En cours au Siège de l'ONU

DH/G/198

COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME: RAPPORT SUR LA LIBERTE DE RELIGION ET LES DETENTIONS ARBITRAIRES

07/04/2003
Communiqué de presse
DH/G/198


Commission des droits de l'homme


COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME: RAPPORT SUR LA LIBERTE

DE RELIGION ET LES DETENTIONS ARBITRAIRES


La Commission achève son débat général

sur les droits économiques, sociaux et culturels


GENÈVE, 7 avril -- La Commission a entendu, cet après-midi, des interventions de M. Louis Joinet, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les détentions arbitraires et de M. Abdelfattah Amor, Rapporteur spécial sur la liberté de religion et de conviction, qui ont présenté leurs rapports dans le cadre de l'examen de la question des droits civils et politiques.  Auparavant, la Commission a achevé son débat général sur les droits économiques, sociaux et culturels par l'audition de plusieurs organisations non gouvernementales.


M. Joinet s'est félicité que l'Australie, le Mexique et l'Iran aient facilité l'accès sans restriction à toutes les prisons que le Groupe de travail avait demandé à visiter.  Il s'est particulièrement félicité de l'amélioration des relations avec la société civile au Mexique et a encouragé ce pays à poursuivre dans la voie des réformes.  Après les déclarations du Mexique et de l'Australie, M. Joinet a répondu à une question de Cuba portant sur la compétence des tribunaux des États-Unis pour connaître des détentions sur la base navale de Guantanamo.


Une culture de violence, de discrimination et de haine est en train de réapparaître, s'est inquiété M. Amor, qui a constaté une tendance générale à la montée de l'intolérance et de la discrimination fondée sur la religion et la conviction, comme en témoignent les allégations reçues.  À cet égard, il a précisé que les minorités religieuses et notamment musulmanes étaient particulièrement affectées.  M. Amor a également rendu compte de sa visite en Algérie.  Le représentant de l'Algérie a aussi fait une déclaration en qualité de partie concernée. 


De nombreuses organisations non gouvernementales qui se sont exprimées sur les droits économiques, sociaux et culturels ont mis l'accent sur l'importance de l'éducation pour imposer des valeurs de paix et de tolérance par une meilleure connaissance de l'autre et des droits de l'homme.  Nombreuses aussi ont été les organisations non gouvernementales qui ont réclamé un visage humain à la mondialisation et que s'instaure un ordre économique international plus juste, notamment en garantissant un accès plus libre aux marchés.  Ainsi, plusieurs organisations non gouvernementales ont dénoncé les barrières douanières érigées par les pays riches, ainsi que les subventions que ces derniers accordent à leur agriculture et qui créent une situation de concurrence déloyale contraire à la notion de souveraineté alimentaire.


Les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole: New Humanity (au nom également de la Jeunesse étudiante catholique internationale et de l'Organisation internationale pour le développement de la liberté d'enseignement); Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (au nom également de l'Alliance internationale des femmes et des Femmes de l'internationale socialiste); Mouvement indien «Tupaj Amaru» (au nom également de l'Union des juristes arabes et de la Fédération générale des femmes arabes); Movimiento Cubano por la Paz y la Soberanía de los Pueblos (au nom également de l'Union nationale des juristes de Cuba et de l'Organisation de solidarité des peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine); Fédération internationale des ligues des droits de l’homme; Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques; Fédération syndicale mondiale; International Institute for Non-Aligned Studies; Organisation de la solidarité des peuples afro-asiatiques; Fédération des associations pour la défense et la promotion des droits de l'homme; Indian Council of Education; Commission colombienne de juristes; Parti radical transnational; Centre Europe Tiers-monde - CETIM; International Educational Development, Inc.; Confédération internationale des syndicats libres; Association américaine de juristes; Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples; Libération; Asian Legal Resource Centre; Internationale libérale; Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples; Interfaith International; Organization for Defending Victims of Violence; Comité d'action internationale pour les droits de la femme; Société anti-esclavagiste; Conseil international de traités indiens; Centro de Estudios sobre la Juventud; Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes; Fédération mondiale pour la santé mentale; Association des femmes pakistanaises; Commission andine de juristes; Internationale démocrate chrétienne; Third World Movement against the Exploitation of Women; Association tunisienne pour l’auto-développement et la solidarité; Organisation néerlandaise pour la coopération internationale au développement; Pour le droit à se nourrir; Voluntary Action Network India; Asociacion Internacional de Derechos Humanos de las Minorias Americanas; Pax Romana; Fédération internationale islamique d'organisations d'étudiants; Mouvement international de la réconciliation; et Fraternité Notre Dame.


Les représentants des pays suivants ont exercé leur droit de réponse au titre des droits économiques sociaux et culturels: Inde, Turquie, Égypte, Chypre et Pakistan. 


La Commission entamera demain, mardi 8 avril, à partir de 10 heures, l'examen des questions relatives aux droits civils et politiques.


SUITE DU DEBAT SUR LES DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS


M. ANDREKALENDE(New Humanity, au nom également de la Jeunesse étudiante catholique internationale et de l'Organisation internationale pour le développement de la liberté d'enseignement) s'est inquiété du nombre de personnes qui ne jouissent pas encore du droit à l'éducation, qui subit de plein fouet les restrictions économiques liées à une libéralisation effrénée.  Il a fait valoir que les frais de scolarisation élevés sont en contradiction avec les engagements en faveur de la gratuité de l'enseignement primaire.  Il a également souligné l'importance de garantir la liberté de l'enseignement, estimant que les États ne peuvent pourvoir seuls à la prestation éducative, en particulier du fait que certains pays sont dans l'impossibilité totale de financer l'éducation.  Il a regretté que les États n'aient pas encore pris conscience que l'éducation est un investissement incontournable, et qu'elle est le principal outil qui permet de sortir de la pauvreté et d'obtenir les moyens de participer pleinement à la vie de la nation.  Le représentant a en outre mis l'accent sur l'importance d'une éducation de qualité et a estimé qu'il fallait désormais susciter dans les milieux éducatifs des rencontres et des activités de connaissance de «l'autre», de sa culture et de sa religion.  Il importerait aussi que l'éducation s'emploie à promouvoir de vraies valeurs universelles et une culture de paix et de non-violence.  L'éducation devrait permettre d'offrir une autre vision de l'humanité en la présentant non comme un ensemble de peuples juxtaposés antagonistes, mais comme un seul peuple, riche de sa diversité et garant des différentes identités, a-t-il insisté.  Pour ce faire, il ne faut pas négliger la formation continue des éducateurs de sorte qu'ils veillent à l'épanouissement de la personne dont ils ont la charge et qu'elle puisse à son tour en faire profiter la communauté tout entière, a-t-il poursuivi.  Dans ce contexte, New Humanity encourage les donateurs à favoriser le partenariat entre les gouvernements et les organisations non gouvernementales dans la conception, l'exécution et le suivi des programmes éducatifs.  Il a émis l'espoir que les États déploient un jour les mêmes efforts et les mêmes sommes à l'éducation que ce qu'ils investissent aujourd'hui dans la lutte contre le terrorisme et les guerres contre des ennemis improbables. 


Mme KARIN STASIUS(Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, au nom également de l'Alliance internationale des femmes et des Femmes de l'internationale socialiste) a souligné que les femmes et les fillettes à travers le monde sont largement confrontées aux impacts négatifs de la privatisation accélérée de l'accès à l'eau et à la nourriture ainsi que de l'éducation.  La représentante a en outre recommandé la prorogation du mandat du Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable ainsi que celle des mandats des Rapporteurs spéciaux sur le droit à l'alimentation et sur l'extrême pauvreté.  Elle a également jugé nécessaire la convocation dans un avenir proche d'une nouvelle Conférence mondiale sur les femmes.  La représentante a par ailleurs recommandé que le Groupe de travail chargé d'élaborer un projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels utilise le projet de protocole élaboré par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.  Il est essentiel qu'un mécanisme de plainte soit mis à disposition de chaque groupe ou individu qui s'estimerait victime d'une violation de l'un quelconque de ses droits économiques, sociaux et culturels.


