LA SITUATION EN AFGHANISTAN INCITE A L’OPTIMISME, MAIS IL FAUDRA FAIRE PREUVE D’UNE «DETERMINATION CONSTANTE» POUR MENER A BIEN NOTRE TACHE
Communiqué de presse SG/SM/8536 |
SG/SM/8536
AFG/213
2 décembre 2002
La situation en Afghanistan incite à l’optimisme, mais il faudra faire preuve d’une «determination constante» pour mener à bien notre tache
On trouvera ci-après le texte de l’allocution du Secrétaire général, Kofi Annan, dont a donné lecture le Représentant spécial pour l’Afghanistan, Lakhdar Brahimi, à Petersberg (Allemagne), dans le cadre des pourparlers de Bonn sur l’Afghanistan (2002), le 2 décembre:
L’an dernier, dans cette même salle, grâce à un enregistrement, la voix de S. E. le Président Karzai nous était parvenue depuis les vallées de l’Afghanistan. Nous avions entendu une autre voix, celle du Ministre des affaires étrangères, M. Abdullah, qui participait également à notre rencontre à distance. Nous avons aujourd’hui l’honneur d’être assis parmi eux et parmi d’autres qui étaient présents l’année dernière.
Je tiens tout d’abord à exprimer ma gratitude la plus sincère au Gouvernement et au peuple allemands – et en particulier au Chancelier, M. Gerhard Schroeder, et au Vice-Chancelier et Ministre des affaires étrangères, Mme Joschka Fischer, qui ont pris l’initiative d’organiser cette rencontre majeure un an après la signature de l’Accord de Bonn.
Cette rencontre symbolise les progrès que l’Afghanistan a accomplis. L’accord signé par les parties afghanes il y a un an aujourd’hui était un début encourageant mais incertain – un engagement à mettre un terme à la guerre en Afghanistan et à s’embarquer dans un processus qui conduirait, pour reprendre les termes de l’accord, à «la constitution d’un gouvernement à large base, soucieux de l’équité entre les sexes, multiethnique et pleinement représentatif». Il y a un an, nous ignorions si ces mots empreints d’espoir deviendraient une réalité. Nous ignorions aussi si les groupes terroristes, qui agissaient depuis si longtemps en Afghanistan et dont l’action était en partie responsable de la tragique guerre qui y faisait rage, seraient vaincus, ou si les institutions dont l’Accord de Bonn prévoyait la création verraient le jour. Et nous ignorions également si la communauté internationale, et les pays donateurs en particulier, apporteraient l’appui nécessaire.
Dans de nombreux domaines, la situation est aujourd’hui beaucoup plus claire, ce qui justifie l’optimisme ressenti lors de la signature de l’Accord de Bonn. Je suis particulièrement reconnaissant à la communauté internationale de l’appui résolu qu’elle a apporté à l’Afghanistan. Je ne veux pas seulement parler de l’aide extrêmement généreuse qu’elle s’était engagée à fournir à l’Afghanistan lors de la Conférence de Tokyo, en janvier, mais également du déploiement et du soutien de la Force internationale d’assistance à la sécurité à Kaboul. Le mandat de la Force vient d’être prorogé d’un an, ce qui prouve une fois encore l’engagement durable de la communauté internationale à l’égard de l’Afghanistan.
Les principales étapes de ce processus – décision de créer l’Administration de transition en Afghanistan en décembre dernier, tenue de la Loya Jirga d’urgence en juin, mise en place de l’administration de transition également en juin, enfin formation de différentes commissions – ont été franchies selon le calendrier fixé, ou à peu près. Bon nombre d’autres résultats sont venus étayer ceux que prévoyait
l’Accord de Bonn: trois millions d’enfants ont repris le chemin de l’école – dont plus d’un million de filles; 1,7 million de réfugiés sont rentrés chez eux et la reconstruction du réseau routier national a commencé. L’assistance internationale et les dirigeants afghans ont collaboré dans le cadre de ces initiatives parmi beaucoup d’autres, réaffirmant la promesse faite à Bonn l’an dernier d’oeuvrer pour un avenir plus sûr, plus juste et meilleur pour l’Afghanistan.
Nous voyons également dans la rencontre d’aujourd’hui un autre symbole, celui d’une solide alliance entre l’Afghanistan et l’ensemble de la communauté internationale. En effet, avant et après la Loya Jirga d’urgence, les autorités afghanes, les États voisins, les pays donateurs et d’autres États Membres intéressés se sont réunis régulièrement à Kaboul, New York, Washington, Tokyo, Genève, Paris, Berlin et en bien d’autres lieux pour s’informer mutuellement, discuter des besoins, élaborer des projets, ajuster les détails de leur coopération et réaffirmer le sentiment d’être solidairement responsables de la réussite de cette très lourde tâche, à savoir la reconstruction de l’Afghanistan. Cette rencontre n’est pas seulement un événement encourageant pour la reconstruction du pays, mais également un élément déterminant pour le maintien et la consolidation de la paix proprement dite. N’oublions pas que pendant des dizaines d’années, la violence en Afghanistan a aussi été provoquée et attisée sur son sol par des affrontements entre intérêts étrangers, des rivalités et des différends idéologiques. La paix en Afghanistan exige donc non seulement que les Afghans abandonnent leurs habitudes tenaces de confrontation en faveur de la coopération, mais aussi que la communauté internationale en fasse autant. L’intention de l’Afghanistan et des pays voisins de signer une déclaration de relations de bon voisinage est un signe particulièrement encourageant de cet esprit de coopération.
