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SOC/4593

LES PERSONNES AGEES, PREMIERES VICTIMES DE LA PAUVRETE, DE LA DISSOLUTION DES STRUCTURES FAMILIALES DUE A L’EXODE RURAL ET DE L’ANALPHABETISME

10/04/2002
Communiqué de presse
SOC/4593


Deuxième Assemblée mondiale

sur le vieillissement


LES PERSONNES AGEES, PREMIERES VICTIMES DE LA PAUVRETE, DE LA DISSOLUTION DES STRUCTURES FAMILIALES DUE A L’EXODE RURAL ET DE L’ANALPHABETISME


La solidarité intergénérationnelle considérée comme un remède potentiel

à ces vulnérabilités


Madrid, 10 avril -- «Les anciens sont les plus pauvres parmi les pauvres et il est fréquent qu’ils ne disposent d’aucun revenu régulier», a déclaré le Ministre du patrimoine et des sports du Kenya devant la deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement réunie à Madrid.  C’est sur l’extrême vulnérabilité des personnes âgées, spécifiquement dans les pays d’Afrique sub-saharienne et dans les pays les moins avancés, que de nombreux intervenants ont attiré l’attention de l’Assemblée ce matin, insistant sur l’urgence de la collaboration internationale pour répondre aux changements démographiques et construire une société de tous les âges en matière de vieillissement.  La «révolution démographique sans précédent» qui nous occupe ici est, pour de nombreux pays pauvres, une «source de préoccupations plus que d’opportunités», selon la représentante de la République-Unie de Tanzanie.  Le niveau général de pauvreté de ces pays où jusqu’à 56% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, comme au Kenya, accentué par les plans d’ajustement structurel, ainsi que l’a indiqué le représentant du Nigéria, est la première cause de cette vulnérabilité.


Mais plusieurs facteurs supplémentaires ont été évoqués; en premier lieu, l’analphabétisme, qui, selon le Chef de cabinet du Président d’Haïti, «constitue un obstacle majeur à l’épanouissement du vieillissement heureux».  C’est pourquoi Haïti a lancé l’année dernière une grande campagne d’alphabétisation visant à réduire de moitié l’analphabétisme d’ici 2004.  Des milliers de jeunes étudiants ont été recrutés pour mener, souvent dans des conditions difficiles, cette tâche civique et patriotique.  En second lieu, il apparaît que l’exode rural et l’urbanisation sont des sources d’appauvrissement des personnes âgées; d’une part, les anciens qui partent à la ville sont confrontés au manque d’emplois et à des conditions précaires d’existence, notamment au niveau du logement.  D’autre part, ceux qui restent dans les zones rurales, qui sont les plus nombreux mais sans l’appui des actifs qui ont migré à la ville, sont confrontés à l’isolement.  Enfin, pour nombre de pays africains, la pandémie du VIH/sida est venue fragiliser la position des personnes âgées, ces dernières se retrouvant souvent en charge des enfants dont les parents sont décédés de la maladie.  En République-Unie de Tanzanie par exemple, dont l’espérance de vie a chuté de 5 ans depuis le début de l’épidémie, cette surcharge pèse très lourd sur la santé et le bien-être des personnes âgées.


Le renforcement de la solidarité entre les générations, voilà une des mesures largement préconisées par les intervenants et déjà mises en œuvre par nombre de pays afin de remédier à ces vulnérabilités.  Ainsi, alors que la Jamaïque a récemment introduit de nouvelles prestations sociales à l’intention de ceux qui prennent soin de leurs anciens, Singapour a élaboré une loi qui oblige les enfants à apporter aux parents un soutien financier et lancé un programme qui encourage les jeunes couples mariés à rester en compagnie ou à proximité de leurs parents ou grands-parents.  Le Vice-Ministre des affaires spéciales du Japon, où le pourcentage de personnes âgées de plus de 60 ans vivant avec la famille de leurs enfants mariés est tombé de 47 à 24% en vingt ans, a également estimé qu’il est important de promouvoir la solidarité inter-générationnelle.  La Jamaïque s’est par ailleurs félicitée de ce que le plan d’action international sur le vieillissement, qui doit être adopté à la fin de la semaine, accorde à ce point la place qui lui revient et recommande l’adoption de mesures visant à maintenir les personnes âgées dans leur famille. 