M. LAZARO PARY ANAGUA (Mouvement indien «Tupaj Amaru» au nom également de l'Union des juristes arabes et de la Fédération générale des femmes arabes) a demandé une minute de silence à la mémoire des victimes ayant péri à la suite de la faim, des guerres et de la pauvreté.  Il a dénoncé la guerre illégale anglo-étasunienne et le silence des membres du Conseil de sécurité face aux missiles et aux bombes à fragmentation qui ont déjà détruit les câbles de haute tension, la station d'épuration d'eau, les marchés populaires, les hôpitaux, privant la population d'eau potable, d'alimentation et du système sanitaire le plus élémentaire.  Tandis que les puissances sont déjà en train de partager le butin de la guerre, les Nations Unies se voient reléguées à la seule fonction humanitaire.  Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, qui ont imposé l'orthodoxie néolibérale aux pays en développement et ont ouvert leurs portes aux corporations et au capitalisme transnationaux qui ont mis la main sur les ressources énergétiques du tiers-monde, devraient assumer leur responsabilité pour les graves violations des droits économiques, sociaux et culturels du peuple iraquien.  Il a également dénoncé le bilan particulièrement sombre des politiques d'ajustement structurel et la politique financière du FMI, qui entraîne une paupérisation du plus grand nombre, une disparité immense entre riches et pauvres, la pauvreté absolue, une dette extérieure toujours plus étouffante, la résurgence du racisme et du terrorisme.  Dans cette optique, le représentant a évoqué le cas de l'Argentine qui, considérée comme la sixième puissance mondiale en 1928 est aujourd'hui un pays pauvre.  La situation argentine a mis en évidence la faillite des programmes d'ajustement structurel et les limites des solutions aux problèmes économiques et sociaux dans le cadre de la mondialisation.  Tandis que le nombre de pauvres ne cesse d'augmenter, la richesse accumulée par les trois personnes les plus riches du monde est supérieure au PNB de 48 pays en développement, a souligné le représentant qui a appelé à changer le système économique actuel. 


Mme LOURDES CERVANTES VASQUEZ (Movimiento Cubano por la Paz y la Soberanía de los Pueblos, au nom également de l'Union nationale des juristes de Cuba et de l'Organisation de solidarité des peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine) s'est demandée comment, au vu de la stratégie de sécurité impérialiste de la plus puissante des nations, on pouvait envisager les droits économiques et sociaux.  Elle a demandé que l'on s'emploie au contraire à promouvoir une véritable liberté du commerce en interdisant les subventions injustes, notamment en faveur des agriculteurs des États-Unis, et en assurant une réelle ouverture des marchés.  Elle a demandé que l'aide humanitaire soit véritablement telle et se transforme en une aide réelle au développement.  Elle a dénoncé l'ordre injuste qui vise à garantir envers et contre tous la sécurité énergétique des -États-Unis, qui se manifeste dans son intention de détruire le processus en cours au Venezuela et dans l'agression contre l'Iraq.  Enfin, elle a dénoncé l'injustice du blocus imposé à Cuba, en contradiction ave la volonté exprimée à maintes reprises par la communauté internationale. 


M. ANTOINE MADELIN (Fédération internationale des ligues des droits de l’homme - FIDH) a appelé la Commission à adopter rapidement le projet de protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en décidant notamment, lors de la présente session, de convoquer la réunion d'un groupe de travail chargé de discuter les différents aspects de cet instrument normatif.  À terme, cette mesure fondamentale permettrait aux particuliers de disposer d'une procédure d'appel au niveau international pour, en vertu du principe d'universalité des droits de l'homme, élargir la gamme de la reconnaissance effective des droits fondamentaux dans la pratique, sans pour autant créer de nouvelles obligations.  Rappelant que toute stratégie de lutte contre l'extrême pauvreté doit être fondée sur le respect de

l'ensemble des droits de l'homme, la FIDH demande à la Commission d'inviter le Groupe de travail de la Sous-Commission à élargir son étude préparatoire à l'élaboration d'un projet de déclaration internationale sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, qui se limite actuellement à quelques droits seulement.


Au Niger, la FIDH a déploré l'infection de près de 5 000 enfants qui sont atteints de maladies osseuses après avoir bu de l'eau polluée.  L'État nigérien a l'obligation de garantir le droit à obtenir réparation devant les tribunaux en cas de violation du droit à la santé ou à l'eau potable afin que ce type de violation ne reste pas impuni.  Enfin, la FIDH est particulièrement préoccupée par la situation des droits de l'homme prévalant autour des «bateaux poubelles».  Tant la situation des marins à bord que celle des travailleurs des chantiers de démolition exigent de réguler les activités des armateurs et des entreprises de démolition et de recyclage des navires.  Ces responsabilités incombent en premier lieu aux États et, à l'avenir, aux entreprises.


Mme CATHERINE FERRY (Organisation mondiale contre la torture) a déploré que les droits civils et politiques continuent d'être traités séparément des droits économiques, sociaux et culturels alors que ces deux catégories de droits sont inextricablement liés et que les séparer n'a pas de sens pour les victimes.  La représentante a en particulier mis l'accent sur cette interdépendance entre le droit à un logement convenable et les démolitions de maisons et expulsions forcées.  À cet égard, elle a cité des exemples en Égypte, où des expulsions forcées ont lieu à grande échelle, aux Philippines, où les conflits portant sur la terre s'accompagnent souvent de violences, et en Inde.  La reconnaissance pratique de l'interdépendance des droits va bien au-delà de l'adoption d'un protocole facultatif mais cette étape est essentielle.  Elle est essentielle pour les victimes mais aussi pour la cohérence de tout le système des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme.  En conséquence, l'OMCT demande à la Commission de mettre en place un groupe de travail pour rédiger ce protocole par le biais d'une approche complète et inclusive des droits énoncés par le Pacte et par l'adoption d'un délai pragmatique pour remplir son mandat.


M. PIERRE MIOT (Fédération internationale des mouvements d'adultes ruraux catholiques) a estimé que pour prouver que le système des Nations Unies n'est pas définitivement soumis aux intérêts du commerce et que la FAO n'est pas un simple agent de développement agricole de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les gouvernements devront remettre en cause les orientations libérales prises il y a six ans.  Il a déclaré que lutter contre la faim ne doit pas se limiter à fournir aux populations de quoi se nourrir et leur garantir la «sécurité alimentaire».  C'est surtout et de manière prioritaire mettre en œuvre le concept de «souveraineté alimentaire» s'est-il exclamé.  Il a fait valoir que ce concept est de plus en plus important pour les organisations paysannes qui demandent qu'ils soit reconnu, aux plans national et international, comme l'expression d'un droit essentiel des peuples.  Il a regretté que la souveraineté alimentaire se heurte de front aux politiques néolibérales imposées par la Banque mondiale, le Fonds monétaire internationale et l'Accord sur l'agriculture de l'OMC.  Dans ce contexte, a-t-il poursuivi, la FIMARC s'oppose aux systèmes de subventions que les pays riches accordent à leurs agriculteurs, ce qui fausse le marché et porte préjudice aux paysans du Sud.  Il a recommandé que soit élaborée, dans le cadre des Nations Unies, une convention sur la souveraineté alimentaire et que la souveraineté alimentaire soit officiellement retenue comme ligne directrice principale des politiques en matière d'agriculture et d'alimentation.  Il a suggéré au Rapporteur spécial d'accorder une attention particulière au concept de souveraineté alimentaire comme moyen d'assurer la réalisation du droit à l'alimentation. 


