En cours au Siège de l'ONU

SG/SM/8416

SANS D’IMPORTANTS PROGRES, LA PLUPART DES ENGAGEMENTS PRIS DANS LA DECLARATION DU MILLENAIRE NE SERONT PAS TENUS, DECLARE LE SECRETAIRE GENERAL A L’ASSEMBLEE GENERALE

04/10/2002
Communiqué de presse
SG/SM/8416


                                                            GA/10073


Sans d’importants progres, la plupart des engagements pris dans la Declaration du Millenaire ne seront pas tenus, declare le Secretaire general à l’Assemblee generale


On trouvera ci-après le texte du discours prononcé ce jour par le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à l’Assemblée générale.


Permettez-moi tout d’abord de vous remercier de m’avoir donné la possibilité de vous présenter le premier de mes rapports annuels sur les progrès réalisés par les organismes des Nations Unies et les États Membres dans l’application de la Déclaration du Millénaire.


Je serai bref car je pense que le rapport se passe de longs commentaires. En fait, je ne saurais faire mieux que reprendre ce que j’ai écrit dans le chapitre de conclusion:


«L’application par la communauté internationale de la Déclaration du Millénaire au cours des deux premières années qui ont suivi son adoption a donné lieu à des résultats que l’on peut considérer au mieux comme mitigés.  Certains objectifs du Millénaire ont bénéficié des décisions et réformes courageuses requises, mais cela n’a pas été le cas pour d’autres.


            Au cours des 13 années qui restent à courir, des progrès devront être réalisés sur un front beaucoup plus large, sinon les termes éclatants contenus dans la Déclaration ne serviront qu’à rappeler des besoins essentiels non satisfaits et des promesses non tenues.»


Alors que nous devons prendre de graves décisions au sujet des menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité internationales ainsi que sur la meilleure manière d’y faire face, certains peuvent être tentés de mettre de côté le programme, plus vaste et à plus long terme, de la Déclaration du Millénaire. Je vous prie instamment de n’en rien faire.


Rien, en effet, ne serait plus contraire à l’esprit des Nations Unies et de sa Charte, selon laquelle l’objectif de sauver les générations futures du fléau de la guerre est étroitement lié à celui de favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.


L’ONU doit être capable de faire face aux menaces immédiates qui pèsent sur la paix et la sécurité sans pour autant relâcher ses efforts en faveur de ceux qui luttent pour survivre avec moins d’un dollar par jour, sans eau salubre ni assainissement, et qui, chaque soir, se couchent affamés.


Nous ne pouvons nous permettre de traiter la Déclaration du Millénaire comme une chose à laquelle nous penserons demain, ou lorsque la pression des affaires courantes le permettra.  N’oublions pas que, lorsqu’ils l’ont adoptée, les chefs d’État et de gouvernement ont considéré qu’il s’agissait d’un programme urgent – portant sur un ensemble de questions que nous ne pouvons négliger, de problèmes auxquels nous devons remédier de toute urgence si nous voulons que ce siècle soit tant soit peu meilleur que celui qui vient de s’écouler.


Et pourtant, à l’heure actuelle, nous sommes loin d’avoir atteint nos objectifs.  Ce que ce rapport s’attache à montrer, c’est que, si nous continuons de la sorte, la plupart des engagements que nous avons pris dans la Déclaration ne seront pas remplis.


Quel que soit l’objectif recherché – droits de l’homme, démocratie, bonne gouvernance, règlement des conflits, besoins particuliers de l’Afrique – nous progressons trop lentement.  À moins d’accélérer sensiblement les choses, nous nous apercevrons, en l’an 2015, que les mots de la Déclaration sonnent creux.


Et pour ce qui est des progrès réalisés afin d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement – cibles très précises et dont la réalisation est donc plus facile à mesurer – on constate de grandes disparités entre les régions.


Au cours de la dernière décennie, en Asie de l’Est, la proportion des personnes vivant avec 1 dollar ou moins d’un dollar par jour, a diminué de moitié, passant de 28% à 14%.  En Asie du Sud, où vit encore près de la moitié de la population mondiale, cette diminution a été plus modeste, le pourcentage étant passé de 44% à 37%.


