En cours au Siège de l'ONU

CS/2563

LA QUESTION DU TRANSFERT PROGRESSIF AUX JURIDICTIONS BOSNIAQUES DE CERTAINES PREROGATIVES DU TPIY EXAMINEE AU CONSEIL DE SECURITE

08/10/2003
Communiqué de presse
CS/2563


Conseil de sécurité

4837e séance – matin


LA QUESTION DU TRANSFERT PROGRESSIF AUX JURIDICTIONS BOSNIAQUES DE CERTAINES PREROGATIVES DU TPIY EXAMINEE AU CONSEIL DE SECURITE


Le renforcement de la coopération entre la Bosnie-Herzégovine et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) dans la perspective de la stratégie de sortie du Tribunal, d’ici à 2008, était ce matin au centre des préoccupations du Conseil de sécurité réuni sous la Présidence de John Negroponte (Etats-Unis), en présence du Haut Représentant chargé du suivi de l’Accord de paix sur la Bosnie-Herzégovine, Paddy Ashdown, et du Président du Tribunal, le Juge Theodor Meron.  Dans son intervention, M. Meron a salué la création d’une Chambre spéciale chargée des crimes de guerre au sein de la Cour d’Etat de Bosnie-Herzégovine et indiqué que le TPIY accueillerait ce mois-ci à La Haye une conférence des donateurs organisée par le Bureau du Haut Représentant destinée à mettre en place l’organisation financière de cette Chambre.  Une fois cette organisation en place, a poursuivi M. Meron, plusieurs groupes de travail seront crées en vue de réfléchir à l’élaboration de directives relatives au fonctionnement de la Chambre spéciale.  Ces directives porteront, entre autres, sur le règlement de la procédure et de la preuve, sur la protection des témoins, sur les enquêtes, sur la détention et les modalités de renvoi d’affaires instruites, ainsi que sur le transfert d’éléments de preuve par le Tribunal.  


La création de cette Chambre est indispensable pour que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie puisse réaliser son objectif de mettre fin à ses travaux en 2010, et se concentrer davantage sur les procès des plus hauts dirigeants poursuivis pour leurs responsabilités dans les crimes relevant de la compétence du Tribunal, ont fait valoir les intervenants.  A ce titre, les Etats-Unis ont déclaré que la capture des criminels de guerre, tels que Mladic et Karadzic, constituait une priorité pour eux et exhorté, à l’instar de la France, la Republika Srpska à coopérer davantage dans cette optique.  La France a également insisté sur l’obligation pour la communauté internationale de soutenir financièrement la création de la Chambre spéciale et le processus de transfert de responsabilités aux juridictions bosniaques, tandis que l’Allemagne annonçait quant à elle une contribution de 600 000 euros à cette fin.  Cependant, le Haut Représentant, Paddy Ashdown, et son adjoint, Bernard Fassier, ont indiqué que pour commencer à mettre en place cette Chambre spéciale, la réunion des donateurs qui se tiendra le 30 octobre à La Haye devrait mobiliser au minimum 15 millions d’euros, les besoins, à terme, étant évalués à 30 millions d’euros sur cinq ans. 


Au-delà des aspects financiers, certaines délégations ont, à l’instar des Etats-Unis et de l’Italie, qui intervenait au nom de l’Union européenne, mis en avant les mesures prises à leurs niveaux pour geler les avoirs des réseaux soupçonnés de protéger les criminels de guerre recherchés par la justice internationale.  17 criminels de guerre sont encore en liberté, contre 20 il y a un an, a constaté le représentant de la Bosnie-Herzégovine, exhortant la communauté internationale à intensifier ses efforts pour traquer les fugitifs.  Le Haut Représentant, Paddy Ashdown, a indiqué que son objectif était de rendre la vie intenable aux criminels de guerre et aux criminels contre l’humanité et leurs associés.


Plus généralement, M. Ashdown a inscrit l’action de la communauté internationale dans la consolidation de l’état de droit et la réforme de l’économie en Bosnie-Herzégovine, et indiqué que la Mission de police de l’Union européenne, qui a pris le relais de la présence des Nations Unies, s’efforçait d’introduire des normes européennes en matière de droits de l’homme dans la police bosniaque.  Aujourd’hui, on peut clairement affirmer que la Bosnie-Herzégovine est le seul pays des Balkans à répondre entièrement aux critères démocratiques et à s’inscrire au rang des pays modernes de l’Europe grâce aux réformes économiques, a déclaré M. Ashdown. 