M. RAMON CARDONA (Fédération syndicale mondiale) a fait observer que, loin de bénéficier aux travailleurs et à leurs familles, la mondialisation a rompu l'équilibre toujours injuste qui avait pu être réalisé entre le capital et le travail.  Dans le monde du travail d'aujourd'hui, les conquêtes sociales réalisées durant des décennies de luttes syndicales sont mises à mal.  La décennie en cours a été déclarée par les Nations Unies Décennie mondiale pour la culture de la paix et la non-violence ainsi que Décennie mondiale pour l'élimination de la pauvreté.  Actuellement, ces priorités sont abrogées par la plus grande puissance militaire du monde qui, ignorant les protestations qui se sont élevées de par le monde et se plaçant en marge des institutions internationales mène une sanglante intervention militaire pour s'approprier les réserves du pétrole iraquien.  Il faut mettre un terme à la guerre injuste et illégale en Iraq et il faut que les États-Unis et le Royaume-Uni se soumettent aux principes du droit international.


Mme SRIVAS TAVA (International Institute for Non-Aligned Studies) a souligné l'impact de la mondialisation dans le processus de prise de décision des gouvernements en matière de réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.  Elle a également mis l'accent sur le rôle de la société civile et des organisations non gouvernementales (dans la réalisation de ces droits, notamment en ce qui concerne l'intégration des couches les plus pauvres et marginalisées de la population et pour la mise en place de critères de qualité qui influent sur le bien-être économique et social de la population.  Le rôle des organisations non gouvernementales dans les secteurs de l'éducation, de la santé et de l'emploi est déterminant pour les programmes de développement au niveau local et communautaire dans les pays en développement qui ont des ressources limitées.  La représentante s'est dite convaincue du potentiel des droits économiques, sociaux et culturels pour offrir à tous les mêmes possibilités au sein d'une société et a souhaité que le partenariat entre les ONG et les institutions internationales œuvrant dans les domaines humanitaire, culturel et éducationnel se développe par l'intermédiaire de la Commission des droits de l'homme.


M. ZAFAR IQBAL KHAN MANHAS (Organisation de la solidarité des peuples afro-asiatiques) a dénoncé les tentatives visant à imposer un nouvel ordre culturel et social au Jammu-et-Cachemire qui aurait pour conséquences de déformer la culture composite du Cachemire et de faire reculer le développement de la région tout entière.  Il a déclaré que l'histoire du Cachemire atteste au contraire de la culture de tolérance qui régnait dans la société du Cachemire et la coexistence pacifique entre les nombreuses religions qui y sont représentées.  Il a dénoncé la primauté actuelle des armes qui met en danger le tissu social du Cachemire et a provoqué l'émigration de milliers de personnes.  Pour illustrer la tolérance de la société cachemirienne, il a expliqué que les musulmans du Cachemire avaient maintes fois aidé à la reconstruction des temples de leurs frères pandits, gestes qui sont incompréhensibles à ceux qui se posent aujourd'hui en défenseurs de la foi, étrangers pourtant à toute notion de tolérance et de coexistence pacifique, incapables même de respecter leurs coreligionnaires qui n'approuvent pas leur politiques totalitaires.


M. ENRIQUE DE SANTIAGO (Fédération des associations pour la défense et la promotion des droits de l'homme) a rappelé que selon le dernier rapport de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, 840 millions de personnes à travers le monde souffrent de malnutrition et, toutes les sept secondes, un mineur de moins de dix ans meurt directement ou indirectement de faim.  C'est pour cela qu'il faut poursuivre l'envoi urgent d'aliments à toute population se trouvant dans l'incapacité de trouver pour l'heure une porte de sortie face à ce problème.  Il faut en outre promouvoir la coopération interétatique, qui ne saurait signifier dépendance ni charité.  S'agissant de la nécessité de rendre les droits économiques, sociaux et culturels justiciables, le représentant a estimé que chaque État doit, à travers ses lois et organes judiciaires, conférer au droit à l'alimentation un caractère obligatoire.  Le Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation devrait en outre être habilité à recevoir des plaintes individuelles contre les États.  Il faudrait également que soit rédigé de toute urgence le protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels afin que le droit à l'alimentation devienne effectif, sans oublier le fait que l'objectif final est en fin de compte la rédaction d'un traité octroyant à ce droit un caractère contraignant.


M. R. ARAVINDAN (Indian Council of Education) a déclaré que le multiculturalisme est une réalité sociale indéniable, soit du fait de groupes autochtones minoritaires, soit des groupes migrants, tous très présents dans les sociétés du monde entier.  Bien que les gouvernements aient pour mission de protéger les droits culturels de leur peuple, il reste encore à réaliser des approches nationales et la surveillance des stratégies et résultats.  L'éducation est l'une des façons de changer l'attitude des peuples et de les rendre respectueux des différences culturelles.  Une véritable éducation multiculturelle doit être intégrée aux programmes scolaires nationaux.  Il faut qu'intervienne un éloignement progressif de la pensée ethnocentrique propre aux jeunes et aux communautés au profit d'une approche axée sur les droits.  Le succès de programmes multiculturels dépend de la volonté politique qui y présidera et d'une situation sociale favorable à l'ouverture et à la tolérance.  Cette démarche, on a pu le constater, est en général source de tensions initiales.  Il convient aussi que les éducateurs parviennent à faire abstraction de leurs propres préjugés afin de pouvoir assumer leur rôle de «facilitateurs interculturels».


Mme NATHALIA LOPEZ (Commission colombienne de juristes) s'est alarmée que le concept de sécurité imposé mondialement ne se traduise pas par un renforcement des garanties pour les droits économiques, sociaux et culturels, mais conduise au contraire à l'application de politiques rétrogrades au plan social.  Dans un tel contexte, elle a souligné l'importance des instruments internationaux tels que le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et a estimé que la Commission se devait de renouveler le mandat du Groupe de travail chargé d'élaborer un projet de protocole facultatif au Pacte. 


Mme CIPING HUANG (Parti radical transnational) a attiré l'attention de la Commission sur le déni des droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit à l'éducation, auquel se livre le Gouvernement chinois.  Le niveau d'éducation dans les régions pauvres et reculées du pays est en effet faible, a-t-elle précisé.  De récentes études menées dans neuf provinces pauvres de Chine ont révélé que 10% des enfants n'ont jamais été scolarisés dans le primaire et que 35% ne peuvent achever le cycle de neuf années d'éducation de base.  La discrimination à l'égard des filles est patente du point de vue de l'éducation, a insisté la représentante.  Les conditions d'éducation sont encore pires pour les minorités chinoises.  La Commission devrait donc se pencher sur la surveillance des droits fondamentaux du peuple chinois.


M. MALIK ÖZDEN(Centre Europe Tiers-monde - CETIM) a relevé que l'on ne saurait violer les droits fondamentaux en invoquant la «liberté du commerce», «le libre jeu de la concurrence» ou les lois du marché.  La protection des droits de l'homme doit en effet primer sur toute autre considération.  Or, l'application de ce principe est à géométrie variable.  Ainsi, les politiques les plus vigoureuses sont exigées pour interdire purement et simplement la culture de la coca et du pavot, c'est la répression la plus énergique qui s'abat sur les paysans.  En ce qui concerne la production de l'alimentation de base des populations du monde, toutes les études sérieuses montrent à l'évidence que les règles imposées par l'Organisation mondiale du commerce vont mettre sur la touche l'écrasante majorité des paysans du monde.  Mais malgré cela, rien n'est mis en œuvre pour protéger leurs droits, tout au contraire: la puissance des appareils d'État, de l'OMC et des grandes sociétés transnationales se conjuguent pour les nier.  Cela est injuste, et il faut , adopter des mesures de protection des petits agriculteurs contre les prix de dumping de l'industrie agroalimentaire et permettre à chaque peuple d'affirmer souverainement sa propre politique alimentaire.


