SG/SM/8538

UNE BONNE SANTE EST LE FONDEMENT DU BIEN-ETRE INDIVIDUEL, DU PROGRES NATIONAL, ET DE LA PAIX ET DE LA STABILITE MONDIALES, DECLARE KOFI ANNAN

03/12/2002
Communiqué de presse
SG/SM/8538


                                                            SG/SM/8538

                                                            3 décembre 2002


UNE BONNE SANTE EST LE FONDEMENT DU BIEN-ETRE INDIVIDUEL, DU PROGRES NATIONAL, ET DE LA PAIX ET DE LA STABILITE MONDIALES, DECLARE KOFI ANNAN


On trouvera ci-après le texte intégral de l’allocution du Secrétaire général, M. Kofi Annan, à la soirée organisée le 2 décembre à Washington par l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS):


Je vous remercie de ces très aimables paroles et de votre accueil chaleureux.  C’est un privilège d’être parmi vous ce soir, au milieu d’un aréopage de véritables héros dans le domaine de la santé publique.  Merci de m’avoir invité à participer à cette soirée spéciale.


Je vous remercie également de l’action remarquable que vous menez depuis 1995 en qualité de Directeur de l’OPS.  Vous laissez à votre successeur un legs considérable sur lequel faire fond.


Première femme à diriger l’OPS – et qui, en qualité de Directeur adjoint, connaît déjà à fond la mission de cette organisation –, Mirta Rosen veillera à n’en pas douter à ce que l’OPS continue de faire ce qu’elle fait le mieux, tout en l’engageant dans de nouvelles directions prometteuses.  Mirta, nous vous souhaitons tout le succès possible.


À entendre certains aujourd’hui, on dirait que la mondialisation est un phénomène nouveau, ou que l’interdépendance a commencé avec l’Internet.  Or, dans les dernières années du XIXe siècle, un groupe de scientifiques, de médecins et d’agents de l’État se rendaient bien compte que la maladie ne connaît pas de frontières.  Même qu’ils étaient dans l’incertitude quant à la manière précise dont se transmettaient les maladies, ils savaient que celles-ci constituaient un péril capable de se propager n’importe où, de faire des ravages susceptibles d’entraver le développement et d’annuler les améliorations chèrement acquises du niveau de vie. Cette clairvoyance, cette intuition, ce constat d’un défi collectif que devait relever un continent dans l’ensemble inconscient du péril, aboutirent à la création de cette grande et vaillante institution dont nous célébrons ce soir le centenaire.


Il y a effectivement beaucoup de choses dont l’Organisation panaméricaine de la santé a lieu de se féliciter.


Au cours du siècle écoulé, l’espérance de vie sur le continent américain est passée de 50 à 72 ans.  Alors qu’autrefois les enfants mouraient de maladies évitables, aujourd’hui beaucoup survivent grâce à la vaccination et à l’amélioration des conditions de vie et des soins dispensés. Alors qu’autrefois le risque de décès de la mère pendant l’accouchement était énorme, aujourd’hui presque tous les pays disposent de programmes de maternité sans risques.


Partout en Amérique, ces avancées et d’autres ont contribué à réduire la pauvreté, à stimuler la croissance économique, à édifier des sociétés plus solides et ont permis à la région de se moderniser et d’accéder au marché mondial.  Le travail d’équipe mené par l’OPS et ses partenaires est lui-même devenu une force d’unification, de démocratisation, a renforcé le pouvoir d’action des femmes et des collectivités et rapproché les pays au sein de réseaux de connaissance et d’aide mutuelle.  Là où autrefois régnait le fatalisme dans la grande masse des gens, aujourd’hui il y a de l’espoir – comme jamais auparavant.  C’est là un bilan dont l’OPS peut et doit s’enorgueillir.


Et pourtant, comme ce public ne le sait que trop, la mauvaise santé est beaucoup trop généralisée dans un monde qui regorge de richesses matérielles.


Il existe encore en Amérique d’énormes souffrances liées à la maladie. Les Caraïbes enregistrent l’un des taux de VIH les plus élevés en dehors de l’Afrique. La violence, notamment contre les femmes et les enfants, reste une cause majeure de problèmes physiques et de traumatismes psychologiques.


