SG/SM/8432

BIEN PLACE POUR STIMULER LA CROISSANCE, LE MONDE DES AFFAIRES PEUT EGALEMENT FAIRE PROGRESSER LA CITOYENNETE MONDIALE, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL A LA SLOAN SCHOOL OF MANAGEMENT DU MIT

11/10/2002
Communiqué de presse
SG/SM/8432


Bien place pour stimuler la croissance, le monde des affaires peut egalement faire progresser la citoyennete mondiale, déclare le Secretaire general A la Sloan School of Management du MIT


On trouvera ci-après le texte du discours prononcé par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Sloan School of Management du Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Cambridge (Massachusetts), le 11 octobre 2002:


Permettez-moi de vous remercier pour ces paroles aimables et pour votre accueil si chaleureux.  C’est assurément un plaisir de me joindre à vous en ce jour anniversaire.  En un demi-siècle, la Sloan School of Management a su devenir l’un des plus prestigieux établissements universitaires du monde.


Je dis bien du «monde» et non pas seulement du «pays» car, dès ses débuts, la Sloan a porté ses regards bien au-delà des limites du campus, encourageant les étudiants de nombreuses nations à étudier ici, et s’est employée à promouvoir, de bien des manières et notamment par le savoir, la cause de la coopération internationale.  À l’occasion de cet événement marquant, je vous présente toutes mes félicitations.


Il y a 30 ans, j’ai moi-même eu la chance de faire partie de la communauté de la Sloan et il est agréable de voir tant de visages connus dans l’assemblée. Un événement comme celui-ci fait vraiment revivre des souvenirs, de promenades sur les berges du Charles, de ce que le monde et moi-même étions lorsque je suis arrivé ici.


Je me rappelle en particulier que la Sloan m’a fait connaître des travaux très intéressants sur la culture et la psychologie de l’organisation ainsi que sur la gestion des changements.  Certains auront peut-être l’impression que c’est du jargon, mais je peux vous assurer que ça m’a été très utile à l’ONU.


En 1982, lorsque je travaillais avec le Haut Commissaire pour les réfugiés à essayer de régler la crise des boat-people, j’ai invité mon ami le professeur Ed Schein à Genève afin qu’il nous aide à améliorer notre communication et notre coordination internes.


En nous réunissant, nous pensions qu’il s’agirait d’une simple réunion d’information d’une heure.  Trois heures plus tard, nous étions tous épuisés, moralement et physiquement, par ce qui s’était rapidement transformé en un exercice de franche introspection au sujet de notre mission.  Nous nous interrogions sur ce que signifiait travailler pour l’ONU et sur la manière de procéder pour que ces peuples et ces nationalités du monde entier réussissent à mieux travailler ensemble.


Certains contenaient leur sentiment de frustration depuis des années, mais, après que les vannes aient été ouvertes, nous avons trouvé d’autres manières d’aller de l’avant et un sentiment nouveau d’unité.  Cette réunion fut une telle réussite qu’en 1990, lorsque je dirigeais le Bureau des ressources humaines, j’en ai organisé une autre, en demandant à Ed de revenir, accompagné cette fois par le professeur Lester Thurow.  Une trentaine de fonctionnaires de rang supérieur de l’ensemble du système des Nations Unies et de 26 pays différents se sont réunis et ont réalisé une percée de la même ampleur.


J’aime penser que nous procédons au même exercice à l’échelle mondiale, entre peuples et nations, et que nous nous efforçons d’instaurer une confiance, une assurance et un sentiment de partager les mêmes valeurs et responsabilités, nécessaires pour faire face aux menaces et aux problèmes urgents des temps actuels.


Nous sommes conscients qu’un nombre croissant de problèmes ont une dimension mondiale.  Ils sont liés à la détérioration de l’environnement, au trafic des drogues et à la propagation de maladies telles que le VIH/sida.  Que nous soyions au travail, que nous voyagions ou que nous fassions nos courses, nous pouvons constater que le commerce et les communications tissent des liens toujours plus étroits entre les membres de la famille humaine.


Ces phénomènes ont également contribué à faire du début du XXIe siècle une période très inquiétante pour notre village mondial.  La méfiance entre les cultures et les religions mène souvent à la violence, et ce sentiment a été exacerbé par les attentats du 11 septembre.  L’incertitude qui règne dans l’économie mondiale et le fait que les dividendes de la mondialisation aient été partagés de manière si inéquitable provoquent une inquiétude grandissante. La confiance dans les marchés a pris un nouveau coup avec les scandales qui ont éclaté, aux États-Unis, dans plusieurs grandes sociétés, et avec le sentiment grandissant que les marchés ne peuvent, d’eux-mêmes, satisfaire les véritables besoins de la société ni fournir les biens publics dont l’humanité a besoin pour survivre.