A titre de rappel, le Conseil de sécurité a approuvé le 23 juillet 2002 la stratégie générale tendant à déférer devant les juridictions nationales compétentes les accusés de rang intermédiaire ou inférieur.  Cette décision a été jugée comme le meilleur moyen de faire en sorte que le Tribunal soit en mesure d’achever ses jugements de première instance à l’horizon 2008. 


Outre les 15 membres du Conseil de sécurité et le représentant de la Bosnie-Herzégovine, le représentant de l’Italie s’est également exprimé au nom de l’Union européenne. 


LA SITUATION EN BOSNIE-HERZEGOVINE


Lettre datée du 25 septembre 2003, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2003/918)


Le Conseil a été saisi d’une lettre datée du 25 septembre 2003, adressée par le Secrétaire général au Président du Conseil de sécurité (document S/2003/918), contenant le vingt-quatrième rapport du Haut Représentant qui couvre la période allant du 12 octobre 2002 au 31 août 2003, en application de la résolution 1031 du Conseil de sécurité, en date de 1995.


Dans ce rapport, le Haut Représentant rappelle que dès son entrée en fonction le 27 mai 2002, il avait indiqué que son objectif était d’engager irréversiblement la Bosnie-Herzégovine sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne (UE).  En décembre 2002, le Comité directeur du Conseil de mise en oeuvre de la paix a approuvé le plan d’action de la mission qui définit six tâches essentielles pour le Bureau du Haut Représentant: consolider l’état de droit; faire en sorte que les extrémistes nationalistes, les criminels de guerre et leurs réseaux de crime organisé ne puissent pas entraver l’application du processus de paix; réformer l’économie; renforcer les capacités des institutions gouvernementales de la Bosnie-Herzégovine; établir au niveau de l’Etat un commandement et un contrôle civils des forces armées et réformer le secteur de la sécurité; promouvoir le retour viable des réfugiés et des personnes déplacées.


Depuis le dernier rapport, des progrès mesurables ont été accomplis.  Une section chargée de la lutte contre la criminalité et la corruption a été créée et un remaniement du système judiciaire du pays à tous les niveaux a été entamé.  En outre, le Groupe de la réforme juridique, les hauts conseils de la magistrature, la Chambre spéciale du Tribunal d’Etat et une section spéciale au Bureau du Procureur du pays ont été créés et fonctionnent.


Le rapport indique, par ailleurs, que si l’on est encore loin de revoir la mosaïque multiethnique de la Bosnie-Herzégovine d’avant-guerre, l’application de la législation foncière, la visibilité croissante et la reprise de la confiance des communautés de retour, et le nombre croissant de personnes qui rentrent, indiquent qu’il sera possible de réduire le personnel du Groupe pour la reconstruction et le retour à la fin de 2003.


Pour ce qui est du transfert d’autorité du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie à la Bosnie-Herzégovine, le plan visant à confier l’organisation de procès internes pour les crimes de guerre à un jury spécial de la Cour de la Bosnie-Herzégovine a été examiné lors de plusieurs réunions en 2003.  En outre, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Conseil de l’Europe ont été invités à faire des observations sur ces propositions.  Les recommandations issues des entretiens avec ces groupes et le TPIY ont été présentées au Conseil de mise en œuvre de la paix, qui les a approuvées le 12 juin.  La décision prise par les Directeurs politiques du Comité directeur du Conseil demande la création d’une chambre des crimes de guerre au sein du Bureau du Procureur de l’Etat.


Déclarations


Présentant le rapport qu’il a soumis au Conseil de sécurité par l’intermédiaire du Secrétaire général, M. PADDY ASHDOWN, Haut Représentant chargé du suivi de l’Accord de paix sur la Bosnie-Herzégovine, a évoqué le plan conjoint visant à juger les crimes de guerre sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine avec le concours du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).  S’agissant de la situation en Bosnie-Herzégovine, M. Ashdown a souligné les résultats obtenus ces dernières années dans la stabilisation des Balkans, grâce à un travail titanesque de la communauté internationale.  Des progrès significatifs ont été également obtenus dans la consolidation de l’état de droit et de la réforme de l’économie, a-t-il dit, soulignant que la Mission de police européenne, qui a pris cette année le relais des Nations Unies, s’est efforcée d’introduire les normes européennes en matière de droits de l’homme dans la police.  Aujourd’hui, on peut affirmer que la Bosnie-Herzégovine est le seul pays des Balkans à répondre entièrement aux critères démocratiques et à s’inscrire au rang des pays modernes de l’Europe, a poursuivi M. Ashdown.  Au-delà de la criminalité transnationale organisée, nous nous sommes efforcés de rendre la vie intenable aux criminels de guerre et aux auteurs de crimes contre l’humanité et à leurs associés, a-t-il ajouté, citant en particulier la nébuleuse entourant Radovan Karadzic dont les avoirs ont été saisis. 