Mme KAREN PARKER (International Educational Development, Inc.) s'est inquiétée de la situation des filles nées de l'union de parents de deux pays différents et enlevées par leur père.  Elle a attiré l'attention sur la situation des filles enlevées par leurs pères, ressortissants de l'Arabie saoudite, et qui sont confinées comme des esclaves de peur qu'elles ne s'échappent.  Ces filles sont soumises à de mauvais traitements, y compris à des abus sexuels commis par les membres masculins de leur famille paternelle voire par leur père, a-t-elle poursuivi.  Elles n'ont pas le droit à l'éducation, sont converties de force à l'islam et souvent mariées de force à l'âge de 12 ou 13 ans.  Elle a estimé que la situation des ces enfants devait être examinée par les rapporteurs spéciaux sur le droit à la santé et le droit à l'éducation.  La représentante a ensuite attiré l'attention sur la situation des Kurdes de Turquie depuis le cessez-le-feu entre les forces turques et le PKK, rebaptisé Congrès pour la liberté et la démocratie du Kurdistan (KADEK).  Elle a expliqué que le KADEK avait reconnu l'intégrité territoriale de la Turquie et s'était résolu à faire valoir les droits culturels des Kurdes dans le cadre de la démocratisation de la Turquie.  Toutefois, dans le contexte actuel de l'agression contre l'Iraq, elle a fait valoir que les autorités turques, craignant que les Kurdes ne réclament un État, ne respectent pas leurs engagement.  Aussi a-t-elle exhorté la Commission à faire pression sur la Turquie pour qu'elle réactive le processus en vue de reconnaître les droits économiques, sociaux et culturels des Kurdes. 


Mme ANNA BIONDI (Confédération internationale des syndicats libres) a rappelé que, selon le Bureau international du travail, le nombre de chômeurs à travers le monde a cru de 20 millions depuis l'an 2000 pour atteindre un total de 180 millions à la fin de l'an dernier.  Elle a souligné que la dette extérieure et le service de la dette ont étranglé la croissance et les perspectives de développement durable des pays en développement.  Les institutions financières internationales et l'Organisation mondiale du commerce sont responsables de l'instauration d'un modèle économique injuste qui sape la démocratie et ne contribue pas au développement durable ni à la bonne gestion de la mondialisation.  Il conviendrait d'accorder davantage d'importance aux droits des travailleurs dans les documents et recommandations présentés à cette Commission dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels.  Il conviendrait également d'accorder l'attention voulue aux normes de l'Organisation internationale du travail.


Pour M. JAIRO SANCHEZ (Association américaine de juristes), les bombes à fragmentation ne sont pas le seul moyen de donner la mort aux populations civiles; il y a d'autres armes moins spectaculaires, mais tout aussi efficaces, nommément les politiques économiques imposées par les puissances mondiales hégémoniques et les organismes financiers internationaux.  La libéralisation de l'agriculture et les difficultés d'accès de médicaments par les pays pauvres constituent de graves menaces pour les populations concernées.  D'autre part, les États ont rendu des listes de services publics à libéraliser dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS).  Il s'agit là d'un danger imminent contre des services publics aussi importants que la santé, l'éducation, la culture, l'accès à l'eau, entre autres, que les sociétés transnationales tentent de s'approprier pour leur plus grand bénéfice.  Ce pouvoir hégémonique mondial a décidé que les droits de l'homme de même que les principes de la Charte des Nations Unies «ne valent pas le papier sur lequel ils sont écrits».  Ceci se reflète au sein même de la Commission des droits de l'homme qui a refusé de traiter une question aussi grave que celle de la guerre en Iraq.


Mme ORETTA BANDETTINI DE POGGIO (Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples) a fait valoir que la récente découverte de pétrole au large des côtes du Sahara occidental contribue de manière significative à la radicalisation de la position annexionniste du territoire Maroc.  Elle a déclaré que le temps presse pour les Sahraouis qui avaient eux aussi confié des recherches menant aux mêmes résultats et pour qui l'indépendance s'éloigne de plus en plus.  En effet, a-t-elle poursuivi, la nouvelle proposition de M. Baker prévoit une fois encore une autonomie restreinte sous la souveraineté du Maroc et le référendum serait précédé par une période transitoire de 4 à 5 ans.  Elle a considéré franchement difficile d'accepter une proposition renvoyant toute décision finale à une «date fantôme» dans quatre à cinq ans, alors que le peuple sahraoui risque de perdre la dernière ressource qui lui reste encore - la pêche et les phosphates étant déjà exploités par le Maroc.  Elle a estimé que, dans une telle situation, les Nations Unies devaient tout mettre en œuvre afin que le referendum d'autodétermination ait lieu le plus tôt possible, d'autant plus que la situation continue de se détériorer, à en juger par les récents événements, les autorités marocaines n'ayant pas permis à 13 Sahraouis de venir témoigner devant cette Commission.


M. LUKAS LEUTHOLD (Libération) a déclaré que si les droits économiques de chacun ne sont pas protégés, tous les autres droits deviennent quasiment vidés de leur sens.  Il a affirmé que le déni de leurs droits dont souffrent les populations du Pendjab, de l'Assam, de Tripura, de Manipur et du Cachemire découle de la politique délibérée adoptée par les forces d'occupation afin d'affaiblir les peuples opprimés sur les plans économique, social et culturel.  Rappelant que, selon le Programme alimentaire mondial, un tiers des enfants sahraouis souffrent de malnutrition chronique, le représentant a en outre attiré l'attention de la Commission sur les risques de dégradation de la situation des Sahraouis si les rations alimentaires continuent à être réduites.  Il a par ailleurs affirmé que la résolution sur les droits de l'homme que la Commission adopte chaque année pour condamner Cuba fournit en fait une couverture pour le blocus imposé à l'île par les États-Unis.


M. ALI SALEEM (Asian Legal Resource Centre) a déclaré que le droit à l'alimentation était encore volontairement bafoué dans les provinces reculées du Myanmar, où de nombreux paysans ont subi des déplacements forcés.  De nombreuses personnes souffrent donc de la faim dans un pays pourtant bien pourvu sur le plan alimentaire.  La terre, fertile, est de moins en moins disponible pour les paysans.  Le pays produit de la nourriture, mais les gens ont faim.  Ceci n'est pas dû au hasard : le Gouvernement est beaucoup plus intéressé par sa propre survie que par les conséquences de ses actes sur sa population.  À moins que la communauté internationale ne fasse bouger le gouvernement, la situation du peuple du Myanmar n'est malheureusement pas près de changer.


Mme JANNET RIVERO (Internationale libérale) a dénoncé les abus commis par les autorités cubaines à l'égard de sa population, notamment en confisquant des terres à des paysans qui tentaient de mener une activité indépendante, d'ouvrir des petits commerces ou de se regrouper en syndicats indépendants.  Elle a dénoncé aussi la fermeture de bibliothèques indépendantes et la confiscation des ouvrages qu'elles contenait, jugés contraires aux idéaux du Gouvernement.  En outre, a-t-elle poursuivi, les bibliothécaires ont été emprisonnés comme de nombreux militants des droits de l'homme ou des directeurs de galeries d'art indépendantes.  Elle a estimé que le peuple cubain était privé de toute possibilité d'épanouissement personnel, ce qui rejaillit négativement sur le développement économique du pays.  Il est temps que tous les droits de l'homme soient respectés à Cuba, a-t-elle conclu. 


