LE HAUT COMMISSAIRE AUX DROITS DE L'HOMME PRESENTE SON RAPPORT SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN COLOMBIE
Communiqué de presse DH/G/196 |
Commission des droits de l'homme
LE HAUT COMMISSAIRE AUX DROITS DE L'HOMME PRESENTE SON RAPPORT SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN COLOMBIE
Plusieurs ONG interviennent au sujet de ce rapport; la Commission est
également saisie des rapports sur le logement et la liberté d'opinion et d'expression
GENEVE, le 4 avril -- La Commission des droits de l'homme a entendu, cet après-midi, M. Sérgio Vieira de Mello, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, qui a présenté son rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie. Elle a en outre terminé son débat interactif sur les mouvements et déversements illicites et dangereux avant d'entendre la présentation du rapport de M. Miloon Kothari sur le logement convenable et celui de M. Ambeyi Ligabo sur la liberté d'opinion et d'expression. La Commission a aussi entendu le Président du Comité des droits de l'homme.
S'agissant de la Colombie, dont la situation est examinée au titre de l'«organisation des travaux», le Haut Commissaire aux droits de l'homme a accueilli avec satisfaction la décision du nouveau Président de la Colombie de prolonger pour quatre années supplémentaires l'accord sur le Bureau du Haut Commissariat aux droits de l'homme à Bogotá. M. Vieira de Mello reste très préoccupé par les atrocités commises par les groupes armés - qu'il s'agisse des groupes de guérilla ou des groupes paramilitaires - contre les populations civiles. Il a en outre souligné que l'existence de liens entre fonctionnaires et groupes armés en marge de la loi, de même que l'impunité régnante, sont incompatibles avec l'état de droit.
La Grèce (au nom de l'Union européenne), le Canada, les États-Unis et la Norvège sont intervenus au sujet du rapport du Haut Commissaire et ont salué la décision du Gouvernement de M. Álvaro Uribe de poursuivre la coopération avec le Haut Commissariat et son engagement à respecter les principes de la démocratie et de l'état de droit. Ils ont cependant dénoncé la situation toujours difficile en matière de respect des droits de l'homme, la collusion entre membres du gouvernement et forces paramilitaires, les crimes contre les populations civiles, y compris les prises d'otages, et l'impunité.
Plusieurs organisations non gouvernementales se sont aussi exprimées dans le cadre du débat sur la Colombie pour condamner, en particulier, les très nombreuses violations des droits syndicaux, les disparitions forcées du fait des groupes paramilitaires, les violences commises par les forces de sécurité et celles qui visent spécifiquement les femmes, et l'impunité qui règne en Colombie. Elles se sont aussi élevées contre les mesures attentatoires aux libertés publiques et individuelles prises par le Gouvernement sous couvert de lutte contre
l'insécurité, et en particulier la récente promulgation d'une loi assurant - de fait - l'impunité aux auteurs de violations des droits de l'homme. Presque tous les intervenants ont demandé que le Haut-Commissaire aux droits de l'homme présente un rapport intérimaire devant l'Assemblée générale à l'automne prochain. La Colombie a fait une déclaration au terme du débat.
Les organisations non gouvernementales suivantes se sont exprimées dans le cadre du débat sur la situation des droits de l'homme en Colombie : Franciscain international (au nom également de Dominicains pour justice et paix); Commission colombienne de juristes (au nom également de la Commission internationale de juristes, du Service international pour les droits de l'homme et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme); Confédération internationale des syndicats libres (au nom également de Internationale des services publics); Organisation mondiale contre la torture (au nom également de Agir Ensemble pour les droits de l'homme); Amnesty International; Fédération syndicale mondiale; Human Rights Watch; Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples; Fédération latino-américaine des associations des familles des détenus disparus; Association américaine de juristes; et le Conseil canadien des églises.
Au titre des droits économiques, sociaux et culturels, M. Miloon Kothari, Rapporteur spécial sur le droit au logement convenable, a indiqué que quatre questions retiennent son attention dans le cadre de son mandat : le droit à l'eau, la mondialisation et son impact sur la réalisation des droits relevant de son mandat, l'intégration d'une approche soucieuse des droits de l'homme en matière de surveillance de la mise en ouvre des objectifs du Sommet du millénaire et enfin le droit au logement des personnes âgées. Un dialogue interactif a suivi cette présentation.
Au titre du point relatif aux droits civils et politiques, M. Ambeyi Ligabo, Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression, a indiqué que l'exercice de la liberté d'opinion et d'expression est un bon indicateur du respect de tous les droits de l'homme dans un pays donné. Malgré les mesures adoptées par divers pays en faveur de la liberté d'opinion et d'expression, le Rapporteur spécial a exprimé de sérieuses préoccupations face à la multiplication des attaques contre des journalistes, souvent en toute impunité. Dans ce contexte, il a recommandé à la Commission de commander une étude approfondie sur la sécurité des journalistes, particulièrement dans les conflits armés. Le Rapporteur spécial a ensuite rendu compte de sa mission en Guinée équatoriale, du 1er au 7 décembre 2002.
Ouvrant son débat général sur les droits économiques, sociaux et culturels, la Commission a entendu les interventions des pays suivants : Bahreïn, Costa Rica (au nom du Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes), Ukraine, Argentine, Pérou et Grèce (au nom de l'Union européenne).
M. Abdelfattah Amor, Président du Comité des droits de l'homme, a aussi fait une déclaration dans laquelle il a souligné le rôle pionnier joué par le Comité dans l'établissement de la procédure de suivi des observations finales et recommandations adoptées à l'intention des États parties pour les aider à mettre en œuvre les droits de l'homme. Il a ajouté que les procédures de plaintes individuelles ont permis de rendre justice à de nombreuses victimes, qu'il s'agisse de la suspension l'exécution de la peine de mort, de modifications législatives, de changements dans les pratiques législatives ou du paiement de compensations financières aux victimes de violations des droits de l'homme.
La Commission poursuivra son débat sur les droits économiques, sociaux et culturels lundi 7 avril prochain, à partir de 9 heures.
Droits économiques, sociaux et culturels
Déclaration d'une délégation concernée par le rapport sur les déchets toxiques
M. MALIK M. HASAN (États-Unis) a exprimé l'appréciation de sa délégation pour les efforts de la Rapporteuse spéciale sur les déchets toxiques et noté avec satisfaction qu'elle- a pris en compte les corrections apportées par les États-Unis. Toutefois, les États-Unis demeurent préoccupés que des allégations non vérifiées sont rapportées et souvent traitées comme des faits. En outre, les États-Unis ne sont pas d'accord avec certaines des hypothèses sous-jacentes à la façon dont la Rapporteuse spéciale traite ces questions complexes. À cet égard, concernant la recommandation de la Rapporteuse spéciale de ratifier les Conventions de Bâle, Stockholm et Rotterdam, le représentant des États-Unis a fait remarquer que les Conventions de Stockholm et Rotterdam ne sont pas encore entrées en vigueur et qu'en outre, les États-Unis œuvrent à obtenir l'accord du Sénat pour mettre en œuvre une législation dans l'optique de devenir partie à ces instruments. Le Gouvernement des États-Unis est également en désaccord sur l'analyse faite par la Rapporteuse spéciale concernant l'intention des États-Unis de ratifier la Convention de Bâle mais sans l'amendement BAN et note que cet amendement est loin d'entrer en vigueur. Les États-Unis estiment que la ratification de la Convention de Bâle sans cet amendement permettra aux autorités de mieux contrôler l'exportation de déchets dangereux sans «légitimer le déversement illicite international de déchets» comme ont pu le dire certaines organisations non gouvernementales.
Par ailleurs, concernant les commentaires de la Rapporteuse spéciale sur le budget de l'Agence pour la protection de l'environnement (Environmental Protection Agency -EPA), le représentant a indiqué qu'il n'appartient pas à la Rapporteuse spéciale d'évaluer le budget des États-Unis. Le représentant a également estimé que la Rapporteuse spéciale présente mal les choses s'agissant des maquiladoras. Il a en outre précisé, s'agissant de la coopération institutionnelle dans le domaine des exportations, que l'EPA a travaillé étroitement avec le Canada et le Mexique pour mettre en place un moyen de tracer toutes les importations et exportations de déchets dangereux. Concernant les pesticides et l'exportation de certains pesticides interdits aux États-Unis vers d'autres pays, ces affirmations ne sont pas justifiées, a estimé le représentant, qui a rappelé qu'il appartient à chaque pays de définir ce qui est acceptable ou inacceptable pour eux sur la base d'une évaluation des bénéfices et des risques-. Concernant la question de la réglementation des États-Unis sur les déchets toxiques, le représentant a exprimé son désaccord avec nombre d'arguments de la Rapporteuse spéciale, rappelant que la complexité de la question impose de ne pas trop simplifier les intérêts politiques complexes sous-jacents à cette réglementation.