Enfin, dans le souci de favoriser la dimension éthique des soins aux personnes âgées, en passant notamment par le renforcement des relations intergénérationnelles, le représentant de Malte a demandé que cette deuxième Assemblée mondiale propose la création d’un groupe d’experts internationaux chargé de préparer un rapport complet sur tous les aspects moraux et éthiques du vieillissement.  Ce groupe n’aurait pas tant pour tâche de fournir des réponses définitives que de présenter différentes solutions possibles à appliquer par les décideurs publics et privés et de promouvoir la prise de conscience des enjeux moraux du vieillissement, a-t-il précisé. 


Outre les personnalités déjà nommées, la plénière de l’Assemblée a entendu des interventions des Ministres et hauts responsables des pays suivants: Mauritanie, République du Cap-Vert, Pakistan, Belize, Turquie, Bhoutan et Nigéria.  Un représentant du Parlement latino-américain, le Président de la Fédération internationale des associations de personnes âgées et celui de l’International federation for family development sont également intervenus.


Le débat de l’Assemblée plénière reprendra cet après-midi à 15 heures.


Échange de vues général


M. BABA OULD SIDI, Ministre de la fonction publique, du travail, de la jeunesse et des sports de la Mauritanie : Les questions que soulève le vieillissement doivent être intégrées dans le cadre plus général du développement.  Les personnes âgées doivent pouvoir participer pleinement et sans réserve aux décisions qui touchent à leur vie.  Nous devons tous prendre conscience de la place occupée par les personnes âgées dans la société, particulièrement dans ce monde caractérisé par la mondialisation, l’urbanisation et la migration, ou encore les graves problèmes de santé, tels que l’épidémie du VIH/sida. Cette deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement offre l’occasion de promouvoir la solidarité entre les générations et de renforcer les acquis de la première Assemblée.  Consciente du rôle positif que les personnes âgées peuvent jouer dans le développement socioéconomique, la Mauritanie a mis en place des programmes de développement sociaux leur accordant une place privilégiée dans les domaines tels que la santé, la lutte contre la pauvreté et l’analphabétisme. 


La communauté des donateurs et les institutions financières doivent appuyer les efforts que les pays en développement consentent en faveur des personnes âgées en vue de la pleine participation de ces derniers dans la société.  D’autres mesures s’imposent si l’on veut que les pays en développement puissent s’intégrer à l’économie mondiale et améliorer les conditions de vie de leurs populations: accroissement de l’aide publique au développement, ouverture des marchés aux produits en provenance des pays en développement, atténuation des incidences négatives des turbulences des marchés financiers internationaux.  Enfin, nous pensons que le plan d’action international sur le vieillissement qui sera adopté constitue une voie intégrée et cohérente vers la réalisation d’objectifs que nous nous sommes tous fixés.


M. DARIO DANTAS DOS REIS, Ministre de la santé de la République du Cap-Vert : Les changements démographiques, économiques et technologiques rendent nécessaire d’adopter un nouveau plan d’action sur le vieillissement.  En effet, la promotion et la protection des droits de l’homme fondamentaux sont indispensables dans le contexte de la construction d’une société ouverte à tous.  Il est également important de reconnaître la nécessité d’instaurer et de renforcer le dialogue entre les générations.  L’idée d’une société pour tous ne doit pas seulement se traduire par la formulation de politiques mais également par l’identification d’objectifs clairs.  En dépit des efforts consentis, un tiers de la population du Cap-Vert vit dans la pauvreté.  Un des objectifs principaux du Gouvernement est de mener la population vers le développement.  Les employés des secteurs privé et public prennent leur retraite à l’âge de 65 ans.  Cependant, la société civile, à travers ses organisations, de même que l’Etat, mettent à la disposition des personnes âgées qui ne reçoivent pas de retraite des programmes d’aide tels que des services de soins.  Enfin, les questions liées au système de protection sociale ainsi que l’augmentation des coûts de santé font actuellement l’objet d’une réflexion dans notre pays. 


M. AHSAN AHMED, Ministre de la santé et de la population, Gouvernement de Sindh, Pakistan : Une équipe spéciale de haut niveau a été mise sur pied par le Président du Pakistan, ayant pour tâche la réalisation d’analyses sur le vieillissement, l’identification des besoins et l’élaboration d’une politique nationale globale relative aux personnes âgées en conformité avec les engagements internationaux.  Le Gouvernement a déjà pris des mesures en faveur de ces dernières, comme par exemple le règlement sans retard des affaires de retraite.  Nous avons établi des foyers pour personnes âgées afin de compléter nos systèmes traditionnels d’appui à la famille.  Nous réfléchissons à une action pour la sécurité économique des personnes âgées.