M. ALFRED GONDO (Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples) a fait observer qu'aujourd'hui, l'Afrique consomme ce qu'elle ne produit pas et produit ce qu'elle ne consomme pas.  Cette contradiction est aujourd'hui aggravée par le poids de la dette et les exigences de la mondialisation.  L'histoire récente du continent depuis les indépendances apprend que l'Afrique continue de subir les ingérences des anciennes puissances coloniales sur les plans économique, social et culturel.  À ces velléités de néo-colonisme, s'ajoutent le poids des politiques d'ajustement structurel de certaines institutions financières internationales et la spoliation des ressources naturelles orchestrées par certaines multinationales étrangères.  Le débat soulevé par la question de la terre au Zimbabwe et le lien qui est établi par certains avec d'autres questions liées aux droits de l'homme est un amalgame préoccupant, car le véritable enjeu est celui de la jouissance effective, par les Africains, du droit à la terre de leurs ancêtres.  La Commission devrait en outre mettre sur pied, en partenariat avec l'Union africaine, un groupe de travail pluridisciplinaire chargé du recensement des œuvres d'art africaines éparpillées dans le monde en vue de leur restitution à leur propriétaire légitime: l'Afrique.


M. MOHAMMAD AHSAN (Interfaith International) a déclaré que le peuple du Sindh a souffert de la discrimination, de la répression et du déni de son droit au développement du fait des régimes successifs au pouvoir au Pakistan.  Cependant, à l'issue du processus démocratique engagé dans ce Pakistan en octobre dernier, le parti MQM a rejoint la coalition gouvernementale et œuvre maintenant depuis l'intérieur pour assurer les droits économiques, sociaux et culturels du peuple pour lequel il a lutté depuis des années.  Interfaith estime que le gouvernement doit fournir une base pratique à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels.  Certaines organisations non gouvernementales ont fait des déclarations malvenues sur cette participation du parti MQM au gouvernement.  Beaucoup reste à faire pour que l'homme de la rue bénéficie enfin de la plénitude des droits économiques, sociaux et culturels.  La nomination d'un gouvernement de coalition est un pas vers le pluralisme démocratique.


M. YADOLLAH MOHAMMADI (Organization for Defending Victims of Violence) a déclaré que la mondialisation ne devrait pas se contenter se servir les superpuissances de ce monde mais bénéficier à tous.  Il a déclaré que la mondialisation contribue à creuser le fossé entre riches et pauvres, et entraîne une marginalisation croissante des pays en développement.  Le représentant a estimé que le seul moyen de relever les défis qui se posaient actuellement était de privilégier l'éducation, à la fois formelle et informelle.  Pour ce faire, l'ONU devrait veiller à ce qu'une composante éducation fasse partie de tous ses programmes.  Dans ce contexte, il a demandé que la Décennie pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme (1995-2004) soit reconduite pour une période de cinq ans, jusqu'en 2010.


Mme MARIA GRATEROL (Comité d'action internationale pour les droits de la femme) a expliqué que l'adoption d'un protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels devrait permettre de reconnaître les violations qui sont encore à ce jour passées sous silence.  Étant donné que la Conférence mondiale de Vienne, en 1993, a reconnu l'indivisibilité des droits de l'homme, la communauté mondiale ne saurait maintenant prétendre instaurer une hiérarchie des droits dans le contexte des mécanismes de protection.


Mme CHRISTIANE DEHOY (Société anti-esclavagiste) a déclaré que la privation des droits civils et politiques au Myanmar conduit aussi au déni des droits économiques, sociaux et culturels de la population, et ce malgré la richesse du pays en ressources naturelles.  Les musulmans rohingya du nord du pays sont les plus atteints par ces violations, et sont victimes de discrimination sur la base de leur race et de la religion; la citoyenneté leur est aussi refusée.  Au cours des douze mois écoulés, dix mille réfugiés rohingya ont fui au Bangladesh.  Le prix élevé du riz est dû à la pénurie mais aussi aux restrictions imposées sur les transports.  La sécurité alimentaire au Myanmar est en effet menacée par différents facteurs : le travail obligatoire qui prive les habitants de leurs revenus; la perception de taxes illégales et les contributions forcées, très répandues, de même que la restriction dans les déplacements; le système de licence qui empêche les villages de s'assurer un revenu; et enfin la politique de confiscation des terres qui se poursuit.


M. WILLIAM SIMMONS (Conseil international de traités indiens) a estimé que si le sous-sol iraquien n'était pas riche en pétrole, ce pays pourrait aujourd'hui jouir de la paix.  Dans le même ordre d'idées, il a appelé l'attention sur les dangers qui pèsent sur le peuple Gwich'in, qui vit au nord-est de l'Alaska et au nord-ouest du Canada et se bat pour son droit à l'existence et à sa survie.  Il a dénoncé l'action des sociétés pétrolières multinationales et les autorités de l'État d'Alaska qui menacent le refuge arctique afin de satisfaire l'avidité des États-Unis pour le pétrole.  Il a qualifié cette politique d'écocide, alors que seuls 5% de la côte de l'Alaska sont préservés et que 95 % ont été livrés à l'industrie pétrolière.  Cette politique est injuste et viole l'intégrité des territoires autochtones en toute impunité, s'est-il indigné.  Il a rappelé que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme reconnaissent le droit des peuples à leurs moyens de subsistance et a accusé les États-Unis de ne pas respecter leurs engagements à cet égard.  Il a également souligné que la guerre en Iraq rendait plus pressante encore la menace de dégradation des terres sacrées de son peuple.  Regrettant qu'il n'y ait à ce jour aucun mécanisme permettant aux peuples autochtones de faire valoir leurs droits, il a demandé à la Commission de faire pression sur le Gouvernement des États-Unis pour qu'il respecte le refuge arctique de l'exploitation pétrolière. 


Mme EDELYS SANTANA CRUZ (Centro de Estudios sobre la Juventud) a affirmé que le mépris dont font l'objet les droits économiques, sociaux et culturels sont à l'origine d'actes de barbarie et d'injustice tels que la guerre absurde et injustifiée que mène le Gouvernement des États-Unis contre l'Iraq en dépit de l'opposition et de la désapprobation de l'opinion publique mondiale.  Le développement social n'est pas possible lorsque l'aide publique au développement (APD) continue de diminuer pour atteindre des chiffres très éloignés d'un niveau suffisant face à la situation dans laquelle se trouvent les pays pauvres.  Aux côtés des mouvements sociaux qui fleurissent de par le monde et qui sont susceptibles d'ouvrir une nouvelle ère de libération, les jeunes adoptent de nouvelles positions et façons de voir le monde.  Les jeunes sont aujourd'hui plus conscients que jamais de l'effet dévastateur et inhumain des systèmes d'exploitation mondiale.


Pour M. KULBHUSHAN WARIKOO (Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes), l'organisation économique mondiale actuelle, mondialisation de l'économie et fardeau de la dette en tête, défavorise les pays en voie de développement et menace leurs droits économiques, sociaux et culturels.  Le nombre de personnes vivant dans la pauvreté a augmenté, les principes du service public et de la sécurité sociale, notamment en matière de santé, de nourriture, d'eau potable et d'éducation doivent être réaffirmés face aux pratiques monopolistiques des sociétés transnationales.  Autre préoccupation du représentant, les campagnes de terrorisme et d'extrémisme religieux qui sévissent au Jammu-et-Cachemire.  Dans cette région, a-t-il déploré, la haine et l'intolérance contre les autres fois et cultures sont enseignées dans les écoles religieuses, et les dommages causés au tissu social en treize ans de terreur ont amené à des violations systématiques des droits économiques, sociaux et culturels des habitants du Cachemire.


Mme MYRNA LACHENAL-MERRITT (Fédération mondiale pour la santé mentale) a retracé l'action de son organisation pour améliorer les soins de santé mentale et éliminer la discrimination et la stigmatisation associées aux maladies mentales et aux troubles du comportement.  Elle a rendu compte de la campagne mondiale pour l'éducation sur la santé mentale lancée lors de la Journée mondiale pour la santé mentale, le 10 octobre 2002, et qui traite des effets du traumatisme et de la violence sur les enfants et les adolescents.  Elle a également rendu compte de l'action de son organisation dans le cadre du comité non gouvernemental des Nations Unies sur la santé mentale, notamment en faveur de l'inclusion de dispositions concernant les personnes souffrant de troubles mentaux et de troubles du comportement dans la convention sur les droits des personnes handicapées, actuellement en cours d'élaboration.