Dialogue interactif avec la Rapporteuse spéciale sur les conséquences néfastes des mouvements et déversements illicites de produits et déchets toxiques et nocifs
La représentante de l'Algérie a déclaré que son pays rejoignait pleinement les conclusions du rapport de Mme Fatma Zohra Ouhachi Vesely. Les mesures que préconise la Rapporteuse spéciale sont nécessaires mais nullement suffisantes. Il faut procéder au renforcement des centres régionaux de contrôle; à un appui renforcé des Conventions régionales relatives aux mouvements de déchets, et notamment la Convention de Bamako qui concerne le continent africain. Il faut aussi envisager des transferts technologiques pour renforcer le contrôle des déchets à la source.
La représentante de Pérou a pour sa part indiqué que son pays répondrait aux demandes d'informations que lui a adressées Madame la Rapporteuse spéciale.
Droits de réponse
Le représentant des Pays-Bas, exerçant son droit de réponse, a indiqué que son pays répondrait aussitôt que possible aux questions de la Rapporteuse spéciale sur les déchets toxiques concernant un cas dans lequel son pays serait impliqué.
MME FATMA ZOHRA OUHACHI VESELY, Rapporteuse spéciale sur la question des mouvements et déversements illicites de déchets toxiques, a remercié le représentant canadien, qui est intervenu ce matin, pour l'excellente coopération de son pays lors son enquête. En ce qui concerne le droit au développement, Mme Ouhachi Vesely a déclaré qu'elle comptait préparer un rapport sur la question des liens entre protection de l'environnement, droits de l'homme et développement.
En réponse aux commentaires des États-Unis, Mme Ouhachi Vesely a déclaré que sa mission s'était déroulée dans de bonnes conditions, mais qu'il demeurait des perceptions différentes sur les problèmes relevés et sur les solutions à y apporter. En ce qui concerne la ratification des instruments internationaux de contrôle des mouvements de déchets toxiques, Mme Ouhachi Vesely a déclaré qu'elle se réjouira quand les États-Unis les auront ratifiés, car même si ces accords ne suffisent pas à régler toutes les questions, ils constituent un bon début. Quant au budget des États-Unis, la Rapporteuse a expliqué que son intention en mentionnant cette question n'était que d'insister sur le rôle très important et sur l'utilité de l'agence fédérale de protection de l'environnement, et qu'elle espérait que les ressources de cette agence seraient augmentées. S'agissant de l'exportation de pesticides, il n'est pas question, a dit Mme Ouhachi Vesely, de simplifier des problèmes complexes; en dernière analyse il faut, de fait, tenir compte des choix opérés par les pays importateurs eux-mêmes. Cependant, lors de discussions avec les pays touchés, la question des incitations à l'importation était fréquemment soulevée. Mme Ouhachi Vesely a remercié l'Algérie de ses paroles encourageantes et s'est déclarée d'accord avec ses recommandations et sur le rôle que jouent les centres régionaux, ainsi que sur l'importance des initiatives régionales et de l'augmentation des ressources pour la résolution des problèmes que ces conférences ont soulevés.
Présentation du rapport sur le droit à un logement convenable
Présentant son rapport, M. MILOON KOTHARI, Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable, a rappelé qu'il avait proposé une définition de ce droit comme le droit de chacun d'obtenir et de conserver un foyer et une communauté sûrs où il peut vivre en paix et dans la dignité. S'agissant de sa coopération avec des organes de droits de l'homme des Nations Unies, M. Kothari a notamment indiqué avoir établi un dialogue avec le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et avec le Comité des droits de l'enfant. Il a notamment précisé qu'il avait contribué à l'élaboration de l'observation générale n°15 sur le droit à l'eau, adoptée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.
M. Kothari a indiqué que quatre questions émergentes méritent, selon lui, de retenir son attention : le droit à l'eau; la mondialisation et son impact sur la réalisation des droits relevant de son mandat; l'intégration d'une approche soucieuse des droits de l'homme en matière de surveillance de la mise en œuvre des objectifs du millénaire; le droit au logement pour les personnes handicapées. Le Rapporteur spécial a notamment jugé regrettable que le droit à l'eau n'ait pas été intégré dans la déclaration ministérielle finale adoptée le mois dernier à l'issue de la Conférence de Kyoto. Il a en outre relevé la tendance générale à considérer le logement comme un secteur économique et non un secteur social.
M. Kothari a indiqué qu'il a entrepris, l'an dernier, des missions en Roumanie et au Mexique ainsi qu'une visite dans les territoires palestiniens occupés. Au cours de l'année 2003, le Rapporteur spécial a effectué une mission au Pérou (en mars) et se rendra aux Philippines le mois prochain. M. Kothari a notamment rappelé que l'additif 1 à son rapport porte sur la mission qu'il a effectuée dans les territoires palestiniens occupés. Dans cet additif, a précisé le Rapporteur spécial, l'accent est mis sur les violations du droit à un logement adéquat dans ces territoires. M. Kothari a attiré l'attention sur l'impact des conflits armés sur le droit au logement et a souligné en particulier la nécessité de restaurer le droit au logement dans des pays comme l'Afghanistan.
Le rapport du Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable en tant qu'élément du droit à un niveau de vie suffisant (E/CN.4/2003/5) présente les résultats pertinents auxquels ont abouti les grandes conférences et les sommets de l'Organisation des Nations Unies qui se sont tenus récemment, en particulier la session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée à un examen et à une évaluation d'ensemble de l'application du Programme pour l'habitat (Istanbul +5) en 2001 et le Sommet mondial pour le développement durable en 2002. Ces conférences ont donné l'occasion de faire ressortir les liens indissolubles qui existent entre le droit à un logement convenable et les normes internationales relatives aux droits de l'homme. Le Rapporteur spécial estime qu'il importe de continuer à recueillir des informations sur les précédents jurisprudentiels et les bonnes pratiques en la matière afin de favoriser la réalisation progressive du droit à un logement convenable. Il a également poursuivi les dialogues constructifs et concrets qu'il avait engagés avec les États et d'autres partenaires, y compris dans le cadre d'interventions d'urgence et de missions de pays. Il note que des progrès importants ont été faits dans le développement du dialogue avec les organes compétents créés par traité et avec d'autres rapporteurs spéciaux. Il s'est également attaché à resserrer la coopération avec diverses institutions de premier plan des Nations Unies. Le rapport met l'accent sur plusieurs questions nouvelles : l'eau et l'assainissement en tant que facteurs essentiels de la réalisation du droit à un logement convenable; la nécessité de poursuivre la recherche sur les initiatives locales novatrices prises pour faire face à la mondialisation dans le domaine de l'aménagement urbain et rural; la nécessité d'établir des indicateurs et des mécanismes d'évaluation axés sur les droits de l'homme pour suivre la réalisation des objectifs de développement qui vont dans le sens de la réalisation des droits en matière de logement; et le droit des personnes handicapées à un logement convenable.
Enfin, le rapport présente une série de recommandations invitant la Commission notamment à : affirmer résolument le droit humain à un logement convenable; demander instamment aux États de présenter au Rapporteur spécial des informations sur les bonnes pratiques en la matière et concernant le droit à la non-discrimination, et d'appuyer le Programme des Nations Unies pour le droit au logement; convoquer une réunion d'experts chargés de formuler des directives pour la prévention de la discrimination et de la ségrégation dans les services de logement et les services collectifs; demander au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme et à ONU-Habitat d'établir conjointement, en collaboration avec la société civile, des critères et une base de données sur les bonnes pratiques favorisant la réalisation des droits en matière de logement; prier la Commission du développement durable d'inscrire le droit à un logement convenable au programme Eau, énergie, santé, agriculture et biodiversité, établi dans le prolongement du Sommet mondial pour le développement durable; demander au Rapporteur spécial de mettre l'accent sur les questions liées à l'eau et l'assainissement et leurs aspects sexospécifiques, de concentrer davantage son attention sur les questions relatives aux personnes handicapées et de concourir aux travaux du Comité spécial chargé d'élaborer une convention internationale globale et intégrée pour la protection et la promotion des droits et de la dignité des handicapés.