Dans le domaine du développement économique, une cinquantaine de réformes ont déjà été adoptées par le Parlement afin de définir le cadre macroéconomique en Bosnie-Herzégovine, a également indiqué M. Ashdown, mettant en avant la stabilité de la monnaie bosniaque et la progression de l’investissement privé.  Le Fonds monétaire international a récemment reconnu que la Bosnie-Herzégovine avait dépassé les attentes, a poursuivi le Haut Représentant, indiquant que de nouvelles réformes étaient en cours, notamment dans le domaine fiscal, où une taxe sur la valeur ajoutée sera introduite d’ici à janvier 2005, et dans la décentralisation.  Ces mesures s’inscrivent dans une réforme plus globale de l’administration publique, a-t-il poursuivi, mais il est difficile de modifier rapidement les habitudes et le comportement politique.  Cependant, le cycle de réformes est encore lent, a reconnu M. Ashdown, avant d’insister sur l’urgence à traduire devant le TPIY et les juridictions bosniaques tous les criminels contre l’humanité.  M. Karadzic a encore une influence néfaste sur ce pays et sa capture permettrait de consolider les réformes, a-t-il dit, plaidant pour la création d’une Chambre pour les crimes de guerre au sein des juridictions bosniaques qui devraient pouvoir disposer de moyens financiers.  M. Ashdown a plaidé pour un financement de 28 millions de dollars pour répondre aux besoins de la Bosnie-Herzégovine dans le domaine judiciaire.


M. THEODOR MERON, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), s’est félicité de la création d’une Chambre spéciale chargée des crimes de guerre au sein de la Cour d’Etat de Bosnie-Herzégovine qui, a-t-il rappelé, émane d’une initiative commune du Bureau du Haut Représentant et du TPIY.  La création de cette Chambre spéciale montre que nous passons des intentions à l’action, a souligné M. Meron, indiquant qu’au cours de ce mois, le Tribunal accueillera en ses murs une conférence des donateurs organisée par le Bureau du Haut Représentant, destinée à mettre en place son organisation financière.  Une fois cette organisation en place, plusieurs groupes de travail seront créés en vue de réfléchir à l’élaboration de politiques détaillées nécessaires au bon fonctionnement de la Chambre spéciale, comme l’élaboration du règlement de procédure et de preuve, la protection des témoins, les enquêtes, la détention et les modalités de renvoi d’affaires instruites par le TPIY et le transfert d’éléments de preuve en sa possession, a précisé le Président du Tribunal.  Il a également fait valoir que la création de cette Chambre constituait une condition sine qua non pour que le TPIY puisse atteindre la stratégie d’achèvement de ses travaux, en lui permettant notamment de se concentrer davantage sur la poursuite des plus hauts dirigeants soupçonnés ou accusés de porter la plus haute responsabilité dans les crimes relevant de la compétence du Tribunal, grâce au renvoi de certaines affaires devant une juridiction de Bosnie-Herzégovine.  En outre, le Président du TPIY a estimé que la création de cette Chambre spéciale contribuerait directement à la réalisation du Plan de mise en œuvre de la mission du Bureau du Haut Représentant, en participant aux efforts déployés par celui-ci pour ériger le principe de légalité en principe fondateur des institutions nationales de Bosnie-Herzégovine.  Il a ajouté, enfin, que cette Chambre spéciale garantirait que les personnes présumées responsables de crimes de guerre seraient jugées en Bosnie-Herzégovine dans un souci d’efficacité et d’impartialité ainsi que dans le respect des normes internationales en matière d’équité procédurale.


