l'engagement des pays du MERCOSUR en faveur des principes démocratiques et a enjoint les États Membres des Nations Unies à appuyer la coopération pour la promotion des droits de l'homme et de la démocratie.
MME NORMA NASCIMBENE DE DUMONT (Argentine) a rappelé que son pays a participé activement à la première session du Groupe de travail chargé d'élaborer un instrument international ayant force contraignante sur les disparitions forcées ou involontaires. Elle a exprimé l'espoir que l'on pourra rapidement passer à l'étape de rédaction et conclure ainsi l'élaboration de cet instrument. La représentante argentine a indiqué que les rapports concernant la torture, les exécutions extrajudiciaires, la liberté d'opinion et d'expression ainsi que l'indépendance des juges et des avocats contiennent, tous, des annexes au rapport
principal où sont reproduites les listes des cas et appels transmis à des gouvernements. Malheureusement, ces rapports annexes ne contiennent pas toujours les réponses apportées par l'Argentine, ce qui ne permet pas de témoigner du haut degré de coopération du Gouvernement argentin avec les mécanismes de la Commission. En 2002, l'Argentine a adressé une invitation permanente aux mécanismes de la Commission, ce qui montre le degré de priorité élevé que le pays accorde à la promotion et à la protection des droits de l'homme.
Droit de réponse
Le représentant des États-Unis a tenu à répondre aux préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats concernant la situation des détenus à Guantanamo. Il a déclaré que la décision de la Cour d'appel du District de Columbia auquel le Rapporteur spécial a fait référence démontre au contraire la totale indépendance des juges aux États-Unis. Il a expliqué que tous les détenus des États-Unis étaient traités conformément à la loi des États-Unis, au droit international et aux principes de base de la dignité humaine. Il a précisé que les détenus en question n'étaient pas des détenus de droit commun, mais des combattants arrêtés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
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