Dans l'additif 1 du rapport sur la visite effectuée par le Rapporteur spécial dans les territoires palestiniens occupés, le Rapporteur spécial estime que l'occupation israélienne a eu sur le logement et les conditions de vie des Palestiniens des effets dévastateurs dont Israël porte la responsabilité en droit. La politique d'occupation belligérante et de sanctions collectives s'est traduite par des confiscations de terrains, des démolitions d'habitations, l'implantation de colonies et de colons, le démembrement des territoires palestiniens par la construction de routes de desserte et d'autres infrastructures au profit des colons illégaux et la mainmise sur l'eau et d'autres ressources naturelles des territoires occupés. Depuis le massacre de civils palestiniens au Noble Sanctuaire et la nouvelle vague de résistance palestinienne née avec la seconde Intifada, la violence de l'occupation a pris des proportions inouïes. L'armée israélienne a mis en œuvre une stratégie particulièrement destructrice en recourant à des missiles et des chars et en défonçant systématiquement les murs pour endommager les habitations lors des attaques de février-mars 2002 contre les camps de réfugiés palestiniens.
À la lumière des effets de l'occupation israélienne, la communauté internationale se doit d'intervenir pour protéger la communauté, les habitations et les terres palestiniennes de nouvelles destructions et de garantir que la puissance occupante soit tenue responsable des manquements au droit humanitaire et à d'autres obligations conventionnelles de façon à assurer la restitution du droit des Palestiniens au logement, y compris à leurs terres, du domaine public et privé, et autres ressources naturelles. Aussi le Rapporteur spécial recommande notamment que le respect du droit à un logement suffisant et de tous les autres droits économiques, sociaux et culturels devrait servir de fondement à toute initiative politique et processus de négociation en vue du règlement du conflit israélo-palestinien et de la préservation de la paix et de la sécurité dans la région. Pour restaurer la paix et l'ordre, il est indispensable de dépêcher d'urgence dans les territoires occupés une force internationale de protection (sous la juridiction de l'ONU) qui doit avoir pour tâche prioritaire de protéger les habitations et les terres palestiniennes contre de nouvelles incursions israéliennes et de permettre à l'ONU et aux autres organismes internationaux de mener leurs activités de développement dans des conditions de sécurité, sans obstruction et dans le respect des dispositions du droit international. En outre, l'occupation doit prendre définitivement fin, ce qui suppose, entre autres, le démantèlement de toutes les colonies illégales et l'imposition d'un moratoire sur les confiscations de terrains et les démolitions de maisons. Enfin, des réparations doivent être accordées aux victimes civiles palestiniennes pour les pertes matérielles subies (calculées sur la base de leur valeur de remplacement), la perte de leurs moyens d'existence/revenu, l'utilisation sans autorisation de leurs biens, et les pertes autres que matérielles, y compris le préjudice physique et psychologique occasionné par les démolitions d'habitations, les confiscations de terrains et les déplacements induits (création de réfugiés), doivent être aussi correctement indemnisées.
L'additif 2 du rapport porte sur la mission du Rapporteur spécial effectuée en Roumanie du 14 au 19 janvier 2002. M. Kothari note qu'avec l'aggravation de la pauvreté depuis 1990, de plus en plus de citoyens et de groupes vulnérables, en particulier les Roms, se trouvent en situation de précarité. La conclusion générale à laquelle est parvenu le Rapporteur spécial est que, dans le contexte actuel de privatisation et de réformes structurelles, à moins que des mesures soient prises pour améliorer la protection et développer le logement social, en assurant notamment des services essentiels tels que le chauffage, nombreux sont ceux qui, parmi les Roms, mais aussi l'ensemble de la population, feront l'objet d'expulsions ou devront vivre dans des logements inadéquats. Le rapport contient des recommandations générales et particulières à l'intention du Gouvernement et des autres parties prenantes, visant l'adoption d'une approche fondée sur les droits de l'homme aux fins d'améliorer l'habitat et le niveau de vie. Le Rapporteur spécial recommande notamment au Gouvernement d'adopter une approche globale visant à répondre aux besoins des pauvres en matière de logement et à faire en sorte que tous les citoyens indépendamment de leur race, de leur appartenance ethnique ou de toute autre situation soient préservés de l'exclusion sociale et de la pauvreté. Le Gouvernement doit prêter une attention accrue aux questions relatives à la sécurité d'occupation, prendre des mesures pour légaliser les établissements et s'attacher tout particulièrement à contrôler et prévenir les expulsions forcées. Les problèmes auxquels fait face la Roumanie et les bonnes pratiques adoptées peuvent être source de précieux enseignements et constituer d'utiles exemples pour d'autres pays en transition, note M. Kothari.
Déclarations de parties concernées par le rapport sur le doit à un logement convenable
M. ROBERTO DE LEÓN (Mexique) a souligné que la visite du Rapporteur spécial au Mexique est la première d'un mécanisme international en matière de droits de l'homme. Le Mexique accorde une très grande importance à ces mécanismes et leurs recommandations. À cet égard, le représentant a indiqué qu'un programme spécifique ainsi qu'une politique sectorielle dans le domaine du logement ont été inclus dans le Plan national établi pour la période 2002-2006. Une Commission
nationale pour la promotion du logement a en outre été mise en place qui a pour priorité de financer et promouvoir le logement social. Elle vise à satisfaire les besoins des segments les plus vulnérables de la population. Le Gouvernement mexicain réitère sa volonté d'intensifier ses efforts pour améliorer les conditions de vie de sa population.
M. TUVIA ISRAELI (Israël) a regretté que le Rapporteur ait écrit son rapport au terme d'une visite effectuée à titre strictement privé en Israël, lors d'une manifestation organisée par l'Université Ben Gourion. Dans une note de 2002, la Mission permanente d'Israël a été certes informée de l'intention de M. Kothari de visiter Israël et les territoires, mais cette note n'a été reçue que deux jours après le début de cette visite privée. Le Gouvernement d'Israël n'a donc pas eu le temps de préparer cette rencontre, qui n'a pas non plus été organisée par le Bureau de la Commission. Aucun membre de la Commission ne tolérerait une telle entorse aux termes du mandat d'un Rapporteur, dont le rapport n'aurait par conséquent pas dû être diffusé.
M. NABIL RAMLAWI (Palestine) a remercié le Rapporteur spécial sur le droit au logement, M. Kothari, pour les efforts qu'il a déployés et qui sont reflétés dans l'additif 1 à son rapport. Cet additif traite des souffrances du peuple palestinien et de la destruction des logements par l'occupant israélien, destruction qui se poursuit sur une base systématique depuis trois décennies. Israël détruit les maisons des Palestiniens de trois façons différentes : d'abord par le truchement de lois imposées par la puissance occupante afin de consolider son occupation du territoire palestinien; ensuite par les tirs de missiles à partir d'hélicoptères Apache; enfin par la destruction des maisons de ceux que les Israéliens qualifient de militants et qui, en fait, sont des nationalistes qui ne souhaitent pas que leur terre soit occupée par les Israéliens. Ces destructions de maisons palestiniennes se produisent donc dans le contexte de sanctions collectives pourtant interdites par le droit international. Ces destructions visent à libérer l'espace permettant ensuite d'implanter des colons israéliens.
M. PETRU DUMITRIU (Roumanie) a déclaré que la mission de M. Kothari avait permis de nouer un dialogue constructif sur les problèmes et défis du logement en Roumanie, dialogue qui se poursuit à l'heure actuelle. Dans un cas précis, les conditions de logement de familles Roms à Piatra Neamt, le Gouvernement a pris des mesures non discriminatoires et ponctuelles de relogement à leur profit, mesures dont l'agence nationale de logement s'inspirera dans le cadre d'une quinzaine d'autres projets de relogement de familles pauvres.
Débat interactif sur le rapport sur le droit à un logement convenable
Le représentant de la Syrie a demandé si, puisque Israël prive des dizaines de milliers de Palestiniens de leur droit au logement en démolissant des maisons que le monde entier les aide à construire, on pouvait envisager de l'obliger légalement à reconstruire ces maisons et verser des dédommagements financiers aux Palestiniens.
Le représentant de la Grèce a demandé au Rapporteur spécial comment il comptait procéder en matière de protection du droit des personnes handicapées, et quel type de handicap il envisageait de traiter en priorité? L'amélioration de la vie des habitants des bidonvilles est-elle une priorité absolue pour le Rapporteur spécial? M. Kothari prévoit-il d'autres consultations de la société civile, sur le modèle de celle lancée au Kenya?
La représentante du Pérou a déclaré que son pays fera ultérieurement des commentaires sur le rapport de M. Kothari, dont elle a souligné l'importance.
Le représentant de Cuba a demandé au Rapporteur spécial s'il pensait que l'économie mondiale actuelle, avec ses programmes d'ajustements structurels et le poids écrasant du service de la dette, avait une influence sur l'état du droit au logement ?
Répondant à la question du Mexique, M. KHOTARI, Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable, a remercié le Gouvernement mexicain pour sa coopération et salué les mesures positives qu'il avait prises pour régulariser les titres de propriétés. À l'intervention de la Roumanie, il a regretté que toutes les mesures adoptées ne tiennent pas toujours compte de l'aspect droits de l'homme, à l'exception notable de la politique concernant les Roms.