En cette époque d’interdépendance, la conscience d’être des citoyens du monde est l’un des fondements essentiels du progrès.  Dans une série de réunions et de conférences mondiales tenues plus particulièrement ces deux dernières années, les dirigeants du monde entier se sont efforcés de définir avec précision ce qu’est la citoyenneté.  Ils se sont efforcés de mettre en place un système international ouvert, souple et efficace, pouvant être utile à tous les peuples et dans lequel tous ont le sentiment d’avoir un intérêt.


Le partage des responsabilités était au cœur de la déclaration adoptée, en septembre 2000, au Sommet du Millénaire, lorsque 160 chefs d’État et de gouvernement se sont réunis à New York.  Tous les pays se sont rassemblés, non seulement pour exprimer leurs espérances de paix et de développement au XXIe siècle, mais aussi pour apporter leur soutien à un ensemble d’objectifs très précis pour lesquels des échéances avaient été fixées et qu’on a, depuis, appelés les objectifs du Millénaire en matière de développement.

Ces objectifs consistent notamment à réduire la misère, à fournir un accès à l’eau potable et à assurer l’éducation primaire pour tous.  Leur réalisation sera suivie attentivement et évaluée avec précision, notamment le nombre d’enfants qui sont scolarisés ou la rapidité avec laquelle la faim et la misère sont atténuées. Et nous ferons connaître les résultats d’une manière qui, nous l’espérons, galvanisera l’adoption de politiques et la prise de décisions permettant d’atteindre ces objectifs à l’échéance de 2015.


En novembre dernier, à l’occasion de la réunion de l’Organisation mondiale du commerce à Doha, la volonté des gouvernements de réaliser ces objectifs a été mise à l’épreuve.  La confiance a été au centre de tous les débats.  Les pays en développement ont beaucoup entendu parler de la liberté du commerce et du commerce équitable mais, jusqu’à présent, ils les ont rarement vu appliqués.  Ils veulent l’assurance que leurs produits seront aussi compétitifs que les autres sur le marché mondial.  À l’heure actuelle, on leur ôte cette possibilité en taxant leurs biens et en versant des subventions à leurs concurrents des pays riches – subventions qui, en outre, entretiennent des pratiques agricoles, des modes de transport et une utilisation de l’énergie non durables.


Les nouveaux cycles de négociation adoptés à Doha permettent d’espérer que les marchés sont véritablement ouverts, mais il est trop tôt pour dire que la confiance dans le système commercial sera rétablie.  Cela, le temps nous le dira, mais je pense que nous devons travailler dur afin que les marchés soient véritablement ouverts à tous.


La Conférence internationale de Monterrey sur le financement du développement, qui a eu lieu en mars dernier, a également été un exercice dans lequel chacun a dû reconnaître ses responsabilités.  Elle a suscité de nouvelles promesses généreuses d’aide publique au développement, inversant la tendance au déclin enregistrée depuis 10 ans, et elle a été le cadre d’avancées intéressantes sur des questions telles que l’allègement de la dette, les investissements et la corruption.  Tout aussi important: pays développés et pays en développement ont défini une position commune en ce qui concerne leurs responsabilités respectives dans la recherche d’un développement équilibré et équitable.


Enfin, le mois dernier, au Sommet mondial pour le développement durable qui s’est tenu à Johannesburg, la citoyenneté mondiale a de nouveau été au centre des débats.  Tous les dirigeants se sont engagés à adopter une voie de développement et de croissance économique qui préservent les ressources et les écosystèmes pour les générations futures.  Plus particulièrement, les dirigeants des pays riches ont accepté de réduire l’impact écologique de leurs nations sur la planète.


Pris dans leur totalité, ces sommets et conférences nous donnent un schéma directeur pour le développement qui placent l’être humain, et non les États ou les statistiques du produit intérieur brut (PIB), au centre de la définition des politiques.  Le plus grand défi qui nous attende à présent est d’en appliquer les conclusions.  Pour y parvenir, il faudra que, dans tous les secteurs – secteur public, secteur privé, société civile – tous les acteurs nouent des partenariats plus nombreux et plus forts afin de réaliser ces objectifs.


L’un des changements les plus satisfaisants intervenu à l’ONU ces dernières années est l’engagement croissant de la communauté des affaires, dans les forums de réflexion politique et dans les projets sur le terrain.