Les pays en développement, particulièrement les plus endettés, éprouvent de grandes difficultés du fait de la récession et du processus de mondialisation.  L’augmentation du service de la dette, le déni de l’accès aux marchés pour leurs produits ont eu un impact négatif sur leur situation socioéconomique.  Les groupes vulnérables et les personnes âgées ont été particulièrement touchés.  Les problèmes du Pakistan se sont aggravés du fait du déclin de ses exportations à la suite des événements du 11 septembre.  Il est très difficile d’allouer des ressources raisonnables au développement social alors que notre dépendance à l égard de l’assistance bilatérale comme multilatérale s’est accrue.  L’assistance technique et financière des institutions internationales peut nous aider beaucoup pour atteindre les objectifs concernant l’assistance publique aux personnes âgées.  


M. JEAN-CLAUDE DESGRANGES, Chef de cabinet du Président d’Haïti : Je suis ici pour que nous partagions nos angoisses, nos espoirs et notre volonté politique de relever ce défi de taille: promouvoir le progrès économique et social dans un monde vieillissant.  Les mutations profondes de la population mondiale en appellent une autre: une nouvelle répartition des rôles économiques et sociaux selon le sexe et l’âge.  Les résultats du Plan d’action international adopté en 1982 ne sont pas satisfaisants; d’où l’importance de cette Assemblée qui doit déboucher sur des résultats plus concrets et efficaces. 


Le Gouvernement d’Haïti s’est évertué à moderniser les institutions qui fournissent des services aux personnes âgées.  Plusieurs institutions étatiques évoluant dans le secteur des services sociaux sous la tutelle du Ministère des affaires sociales et du travail contribuent à l’amélioration de la situation des personnes âgées; à partir de 55 ans, une pension de vieillesse est accordée à tous ceux qui ont cotisé pendant 240 mois.  L’analphabétisme constituant un obstacle majeur à l’épanouissement du vieillissement heureux, Haïti a lancé l’année dernière une grande campagne d’alphabétisation visant à réduire de moitié l’analphabétisme d’ici 2004.  Pour ce faire, des milliers de jeunes étudiants se sont attelés, souvent dans des conditions difficiles, à cette tâche civique et patriotique.  Le Gouvernement a également enclenché un programme de réparation et de construction des centres de santé dans chaque commune, particulièrement dans les zones rurales.  Malgré ses moyens économiques précaires, Haïti continue d’entreprendre des actions susceptibles de combler le fossé existant entre les «have» et les «have not». 


M. MASAHIKO OTSUBO, Vice-Ministre pour les missions spéciales, Japon : Dans le contexte de l’accélération du vieillissement de la population, il faut promouvoir la participation sociale des personnes âgées par le travail et le bénévolat afin, notamment, d’accroître leur indépendance.  Au Japon, les personnes âgées souhaitent travailler et, de fait 50% des personnes de plus de 60 ans ont un emploi.  Le Gouvernement déploie donc des efforts pour créer une société dans laquelle tous les individus puissent travailler, quel que soit leur âge.  Il est également important de promouvoir la solidarité inter-générationnelle.  Au Japon, le pourcentage de personnes âgées de plus de 60 ans vivant avec la famille de leurs enfants mariés est tombé de 47 à 24% en vingt ans.  En conséquence, le Gouvernement accompagne les personnes âgées qui vivent seules. 


            Le Japon a lancé en 2000 un nouveau système de protection sociale sur le long terme qui fournit des services aux personnes âgées qui en ont besoin.  En outre, au Japon, le taux de personnes de plus de 60 ans a augmenté rapidement en 20 ans, passant de 13,5 à 23,5%, ce qui est attribuable au fait que nous ayons la plus longue espérance de vie du monde.  A la lumière de cette situation, le Japon a ratifié une loi sur les personnes âgées en 1995, révisée en 2001, qui permet la mise en place d’un large éventail de mesures et d’initiatives en leur faveur.  Les orientations générales de la politique japonaise sont: la nécessité de se libérer des stéréotypes selon lesquels les personnes âgées sont toujours vulnérables en matière de santé et de finances; la nécessité de se préparer au vieillissement tôt dans la vie; et adopter une perspective pour que tous les hommes et les femmes disposent de toutes les garanties nécessaires à leur épanouissement.