Répondant à l'Union européenne, le Rapporteur spécial a expliqué que la discrimination que subissaient les handicapés en matière de logement ne se limitait pas seulement à la question de l'accessibilité des logements, mais s'étendait à leur capacité à trouver des logements. S'agissant des questions portant sur les objectifs du millénaire, il a recommandé aux gouvernements de fonder leur évaluation sur les diverses observations générales du Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels. Il a par ailleurs rendu compte de consultations en cours avec les organisations de femmes pour évaluer la discrimination qu'elles rencontrent. À cet égard, il a demandé à tous les États de collaborer à son étude sur les femmes et le logement, notamment en soumettant des informations précises, y compris sur les obstacles qu'ils rencontrent dans la mise en place de politiques en faveur de l'accès des femmes au logement.
Débat sur les droits économiques, sociaux et culturels
MME MONA ABBAS RADHI (Bahreïn) a souligné l'importance de l'éducation pour le développement des peuples. L'éducation à Bahreïn est un droit garanti par la Constitution de Bahreïn, qui stipule que l'éducation est obligatoire et gratuite, comme le recommande le Rapporteur spécial. Bahreïn a été fondé sur des principes démocratiques et la Constitution, qui établit l'égalité entre hommes et femmes. Les femmes font partie intégrante de toutes les sphères sociales et économiques tout en respectant la Charia islamique, a indiqué la représentante. Elles ont droit à l'éducation à tous les niveaux et jouissent de chances égales en matière d'emploi et de formation professionnelle. L'État fait en outre des efforts afin d'éradiquer les stéréotypes, notamment en révisant les manuels scolaires. De nombreuses écoles techniques permettent à tous les citoyens de participer à la vie économique du pays. Bahreïn a fait beaucoup d'efforts en faveur de la promotion des progrès techniques et scientifiques, notamment par l'introduction de techniques modernes tels des ordinateurs dans les écoles. Il a un système de bourses d'études très bien organisé et ce, dans toutes les disciplines. Soulignant l'importance de l'éducation et de la formation professionnelle, la représentante a appelé à une coopération internationale accrue afin d'aider les pays en développement dans ce domaine.
MME CARMEN CLARAMUNT (Costa Rica, au nom du Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes - GRULAC), a déclaré que son groupe était convaincu que la Commission pouvait s'entendre sur quelques éléments qui permettraient de concrétiser le travail accompli par le Groupe de travail sur le protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ce dernier doit pouvoir analyser les options relatives à l'élaboration d'un protocole qui incorpore les résultats d'années de travaux menés par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, études qui ont donné naissance à un projet très complet. Le Groupe de travail doit être aussi ouvert aux apports des gouvernements, des organisations non gouvernementales et des organes des Nations Unies, en particulier le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.
M. VALERIE KUCHINSKY (Ukraine) a présenté les stratégies de développement économique et social adoptées dans le cadre de l'initiative présidentielle pour 2000-2004 et les mécanismes mis en œuvre dans le cadre du programme gouvernemental, Ukraine-2010, ainsi que les mesures prises en faveur de la réalisation des droits économiques et sociaux des personnes handicapées. Il a reconnu la responsabilité première des États pour établir un environnement national propice à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, mais a estimé que les Nations Unies avaient un rôle à jouer dans l'identification des meilleurs moyens d'aider les États, y compris les pays en transition, à tirer parti de la mondialisation. Ainsi, les Nations Unies devraient aider à identifier les problèmes émergents et les écueils politiques, en outre, l'Organisation peut contribuer à faciliter le dialogue et à établir des consensus sur les problèmes mondiaux de développement. S'agissant de la question de l'éradication de la pauvreté, le représentant de l'Ukraine s'est déclaré d'avis qu'il fallait privilégier le dialogue afin de combler l'écart qui se creuse entre les riches et les pauvres. Il a également insisté sur la nécessité d'intégrer la santé et l'éducation dans les stratégies de réduction de la pauvreté. Il en a cité pour preuve les conséquences désastreuses du VIH/sida sur le développement de nombreux pays africains, ajoutant que son pays n'était pas épargné par la pandémie.
MME NORMA NASCIMBENE DE DUMONT (Argentine) a souligné l'impact des crises économiques sur la réalisation des droits économiques sociaux et culturels. Elle a rappelé que l'Argentine a été frappée de plein fouet par une crise économique très grave dont elle commence à peine à sortir. Le Gouvernement a adopté de nombreuses mesures d'urgence pour pallier les effets de cette crise. Les efforts s'orientent d'abord vers la mise en place de nouvelles institutions étatiques pour faire face aux problèmes sociaux et, d'autre part, par la mise en place de programmes pour répondre à l'urgence dans les domaines alimentaire, sanitaire et de l'emploi. L'étape actuelle a pour but de consolider les acquis et de mettre en marche une politique sociale visant à jeter les bases d'un développement durable, équitable et fondé sur la justice sociale. La représentante a souligné l'importance d'un environnement international propice à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et du droit au développement. À cet égard, elle a relevé le lien incontestable existant entre le régime du commerce mondial et la jouissance des droits de l'homme et réitéré la nécessité d'éliminer les barrières au commerce des produits de l'agriculture, qui est un secteur fondamental de l'économie des pays en développement, duquel dépend souvent le développement, la sécurité alimentaire, l'emploi et les réserves en devises de ces pays.
MME ELIANA BERAUN ESCUDERO (Pérou) a déclaré que l'indice de développement humain de son pays avait certes progressé entre 1997 (0.717) et 2002 (0.747) mais que cela n'empêchait pas qu'un long chemin reste à parcourir pour que tous les Péruviens aient accès à la santé, à l'éducation ainsi qu'à l'emploi et au logement. Des progrès dans ces domaines contribueront à la consolidation de l'état de droit et de la démocratie. Le Pérou reconnaît le rôle important de la Commission, notamment de ses rapporteurs, dont les travaux permettent d'enrichir les programmes de développement. Le représentant a souligné l'importance de la visite de M. Kothari au Pérou, et il est clair qu'elle a été à l'origine d'un nouvel élan pour ranimer l'intérêt pour les droits économiques, sociaux et culturels. L'éradication de la pauvreté, le droit au logement, et la santé constituent autant d'urgences pour les pays en voie de développement, et il faut prendre des mesures pratiques pour les appliquer. Il est important à cet égard de créer un système de coopération internationale capable de stimuler et faciliter les efforts des États dans ce domaine.
M. TASSOS KRIEKOUKIS (Grèce, s'exprimant au nom de l'Union européenne) a souligné l'indivisibilité des droits économiques, sociaux et culturels, d'une part, et des droits civils et politiques, d'autre part. Ainsi la bonne gouvernance et le respect du droit, ainsi que les efforts des gouvernements pour identifier les bonnes pratiques, notamment en ce qui concerne la transparence, le respect de l'obligation redditionnelle et l'instauration de gouvernements participatifs, sont des éléments essentiels à l'établissement d'un environnement permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels. Il a exhorté les États qui ne l'ont pas encore fait à devenir partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il a fait valoir que si le Pacte reconnaît que la réalisation de ces droits peut être progressive, cela ne dispense pas les États de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer, le plus rapidement possible, leur réalisation. Les États parties doivent ainsi consacrer les ressources nécessaires à cet objectif, a-t-il insisté, précisant que certaines dispositions étaient indérogeables. Le représentant a exhorté tous les États à faire preuve de la plus grande coopération avec le Comité, qui s'est révélé un organe important dans les efforts en faveur de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Le représentant de l'Union européenne a ensuite attiré l'attention sur l'Observation générale No 15 du Comité, selon laquelle le droit à l'eau fait partie intégrante des garanties essentielles au droit à des conditions de vie décentes. S'agissant de l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte en vue de permettre la mise en place d'un mécanisme de communications individuelles, il s'est félicité de la contribution apportée par l'Expert indépendant et a assuré que l'Union européenne participerait activement au Groupe de travail à composition non limitée.
