SG/SM/8461

LES FEMMES, LA PAIX ET LA SECURITE : ALLOCUTION PRONONCEE PAR LE SECRETAIRE GENERAL DEVANT LE CONSEIL DE SECURITE

28/10/2002
Communiqué de presse
SG/SM/8461


                                                            SC/7551

                                                            WOM/1366


Les femmes, la paix et la securite : allocution prononcee par le Secretaire general devant le Conseil de securite


On trouvera ci-après le texte de l’allocution prononcée par le Secrétaire général, Kofi Annan, devant le Conseil de sécurité, le 28 octobre 2002:


Monsieur le Président, permettez-moi, tout d’abord, de vous remercier d’avoir pris l’initiative de tenir cette réunion consacrée aux femmes, à la paix et à la sécurité.


Il y a deux ans, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1325, mesure historique qui a contribué à mieux faire comprendre les incidences des conflits armés sur les femmes et les filles ainsi que le rôle déterminant des femmes dans le règlement des conflits et la consolidation de la paix.


Depuis lors, le Conseil de sécurité a été particulièrement attentif à cet aspect clef de la paix et de la sécurité internationales. Grâce à la Formule Arria, il a pu entendre directement les témoignages de femmes vivant dans des pays ravagés par des conflits. Lors des missions que les membres du Conseil ont effectuées en République démocratique du Congo, au Kosovo et en Sierra Leone, ils ont pu rencontrer des représentantes de groupes et de réseaux de femmes. En juillet dernier, le Conseil a tenu à nouveau un débat public sur ce thème.


La résolution 1325 a également incité le système des Nations Unies à porter un œil plus critique sur ses propres activités et sur son approche de la problématique hommes-femmes, en ce qui concerne non seulement les activités de restauration, de consolidation et de maintien de la paix mais aussi les opérations humanitaires, de désarmement et de reconstruction.


Mais qui plus est, les femmes des communautés locales de tous les pays du monde ont trouvé que cette résolution constituait un instrument efficace pour attirer davantage l’attention sur leurs besoins et leurs priorités et renforcer utilement les efforts qu’elles déploient pour contribuer aux processus de paix.


Vous êtes maintenant saisi du rapport sur les femmes, la paix et la sécurité, que j’ai établi en application de la résolution 1325. Il se fonde sur l’étude plus vaste qui vous a été distribuée au début de la semaine. J’espère que vous le lirez attentivement et maintiendrez l’élan qui a été généré. À cette fin, j’aimerais signaler à votre attention certains aspects.


Ce rapport souligne que même si, dans l’ensemble, les effets des confits armés sur les femmes et les filles ne sont guère différents de ceux que subissent les hommes et les garçons, il existe néanmoins des distinctions importantes. Les inégalités entre hommes et femmes ainsi que les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles ont tendance à s’exacerber dans les situations de conflits armés. Les femmes et les filles deviennent particulièrement vulnérables à la violence et à l’exploitation sexuelles. Les femmes et les enfants constituent la majorité des réfugiés et des personnes déplacées dans le monde. Même dans les camps de réfugiés, qui sont censés être des zones de sécurité, les femmes et les enfants peuvent rester très vulnérables, notamment s’il y a prolifération d’armes légères. Certaines femmes peuvent être emmenées de force dans les camps des forces armées pour fournir des services domestiques et/ou être exploitées comme esclaves sexuelles.


Toutefois, même si leurs souffrances sont disproportionnées dans les situations de conflits armés, les femmes constituent aussi la clef de la solution des conflits. Les groupes et les réseaux de femmes au niveau local offrent de nombreux exemples de stratégies originales et d’approches souples indispensables à une prévention efficace des conflits. Ils s’efforcent constamment et courageusement de préserver l’ordre social au milieu du chaos et de promouvoir la réconciliation par des processus informels qui ne reçoivent que fort peu de soutien. Cependant, à quelques rares exceptions près, les femmes ne sont jamais présentes à la table des négociations ni aux négociations de paix officielles. Le rapport insiste sur la nécessité d’une plus grande représentation des femmes dans les négociations de paix officielles ainsi que la nécessité d’intégrer les perspectives sexospécifiques dans les activités de prévention des conflits ainsi que dans les mandats des opérations de consolidation et de maintien de la paix, notamment celles qui sont mises en œuvre par le Conseil. Il souligne aussi la nécessité d’augmenter le nombre de femmes aux niveaux les plus élevés du processus de prise de décisions, notamment aux postes de représentantes spéciales, représentantes spéciales adjointes et envoyées spéciales.