Par ailleurs, le Président du TPIY a fait valoir qu’on ne pouvait actuellement compter exclusivement sur les institutions existantes en Bosnie-Herzégovine, car elles étaient encore en proie à des difficultés structurelles importantes et souffraient notamment de leur composition souvent monoethnique, de l’absence de coopération entre les deux entités, des pressions exercées sur les juges et les procureurs, des partis pris ethniques, de la difficulté de protéger efficacement les victimes et les témoins et du manque de formation appropriée du personnel judiciaire.  Soulignant à cet égard qu’il n’était pas encore envisageable aujourd’hui que les tribunaux de districts ou de cantons puissent poursuivre des criminels de guerre avec toute la crédibilité requise par les normes internationales, M. Meron a affirmé que la création d’une Chambre des crimes de guerre qui, pendant les premières années de son existence, compterait des juges internationaux, était donc un moyen privilégié de garantir une justice rapide et de procéder au processus de réconciliation dans les meilleurs délais.


M. GUNTER PLEUGER (Allemagne) a insisté sur les questions de justice pénale en Bosnie-Herzégovine qui sont essentielles à la consolidation de la paix dans ce pays.  Saluant les progrès réalisés dans les domaines de l’état de droit et de la justice, de la réforme et du développement économique, de la lutte contre le crime organisé, des réformes structurelles et des retours, il s’est toutefois inquiété des obstacles causés par les divisions ethniques.  L’avenir de la Bosnie-Herzégovine sera déterminé par la capacité de ses dirigeants et de son peuple à s’approprier les principales fonctions de l’Etat, à commencer par la justice, a souligné M. Pleuger.  C’est pourquoi nous invitons les autorités de la Bosnie à coopérer plus étroitement avec le TPIY pour assurer le succès de la justice internationale.  A cet égard, il a salué le projet de création d’une Chambre spéciale chargée des crimes de guerre au sein de la Cour d'Etat de Bosnie-Herzégovine, estimant que ce pays doit être en mesure aujourd’hui d’assumer son rôle dans la poursuite des criminels de guerre.  Rappelant les propos de M. Guéhenno devant le Conseil de sécurité du 30 septembre dernier, relatifs au coût élevé des tribunaux internationaux, le représentant de l’Allemagne a souligné la pertinence du recours à la Cour pénale internationale qui existe désormais et peut agir plus rapidement que les tribunaux pénaux dans certaines affaires. 


M. MILAD ATIEH (République arabe syrienne) a estimé qu’en plus de l’amélioration des institutions de base, il était essentiel de reconstruire la Bosnie-Herzégovine sur le plan économique et politique, et que cela dépendait notamment du bon fonctionnement du système judiciaire.  La question du gel des avoirs des personnes présumées responsables de crimes de guerre est essentielle si l’on entend faire régner la justice dans le pays, a-t-il estimé, convaincu qu’une réforme économique était également nécessaire pour appuyer les avancées politiques.  Pour contribuer à la croissance économique du pays, il est important de créer des emplois et de libéraliser l’économie.  Par ailleurs, le représentant a souligné la nécessité de redoubler d’efforts pour assurer le retour des réfugiés dans de bonnes conditions et de faciliter leur réinsertion dans la société.  Une bonne coopération entre le Haut Représentant et le Président du TPIY contribuerait à surmonter les difficultés actuelles, a conclu le représentant.


M. JEAN-MARC DE LA SABLIERE (France) a salué la détermination de M. Ashdown qui a permis d’obtenir des progrès considérables en Bosnie-Herzégovine dans les domaines de l’état de droit et de la justice, de la réforme et du développement économique, de la lutte contre le crime organisé, des réformes structurelles et des retours.  M. La Sablière a relevé, entre autres, l’amélioration de la lutte contre le crime organisé et la corruption et le plan de mise en œuvre concrète du transfert à la justice bosnienne de certains jugements d’inculpés du TPIY, estimant que ces progrès allaient dans le sens de la construction d’un Etat moderne, compatible avec l’intégration européenne.  Toutefois, il s’est inquiété des résistances locales, notamment des partis politiques, qui empêchent la mise en œuvre de ces réformes prioritaires.  Le représentant de la France a également regretté l’absence de coopération de la Republika Srpska avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), avant de rappeler l’engagement considérable et toujours croissant de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine.  La Bosnie-Herzégovine a reçu plus de 2,4 milliards d’euros entre 1991 et 2002, au titre des différents programmes d’assistance, a-t-il fait valoir, avant de souligner que l’action de l’Union européenne, grâce à sa mission de police, facilite en ce moment les progrès de l’état de droit dans ce pays et la place lentement en conformité avec les normes européennes.  S’agissant de la stratégie de sortie du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), M. La Sablière a souhaité que la Conférence des donateurs de La Haye, à la fin du mois, permette à l’Union européenne d’apporter une contribution globale afin d’assurer le succès de la justice internationale. 