M. CHAN SOON SEN, Ministre au développement de la Communauté et aux sports de Singapour : La population de Singapour va vieillir au cours des 30 prochaines années.  Aujourd’hui, 7% de la population est âgée de plus de 65 ans, ce taux atteindra 19% en 2030.  En 1998, un Comité interministériel sur le vieillissement de la population a été créé.  Notre approche du problème du vieillissement se fonde sur trois grands principes: les personnes âgées doivent pouvoir jouer pleinement leur rôle au sein de la famille et au sein de la communauté.  Selon notre deuxième principe, les soins aux personnes âgées relèvent de la responsabilité de la société dans son ensemble.  Notre démarche est celle des «mains secourables»: chaque individu a la responsabilité de prévoir et de se préparer pour sa vieillesse.  Enfin, toutes nos politiques doivent être durables.


Pour ce qui est de la sécurité financière, nous avons mis sur pied un fonds de prévoyance sociale, qui est un régime d’épargne obligatoire.  Nos citoyens versent ainsi 31% de leurs revenus à la sécurité sociale.  Nous avons également une loi qui oblige les enfants à apporter aux parents un soutien financier.  Un fonds a aussi été mis en place pour aider les habitants de Singapour dans leurs dépenses médicales.  Outre la construction d’appartements spécialement pour les personnes âgées, nous organisons un grand nombre d’activités culturelles et sportives pour que nos aînés restent actifs et en bonne santé.  Le Gouvernement de Singapour a par ailleurs mis en œuvre un programme qui encourage les jeunes couples mariés à rester en compagnie ou à proximité de leurs parents ou grands-parents.


M. ANTOINE MIFSUD BONNICI, Malte : En 1968, Malte a pris l’initiative d’inscrire la question du vieillissement à l’ordre du jour des Nations Unies.  En 1988, nous avons contribué largement à l’établissement, dans notre pays, de l’Institut international sur le vieillissement.  Depuis plusieurs décennies, le vieillissement est au centre des questions sociopolitiques à Malte où la fourniture de services a toujours été considérée comme un échange dans lequel les personnes présentent clairement leurs besoins et les prestataires y répondent de la manière la plus appropriée.  Ainsi et compte tenu de l’hétérogénéité des bénéficiaires, les services offerts vont de l’aide à domicile et des services communautaires à la prise en charge dans des résidences spécialisées pour les personnes nécessitant le plus d’attention.  Toutefois, dans la mesure où les individus préfèrent demeurer le plus longtemps dans leur foyer, ces dernières années le Gouvernement maltais a renforcé son réseau d’assistance à domicile.  Parallèlement, la formation du personnel médical sur les questions de gérontologie et de gériatrie a été aussi renforcée.


Sans nier ses responsabilités, l’Etat ne doit pourtant pas être le seul prestataire de services aux personnes âgées. A Malte, le secteur privé est de plus en conscient du rôle qui lui incombe dans ce domaine également.  A cet égard, il faut encourager les partenariats sociaux et la consolidation des ressources afin de fournir les meilleurs soins possibles à nos citoyens.  L’objectif de notre Gouvernement est désormais de garantir que tous les partenaires sociaux offrent les services appropriés et d’établir des normes de soins minimums respectant les droits et les intérêts des individus.  L’ambition est aussi de favoriser la dimension éthique des soins aux personnes âgées, en se fondant pour cela sur quatre piliers: l’autonomie de la personne, la justice, les relations intergénérations, et l’obligation morale des personnes âgées de faire profiter l’humanité de leurs talents et de leur expérience.  Ce faisant, la dignité et l’intégrité de chaque individu ne doivent jamais être perdues de vue.  Dans cet esprit, Malte propose que cette deuxième Assemblée mondiale demande au Secrétaire général de mettre en place un groupe d’experts internationaux chargés de préparer un rapport complet sur tous les aspects moraux et éthiques du vieillissement.  Ce groupe n’aurait pas tant pour tâche de fournir des réponses définitives que de présenter différentes solutions possibles à appliquer par les décideurs publics et privés et de promouvoir la prise de conscience des enjeux moraux du vieillissement. 