Mais, en Afrique, où, il y a 10 ans, 48% de la population vivait avec 1 dollar ou moins d’un dollar par jour, ce chiffre est aujourd’hui de 47 %. En 10 ans, l’Afrique n’a réussi à diminuer cette proportion que de un quarante-huitième.  Il va falloir de grands changements si nous voulons que, d’ici à 2015, soit dans un peu plus de 12 ans, le nombre des personnes vivant dans ces conditions soit réduit de moitié, ainsi que nous l’avons promis.


Le premier grand test de la vigueur des engagements pris lors de l’Assemblée du Millénaire aura lieu en 2005, dans un peu plus de deux ans, date à laquelle les États Membres espèrent être parvenus à réaliser la parité des filles et des garçons dans l’enseignement primaire et secondaire.  Il est peu probable, j’en ai peur, que cet objectif soit atteint.  Entre 1990 et 2000, l’écart entre le pourcentage de filles et de garçons scolarisés ne s’est réduit que de 25 %. Et si la scolarisation des filles n’est pas plus réussie, je crains que les autres buts ne se révèlent encore plus difficiles à atteindre.


Les objectifs du Millénaire pour le développement concernent le monde entier mais ce sont les initiatives prises par chaque pays qui permettront ou non de les atteindre.  Et il n’existe pas de formule magique prête à être appliquée par tous les pays.


Chacun d’eux doit trouver la combinaison de mesures appropriée – adaptée à la situation locale.  Et, dans chaque pays, la population doit vouloir absolument que ces mesures soient appliquées.


Personne ne doit penser que tout cela ne s’applique qu’aux pays en développement.  Les pays développés doivent, eux aussi, faire en sorte qu’aucun groupe de population ne vive dans des conditions moins bonnes que celles prévues dans les objectifs du Millénaire pour le développement.  Et ils ont aussi une responsabilité à l’échelle mondiale.  Ils doivent faire ce qu’ils ont promis : ouvrir complètement leurs marchés aux produits des pays en développement; leur permettre d’être concurrentiels, dans des conditions équitables, sur le marché mondial; enfin, leur apporter une aide au développement bien plus généreuse.  Sans cela, de nombreux pays en développement ne seront pas en mesure de réaliser les objectifs de développement, quels que soient les efforts qu’ils déploieront.


En d’autres termes, ce n’est pas ici, à l’ONU, ni grâce à l’oeuvre des responsables de l’Organisation, que ces objectifs pourront être atteints. Ils doivent être réalisés dans chacun des pays que vous représentez, grâce aux efforts du gouvernement et de la population.


C’est pour cette raison que j’ai lancé la campagne du Millénaire: pour faire mieux connaître les objectifs du Millénaire pour le développement dans le monde et essayer de mobiliser l’opinion publique en leur faveur.


Je présenterai un rapport chaque année, mais j’espère que chaque pays, avec l’aide de l’ONU et d’autres organisations internationales, élaborera également son propre rapport – afin que la population de chaque pays connaisse sa situation. Notre espoir est qu’en cette ère de démocratie, des populations informées exigeront que l’on passe à l’action.


Avec la Déclaration du Millénaire, le plan de campagne pour sa mise en oeuvre, les objectifs du Millénaire pour le développement et enfin les décisions prises, cette année, à Monterrey et à Johannesburg, nous disposons aujourd’hui d’un impressionnant ensemble d’engagements de la communauté internationale rassemblés en une seule vision cohérente, sur lesquels tous les États Membres sont tombés d’accord.


Cette vision ne pourra devenir réalité que si tous ceux qui y ont intérêt jouent le rôle qui leur est imparti.  Comme je viens de le dire, l’action déterminante doit être entreprise, au niveau national, par chaque État Membre. Mais la communauté internationale, et en particulier l’ONU, a également un immense intérêt à voir ces engagements réalisés.  Nous avons tous notre rôle à jouer pour faire en sorte que l’action nécessaire soit vraiment entreprise, et je suis, pour ma part, fermement résolu à jouer le mien.


Cette assemblée, qui est le plus fidèle miroir de la communauté internationale dans son ensemble, a un rôle particulièrement important à jouer et une importante décision à prendre, ici et maintenant.


Permettez-moi de vous exhorter à suivre le processus d’application avec vigueur, mais aussi de manière intégrée.  La Déclaration du Millénaire nous a donné une vision globale.  Nous ne devons pas laisser cette vision se fragmenter ni en permettre la réalisation sporadique selon différentes méthodes dans différents comités.  Nous devons résolument la considérer dans son ensemble.


Monsieur le Président, je laisse cette importante question entre vos mains compétentes.

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