Mme ATTIYA INAYATULLAH (Association des femmes pakistanaises) a déclaré que personne ne sait mieux que les Cachemiris que le salut de l'humanité passe par la responsabilité collective et repose sur l'unité et l'universalité de la famille des Nations Unies, et cela parce que le Gouvernement indien a violé, dans la vallée du Cachemire, tous les droits de l'homme afin de faire obstruction à la mise en œuvre de la résolution du Conseil de sécurité accordant aux Cachemiriens le droit à l'autodétermination.  Aujourd'hui, quatre millions de Cachemiriens dans le Cachemire occupé par l'Inde sont des êtres humains sans droit.  Aujourd'hui, la quasi-totalité de la population rurale du Cachemire occupé par l'Inde vit en dessous du seuil de pauvreté.  Les droits économiques, sociaux et culturels du peuple occupé du Jammu-et-Cachemire sont systématiquement usurpés, exploités et violés, a insisté la représentante.


Présentation de rapports au titre de la question des droits civils et politiques


Rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire


M. LOUIS JOINET, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire a posé la question de la coopération des États avec le Groupe de travail et indiqué que le Groupe avait reçu en moyenne 37 % de réponses à ses appels.  Il a cité quatre États en exemple, qui ont excellé dans leurs réponses à tous les appels urgents, la Chine, Cuba, l'Iran et le Mexique.  Il a par contre regretté les retards dans certaines réponses et a rappelé aux États que le délai maximum était de trois mois.  Il a précisé la différence entre un Groupe de travail et un Rapporteur spécial en expliquant que le Groupe a besoin d'être en session pour se prononcer.  Rendant compte des mission, il a indiqué que le Groupe s'était rendu en Australie, au Mexique et en Iran (pour ce dernier pays, le rapport sera adopté en mai).  Il a apporté des précisions sur ce que le Groupe attendait comme coopération.  Il a pris l'exemple de l'accès aux prisons et a fait savoir qu'aussi bien en Australie, qu'au Mexique et qu'en Iran, le Groupe avait pu accéder à tous les lieux de détention sans restrictions.  Il s'est même félicité d'avoir pu visiter une prison militaire au Mexique, ce qui est très rare.  Toutefois, la coopération ne s'arrête pas là, a-t-il poursuivi.  Il convient ensuite de mettre en œuvre les recommandations du Groupe de travail.  À cet égard, il s'est félicité que l'Australie ait accepté de fermer le centre pour les demandeurs d'asile.  En ce qui concerne le Mexique, il a fait savoir que les recommandations visaient à ce que la Constitution donne aux instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme une valeur supérieure à la loi nationale.  Il a souligné l'importance de ce point, car il faut que les juges se sentent tenus par les instruments internationaux.  Dans ce sens, il s'est félicité de la réforme annoncée, de la modification des dispositions relatives à  l'habeas corpus et surtout de l'amélioration des relations avec la société civile. 


M. Joinet a ensuite appelé l'attention de la Commission sur le fait que le Groupe avait failli déclarer arbitraire une décision du tribunal international pour le Rwanda qui avait maintenu une personne en détention parce qu'aucun pays n'acceptait d'accueillir la personne en question.  Il a insisté sur le fait que la coopération avec le tribunal devait aller jusqu'à l'accueil des innocents.  Il a ensuite attiré l'attention sur les questions liées à la détention du fait de l'orientation sexuelle en Égypte.  En outre, il a rendu compte des interrogations du Groupe concernant les détenus de Guantanamo.  La question dans ce cas n'est pas de se prononcer quant au fond mais de trouver une juridiction qui s'estime compétente du fait de la situation géographique du centre de détention de Guantanamo.  Dans ce cadre, il a rappelé qu'autrefois, des détenus haïtiens avaient pu être libérés après qu'une cour, saisie par la même organisation non gouvernementale qui avait saisi le Groupe de travail, se soit déclarée compétente.  Il a estimé que ce qui était vrai dans ce cas devait l'être toujours.


Rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire


      Le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire (E/CN.4/2003/8), le Président-rapporteur, rend compte des travaux du Groupe de travail au cours de l'année 2002.  Celui-ci s'est notamment rendu en Australie et au Mexique.  Il a adopté 21 avis concernant 125 personnes vivant dans 17 pays.  Dans 92 cas, il a estimé que la privation de liberté avait été arbitraire.  En outre, pendant la période allant du 1er novembre 2001 au 22 novembre 2002, le Groupe de travail a adressé au total 87 appels urgents concernant 1658 personnes à 47 gouvernements. 

Pour 75 de ces appels, le Groupe de travail a agi conjointement avec les titulaires d'autres mandats thématiques ou par pays de la Commission des droits de l'homme.  Vingt et un des gouvernements concernés ont informé le Groupe de travail qu'ils avaient pris des mesures pour remédier à la situation des personnes détenues.  Le Groupe de travail a en outre continué d'élaborer sa procédure de suivi et il a cherché à instaurer un dialogue continu avec les pays dans lesquels il s'était rendu et pour lesquels il avait recommandé un changement des lois internes régissant la détention.  Dans ses recommandations le Groupe de travail attache une importance particulière aux questions relatives au recours à la détention dans la lutte contre le terrorisme; au recours à la détention comme moyen de protection des victimes; et au caractère arbitraire - car discriminatoire - d'une mesure de détention motivée par les préférences sexuelles. 


L'additif 1 au rapport du Groupe de travail contient les avis adoptés par le Groupe de travail à ses trente-deuxième, trente-troisième et trente-quatrième sessions tenues respectivement en novembre/décembre 2001, en juin 2002 et en décembre 2002.


Dans l'additif 2 au rapport du Groupe de travail concernant sa visite en Australie, le Groupe de travail précise que l'objet de cette visite était d'étudier sous l'angle des droits de l'homme les questions relatives à la légalité de la détention des demandeurs d'asile et les garanties juridiques applicables à la détention en Australie, par rapport aux normes internationales.  Le rapport met en lumière plusieurs problèmes concernant la détention obligatoire des personnes arrivées en Australie sans autorisation, à savoir: le caractère f automatique et non sélectif de la détention et sa durée potentiellement indéfinie; l'absence de contrôle juridique de la légalité de la détention; l'impact psychologique de la détention sur les demandeurs d'asile qui souffrent d'un «syndrome de dépression collective»; le refus opposé aux familles qui souhaitent se réunir dans plusieurs cas; la détention d'enfants; et les amendements récents apportés à la loi de 1958 sur l'immigration qui restreignent les recours devant les tribunaux.  Le Groupe de travail est particulièrement préoccupé par la détention de groupes vulnérables, en particulier d'enfants, l'ensemble de la procédure prévue par la loi en matière de détention des demandeurs d'asile et l'insuffisance des informations fournies aux détenus.  Parmi les autres sujets de préoccupations, figurent l'absence de mécanismes appropriés de plainte et les effets que peut avoir l'administration des centres de détention par une entreprise privée. 


L'additif 3 au rapport concerne la visite du Groupe de travail au Mexique.  Il s'agissait de déterminer si des détenus de droit commun étaient l'objet de détention arbitraire et d'examiner la situation des migrants incarcérés.  Le rapport note que tandis que les plaintes pour torture, mauvais traitements et autres actes de violence ont diminué, les plaintes pour détention arbitraire sont toujours aussi fréquentes, en particulier dans les affaires de trafic de stupéfiants.  Le Groupe de travail a constaté que les victimes de détention arbitraire qui n'étaient pas en mesure de se sortir d'une telle situation appartenaient aux groupes de population les plus vulnérables.  Il a notamment remarqué que ces personnes avaient du mal à obtenir une défense appropriée ou à accéder à des voies de recours efficaces.  Bien que les autorités aient manifesté une certaine ouverture et exprimé la volonté d'améliorer les contrôles des détentions, la mise en place des moyens de lutter contre l'arbitraire continue de se heurter à des obstacles. 