M. SANTIAGO ALVAREZ DE TOLEDO, Envoyé spécial du Premier Ministre du Belize : Afin de mieux apprécier le potentiel des personnes âgées, il faut encourager leur participation à tous les aspects de la vie de la société.  Les personnes âgées, parmi les plus vulnérables, doivent être particulièrement protégées mais également intégrées à la vie sociale et économique.  Certains aspects de nos vies peuvent être valorisés par la présence des personnes âgées, notamment au sein des familles et par la conservation de la tradition orale.  Les changements économiques affectent la qualité de vie des personnes de tous âges.  Cependant, ce sont surtout les personnes âgées qui supportent, par exemple, le poids des conséquences du sida et qui doivent s’occuper des orphelins, assumer les comportements irresponsables des adolescents ou les effets de la migration des jeunes vers les villes.  Nous devons par conséquent déployer des efforts pour les protéger. 


Les organisations non gouvernementales et les gouvernements doivent travailler de concert pour améliorer les conditions de vie des plus âgés.  Les gouvernements doivent assurer une accessibilité du système de santé aux personnes âgées et faire en sorte qu’elles disposent d’une sécurité sociale et de facilités de crédit.  Les ONG peuvent appuyer les gouvernements dans leurs efforts en développant des programmes qui utilisent le talent et le savoir-faire des aînés.  A cet égard, le Gouvernement du Belize accorde une attention toute particulière à la question du partenariat avec les ONG et offre des possibilités de financement à de nombreux programmes tels que ceux développés par l’Armée du Salut.  Le Gouvernement, à travers la stratégie nationale d’élimination de la pauvreté et le Plan d’action 1998-2003 propose également des programmes qui encouragent la participation des personnes âgées à la conduite d’activités dans les secteurs du tourisme et de la culture.


Mme BEVERLY HALL-TAYLOR, Jamaïque : Le plan d’action international sur le vieillissement que nous sommes sur le point d’adopter reconnaît opportunément que le vieillissement de nos populations requiert une collaboration entre les nombreuses agences, gouvernements et organisations non gouvernementales.  Ce plan est bâti autour de l’idée que les anciens doivent continuer à contribuer à la vie sociale, plutôt qu’être simplement des récipiendaires de services; cette approche est particulièrement pertinente en Jamaïque où les personnes âgées participent à la famille et à la communauté bien après leur mise à la retraite.


Une autre idée essentielle de ce plan d’action concerne la solidarité intergénérationnelle, l’importance de maintenir les personnes âgées dans leur famille et de développer des programmes sociaux de soutien.  La Jamaïque a récemment introduit de nouveaux bénéfices de sécurité sociale.  Des programmes éducatifs ont également été mis en place, d’une part pour informer toutes les classes d’âge sur le processus de vieillissement, et d’autre part pour informer les personnes adultes et âgées sur les maladies chroniques et la conduite d’une vie saine, l’objectif étant de réduire la prévalence de ces maladies chroniques.  Une recherche effectuée dans les Caraïbes et en Jamaïque est arrivée à la conclusion que la solitude et l’absence de possibilités sociales sont la principale préoccupation des personnes âgées.  Il y a donc un besoin pour des activités sociales et des associations de personnes âgées.


M. FRANCIS M. NYENZE, Ministre du patrimoine et des sports du Kenya : Au Kenya, le vieillissement démographique prend place dans le contexte de changements économiques rapides, accompagnés par l’urbanisation, l’évolution des attitudes au sein des communautés et des mouvements de population.  L’exode rural a entraîné des transformations dans La famille, laissant les personnes âgées gérer les affaires économiques et sociales des zones rurales.  Ceci a affaibli les structures de soutien traditionnelles et appauvri les personnes âgées.  En dépit des efforts déployés par le Gouvernement pour répondre aux besoins des personnes âgées, la majorité d’entre elles sont encore confrontées à un ensemble de difficultés, essentiellement économiques, sanitaires et sociales.