Il en va de même du monde en général.  Un quart des enfants demeurent sans protection contre six grandes maladies mortelles.  L’épidémie de sida vide les pays de leur population la plus utile et la plus productive, ce qui sape leur capacité de faire front aux catastrophes concomitantes, telles que la famine. Les maladies invalidantes mais non mortelles font encore de gros ravages.  Un mauvais état de santé engendre et perpétue la pauvreté, ce qui compromet l’efficacité des systèmes de santé.  Et les problèmes sont sans fin : nous sommes confrontés à de nouvelles maladies comme le sida, à la résurgence de dangers comme la tuberculose et le paludisme devenus pharmacorésistants, et à l’extension des problèmes existants à de nouveaux centres de population.


Bien moins de 10% des dépenses mondiales consacrées à la recherche sur la santé concernent les problèmes de santé qui frappent 90% de la population mondiale.  Et n’oublions pas la santé mentale, domaine de lutte perpétuelle contre la stigmatisation et la négligence, en particulier dans les pays pauvres. Rappelons-nous aussi les problèmes de santé «liés au mode de vie» – obésité, hypertension artérielle et cholestérol, tabagie et consommation excessive d’alcool – qui frappent essentiellement les pays à revenu moyen et élevé.


Tout comme la paix est beaucoup plus que l’absence de guerre, la santé ne signifie pas simplement l’absence de maladie ou d’infirmité.  Notre objectif doit être un monde dans lequel une bonne santé sert de fondement au bien-être de l’individu, au progrès national, à la stabilité et à la paix internationales.


C’est là, certes, un vaste défi. Fort heureusement, le monde s’est engagé à le relever.  La Déclaration du Millénaire, adoptée lors du Sommet du Millénaire il y a deux ans, n’est pas juste un accord de plus entre les États Membres. Elle traduit un consensus politique sans précédent sur l’état du monde dans lequel nous vivons et les priorités pour l’avenir.  Elle énonce des objectifs spécifiques, assortis de délais et mesurables concernant le progrès humain. Et, surtout ces objectifs – les objectifs du Millénaire pour le développement – sont réalisables.


Les objectifs en matière de santé – réduction de la mortalité infantile, amélioration de la santé maternelle et lutte contre le sida et les autres maladies épidémiques – constituent une fin en soi.  Mais ils sont aussi liés aux autres objectifs.  Par exemple, on ne pourra réduire la mortalité infantile sans, dans le même temps, éliminer la faim, assurer l’accès à l’eau potable ou améliorer l’accès à l’éducation.  Dans certains cas, les objectifs de santé sont un moyen d’atteindre les autres objectifs, comme la durabilité de l’environnement.  Oui, la santé des individus dépend d’une agriculture durable; mais l’agriculture, elle, a besoin d’une main-d’oeuvre en bonne santé.


La santé était d’ailleurs l’une des cinq grandes priorités du Sommet mondial pour le développement durable, au même titre que l’eau et l’assainissement, l’énergie, l’agriculture et la biodiversité – les domaines dits «WEHAB».  Les dirigeants réunis à Johannesburg se sont engagés à examiner les nombreuses corrélations entre santé et environnement, y compris la pollution de l’air intérieur, les maladies transmises par l’eau et l’urbanisation anarchique.  Un peu plus tôt dans l’année, les dirigeants réunis à la Conférence internationale sur le financement du développement s’étaient engagés à accroître l’aide au développement et à prendre d’autres mesures en vue d’atteindre un autre objectif du Millénaire pour le développement: créer un partenariat mondial pour le développement.


Cependant, la liste des engagements non honorés est déjà longue, même si l’on sait que les investissements dans le domaine de la santé constituent un important préalable du développement économique.  Des interventions même modestes – se laver les mains, utiliser des moustiquaires traités aux insecticides – peuvent sauver des vies et améliorer l’état de santé.  De telles mesures sont particulièrement utiles pour les pauvres, qui sont dans l’ensemble tributaires de leur travail pour ce qui concerne leurs moyens de subsistance.