Le représentant grec a ensuite rappelé que le Plan d'action adopté au Sommet de Johannesburg sur le développement durable stipule que la paix, la sécurité, le respect des droits de l'homme et de la diversité culturelle est essentiel au développement durable pour tous. Dans ce contexte, il a insisté pour que tous les États s'appliquent à instaurer une bonne gouvernance et s'est déclaré favorable à l'établissement de partenariats assortis de calendriers. En outre, en vue de l'éradication de la pauvreté, il a insisté sur le fait que le respect des droits de l'homme était un élément important de la cohésion sociale et établissait une base solide en vue de combattre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il a également attiré l'attention sur les liens qui existent entre la pauvreté et la discrimination, qu'elle soit fondée sur le sexe, la langue, l'appartenance ethnique, la religion, l'origine sociale ou l'appartenance politique. Dans ce contexte, il a insisté sur la nécessité de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que l'éducation des femmes, qui se révèle un moyen efficace pour lutter contre la pauvreté, la faim et la maladie et stimuler le développement social. Il a exprimé l'appui de l'Union européenne aux travaux de l'Experte indépendante sur l'extrême pauvreté et a réaffirmé l'engagement de l'Union en faveur de l'objectif visant à réduire de moitié d'ici à 2015 le nombre de personnes vivant avec moins d'un dollar par jour. Reconnaissant que la faim est un affront à la dignité humaine, les États se doivent de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer par eux-mêmes, ou grâce à coopération internationale, l'accès de leur population à l'alimentation et à l'eau potable, a déclaré le représentant de l'Union européenne.
Présentation du rapport du Haut Commissaire aux droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Colombie au titre de l'organisation des travaux
Présentant son rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie, M. SÉRGIO VIEIRA DE MELLO, Haut Commissaire aux droits de l'homme, a attiré l'attention de la Commission sur un fait important intervenu en Colombie après l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement dans ce pays au mois d'août dernier, sous la direction du Président Álvaro Uribe Vélez, sur initiative du Président, le Gouvernement colombien a prolongé le mandat du bureau du Haut Commissariat des droits de l'homme en Colombie pour quatre années supplémentaires, soit jusqu'au mois d'octobre 2006. Cette décision témoigne clairement de la reconnaissance du travail que réalise le bureau du Haut Commissariat en Colombie et d'un engagement accru à poursuivre la collaboration avec ce bureau de manière encore plus productive.
M. Vieira de Mello a toutefois déclaré qu'en dépit de faits nouveaux importants tels que celui-ci, il reste profondément préoccupé par la gravité de la situation humanitaire et de la situation des droits de l'homme en Colombie. L'extrême intensification du conflit armé, qui voit des groupes armés en marge de la loi - plus précisément les groupes paramilitaires et les guérilleros - utiliser des méthodes de combat inacceptables, multiplie les défis lancés au Gouvernement pour faire face à cette situation critique. Les atrocités commises par ces groupes armés, y compris une augmentation des actes de terrorisme, en particulier de la part des FARC-EP, font que la population civile est extrêmement vulnérable et détériorent les conditions de vie et de sécurité des civils.
Le Haut Commissaire a déclaré que les défis lancés à la Colombie en ce qui concerne l'état de droit sont un autre sujet de préoccupation. La défense de ce précepte essentiel - l'état de droit- ne saurait souffrir l'existence de liens entre des fonctionnaires et des groupes armés opérant en marge de la loi, ni l'impunité que génère l'affaiblissement des garanties judiciaires et de l'indépendance de la justice. M. Vieira de Mello a indiqué que le Bureau du Haut Commissariat a reçu des preuves positives de l'intérêt que porte le Gouvernement colombien à la mise en place d'un mécanisme de suivi de la mise en œuvre des recommandations contenues dans le rapport du Haut Commissaire. Quelques-unes de ces recommandations s'adressent aux groupes armés illégaux, qu'il s'agisse des FARC-EP, de l'ELN ou des groupes paramilitaires. M. Vieira de Mello a exprimé l'espoir que ces groupes prendront en compte et appliqueront les recommandations qui leur sont spécifiquement destinées. Pour sa part, le Haut Commissaire a indiqué avoir l'espoir de se rendre en Colombie au cours de cette année, en réponse à l'invitation formulée par le Gouvernement du Président Uribe.
Le rapport du Haut Commissaire aux droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Colombie (E/CN.4/2003/13) analyse le contexte national et passe en revue les facteurs d'ordre politique, militaire, économique, social et institutionnel qui, tout au long de l'année 2002, ont rendu extrêmement complexe et difficile la tâche de la Colombie, véritable défi, qui consiste à maintenir les principes de l'État de droit, à faire respecter les droits de l'homme et à assurer l'application du droit international humanitaire. Ces facteurs sont notamment les suivants : interruption des processus de paix entre le Gouvernement du Président Andrés Pastrana, d'une part, et les forces armées révolutionnaires de Colombie - armée populaire (FARC-EP) et l'Armée de libération nationale (ELN), d'autre part; aggravation du conflit armé en raison des actions violentes, souvent à caractère terroriste, perpétrées tant par les groupes rebelles que par les groupes paramilitaires; accusations et informations persistantes faisant état de liens entre des agents de l'État et des organisations paramilitaires; et entraves à l'exercice normal des droits politiques en raison des pressions exercées sur les candidats et les électeurs par les groupes illicites. Il paraît évident, poursuit le rapport, que les bons offices du Secrétaire général, menés par l'intermédiaire de son conseiller spécial, doivent être considérés comme un moyen à la fois d'opérer un nouveau rapprochement entre le Gouvernement et les FARC-EP et d'amorcer un dialogue entre le Gouvernement et le ELN. L'autre défi est celui qui consiste, pour le Gouvernement, à établir des contacts, un dialogue et d'éventuelles négociations avec les groupes paramilitaires. Le rapport note une augmentation sensible, par rapport à l'année 2001, des violations attribuées directement à des membres des forces gouvernementales. Le rapport note en outre l'augmentation sensible des crimes de guerre et le nombre élevé de victimes parmi la population civile par rapport à l'année 2001. Le rapport indique par ailleurs que l'État ne s'est pas encore doté d'une politique efficace et cohérente en matière de droits de l'homme et de droit international humanitaire.
Au nombre des recommandations, le Haut Commissaire exhorte le Gouvernement à assurer la mise en place effective du système d'alerte précoce établi dans le cadre du Bureau du Défenseur du peuple. Le Haut Commissaire engage le Gouvernement à répertorier les communautés sur lesquelles le conflit armé interne fait peser un risque et à définir et mettre en œuvre dès que possible des actions et programmes de prise en charge préventive et de protection. Le Haut Commissaire demande en outre au ministère public et aux supérieurs hiérarchiques des fonctionnaires de prendre des sanctions disciplinaires à l'égard des agents de l'État qui, par leurs actes ou omissions, font courir des risques aux défenseurs des droits de l'homme dans l'accomplissement de leur mission. Le Haut Commissaire engage les FARC-EP, le ELN et les AUC ainsi que les autres groupes de guérilleros et de paramilitaires à respecter le droit à la vie de tous les civils. Il exhorte le Gouvernement à élaborer une politique cohérente tendant à réduire les profondes disparités existant dans le pays et à veiller à ce que toutes les mesures nécessaires soient adoptées pour faire baisser les taux d'analphabétisme et de chômage et pour améliorer l'accès à la santé, à l'éducation et aux moyens de subsistance.
Déclaration de la délégation concernée
Répondant à cette présentation en qualité de partie concernée, M. CARLOS FRANCO (Colombie) a remercié le Haut Commissaire de l'intérêt qu'il a témoigné à son pays et mis l'accent sur les menaces à la démocratie que constituent encore les agissements des factions armées et la recrudescence du terrorisme. Il a indiqué que son gouvernement entendait mettre en œuvre les recommandations du Haut Commissaire qui constituent un véritable guide pour l'action. Il a indiqué que son gouvernement avait pris contact avec le Bureau du Haut Commissariat en Colombie et utiliserait son savoir-faire pour intervenir dans tous les domaines relatifs aux droits de l'homme. Il a réitéré l'attachement de son Président à protéger toutes les victimes des droits de l'homme, sa détermination à protéger les enfants de tous les groupes armés et à œuvrer pour leur réhabilitation, ainsi que son engagement en faveur du programme contre les mines antipersonnel.
Le représentant colombien a assuré que la politique de sécurité menée par le Gouvernement avait le soutien de la population et qu'elle respectait les principes de non-discrimination et de respect des libertés fondamentales. En outre, le Gouvernement a donné des ordres précis pour le respect de la légalité, ce qui est à la base de sa légitimité. Il a fait part de résultats considérables, obtenus, notamment, grâce à l'engagement de tous les citoyens qui appuient les institutions démocratiques. C'est par attachement au processus de démocratisation que le Gouvernement a engagé un dialogue avec les divers groupes armés afin d'obtenir la protection de toutes les personnes civiles, a-t-il poursuivi. Il a précisé que les autorités colombiennes n'excluaient pas d'inclure ces factions dans un dialogue plus large à l'avenir. Il a assuré que la société colombienne avait retrouvé l'espoir d'avoir un gouvernement qui fonctionne dans la transparence et respecte la démocratie, et a demandé à la communauté internationale de l'appuyer dans ses efforts.