La protection juridique accordée aux femmes présente également des lacunes importantes. Bien sûr, des progrès ont été accomplis quant à la reconnaissance de leurs droits. Le cadre juridique est de mieux en mieux adapté pour répondre aux besoins des femmes et des filles dans les situations de conflit, en particulier dans les cas de violence sexuelle, comme le montrent les importants travaux des tribunaux pénaux internationaux. Mais il reste beaucoup à faire, surtout pour améliorer la prévention et lutter contre l’impunité.


Le rapport recommande l’application des mesures les plus sévères possibles pour empêcher l’exploitation sexuelle des femmes et des filles, notamment la prostitution et la traite, qui peuvent survenir dans le cadre des opérations de maintien de la paix, des activités humanitaires et d’autres interventions internationales. L’Organisation des Nations Unies et ses États Membres, en particulier ceux qui fournissent des contingents militaires, doivent tout mettre en œuvre pour garantir qu’une présence internationale offre protection et sécurité à tous, femmes et hommes, filles et garçons, et n’aggrave pas les inégalités ou n’entraîne des violences à l’encontre des femmes et des filles. L’Organisation des Nations Unies ne peut tolérer et ne tolérera pas la violence ou les sévices sexuels quels qu’ils soient, perpétrés par des membres de son personnel civil, militaire ou humanitaire.

Deux mesures importantes ont été prises dans ce sens, à savoir l’enquête effectuée par le Bureau des services de contrôle interne sur les accusations de sévices sexuels qui auraient été commis en Afrique de l’Ouest, dont les conclusions seront publiées dans le courant de la semaine, et les travaux de l’Équipe spéciale du Comité permanent interinstitutions chargée de la protection contre l’exploitation et les sévices sexuels dans les situations de crise humanitaire. Depuis que les premières accusations qui ont donné lieu à l’établissement d’un rapport par le Bureau des services de contrôle interne ont été lancées, l’Organisation des Nations Unies a manifesté sa détermination à agir avec fermeté et rapidité, non pas seulement en Afrique de l’Ouest, mais également dans toutes les autres régions du monde. Des systèmes plus performants en matière de recours, d’enquête et de discipline sont actuellement mis en place. Les mécanismes de protection de tous ceux qui sont tributaires de l’aide internationale sont renforcés et des normes strictes concernant le comportement attendu de tout le personnel de l’Organisation et de ses partenaires des organisations non gouvernementales, sont en cours d’adoption. Je me félicite de ces mesures et je reste déterminé à collaborer étroitement avec toutes les parties concernées pour assurer, le cas échéant, une action ferme et rapide.


Enfin, le rapport met l’accent sur la nécessité d’un renforcement général des capacités. Si l’on veut que les femmes participent pleinement à la négociation des accords de paix, aux médiations en cas de différend, à la mise en place de nouveaux gouvernements, au rétablissement des infrastructures juridiques et civiles et aux nombreuses autres activités de consolidation de la paix, il faut les aider à acquérir les capacités nécessaires à cette fin. Cela ne saurait se faire sans une volonté politique et un financement beaucoup plus important.


Outre mon analyse et mon rapport, vous avez également reçu une évaluation réalisée par un groupe d’experts indépendants à la demande du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme. Elisabeth Rehn et Ellen Johnson Sirleaf se sont rendues dans un grand nombre de régions du monde touchées par des conflits, où elles ont rencontré des femmes et des filles qui avaient été directement exposées à leurs conséquences dévastatrices. Leur analyse ainsi que leurs observations et recommandations pourront également donner matière à réflexion aux membres du Conseil, ainsi qu’à tous les autres États Membres, au système des Nations Unies et à la société civile.


Le monde ne peut plus se permettre d’ignorer les sévices infligés aux femmes et aux filles dans les situations de conflits armés ainsi que leurs séquelles, ni continuer de ne pas tenir compte du rôle positif des femmes dans la recherche de la paix. Il est temps de leur donner la place qu’elles méritent dans le cadre des processus officiels de consolidation et de maintien de la paix. De leur participation pleine et égale dépendent la paix et une sécurité durables. Tout comme vos efforts peuvent promouvoir l’égalité entre les sexes, celle-ci sera votre meilleure alliée pour assurer le succès de vos activités.


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