M. HERALDO MUNOZ (Chili) a rappelé que les années 90, qui avaient été marquées par des violations flagrantes des droits de l’homme dans la région des Balkans, n’étaient pas si loin et qu’à ce titre, les progrès réalisés depuis cette date montraient combien on s’éloignait de cette période dramatique.  Il s’est également félicité du processus de restructuration du système judiciaire et de l’introduction de normes modernes dans le service public afin de garantir la bonne gouvernance.  En outre, il a salué les réformes bancaires et notamment l’établissement du Comité Bulldozer.  Mais les institutions restent encore trop faibles et les réformes sont souvent lentes, a-t-il déploré.  Par ailleurs, le représentant a jugé essentiel de faire en sorte que les réfugiés et les personnes déplacées puissent rentrer chez elles dans les meilleures conditions.  La mise en place de la Chambre des crimes de guerre, qui s’inscrit dans la stratégie d’achèvement établie par le Conseil de sécurité est une étape positive.  Parler d’efficacité et de rôle local, ce n’est pas remettre en cause le rôle des organisations internationales, a-t-il poursuivi, en exhortant la communauté internationale à fournir les ressources nécessaires pour que le TPIY puisse faire aboutir la stratégie d’achèvement.


M. ALPHA IBRAHIMA SOW (Guinée) a salué les progrès enregistrés dans le fonctionnement des principales institutions de la Bosnie-Herzégovine.  La mise en place de la cellule de lutte contre la criminalité et la corruption, le déploiement de la Mission de police de l’Union européenne constituent, entre autres mesures, des étapes encourageantes vers la consolidation de l’état de droit, a-t-il dit.  M. Sow a suggéré au Haut représentant d’accélérer la mise en place d’un système national de poursuite des criminels de guerre, insistant sur la capture de Radovan Karadzic, et a soutenu la création d’une Chambre spéciale chargée des crimes de guerre au sein de la Cour d’Etat de Bosnie-Herzégovine.  La Guinée soutient l’entrée en vigueur du code de procédure pénale et la répression des réseaux de soutien aux criminels de guerre qui permettront de renforcer la sécurité et la justice en Bosnie-Herzégovine.  Il s’est dit préoccupé par certains dysfonctionnements, notamment le limogeage de certains fonctionnaires motivés par des raisons ethniques ou encore la faiblesse des moyens du Gouvernement bosniaque.  


M. MUNIR AKRAM (Pakistan), rappelant que son pays avait été l’un des principaux contributeurs de la FORPRONU et avait été un membre actif du Conseil de sécurité à l’époque de la guerre en Bosnie, s’est félicité des progrès réalisés en moins d’une décennie en Bosnie-Herzégovine, aujourd’hui pays de paix et de stabilité.  Il a également salué les actions du Haut Représentant et du Président du TPIY pour faire avancer les processus de réforme en cours, et notamment les réformes économiques destinées à relever ce pays autrefois dynamique dans ce domaine.  Par ailleurs, le représentant a estimé que le soutien à la création d’une Chambre spéciale chargée des crimes de guerre n’enlevait rien au rôle du TPIY dans le jugement des crimes de guerre les plus graves.  Cependant, le représentant a jugé que tout n’était pas encore parfait, notamment en ce qui concerne la mosaïque de peuples qui coexistent à l’intérieur du pays.  En outre, il a fait valoir que le processus de paix était toujours menacé par des nationalistes extrémistes et, en particulier, par des réseaux criminels organisés.  Estimant que l’Union européenne devait jouer un rôle moteur dans la reprise économique et politique de la Bosnie-Herzégovine, il a cependant rappelé que l’histoire de ce pays n’était pas uniquement liée à l’Europe et qu’à ce titre, l’ONU devait continuer à jouer son rôle dans ce pays.  Soulignant enfin que le Pakistan lui avait apporté un réel appui moral et politique pendant la guerre, le représentant a affirmé qu’aucun peuple ne pouvait être brutalisé pour ses origines ethniques ou religieuses.