Examen du rapport du Haut Commissaire sur la situation des droits de l'homme en Colombie
M. TASSOS KRIEKOUKIS (Grèce, au nom de l'Union européenne), s'est félicité de l'intention du Gouvernement de la Colombie de maintenir le Bureau du Haut Commissariat dans ce pays. Elle invite le Gouvernement de la Colombie à respecter les recommandations du rapport établi par le Haut-Commissaire aux droits de l'homme. L'Union européenne accueille chaleureusement l'invitation du Gouvernement ouverte aux instances de surveillance du respect des droits de l'homme; elle exprime son appui à la démocratie en Colombie et aux efforts du Gouvernement pour établir l'état de droit et pour trouver une solution négociée au conflit. Le Gouvernement doit ajuster les législations nationales aux normes internationales. L'Union européenne condamne par ailleurs toutes les violations du droit international humanitaire commises par tous les groupes armés : recours au terrorisme, enlèvements, menaces contre les maires et conseillers municipaux qui s'acquittent de leurs fonctions politiques. De même, l'Union européenne condamne les exactions commises par les forces armées gouvernementales et les liens qui peuvent exister entre certains membres des autorités et les groupes paramilitaires. L'impunité doit aussi être combattue devant des tribunaux civils présentant les garanties d'impartialité. L'Union européenne condamne les mesures d'intimidation dont souffrent les militants des droits de l'homme, les syndicalistes, les religieux, et demande au Gouvernement colombien de prendre les mesures nécessaires à leur protection.
M. CHRISTOPHER WESTDAL (Canada) a indiqué que son pays soutient fermement le travail entrepris par le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme en Colombie et incite vivement le Gouvernement colombien à mettre en œuvre les recommandations figurant dans le rapport du Haut Commissaire. Le Canada souhaiterait en outre que le Haut Commissaire présente un rapport intérimaire à l'Assemblée générale à New York l'automne prochain. Le représentant canadien a dit partager les inquiétudes du Bureau du Haut Commissaire à Bogotá concernant les attaques perpétrées contre la population civile et le recours accru à la terreur par des groupes armés illégaux. Il a appelé toutes les parties au conflit à respecter pleinement les droits de la personne ainsi que le droit international humanitaire.
Le représentant canadien a par ailleurs pressé le Gouvernement de respecter le travail des défenseurs des droits de l'homme et des organisations non gouvernementales, ainsi que la légitimité du mouvement syndical, et d'éviter les déclarations publiques susceptibles de mettre des vies en danger. Le représentant a aussi engagé le Gouvernement colombien à reconnaître et respecter les droits des femmes et des enfants. Le Canada tient en outre à féliciter le Gouvernement pour les mesures qu'il a prises pour honorer ses obligations aux termes de la Constitution colombienne ainsi que des instruments internationaux concernant les droits de l'homme, le droit humanitaire et le droit des réfugiés. Les droits et le bien-être des personnes déplacées doivent primer et le Canada tient à souligner la responsabilité première qui incombe au Gouvernement à cet égard. L'augmentation du nombre d'attentats terroristes imputables aux groupes armés illégaux ne laisse pas d'inquiéter le Canada, a poursuivi le représentant. Il a en outre relevé avec préoccupation la hausse importante des violations attribuées aux forces de sécurité. Tout en soutenant les efforts que déploie le Gouvernement pour garantir la sécurité de tous les Colombiens, le Canada rappelle que ces efforts doivent être pleinement conformes aux droits de l'homme et au droit international humanitaire. Le Canada exhorte le Gouvernement colombien à respecter sa promesse de s'attaquer résolument au problème des groupes paramilitaires et de tenir pénalement responsables les fonctionnaires qui ont des liens avec les opérations de ces groupes. La situation reste grave, mais le Canada continue d'espérer que le peuple colombien connaîtra bientôt la paix dans une culture de respect des droits de la personne, a déclaré le représentant canadien.
M. MARK FALCOFF (États-Unis) s'est félicité de l'initiative de sécurité démocratique lancée par le Président Uribe, qui a étendu l'action du Gouvernement à des zones qui servaient auparavant de base aux opérations terroristes, ainsi que de la prorogation du mandat du Bureau du Haut-Commissariat en Colombie jusqu'à 2006. Malgré les efforts considérables consentis par le Président Uribe en vue de restaurer la démocratie, le représentant des États-Unis a estimé qu'il restait encore beaucoup à faire. En dépit des mesures prises par le Gouvernement en vue de traduire en justice les auteurs de violations des droits de l'homme, l'impunité perdure du fait de certains problèmes systémiques. Il a rappelé que le conflit en Colombie avait coûté la vie de cinq à six mille civils au cours de cette année et que l'instabilité dans les zones rurales avait fait plus de 400 000 personnes déplacées. Il s'est déclaré convaincu que les principaux auteurs de violations des droits de l'homme en Colombie étaient les groupes armés illégaux qui défiaient les autorités et avaient fait du trafic de stupéfiants, de l'enlèvement d'enfants et de l'extorsion de fonds des pratiques courantes. Il s'est félicité de ce que, sous l'impulsion du Président Uribe, le Gouvernement s'emploie à briser les liens qui unissent encore certains éléments des forces armées et les groupes armés illégaux.
M. SVERRE BERGH JOHANSEN (Norvège) a souligné que le manque de progrès dans le processus de paix en Colombie nuisait gravement à la situation des droits de l'homme dans ce pays. La rupture du dialogue avec le FARC et l'ELN a malheureusement conduit à une augmentation des attaques terroristes aveugles qui causent de grandes souffrances à la population colombienne. L'objectif du Gouvernement en matière de sécurité a conduit à l'adoption d'une forme atténuée d'état de siège, qui a certes un effet positif sur la sécurité des populations, mais qui est trop souvent utilisée pour couvrir des violations des droits de l'homme, notamment à l'encontre des dissidents ou militants des droits de l'homme. Il est urgent de revivifier le processus de paix. Cependant, sans traitement des causes profondes du conflit (pauvreté et exclusion), une paix durable ne pourra être instaurée. Les efforts simplement militaires ne suffiront donc pas au règlement du problème, il faut aussi un effort sincère en faveur du développement d'une société plus juste et plus démocratique.
MME ALESSANDRA AULA (Franciscain international) a fait part de sa profonde préoccupation face à la détérioration constante de la situation des droits de l'homme en Colombie. C'est pourquoi elle demande au Haut Commissaire aux droits de l'homme de présenter son rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie et l'état de mise en œuvre de ses recommandations devant l'Assemblée générale des Nations Unies à l'automne prochain. La représentante a par ailleurs fait part de sa préoccupation face à l'augmentation des cas de disparitions forcées et à l'absence de volonté politique du Gouvernement pour combattre les groupes paramilitaires. Le droit à la justice et à la vérité ne doit pas être ignoré, a insisté la représentante. Elle s'est félicitée de l'invitation permanente adressée devant cette Commission par le Vice-Président de la Colombie à tous les mécanismes des droits de l'homme de l'ONU. Elle a exprimé l'espoir que cet engagement serait respecté. La Commission doit demander d'urgence au Gouvernement colombien de respecter les recommandations formulées par Mme Hina Jelani, Rapporteuse spéciale sur les défenseurs des droits de l'homme et M. Francis Deng, Représentant spécial sur les personnes déplacées. Il faut notamment démanteler les groupes paramilitaires et traduire en justice leurs membres et collaborateurs, a affirmé la représentante de Franciscain international.
MME NATHALIA LÓPEZ (Commission colombienne de juristes au nom également de la Commission internationale de juristes, du Service international pour les droits de l'homme et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme) s'est félicitée que le Haut Commissaire relaye les préoccupations concernant les progrès réalisés dans la lutte contre l'impunité, ce qui a permis d'enregistrer un plus grand nombre de dénonciations de violations des droits de l'homme. Toutefois, elle a accusé le Gouvernement de mener, depuis la déclaration de l'état d'exception en août 2002, une politique contre la population civile qu'il considère comme complice des milices armées. Elle a également dénoncé une militarisation croissante de la société à travers la formation du réseau national d'informateurs qui prétend transformer les 44 millions de Colombiens en auxiliaires du pouvoir. Reconnaissant la responsabilité première des factions armées dans les violations des droits de l'homme en Colombie, elle a demandé à la Commission d'exprimer des préoccupations à cet égard, mais aussi de souligner la responsabilité du Gouvernement qui a failli à son obligation de protéger la population civile et à rompre définitivement les liens entre certains de ses éléments et les groupes armés illégaux. Dans un tel contexte, il importe que la Commission demande instamment au Gouvernement colombien de respecter les engagements qu'il a pris et qu'elle réitère ses recommandations en vue d'un règlement de la crise qui affecte le pays.