Après les douloureuses séquelles laissées par des années de guerre, les 12 derniers mois constituent un résultat encourageant et prometteur. La reconstruction du pays a commencé dans les domaines les plus divers allant de la frappe d’une nouvelle monnaie au lancement d’un grand nombre de nouvelles publications, de la formation de la police à la réforme des programmes scolaires, de la formulation d’un plan général de développement à la rédaction d’une nouvelle constitution. Si ces résultats ont pu être obtenus, c’est avant tout grâce à la puissante aspiration des Afghans à renoncer aux conflits et à donner un nouveau départ à leur pays. En effet, la tenue de la Loya Jirga d’urgence, le renforcement progressif des institutions gouvernementales, les travaux de la Commission des droits de l’homme et de la Commission de rédaction de la constitution ont montré de différentes manières le vif désir des Afghans de tous horizons de s’unir pour rétablir la paix dans leur pays et le réorganiser.
Cette aspiration du peuple à la paix et cette patiente volonté de reconstruire la nation sont sans aucun doute les principaux atouts dont l’Afghanistan dispose pour sa renaissance. L’insécurité est son pire ennemi. Qu’elles soient le résultat d’attentats menés par des extrémistes ou le fait de rivalités entre factions, d’abus de pouvoir ou de simple banditisme, l’insécurité et l’anarchie minent la confiance de la population dans le processus de paix, entravent l’activité économique, limitent l’aide à la reconstruction, menacent la jouissance des droits de l’homme les plus fondamentaux et la réalisation des principaux objectifs du processus de Bonn. Nous appuyons donc pleinement la priorité que le Président Karzai accorde au rétablissement de la sécurité. Nous nous joignons à lui pour inviter à nouveau, comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises, les chefs de faction du pays à coopérer avec le Gouvernement central afin de créer un état de droit. Nous estimons, comme lui, que les factions armées, les milices et les groupes armés qui resurgissent doivent progressivement être dissous et remplacés par une police et une armée nationales décidées à servir et à protéger la population. Par conséquent, nous jugeons encourageantes les décisions récemment prises par l’administration de transition concernant la création d’une nouvelle armée afghane. Nous sommes en effet convaincus que quasiment aucun projet ne pourrait plus contribuer à reconstruire l’État afghan, à apaiser les tensions héritées de la guerre civile et à rétablir la confiance du peuple dans le Gouvernement que la création de forces de sécurité vraiment nationales.
La mise en oeuvre de ce projet ne sera pas aisée. Comme les autres entreprises menées dans le cadre du processus de Bonn, son succès exigera une volonté politique et un effort soutenu de la part des autorités afghanes. Cela exigera également que la communauté internationale s’implique davantage et assure une coordination plus rigoureuse.
Alors que nous entrons dans la deuxième année de l’application de l’Accord de Bonn, l’Afghanistan et la communauté internationale ont à leur actif le bénéfice de 12 mois de dur labeur et de dévouement pour réaliser les espoirs qu’il avait fait naître. Les 12 derniers mois nous ont donné une meilleure idée des énormes possibilités – et aussi des difficultés majeures – qui nous attendent. C’est l’avenir qui mettra réellement à l’épreuve notre engagement. Notre capacité à démobiliser les milices, à asseoir l’autorité du Gouvernement central dans le pays, à recueillir des recettes douanières pour le trésor, à rédiger une constitution, à créer un état de droit et à accroître le respect des droits de l’homme donnera la réelle mesure d’un soutien plus large à un Afghanistan démocratique et stable.
Savoir que la population afghane est résolument et massivement engagée dans la réalisation des objectifs du processus de Bonn nous encourage. Mais nous savons aussi parfaitement qu’il existe, et qu’il continuera d’exister – tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Afghanistan – des individus prêts à attiser les divisions ethniques, religieuses et politiques afin de reprendre ou de préserver leur pouvoir, leur influence ou leur richesse. Alors que nous nous préparons à relever les défis des 12 prochains mois, nous jugeons avant tout très encourageants les profonds liens de solidarité qui se sont tissés entre les Afghans et la communauté internationale face à l’oeuvre de paix à accomplir.
Les événements de l’année écoulée nous autorisent à demeurer optimistes. Cet optimisme doit bien sûr s’accompagner de la responsabilité qui nous incombe à tous – aux Afghans et à leurs partenaires internationaux – de continuer à oeuvrer en faveur du processus de Bonn. Nous ne devons nous laisser aller ni à un optimisme ni à un pessimisme excessifs, mais faire preuve d’une détermination inébranlable à nous acquitter de notre tâche jusqu’au bout. J’attends avec beaucoup d’intérêt les conclusions de cette rencontre et je suis sûr qu’elles aideront l’Organisation des Nations Unies à poursuivre son action en Afghanistan. Ce qui a été fait jusqu’ici est vraiment le fruit d’un effort collectif – de la part des Afghans eux-mêmes, des gouvernements, des organisations non gouvernementales et de l’ONU. Continuons à travailler dans cet esprit pour instaurer une paix et une stabilité durables pour la population afghane.
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