M. EMYR JONES PARRY (Royaume-Uni) a affirmé que la Bosnie-Herzégovine avait, pendant des années, adopté une culture de la dépendance, et il semblait important que les autorités de ce pays assument leurs responsabilités, dans la perspective de leur intégration euro-atlantique et au sein de l’Union européenne.  Il est souhaitable d’intégrer les commandements militaires et les administrations, a précisé M. Jones Parry, afin de stabiliser la Bosnie-Herzégovine et les Balkans.  Des progrès doivent être également réalisés dans le domaine de la lutte contre le crime organisé, a-t-il poursuivi, avant d’indiquer, au sujet de la mission de police de l’Union européenne, que celle-ci démontrait la possibilité de gérer les missions de consolidation de la paix à deux niveaux: international et régional.  Le représentant du Royaume-Uni a plaidé en outre pour des réformes supplémentaires dans les domaines de la justice et de l’état de droit, car, à son avis, pour qu’un Etat devienne libre, il faut qu’il repose sur des bases solides telles que la lutte contre l’impunité.  Les criminels qui sont encore en liberté ont une influence pernicieuse sur le relèvement de la Bosnie-Herzégovine, a-t-il fait valoir, demandant aux donateurs de soutenir la justice bosniaque par la mise en place de la Chambre spéciale chargée des crimes de guerre au sein de la Cour d'Etat de Bosnie-Herzégovine.  A cet effet, le Royaume-Uni a débloqué une enveloppe de 600 000 dollars, a-t-il fait valoir, plaidant pour un transfert rapide vers les juridictions bosniaques des compétences du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).


M. INOCENCIO ARIAS (Espagne) a estimé que la situation en Bosnie-Herzégovine exigeait d’une part que l’on réforme l’Etat afin de renforcer les institutions, et d’autre part que l’on réforme l’économie afin de créer notamment des emplois.  Il a en outre affirmé que son pays suivait de près la restructuration des forces armées et s’est demandé si les réformes en cours permettraient à la Bosnie-Herzégovine de participer au sein de la communauté internationale aux efforts de pays et autres activités.  De l’avis de sa délégation, seule la justice permettra de garantir la paix dans le pays.  M. Arias a salué les travaux du TPIY et en particulier la création de la Chambre spéciale chargée des crimes de guerre.


Rappelant que le mois prochain marquera le huitième anniversaire des Accords de Dayton, M. CARLOS PUJALTE (Mexique) s’est félicité du chemin parcouru depuis 1995 dans les domaines de la justice et de la lutte contre la corruption et le crime organisé.  Nous souhaitons insister sur les initiatives qui ont contribué à renforcer l’état de droit telles que le déploiement de la Mission de police l’Union européenne, a-t-il dit, avant de soutenir à son tour la création d’une Chambre spéciale chargée des crimes de guerre au sein de la Cour d'Etat de Bosnie-Herzégovine dans le cadre de la stratégie de sortie du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) d’ici à 2008.  Le représentant du Mexique a ensuite attiré l’attention sur la question du retour des réfugiés et des déplacés, qui sont encore au nombre de 500 000 en Bosnie-Herzégovine, et sur la protection des minorités ethniques.  Enfin, le Mexique a invité la communauté internationale à continuer d’apporter son concours aux programmes en Bosnie-Herzégovine, en particulier pour ce qui est de la collecte des armes et l’administration de la justice estimant indispensable de mettre fin à l’impunité. 


M. GENNADY GATILOV (Fédération de Russie), se félicitant des progrès réalisés dans la mise en œuvre des Accords de Dayton, a estimé que les avancées actuelles justifiaient qu’un pouvoir accru soit transféré aux autorités légitimement élues en Bosnie-Herzégovine.  Il a également soutenu la mise en œuvre du programme de réformes économiques et sociales destinées à renforcer l’état de droit et a émis l’espoir que le respect de ces priorités soit strictement basé sur les Accords de Dayton et sur le consensus entre toutes les parties bosniaques.  Il a en outre estimé qu’étant donnée la précarité de la situation politique dans le pays, la communauté internationale devait encore assurer le contrôle de la police.  Le représentant a également soutenu la création de la Chambre spéciale chargée des crimes de guerre et a jugé que le Conseil de sécurité devait continuer à suivre de près les progrès accomplis dans le domaine de la justice, en étant régulièrement informé par le Haut Représentant et le Président du TPIY, sur la création de cette Chambre.  A ce titre, il a souhaité que tout soit fait pour permettre à la Chambre de fonctionner dans les meilleurs délais. 