MME ANNA BIONDI (Confédération internationale des syndicats libres - CISL, au nom aussi de Public Services International) a qualifié de très mauvaise la situation des militants syndicaux en Colombie, avec un bilan de 184 tués en 2002. Ce chiffre ne comprend pas les disparitions, en augmentation surtout parmi les militantes, ni les exils forcés. Le Gouvernement a récemment publié le décret 128 accordant une amnistie aux membres de groupes paramilitaires, et a adopté une série de lois limitant singulièrement les droits des travailleurs. Il faudrait que le dialogue social soit renforcé en Colombie, où l'on assiste au contraire à un plan délibéré de démantèlement du mouvement syndical, avec menaces de morts, assassinats et réformes scélérates du droit du travail.
AUGUSTÍN JIMÉNEZ (Organisation mondiale contre la torture - OMCT, au nom également de Agir Ensemble pour les droits de l'homme) a déclaré que la politique de sécurité de la Colombie, présentée comme une politique visant à lutter militairement contre les groupes armés opérant en marge de la loi, est en fait un mécanisme de persécution des opposants civils et autres dirigeants syndicaux et défenseurs des droits de l'homme. Face à la détérioration des violations des droits de l'homme en Colombie, il faut que la Commission demande au Haut Commissaire de présenter un rapport intérimaire à l'Assemblée générale des Nations Unies à sa prochaine session.
MME GABRIELLE JUEN (Amnesty International) a dénoncé l'intensification du conflit interne depuis l'effondrement des pourparlers de paix entre le Gouvernement et les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Amesty International n'a constaté que très peu de progrès dans l'application des recommandations des Nations Unies par le Gouvernement Uribe et s'inquiète qu'au lieu de protéger la population, le Gouvernement risque d'entraîner les civils dans le conflit, par la création du réseau d'informateurs civils. Amnesty International estime que le projet de loi visant à permettre aux civils de porter des armes risque d'avoir pour conséquence une plus grande militarisation de la société. En outre, la proposition d'accorder des pouvoirs de police judiciaire aux forces armées risque d'accroître l'impunité et faire peser des menaces sur les défenseurs des droits de l'homme. Dans ce contexte, Amnesty International demande à la Commission d'exhorter le Gouvernement à élaborer un plan national d'action pur mettre en œuvre les recommandations des Nations Unies et d'appeler le Gouvernement à signer un accord humanitaire avec les groupes armés en vue de protéger la population civile. La Commission devrait également exhorter le Gouvernement à prendre des mesures urgentes contre l'impunité et à réviser toute législation qui garantit l'impunité aux groupes paramilitaires en leur accordant une amnistie. La Commission devrait également veiller à ce que l'application des recommandations des Nations Unies soient contrôlées par les mécanismes appropriés des Nations Unies.
MME AIDA AVELLA (Fédération syndicale mondiale) a dénoncé la violence qui s'exerce contre les dirigeants syndicaux colombiens. Le mouvement syndical est en effet menacé de disparition : menaces de morts, licenciements, assassinats et impunité, notamment. Cette situation est dénoncée depuis des années, mais rien n'a été fait pour arrêter ces violations des droits de l'homme des syndicalistes. Le cas colombien est sans aucun doute le plus grave dans le monde : un groupe paramilitaire vient par exemple de menacer de tuer tous les collaborateurs des syndicats. Il faudrait que l'État prenne des mesures contre ce groupe. Le Gouvernement doit mettre fin à l'impunité qui continue de prévaloir en Colombie, a conclu la représentante.
MME EMMANUELLE WERNER (Human Rights Watch) a déclaré qu'en 2003, le monde a été témoin de violations des droits de l'homme sans précédent en Colombie. Depuis son arrivée au pouvoir, le Président Uribe s'est engagé à faire le nécessaire pour renforcer la démocratie dans le pays. Si certaines de ses propositions sont positives, d'autres témoignent d'une tendance globale troublante à suspendre des droits en vue d'avancer sur le terrain de la lutte contre le terrorisme. Or, c'est une erreur, car une solide défense des droits de l'homme fait partie intégrante de la «recette du succès» en matière de lutte contre la terreur, lutte qui ne saurait être couronnée de succès sans un pouvoir judiciaire indépendant et impartial. La Commission devrait demander au Haut Commissaire aux droits de l'homme de présenter un rapport intérimaire détaillé et analytique sur la situation des droits de l'homme en Colombie à la prochaine session de l'Assemblée générale de l'ONU, estime Human Rights Watch.
M. JULEN ARZUAGA (Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples) a regretté que, malgré son intitulé prometteur, le «programme de sécurité démocratique» ait accru la militarisation de la société et la présence militaire même dans les zones de réhabilitation et de consolidation. Il a dénoncé aussi le programme visant à créer un réseau d'informateurs et le programme de paysans armés, ce qui démontre que le Gouvernement privilégie la solution militaire, alors que l'impunité continue de croître dans le pays. Par ailleurs, il est regrettable que le Gouvernement ait fermé les espaces de négociations avec les insurgés, seul moyen de rechercher une solution pacifique fondée sur le dialogue. Dans ce contexte, la Ligue internationale pour le droit et la libération des peuples demande à la Commission de nommer un rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Colombie et la présentation du rapport du Haut Commissaire à l'Assemblée générale de l'ONU lors de sa prochaine session.
MME GLADYS AVILA FONSECA (Fédération latino-américaine des associations des familles des détenus disparus- FEDEFAM) a déclaré que 80% des crimes commis contre la population étaient le fait des forces paramilitaires, avec l'appui ou la tolérance des forces de sécurité de l'État. L'impunité règne, l'engagement politique fait totalement défaut qui permettrait d'élucider les crimes et de punir les coupables. En trois ans, on constate une augmentation de 100% des cas de disparitions. Dans ces conditions, la promulgation de la loi 128, qui garantit l'impunité des responsables des violations des droits de l'homme, constitue un très net recul devant les exigences de vérité et de justice. Le pouvoir préfère prendre des mesures autoritaires qui ne règlent pas du tout les nombreux problèmes que doit affronter la population colombienne.
M. JAIRO SÁNCHEZ (Association américaine de juristes) a déploré le manque de volonté politique de ceux qui ont le pouvoir politique de faire de la Colombie un véritable État de droit et un pays démocratique. La politique dite de sécurité démocratique du Président Uribe restreint un certain nombre de droits et libertés fondamentales et est incompatible avec les normes internationales relatives aux droits de l'homme. Les groupes paramilitaires continuent d'usurper les fonctions de l'État en profitant de la tolérance et de la passivité des autorités. Il existe des liens entre les paramilitaires et les fonctionnaires de sorte que la lutte contre l'impunité se heurte à d'importants obstacles. Le représentant a plaidé en faveur de la nomination d'un rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Colombie.
M. ROBERT FARIS (Le Conseil canadien des églises) a exhorté la Commission à prendre des mesures fermes face à la détérioration de la situation des droits de l'homme en Colombie et l'aggravation de la crise humanitaire. Il a dénoncé la militarisation croissante de la société et le nombre croissant de violations des droits de l'homme. En outre, en dépit des protestations du Gouvernement, il s'est déclaré convaincu de la collusion entre les forces armées gouvernementales et les groupes paramilitaires, ce qui explique le grand nombre d'assassinats politiques et de disparitions en Colombie, notamment parmi les défenseurs des droits de l'homme, les travailleurs sociaux ou les syndicalistes. Il a déclaré que ces violations se cachaient derrière la politique mené au nom de la «guerre au terrorisme». Il a aussi attiré l'attention sur le fait que cette politique a été mise en place alors que la Colombie a indiqué qu'elle ne reconnaîtrait pas la juridiction de la Cour pénale internationale pendant une période de sept ans. Le représentant a également dénoncé la création d'un réseau d'informateurs et le programme de paysans-soldats qui risquent d'accroître la militarisation de la société. Il a demandé à la Commission d'exhorter le Gouvernement colombien à appliquer les recommandations des Nations Unies et de demander au Haut Commissaire de lui présenter un rapport à sa prochaine session, ainsi qu'à la prochaine session de l'Assemblée générale de l'ONU.
M. CARLOS FRANCO (Colombie) a remercié toutes les organisations qui s'intéressent à la situation en Colombie. Le Gouvernement colombien est démocratique, sa légitimité est inattaquable. La Cour constitutionnelle colombienne, dont l'impartialité est reconnue par tous les Colombiens, organisations non gouvernementales comprises, a reconnu la validité des actes législatifs pris par les autorités. Quant au décret 128, il s'agit en fait d'une loi ancienne destinée à encourager la désertion des membres de groupes armés, et n'a rien à voir avec une quelconque volonté de garantir l'impunité.