Le rapport cite deux exemples: la présomption d'innocence n'est pas expressément établie et la notion de «flagrant délit» prise au sens large revient à donner en quelque sorte un chèque en blanc permettant de placer des personnes en détention.  Les abus, liés tant à la corruption qu'à l'absence d'une culture des droits de l'homme, ont rendu de nombreuses personnes vulnérables face à des agents de l'État.  Le problème de l'impunité dont bénéficient de nombreux agents qui procèdent à des détentions arbitraires n'est pas résolu et ce type de comportement est souvent entériné par le système en place. 


Intervention de parties concernées par le rapport sur la détention arbitraire


M. MIKE SMITH (Australie) a déclaré que son pays était quelque peu déçu de n'avoir pu disposer que d'une semaine pour déposer ses observations concernant le rapport.  Il subsiste donc des erreurs factuelles qui auraient pu être corrigées.  Le Gouvernement australien prend ses obligations internationales très au sérieux; le pays a un long passé en matière d'immigration, notamment au titre du regroupement familial.  La politique d'asile du Gouvernement garantit une réponse aux demandes des personnes qui en ont besoin tout en assurant la sécurité de la population; les demandeurs d'asile ne sont pas emprisonnés. 


Il n'y a pas en Australie de détention arbitraire ou illimitée, a assuré le représentant.  Des formes particulières de détention peuvent être utilisées notamment en faveur des femmes ou des mineurs non accompagnés.  Les prisonniers ont les moyens de se plaindre de leur condition et les plaintes sont examinées de façon indépendante.  Ils ont accès à la Croix-Rouge et à un conseil juridique.  Un ombudsman a été mis en place.  L'accès au service d'interprétation est également assuré.  Des efforts ont enfin été consentis améliorer les conditions de détention.


M. JUAN JOSĖ GÓMEZ (Mexique) a exprimé sa reconnaissance au Président du Groupe de travail sur la détention arbitraire, M. Joinet, pour la façon dont s'est déroulée sa visite dans ce pays ainsi que pour les recommandations figurant dans le rapport du Groupe de travail.  Il s'est félicité que M. Joinet ait fait référence à la coopération que son Groupe a reçue, y compris de la part des autorités militaires.  Le représentant mexicain a rappelé que son pays a mis en place une commission gouvernementale chargée d'élaborer la politique du Gouvernement dans le domaine des droits de l'homme.  Cette commission s'efforcera d'évaluer le meilleur moyen de mettre en œuvre les recommandations émanant des différents mécanismes internationaux, y compris du Groupe de travail sur la détention arbitraire.  Le Mexique a déjà mis en place un programme de coopération technique avec le Haut Commissaire aux droits de l'homme, afin de poser un diagnostic concernant la situation des droits de l'homme au Mexique et d'identifier les obstacles qui ont pu empêcher les autorités nationales de mettre en œuvre les recommandations internationales.  Le Gouvernement mexicain est disposé à poursuivre sa coopération avec le Groupe de travail sur la détention arbitraire.


Dialogue interactif avec le Président du Groupe de travail sur la détention arbitraire


Le représentant de Cuba a demandé si la difficulté à trouver un tribunal des États-Unis qui s'estime compétente pour connaître de la responsabilité de son pays n'est pas un exemple ironique.  Il a rappelé que les États-Unis occupaient illégalement cette base navale de Guantanamo et a dénoncé la validité du traité qui concède cette occupation.  Il a estimé que l'argument qui consisterait à tenir Cuba pour responsable sur ce qui se passe dans cette partie de son territoire était spécieux et a rappelé que, conformément au droit international, la puissance occupante, dans ce cas les États-Unis, devait être tenue pour seule responsable. 


Répondant à l'intervention de l'Australie, le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les détentions arbitraires, M. JOINET a expliqué que la Commission limitait les rapports à 18 pages et qu'il lui avait donc été impossible d'inclure la réponse de l'Australie qui faisait 30 pages, et qui a donc été distribuée séparément.  S'agissant du Mexique, il s'est à nouveau félicité de l'évolution positive dans ce pays


Répondant à l'intervention du Cuba, il a dit qu'il ne pouvait pas s'immiscer dans ce débat entre deux gouvernements et qu'il n'était pas non plus la Cour internationale de justice.  Il ne pouvait donc que constater que les juridictions qui s'étaient déclarées compétentes par le passé s'étaient déclarées incompétentes en 2001. 


Par ailleurs, il s'est félicité du fait que la Chine ait invité le Groupe de travail à procéder une nouvelle visite pour mesurer l'application des recommandations que le Groupe de travail lui avait faites il y a cinq ans.  Il a affirmé que la coopération était vraiment la meilleure marche à suivre et a dit aux organisations non gouvernementales qu'il savait bien que certaines visites n'étaient accordées que pour éviter une résolution, mais que cela valait quand même mieux qu'aucune coopération. 


Présentation du rapport sur la liberté de religion ou de conviction


Présentant son rapport, M. ABDELFATTAH AMOR, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, a précisé que son rapport principal traite successivement de la gestion de l'intolérance et de la discrimination fondées sur la religion ou la conviction d'une part, et de la prévention de ces phénomènes d'autre part.  M. Amor a indiqué que la Géorgie a répondu favorablement à une demande de visite; que l'Iraq a sollicité une visite; que la Russie et l'Indonésie réservent pour cette année leurs réponses à des demandes de visite; que la République populaire démocratique de Corée, le Nigéria et la Roumanie n'ont donné, jusque là, aucune suite aux demandes qui leur ont été adressées; qu'Israël ne semble envisager aucune coopération avec le mandat au titre des visites (Israël a refusé explicitement une demande de visite formulée sur la base de la résolution de la Commission du 19 octobre 2000 et ne coopère pas non plus en vue d'une visite s'inscrivant dans le cadre général du mandat et qui a fait l'objet d'une demande en 1996, plusieurs fois réitérée depuis).  M. Amor a par ailleurs indiqué que les activités de prévention relevant de son mandat s'orientent vers la condition de la femme au regard de la religion, de la conviction et des traditions; vers la mise en œuvre du document final de la Conférence de Madrid relatif à l'école en tant qu'instrument de lutte contre l'intolérance et la discrimination fondées sur la religion ou la conviction; ainsi que vers le dialogue interreligieux. 


Le Rapporteur spécial a souligné qu'il est essentiel qu'au moment où se développent les appels implicites et explicites à la confrontation des cultures et des religions et où les simplismes cherchent à entretenir les tensions religieuses et à donner aux conflits politiques un souffle qu'ils veulent imputer aux religions, que le dialogue entre les religions se déclenche réellement et se renforce.  Une culture de violence, de discrimination et de haine est en train de réapparaître en violation des normes du droit international.  La représentation de l'autre, de l'étranger, de celui qui sort d'une normalité particulière, se fait de plus en plus conflictuelle, a insisté M. Amor.  Il a ajouté que la justification et la légitimation idéologique, politique et juridique de cette nouvelle situation est en train de réduire notre humanité à une humanité au rabais, faite de haine, d'ostracisme, de diabolisation, de non-respect de la diversité, notamment religieuse et culturelle.  «Il est urgent de contenir cette évolution et de lui faire obstacle», a déclaré le Rapporteur spécial.  «Il est urgent que les religions rejettent fermement cette évolution», a-t-il ajouté.