Les anciens sont les plus pauvres parmi les pauvres et il est fréquent qu’ils ne disposent pas d’un revenu régulier à cause des possibilités limitées d’emploi.  Ils sont aussi plus vulnérables aux maladies, à la malnutrition, à la perte d’indépendance et aux mauvais traitements perpétrés par la famille et la société.  Le taux d’alphabétisation des adultes se situe au Kenya autour de 50%, mais celui des femmes n’est que de 40%.  De plus, il a décru dans les dernières années du fait de la raréfaction des ressources et de la mise en oeuvre de réformes telles que le recouvrement des coûts.  La pauvreté a augmenté et 56% des Kenyans vivent en dessous de la ligne de pauvreté et les femmes sont particulièrement touchées par la discrimination.  Plus de 47% de la population urbaine vit dans des logements informels, précaires et situés dans des zones où le chômage et la morbidité sont très élevés.  Les personnes âgées sont particulièrement touchées par ces situations en raison de leurs incapacités physiques et économiques.  Le Gouvernement est actuellement en train de décentraliser la gestion des services de santé afin de promouvoir la participation des communautés et d’élargir l’accès aux personnes âgées.  Notons enfin que malheureusement les personnes âgées sont discriminées par les compagnies d’assurances, qui exigent d’elles des primes d’assurance élevées; cette surfacturation appelle une intervention internationale.


M. AKIN IZMIRLIOGLU,Turquie : Le nombre de personnes âgées en Turquie va doubler dans les 20 prochaines années, passant de 6 millions aujourd'hui à 12 en 2025.  Ce phénomène va à n'en pas douter peser considérablement sur les services économiques et sociaux offerts à ce groupe de la population et sur les décideurs politiques.  Pour relever ce défi, nous pensons que la meilleure solution est de promouvoir la croissance économique.  Même si c'est avant tout la question du financement des systèmes de retraite qui a jusqu'à présent attiré l'attention, nous estimons que l'enjeu économique fondamental est de parvenir à transférer les contributions de la population active vers la population retraitée de manière à ce qu’elles soient suffisantes et que ni les uns, ni les autres ne se sentent lésés.  C'est pourquoi, les pays en développement comme ceux développés devraient mettre un accent particulier sur la croissance économique équitable et durable. 


Si la santé est une question importante pour tous les individus, dans le cas de personnes âgées, et surtout celles qui vivent dans les pays en développement, elle devient une question de première urgence.  D'ailleurs la Déclaration mondiale sur la santé fait de l'amélioration de la santé et du bien-être, l'objectif ultime du développement économique et social.  Pour y parvenir alors que la population mondiale vieillit, il est impératif de trouver un nouvel équilibre entre promotion de la santé et prévention des maladies, en adoptant une approche holistique, plurisectorielle à toutes les étapes de la vie sont prises en compte.  Alors que tous les instruments internationaux existants, y compris la Déclaration du Millénaire, réaffirme le fait qu'aucun être humain ne doit se voir nier la possibilité de participer activement à la société et de jouir du développement, les personnes âgées courent le plus grand risque de se voir privées de ce droit fondamental.  Cela est particulièrement pour les pays qui ont dû faire face à des changements aussi soudains que spectaculaires, comme l'industrialisation et l'urbanisation rapide, ou la désintégration de la structure familiale traditionnelle.  C'est pourquoi, il est temps aujourd'hui d'élaborer de nouvelles réponses nationales et internationales. 


M. LYONPO DAGO TSCHERING, Bhoutan : Après avoir écouté les déclarations au cours de cette Assemblée, je constate qu’il y a deux types d’orateurs: ceux qui ont quelque chose à dire, et ceux qui cherchent quelque chose à dire.  Nous constatons aujourd’hui que le monde est en pleine transformation et ces changements ne concernent pas seulement le vieillissement, ils sont de plus en plus liés à la mondialisation.  Nous espérons qu’ils se traduiront par une multiplication des possibilités pour les pays en développement.  La recherche de solutions en faveur des personnes âgées demande des efforts très importants.  Le chômage refuse de reculer.  Dans les pays développés, toutes sortes de réponses qui ont été mises en place, des programmes, des lois, des actions judiciaires.  Dans les pays en développement, les réponses ont été moindres du fait de ressources limitées. 


Le Royaume du Bhoutan a une population de 600 000 habitants avec un taux de croissance parmi les plus élevés au monde, les plus de 60 ans représentent plus de 8% de la population.  Depuis 1960, l’espérance de vie est passée de 45 à 66 ans.  Le pourcentage de personnes âgées est en augmentation.  L’éducation et les soins médicaux sont gratuits.  La philosophie du Bhoutan se concentre sur le bonheur de tous, «le bonheur national brut plutôt que sur le produit national brut».  L’accent a été mis sur un développement équilibré, la protection de l’environnement et la bonne gouvernance.  Ce concept du bonheur national brut est caractérisé par des liens familiaux forts et le respect des personnes âgées.  Les enfants sont considérés comme de «bonnes polices d’assurance» pour les parents et les soins aux personnes âgées sont généralement donnés par la famille.  Les gouvernements devront consacrer les ressources nécessaires pour mettre en oeuvre les recommandations du Plan d’action 2002. 