Bien que les relations entre les deux mondes ne soient pas sans difficultés, il est de plus en plus admis que nous devons dépasser la politique de l’affrontement et que les solutions à la pauvreté, à la détérioration de l’environnement et autres problèmes ne peuvent être définies qu’avec la participation du secteur privé.  De plus en plus d’entreprises reconnaissent combien elles-mêmes s’appuient sur les normes et règlements internationaux dans la conduite de leurs affaires au niveau mondial et sur tout le travail des Nations Unies pour la paix et le développement pour être efficaces.


Le Pacte mondial, que j’ai pris l’initiative de lancer en 1999 à l’occasion du Forum économique mondial à Davos, s’appuyait sur ma conviction que l’ouverture des marchés et l’amélioration de la condition humaine peuvent être spectaculairement améliorés par des marchés fonctionnant bien.  Mais les marchés eux-mêmes ne peuvent être maintenus s’ils n’assurent pas le bien-être de l’être humain.


J’ai demandé au monde des affaires de respecter neuf principes universels en rapport avec les droits de l’homme ainsi que les normes fondamentales relatives au travail et à l’environnement, et d’appliquer ces principes à l’intérieur de leur sphère d’influence.  Si j’ai choisi ces domaines, c’est que j’étais préoccupé par un grave déséquilibre dans l’établissement des règles au niveau mondial: bien qu’il existe des règlements complets et applicables concernant des sujets ayant une importance économique, tels que les droits de propriété intellectuelle, il existe peu de mesures énergiques en faveur de questions aussi vitales que celles des droits de l’homme et de l’environnement.


Depuis, le Pacte est devenu davantage qu’un appel à l’action.  Il concerne aujourd’hui non seulement le monde des affaires mais aussi les fédérations syndicales et les organisations non gouvernementales.  Il défend l’importance des valeurs universelles et encourage les investisseurs à examiner plus attentivement les possibilités qui s’offrent à eux dans les pays en développement, en particulier en Afrique.  Un forum d’apprentissage a également été créé dans le cadre du Pacte, sous la forme d’un réseau académique mondial qui examine des études de cas et s’efforce de déterminer ce qui est efficace et ce qui ne l’est pas.  Je suis heureux que la Sloan School y joue un rôle important.


Rien de tout cela ne peut remplacer l’action des gouvernements, un cadre réglementaire ou un code de conduite.  Le Pacte est plutôt une initiative volontaire, une base à partir de laquelle il est possible de démontrer comment les marchés peuvent être amenés à servir les besoins de la société dans son ensemble.


Les entreprises se demandent peut-être pourquoi elles devraient adopter cette voie, en particulier si cela signifie qu’elles devront prendre des mesures que leurs concurrents ne prendraient pas ou qu’elles considèrent, à juste titre, être du ressort des gouvernements.  Parfois, prendre une bonne décision, notamment en faveur de l’écorendement ou de la création de bonnes conditions sur le lieu de travail, est directement dans leur intérêt économique.


Parfois, nous devons faire ce qui est bien, tout simplement parce qu’il serait mal de ne pas le faire.  Et parfois, nous faisons ce qui est bien pour contribuer à l’avènement de jours nouveaux, de nouveaux modèles et de nouveaux comportements.  Nous ne demandons pas aux entreprises d’agir autrement que d’habitude, nous leur demandons de conduire leurs affaires habituelles différemment.

La marque de notre temps est l’ouverture d’esprit.  Encore faut-il en faire preuve efficacement.


Sinon, les pays et les peuples pourraient se cacher derrière le protectionnisme ou, ce qui serait pire que tout, rejeter la citoyenneté mondiale ou la mondialisation en faveur d’étroits concepts d’intérêt national, totalement inadaptés dans un monde interdépendant.  Les entreprises sont bien placées non seulement pour susciter une augmentation du nombre d’emplois, des investissements et de la croissance, mais aussi pour favoriser la citoyenneté mondiale.


La Sloan est bien placée pour enseigner plus que l’économie, la comptabilité ou les finances, et contribuer à définir les critères du civisme des entreprises. Je suis ravi que votre programme évolue déjà dans cette direction, avec un bel enthousiasme pour la mondialisation.


Et l’ONU est bien placée pour favoriser un dialogue qui instaurera la confiance et créera les normes et les cadres d’action multilatéraux nécessaires pour nous acquitter de nos responsabilités partagées.


Secteur privé, société civile, syndicats, organisations non gouvernementales, universités, fondations et particuliers – tous, nous devons nous unir en une alliance pour le progrès.  Ensemble, nous pouvons et nous devons avancer de valeurs en valeurs, d’actionnaires en dépositaires, et de bilans en développement équilibré.  Ensemble, nous pouvons et nous devons faire face aux dangers qui s’annoncent et en amener les solutions à notre portée.


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