La période qui s'est écoulée entre la fin de la cinquante-huitième session de la Commission et le début de la présente session révèle une tendance générale à la montée de l'intolérance et de la discrimination fondées sur la religion ou la conviction, a constaté M. Amor.  Les communications adressées, les allégations reçues, en témoignent amplement.  Les minorités religieuses et notamment les minorités musulmanes aux États-Unis et en Europe sont particulièrement affectées à cet égard.  L'extrémisme religieux trouve dans le contexte international actuel un terreau encore plus fertile pour son développement.  La lutte contre l'extrémisme et le terrorisme ne semble pas se préoccuper, toujours et partout, des implications des droits de l'homme et tout semble se passer aujourd'hui comme si les droits de l'homme étaient orientés sur une voie de garage.


En ce qui concerne l'additif à son rapport portant sur sa visite en Algérie, M. Amor a indiqué qu'il rend compte des difficultés rencontrées par ce pays depuis plus d'une décennie et des progrès qui y sont réalisés.  «Il doit être clairement et définitivement entendu qu'il n'y a pas de problème de liberté de religion ou de conviction en Algérie mais bien plutôt un problème d'instrumentalisation politique partisane et violente de la liberté de religion ou de conviction, instrumentalisation qui a conduit à toutes les dérives et dont ont été victimes des musulmans et des non-musulmans», a insisté le Rapporteur spécial.  L'autorité de l'État, bafouée pendant plus d'une décennie, est en train d'être progressivement restaurée, a par ailleurs constaté M. Amor.


Dans son rapport sur la question de l'intolérance religieuse (E/CN.4/2003/66), le Rapporteur spécial indique que l'analyse des communications au regard de la Déclaration sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction révèle une fois encore une tendance générale à la montée de l'intolérance et de la discrimination contre les minorités religieuses et les femmes placées dans une situation d'extrême vulnérabilité, ainsi qu'une expansion de l'extrémisme religieux affectant toutes les religions.  Les minorités religieuses sont affectées principalement par la remise en cause de leur existence même en tant que communautés ayant leurs spécificités, comme le montrent les déportations d'adventistes et de protestants en Azerbaïdjan, les campagnes de répression des membres du Falun Gong et l'arrestation, l'incarcération et l'expulsion des monastères des religieux tibétains ainsi que les condamnations à la peine de mort de chrétiens en Chine; le harcèlement des chrétiens au Myanmar; les condamnations à mort de membres de la communauté ismaélite en Arabie saoudite et les arrestations de protestants et d'adventistes au Turkménistan.  Ces minorités subissent également des restrictions directes ou indirectes aux manifestations de leur identité religieuse ou de conviction comme l'attestent la destruction des lieux de culte des bouddhistes tibétains et l'expulsion des nonnes et moines des monastères en Chine, l'occupation et la destruction partielle d'une propriété du Patriarche arménien en Israël, la fermeture des lieux de culte des minorités religieuses en Érythrée, les menaces de fermeture des lieux de culte des baptistes en République de Moldova et des communautés protestantes en Turquie, ainsi que les obstacles à l'objection de conscience, ou encore la non-reconnaissance de celle-ci, qui entraînent l'emprisonnement des Témoins de Jéhovah en République de Corée.


Le Rapporteur spécial précise que l'intolérance vis-à-vis des minorités religieuses est souvent le fait d'entités non étatiques, principalement des communautés religieuses et des organisations politico-religieuses extrémistes.  C'est le cas des multiples attaques violentes d'extrémistes orthodoxes contre des Témoins de Jéhovah, des pentecôtistes et des catholiques en Géorgie, des attaques de musulmans par des extrémistes hindous en Inde et des attaques d'extrémistes musulmans contre les minorités religieuses au Bangladesh, en Indonésie et au Pakistan.  C'est le cas également des violences contre des chrétiens coptes et leurs lieux de culte en Égypte, des attaques contre des églises catholiques, adventistes, méthodistes et nazaréennes en Yougoslavie.  L'analyse des communications révèle également la condition très préoccupante, voire tragique, des femmes.  Les communications du présent rapport couvrent des situations et des cas extrêmes où, en vertu de considérations imputées à la religion, des femmes sont condamnées à la lapidation, au Nigéria notamment.


Plus généralement, le Rapporteur spécial estime qu'il ressort de ces communications que la distinction ne semble pas évidente entre les catégories raciales et celles de type religieux.  L'identité de nombreuses minorités, ou même de groupes humains importants, se définissant souvent par sa dimension à la fois raciale et religieuse, dans nombre de cas de discrimination les frontières sont loin d'être étanches entre le racial et le religieux.  De nombreuses discriminations sont, de ce fait, aggravées par les incidences des identités multiples.  Le Rapporteur spécial met en évidence une croissance vertigineuse de l'extrémisme se réclamant de manière réelle ou fictive de la religion.  À cet égard, il souhaite rappeler que l'extrémisme intra ou interreligieux n'est le travers d'aucune société ni d'aucune religion en particulier mais affecte, à des degrés variables, toutes les religions.  Le Rapporteur spécial fait valoir que l'extrémisme imputé à la religion a atteint son paroxysme avec les actes terroristes du 11 septembre 2001, dont l'onde de choc a provoqué des déstabilisations régionales sans précédent.  Il estime dès lors urgent de s'interroger sur le défi que posent la dépendance et le fléau de l'extrémisme religieux mais surtout de répondre aux fléaux que sont la pauvreté, l'injustice et le sous-développement, qui constituent le terreau fertile de tous les extrémismes, notamment religieux.  Le Rapporteur spécial rappelle qu'il est nécessaire que les valeurs et les principes qui fondent les droits de l'homme et en assurent l'universalité, l'indivisibilité et l'interdépendance soient respectés et que cesse la stigmatisation inacceptable des musulmans qui se poursuit dans maints pays.  Il nous faut impérativement sortir du cercle vicieux qui condamne au sacrifice de l'autre sur l'autel de la défense de la civilisation, met-il en garde.  À cet égard, l'éducation et le dialogue interreligieux constituent des axes essentiels de la stratégie destinée à prévenir, à moyen et à long terme, les violations actuelles constatées résultant de l'extrémisme religieux, les politiques, législations et pratiques portant atteinte aux minorités religieuses ainsi que les discriminations imputées à la religion affectant les femmes. 


En dernier lieu, M. Amor réitère ses recommandations visant à la tenue d'assises internationales à un haut niveau gouvernemental sur la question dite «des sectes» afin de déterminer une approche commune respectueuse des droits de l'homme, en particulier de la liberté de religion, pour ce qui est à la fois de l'extrémisme religieux, en vue d'adopter un minimum de règles et de principes communs de conduite et de comportement, et des discriminations affectant les femmes imputées à la religion ou aux traditions afin que soit adopté un véritable plan d'action.


Dans l'additif à son rapport (E/CN./2003/66/Add.1), le Rapporteur spécial rend compte de sa visite en Algérie du 16 au 26 septembre 2002.  Il présente une analyse des cadres juridique et politique de la liberté de religion ou de conviction ainsi que la situation en matière de croyance et de manifestation de la croyance.  L'instrumentalisation politique partisane de l'islam et la violence générée par l'extrémisme religieux, autant que la condition de la femme, le dialogue intra et interreligieux et le rôle de l'école en tant que vecteur de tolérance et de non-discrimination y sont soulignés.  Les conclusions et recommandations que comporte le rapport concernent aussi bien la gestion que la prévention de l'intolérance et de la discrimination fondées sur la religion ou la conviction.


Déclaration de la délégation concernée


      M. MOHAMED EL AMINE BENCHERIF (Algérie) a commenté la visite effectuée par M. Amor, et s'est interrogé sur le décalage entre la date de publication du rapport et celle de sa circulation.  Sa visite est la première du genre en Algérie.  M. Amor a pu librement rencontrer les acteurs institutionnels, les ministres du culte et la société civile.  Il s'est acquitté avec professionnalisme de sa mission et a procédé à une véritable radioscopie de la société algérienne.  De fait, il n'y a pas de problème de liberté religieuse en Algérie, mais bien détournement de cette liberté par des groupes extrémistes.


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