M. SAM A. OTUYELU, Nigéria : Le Nigéria connaît un phénomène de désintégration de la famille traditionnelle.  Les personnes âgées étaient traditionnellement considérées comme un atout en tant que dépositaires de connaissances, médiateurs et juges.  Cependant, aujourd’hui, le bien-être des personnes âgées ne peut plus être assuré à cause de la récession économique, des politiques d’ajustement structurels et des effets d’une mondialisation sans frein.  Le chômage sape la capacité des membres actifs de la société à prendre soin des personnes âgées et mon pays souhaite que le Plan d’action prévoie des dispositions pour lutter contre ce phénomène.  De même, il faut prévoir des mesures pour éliminer les sévices, les actes de violence et la discrimination dont sont victimes les personnes âgées, en particulier les femmes âgées. 


Il faut notamment souligner la nécessité de lutter contre la discrimination fondée sur le sexe dans le domaine économique.  Le Nigéria souhaite également voir se développer des partenariats entre la société civile et les gouvernements ainsi que la solidarité entre pays développés et pays en développement.  Enfin, les entreprises publiques et privées doivent promouvoir des normes morales élevées afin de construire une société qui profite aux personnes de tous âges.


Mme CHRISTINE KAPALATA, République-Unie de Tanzanie : Depuis la première Assemblée mondiale sur le vieillissement, il y a 20 ans, le monde a été le témoin de grands progrès.  Toutefois ceux-ci n'ont pas eu le même impact pour tous les pays.  Pour les pays de l'Afrique sub-saharienne, en particulier, ces changements ont été synonymes de défis plus que d'opportunités.  Il est donc fondamental de reconnaître clairement aujourd'hui les besoins et les obstacles spécifiques des pays en développement.  Les progrès scientifiques et techniques ont permis cette «révolution démographique sans précédent» que nous connaissons actuellement.  Mais, pour les pays en développement, l'allongement de la durée de vie est source d'importantes préoccupations car traditionnellement les personnes âgées y sont particulièrement vulnérables en raison de la pauvreté, de la malnutrition et des maladies.  En République-Unie de Tanzanie par exemple, si l'espérance de vie est passée de 35 à 52 entre 1960 et le milieu des années 80, aujourd'hui avec la pandémie du VIH/sida, elle est retombée à 47 ans seulement.  Cette épidémie n'a fait qu'exacerber la vulnérabilité des personnes âgées, qui se retrouvent désormais en charge des enfants dont les parents sont décédés du sida.  Cette surcharge pèse très lourd sur la santé et le bien-être des personnes âgées. 


Il ne fait aucun doute que les personnes âgées participent aujourd'hui plus activement à la société.  Consciente de ce phénomène, la Tanzanie a modifié sa législation en matière d'âge de départ à la retraite.  Autrefois obligatoire à 50 ans, la retraite est désormais possible à 55 ans, sur une base volontaire, et obligatoire à 60 ans, tant pour les hommes que les femmes.  Traditionnellement dans les sociétés africaines, la famille est l'entité sociale fondamentale qui lie, protége, prend en charge et éduque les individus.  Le problème est qu'aujourd'hui plus que jamais les familles vivent en situation d'extrême pauvreté, ce qui signifie que les personnes âgées vivent de plus en plus en situation d'insécurité et de mauvaise santé.  C'est pourquoi si l'on veut véritablement améliorer les conditions de vie des personnes âgées, il faut impérativement réduire la pauvreté, en abordant ce fléau de manière cohérente et intégrée.  Pour être efficace, cette lutte contre la pauvreté devra se fonder sur des mesures novatrices permettant, entre autres, d'assurer et de fournir une sécurité sociale aux personnes âgées.  En outre, dans la mesure où une majorité de ces personnes sont des femmes, vivant en zones rurales et par conséquent encore plus vulnérables à la pauvreté, il faudra que ces nouvelles politiques contiennent une forte dimension sexospécifique. 