M. ZHANG YISHAN (Chine) a estimé que le processus de paix en Bosnie-Herzégovine était fondamental pour la stabilité des Balkans et a encouragé le Haut Représentant et le Président du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à poursuivre leurs efforts en vue de consolider la justice dans ce pays avant la fin du mandat du TPIY.  Il a plaidé à son tour pour la création de la Chambre spéciale chargée des crimes de guerre au sein de la Cour d'Etat de Bosnie-Herzégovine. 


M. STEFAN TAFROV (Bulgarie) a estimé que la perspective européenne pour la Bosnie-Herzégovine avait la force d’un puissant aimant.  A cet égard, il a jugé que les réformes en cours seraient plus rapides si l’horizon européen de la Bosnie-Herzégovine était dégagé.  Tout en rappelant qu’il restait beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne les problèmes de la criminalité organisée, des communautarismes exaspérés et du manque d’attention porté par la communauté internationale dans certains domaines, le représentant a reconnu que des progrès avaient cependant été réalisés.  A cet égard, il a mis l’accent sur l’importance cruciale de la réforme de la justice, soulignant qu’aucune économie ne pouvait prospérer sans l’instauration de l’état de droit et d’une justice fiable.  En outre, il a souligné qu’à l’avenir, le secteur de la défense serait certainement le ciment de l’identité de la Bosnie-Herzégovine, et s’est dit convaincu que l’accession de la Bosnie-Herzégovine au programme Partenariat pour la paix de l’OTAN pourrait accélérer ce processus.  Le fait de rapprocher les Bosniaques de la justice ne peut que contribuer à accélérer le processus de réconciliation nationale dans le pays.  Enfin, le représentant a rappelé que la Bulgarie participait entre autres, à la Mission de police de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine.


M. ISMAEL ABRAAO GASPAR MARTINS (Angola) a souligné que l’engagement de la communauté internationale avait été déterminant pour engager et soutenir sur la durée les réformes en Bosnie-Herzégovine.  Les réformes ont permis, à son avis, à ce pays de s’ancrer dans le rang des nations modernes et prêtes à intégrer l’Union européenne.  La consolidation de l’état de droit et la promotion de la liberté ont en effet permis à la Bosnie-Herzégovine de devenir un partenaire égal au sein de la communauté internationale, a dit ensuite M. Gaspar Martins, estimant que la création d’une société moderne devait être soutenue.  S’agissant de la réforme du système judiciaire, il a rappelé que les instructions du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) devaient s’achever à la fin de 2004, les procès à la fin de 2008 et les activités du Tribunal à la fin de 2010.  Cela signifie que le transfert de responsabilités aux juridictions nationales bosniaques est le seul moyen de continuer à soutenir la lutte contre l’impunité et le renforcement des institutions et de l’état de droit, a dit le représentant angolais.


M. MARTIN BELINGA-EBOUTOU (Cameroun) s’est félicité de ce que la Bosnie-Herzégovine était le premier pays des Balkans à réunir toutes les conditions d’un état de droit et a salué les progrès réalisés en un temps relativement court.  Pour être durables et efficaces, ces progrès doivent reposer sur une base juridique solide, a-t-il poursuivi, estimant que la perspective de renvoyer certaines affaires devant les juridictions nationales était plus que jamais d’actualité.  Il a cependant fait valoir que ceci ne serait possible qu’à trois conditions: l’engagement de toutes les parties concernées, la mise en œuvre de la stratégie d’achèvement du TPIY, et le fonctionnement harmonieux de la Chambre spéciale chargée des crimes de guerre.  Se disant convaincu que cette réforme permettra de finaliser les procès, il a cependant estimé que les critères de coopération entre le TPIY et la Chambre spéciale devaient être clairement définis et a souhaité avoir davantage d’information à ce sujet.  Enfin, il s’est interrogé sur la manière de concilier les impératifs de la justice et de la réconciliation internationale, et plus précisément au sein d’un tribunal national.