Toutefois, l’analyse coûts-avantages, l’utilisation de technologies éprouvées ou des travaux de recherche prometteurs ne garantissent pas en soi un résultat.  La plupart du temps, il y a des obstacles politiques, financiers et autres à surmonter.


Pour cela, il faudra une volonté politique.  Je ne pense pas trahir un secret en vous disant que, lorsque j’ai appelé le Président nouvellement élu du Brésil pour le féliciter, «Lula» m’a confié que son principal souci était la guerre contre la maladie, l’analphabétisme, la faim et la pauvreté. Comme on l’a vu avec le sida, rien ne saurait mieux susciter une prise de conscience et stimuler l’appareil gouvernemental qu’une impulsion résolue et clairement exprimée «d’en haut».


Il nous faudra la meilleure science possible, et en particulier des investissements dans la recherche-développement au profit des pauvres.  Les maladies qui sévissent dans les pays en développement – pneumonie, diarrhée, tuberculose et paludisme – reçoivent moins de 1% des budgets de recherche mondiaux.


Il nous faudra davantage de partenariats.  L’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation est un bon exemple de contribution du secteur public. Le Conseil des entreprises du MERCOSUR et les conseils des entreprises nationaux sur le sida ont contribué à accélérer la lutte contre cette maladie.  La société civile s’est également mobilisée au sujet du sida et d’autres problèmes.  Il nous faut beaucoup d’autres initiatives de ce genre.


Il faudra faire plus, notamment en conjonction avec les entreprises pharmaceutiques, pour assurer plus largement l’accès à des médicaments abordables. Comme les ministres du commerce eux-mêmes s’y sont engagés l’année dernière à Doha, les règles régissant la propriété intellectuelle ne doivent pas empêcher les pays en développement de faire face à leurs problèmes de santé publique.

Il nous faudra faire preuve de créativité.  L’Interréseau-Santé, initiative d’accès aux recherches – HINARI – utilise les technologies de l’information pour réduire le retard en matière d’information dans le domaine des sciences de la santé.  À l’instigation de l’Organisation mondiale de la santé, une trentaine d’éditeurs de revues scientifiques fournissent aujourd’hui gracieusement ou à tarif très réduit 3 000 revues à des milliers d’institutions.  Pour la première fois, un chirurgien de Kampala ou de Dhaka peut se connecter et s’informer des techniques de pointe mises au point dans son domaine.  Des instituts de recherche au Pérou ou en Zambie peuvent accéder aux études les plus récentes sur les sujets qui les intéressent.  La FAO examine la possibilité d’utiliser le même réseau pour diffuser plus largement les revues agricoles. D’où un réel progrès dans l’accès aux connaissances scientifiques.


Enfin, il nous faudra bien entendu de l’argent.  Même les gouvernements qui adoptent des politiques viables et qui font tout ce qu’il faut continuent de recevoir beaucoup moins d’aide qu’ils n’en ont besoin.  Si les tendances actuelles se poursuivent, il sera difficile d’atteindre en 2005 l’objectif de 10 milliards de dollars par an que nous avions fixé pour les dépenses consacrées au VIH/sida.


Une période déterminante s’ouvre pour le continent américain – il s’agit de poursuivre l’expansion des services de santé et services sociaux, qui remonte à un siècle, d’affermir les transformations démocratiques des deux décennies écoulées et d’affronter les crises économiques et financières de notre époque.  La solide tradition de partenariat dans les Amériques, dont l’OPS est un exemple éminent, devra encore se renforcer.


Pour les enfants des bidonvilles et des favelas, pour les hommes et les femmes harassés qui cumulent deux emplois pour arriver à joindre les deux bouts, pour les populations autochtones qui subsistent dans les coins les plus reculés du continent, et aussi pour des millions d’autres de nos semblables, l’OPS et l’ONU ont entrepris de concert une mission d’urgence de santé et de bien-être.  Depuis le cap Horn jusqu’au cercle polaire arctique et au-delà, collaborons encore plus étroitement de sorte que la santé des nations puisse devenir la richesse des nations.


Encore une fois, toutes mes félicitations à ce stade de l’histoire de l’Organisation panaméricaine de la santé.


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