Présentation du rapport sur la liberté d'expression et d'opinion
M. Ambeyi Ligabo, Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression, a présenté son rapport au titre de la question des droits civils et politiques.
M. AMBEYI LIGABO, Rapporteur spécial sur la liberté d'opinion et d'expression, a indiqué qu'outre les informations sur les tendances actuelles, son rapport présente une analyse du rôle de l'information sur l'éducation concernant le VIH/sida et sur la prévention de la pandémie. Il a expliqué qu'il avait adressé des communications à de nombreux pays dans toutes les régions, quel que soit leur système juridique, et qu'il ressortait de l'analyse de ces communications que la démocratie était le meilleur garant de la protection de ce droit et à la création d'un environnement propice à son exercice. En outre, il a fait valoir que la liberté d'opinion et d'expression contribuait également à l'émergence de systèmes démocratiques viables. Par ailleurs, il a observé que l'exercice de la liberté d'opinion et d'expression était également un bon indicateur du respect de tous les droits de l'homme dans un pays donné. Malgré les ensembles de mesures adoptés par divers pays en faveur de la liberté d'opinion et d'expression, le Rapporteur spécial a exprimé de sérieuses préoccupations face à certaines tendances telles que la multiplication des attaques contre des journalistes, souvent en toute impunité, notamment dans le cadre des conflits qui sévissent en Colombie, au Népal, en Côte d'Ivoire, en Israël et en Afghanistan. Dans ce contexte, il a recommandé à la Commission de commander une étude approfondie sur la sécurité des journalistes, particulièrement dans les conflits armés.
S'agissant de l'étude sur l'accès à l'information dans le cadre de l'éducation sur le VIH/sida et la prévention de la pandémie contenue dans son rapport, M. Ligabo a souligné que le niveau de protection accordé aux droits de l'homme dans un pays donné à un impact direct sur la propagation de la pandémie. Il s'est déclaré convaincu que la liberté d'expression a un impact direct sur l'efficacité des politiques d'information et de prévention et que le recours massif au mass médias était nécessaire pour assurer la plus grande diffusion à ces campagnes. Il a toutefois fait remarquer que ces méthodes avaient une plus grande efficacité dans un environnement où tous les droits de l'homme des personnes vivant avec le sida étaient respectés et qu'il faudrait veiller à ce que l'information des femmes fassent partie des priorités. Abordant la question des législations antiterroristes et de leur impact sur la liberté d'information et d'expression, le Rapporteur spécial a appelé l'attention sur la résolution adoptée par la conférence parrainée par l'UNESCO qui s'est tenue à Manille sous l'intitulé
«le terrorisme et les médias», à l'occasion de la Journée de la liberté de la presse le 3 mai 2002. Cette résolution dispose que la menace terroriste ne saurait servir d'excuse aux restrictions à la liberté d'expression. Il a déclaré que l'impact de ces législations continuerait de figurer parmi les priorités de son mandat.
Le Rapporteur spécial a ensuite rendu compte de sa mission en Guinée équatoriale, du 1er au 7 décembre 2002, au cours de laquelle il a pu constater une amélioration de la liberté d'expression. Toutefois, il a recommandé au Gouvernement de son pays de prendre les mesures qui s'imposent pour que les améliorations apportées dans la législation soient réellement suivies d'effet. En outre, il a exprimé ses préoccupations face à l'absence de médias audio visuels indépendants dans le pays et a recommandé à la Guinée équatoriale de solliciter l'assistance technique du Haut Commissariat pour mettre en œuvre les recommandations qui figurent dans son rapport.
Dans son rapport sur le droit à la liberté d'opinion et d'expression (E/CN.4/2003/67), M. Ligabo, nommé Rapporteur spécial le 26 août 2002 pour une période de trois ans, tient à souligner que, dans le cadre de son examen de l'exercice du droit à la liberté d'opinion et d'expression sur les plans à la fois général et individuel, il compte mettre en place une coopération avec les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les autres organisations et institutions concernées, afin de rechercheret de recevoir des informations crédibles et fiables, ce qu'il estime essentiel à l'accomplissement de son mandat. Au titre de ses recommandations, il invite instamment les gouvernements à prendre les mesures nécessaires pour protéger les journalistes de toute attaque, qu'elle émane d'agents du gouvernement, de forces de maintien de l'ordre, de groupes armés ou de terroristes, et à assurer un environnement favorable à leurs activités.
Le Rapporteur spécial considère qu'il est disproportionné de condamner des personnes à des peines d'emprisonnement pour diffamation. Il considère aussi que ces délits ne devraient pas être jugés au pénal. Comme le souligne sa déclaration conjointe avec le Représentant de l'OSCE pour la liberté des médias et le Rapporteur spécial de l'Organisation des États américains (OEA) sur la liberté d'expression, «la diffamation n'est pas une restriction justifiable à la liberté d'expression; toutes les lois pénales relatives à la diffamation devraient être abolies et remplacées, le cas échéant, par les lois civiles appropriées».
S'agissant de l'accès à l'information aux fins de l'éducation et de la prévention en matière de VIH/sida, le Rapporteur spécial prie instamment les gouvernements d'établir un cadre assurant une meilleure protection de la liberté d'opinion et d'expression et la libre circulation de l'information et des communications en direction du grand public, ainsi que de groupes et de communautés spécifiques.
Dans un additif à son rapport (E/CN.4/2003/67/Add.2), M. Ligabo rend compte de sa visite en Guinée équatoriale, du 2 au 7 décembre 2002. Le Rapporteur spécial est préoccupé par le fait qu'il n'existe pas d'organe de presse audiovisuelle libre et indépendant dans le pays et que des obstacles d'ordre juridique et administratif entravent l'activité de la presse écrite. Il s'inquiète de ce que les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme ne sont toujours pas autorisées à se faire enregistrer et à exercer leurs activités en Guinée équatoriale, et engage le Gouvernement à modifier la loi. Le Rapporteur spécial constate également avec préoccupation que certaines organisations non gouvernementales sont frappées d'interdiction sans motif; évoquant en particulier le cas de l'Association du barreau et de l'Association de la presse, interdites en mai 2002, le Rapporteur spécial demande au Gouvernement de revenir sur cette décision et de permettre aux deux organisations de fonctionner librement. Par ailleurs, il invite le Président de la République à envisager la remise en liberté des détenus à la suite du «procès des 144» de juin 2002.
Un autre additif au rapport (E/CN.4/2003/67/Add.1, paru en anglais uniquement) présente un résumé des questions soumises par le Rapporteur spécial aux gouvernements et leurs réponses.
Déclaration du Président du Comité des droits de l'homme
M. ABDELFATTAH AMOR, Président du Comité des droits de l'homme, a souligné que sa déclaration aujourd'hui constitue en fait la première intervention d'un président de comité devant la Commission des droits de l'homme. Il a fait part des principales activités de son comité, chargé de surveiller la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et indiqué que 150 États. M. Amor a indiqué que le Comité des droits de l'homme a joué un rôle pionnier dans l'établissement d'une procédure de suivi, ceci à travers la création du mandat de rapporteur spécial chargé du suivi des observations finales du Comité. Concernant les plaintes individuelles (communications), M. Amor a fait savoir qu'à ce jour, ont été enregistrés 1 167 cas dont 295 sont encore en cours d'examen tandis que les constatations du Comité sur le fond ont concerné plus de 400 cas. À partir de ces constatations, la jurisprudence du Comité s'est enrichie au cours de ces dix dernières années. De plus, l'on constate d'une part une plus grande coopération des États parties dans l'exécution des constatations adoptées par le Comité sur ces plaintes et, d'autre part, l'invocation des décisions du Comité par les plus hautes juridictions des États parties. Enfin et surtout, la procédure des plaintes individuelles a permis de rendre justice à de nombreuses victimes, qu'il s'agisse de la suspension de la peine de mort, de modifications législatives, de changements dans les pratiques administratives ou du paiement de compensations financières aux victimes de violation des droits de l'homme. Depuis un an, a fait observer le Président, l'attention portée par les médias à certaines décisions du Comité faisant jurisprudence a permis d'accroître la visibilité de cette fonction du Comité et surtout de vulgariser auprès du grand public cette procédure de plaintes et donc de rendre plus courante son utilisation.
Des progrès restent néanmoins à accomplir, a poursuivi M. Amor. En particulier, on constate que de nombreux États parties ne soumettent pas leurs rapports au Comité. En l'occurrence, 30 États parties sur 150 n'ont toujours pas remis leurs rapports initiaux au Comité, a précisé le Président. Enfin, le Président du Comité s'est réjoui de ce premier pas permettant d'institutionnaliser la coopération entre le Comité et la Commission.
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