M. JAMES CUNNINGHAM (Etats-Unis) a estimé que la capture des criminels de guerre tels que Mladic et Karadzic constituait une priorité pour la diplomatie américaine.  La Republika Srpska doit bien être consciente que tant que Karadzic détournera les fonds publics, les investisseurs étrangers se détourneront de ce pays, a ajouté M. Cunningham.  Approuvant la stratégie de sortie du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), le représentant américain a soutenu la création de la Chambre spéciale chargée des crimes de guerre au sein de la Cour d'Etat de Bosnie-Herzégovine comme moyen de transférer aux juridictions locales la poursuite des criminels de guerre.  Les Etats-Unis ont gelé les avoirs et interdit les déplacements des membres des réseaux qui aident les fugitifs et les autres criminels de guerre recherchés par la justice internationale, a rappelé M. Cunningham, invitant la communauté internationale à faire de même.  Enfin, a-t-il dit, les Etats-Unis appuient le rythme de réformes engagées par le Haut Représentant, Paddy Ashdown, et souhaitent que le Gouvernement bosniaque accélère de son côté la mise en place de ces réformes. 


M. MIRZA KUSLJUGIC (Bosnie-Herzégovine) a salué la démarche habile du nouveau Haut Représentant dans le domaine des réformes, notamment en ce qui concerne l’intégration à l’OTAN et la mise en fonction de la Cour d’Etat.  En dépit de ces progrès, a-t-il poursuivi, il est à déplorer que le nombre de criminels de guerre toujours en liberté soit passé de 20 à 17 -parmi lesquels deux des plus importants inculpés- et a estimé que la responsabilité en incombait d’abord à la communauté internationale.  S’agissant de la question des personnes déplacées, le représentant a appelé la communauté internationale à soutenir financièrement les personnes qui retournent dans leur foyer pour qu’elles puissent reprendre une vie normale.  En outre, il a déploré que le processus de privatisation des grandes entreprises publiques n’ait pas véritablement fonctionné, et que les acteurs internationaux soient incapables de susciter l’intérêt d’investisseurs.  S’agissant de l’intégration de la Bosnie-Herzégovine dans les institutions européennes, il s’est dit convaincu que le processus engagé était sur la bonne voie.  Sur la question des personnes disparues, le représentant a estimé que des efforts supplémentaires étaient indispensables pour permettre aux familles de s’informer sur le sort des personnes disparues, sachant que cela aurait un impact positif sur le processus de réconciliation.  Les autorités élues sont prêtes à assumer leurs responsabilités pour l’avenir du pays, notamment en s’engageant dans la voie de l’intégration européenne, a-t-il ajouté.  Son pays est officiellement le plus pauvre d’Europe et cela ne résulte pas uniquement de la guerre, a fait remarquer le représentant.


M. MARCELLO SPATAFORA (Italie), intervenant au nom de l’Union européenne, des pays candidats et des pays associés, a souligné que le défi majeur à relever en Bosnie-Herzégovine est celui du changement de mentalités qui doit venir renforcer les mesures prises par le Haut Représentant pour consolider l’état de droit et les réformes économiques et administratives.  La pleine coopération des autorités locales est indispensable pour assurer le succès des réformes en Bosnie-Herzégovine, notamment en ce qui concerne les juridictions nationales, a poursuivi M. Spatafora.  Il a mis en avant l’appui financier de l’Union européenne à la création d’une Chambre spéciale chargée des crimes de guerre au sein de la Cour d'Etat de Bosnie-Herzégovine et à la poursuite des criminels de guerre dont les avoirs sont systématiquement gelés dans les pays de l’Union européenne.  En outre, a-t-il dit, l’Union européenne est sur le point de mettre en place une étude de faisabilité sur l’intégration de la Bosnie-Herzégovine à l’Union et a déployé une Mission de police en Bosnie afin de consolider l’état de droit dans ce pays. 


Le Haut Représentant adjoint, M. BERNARD FASSIER, a souligné que le projet de création de la Chambre spéciale ne pourrait être réalisé sans l’aide de la communauté internationale, qui doit s’élever à 30 millions de dollars pour cinq ans.  Nous avons au moins besoin des deux tiers, soit 20 millions, pour démarrer, a-t-il fait valoir, précisant qu’en-dessous d’un budget de 15 millions de dollars, la Chambre spéciale ne pourrait tout simplement pas voir le jour.  En outre, il a appelé le Conseil de sécurité à convaincre les pays membres d’apporter le même soutien à la Chambre spéciale qu’au TPIY, s’agissant de la protection des témoins notamment.


Prenant à nouveau la parole, le Haut Représentant a souligné qu’il restait encore beaucoup à faire sur le plan des réformes, notamment sur la question des réfugiés.


*   ***   *

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.