M. JULIO LARA, Membre du parlement latino-américain : Le monde connaît une révolution démographique qui sera lourde de conséquences sur les rapports de production économique et affectera en particulier les personnes âgées.  Elles sont notamment de moins en moins intégrées à la famille.  Depuis 1982, de nombreux efforts ont été déployés en leur faveur.  Cependant, il n’y a pas une prise de conscience suffisante des problèmes auxquels sont confrontées les personnes âgées et on peut même observer un phénomène de régression dans les efforts de certains pays.  Une forme de discrimination liée à l’âge existe toujours.  La Commission des droits de l’homme et du travail du Parlement latino-américain a défini certaines dispositions parmi lesquelles se trouve la nécessité de rappeler que les droits des personnes âgées font partie intégrante des droits de l’homme. 


Les personnes âgées sont des citoyens dignes et autonomes et peuvent contribuer au bien-être la société.  Elles méritent un traitement digne et non discriminatoire.  Elles doivent avoir droit à un appui familial et social et être intégrées aux communautés dans un souci de solidarité intergénérationnel.  L’Etat doit en outre leur fournir les moyens nécessaires à leur épanouissement et leur assurer l’accès à des services de santé efficace.  Il faut également encourager les études et les recherches dans le domaine de la gérontologie.  Les personnes âgées ont en outre droit à une alimentation saine et suffisante.  Il faut donc inciter les études dans ce domaine.  Les médias nationaux et internationaux doivent quant à eux déployer des efforts pour éduquer toute la société dans un effort de sensibilisation et de tolérance.


M. JEAN DEDOISE, Président de la Fédération internationale des associations de personnes âgées (FIAPA) : La FIAPA est une Fédération représentative de la société civile des aînés, dirigée par les personnes âgées, apostolique et non confessionnelle.  Créée il y a plus de 20 ans, elle réunit aujourd’hui des associations d’aînés répartis dans plus de 50 pays représentant plus de 200 millions d’aînés.  Ses objectifs sont ceux adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unie afin que les aînés demeurent des citoyens à part entière durant toute leur vie. 


J’aurais aujourd’hui trois propositions à faire à l’Assemblée: tout en remerciant le travail des Nations Unie en particulier en faveur de la paix, je souhaiterais d’abord demander à l’Assemblée plénière qu’elle se penche sur le sort des personnes âgées et des enfants, éléments les plus fragiles au milieu des conflits actuels.  D’autre part, tous les participants de la table ronde sur le vieillissement en milieu rural que j’ai présidée hier ont demandé d’agir concernant le vieillissement rural.  Les zones rurales présentent en effet des chances très différentes de bien vieillir.  Il faut aussi s’occuper du vieillissement des femmes dans les pays en développement.  Enfin, pour mieux connaître l’impact des résolutions des Nations Unies sur le terrain, ce qui est parfois difficile, et parce qu’il faudra juger de l’impact des résultats prises à Madrid, la FIAPA propose la mise en place d’un Observatoire du vieillissement dans le monde.  Sous l’égide de l’ONU, la FIAPA et d’autres associations en contact direct avec les aînés sur le terrain sont en mesure de savoir si les recommandations des Nations Unies leur sont parvenues, si elles ont été appliquées et quels en ont été les effets.  Ce sera un suivi permanent et actualisé des besoins des aînés.  Ce souhait a déjà été présenté au Conseil économique et social


M. JAMES F. MORGAN, Président de l’International Federation for Family Development (IFFD) : Notre association a pour objectif, depuis 25 ans, de développer des programmes qui visent à instaurer un vrai dialogue au sein des familles, entre les mères, les pères et les enfants et avec les grands-parents.  Ces derniers représentent une encyclopédie de connaissances et une source infinie d’amour.  Ils contribuent à la santé et au bonheur de familles.  La confiance des enfants en eux-mêmes, lorsqu’ils sont impliqués dans un dialogue intergénérationnel, augmente en même temps que leur sens de l’histoire. 


Cette Assemblée sur le vieillissement offre l’occasion d’analyser le rôle des grands-parents et leur contribution à la famille et aux communautés.  Afin de respecter pleinement les personnes âgées, les différents systèmes de santé devraient en outre chercher à réduire la souffrance humaine.  Les programmes en faveur des enfants doivent également reconnaître la famille comme acteur principal de la société.  La famille, les parents, les grands-parents peuvent contribuer à la sagesse des enfants.  Le document final de cette session devrait par conséquent reconnaître l’importance du rôle de la famille, y compris celui des grands-parents et ce, pour le salut de l’enfant. 

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