SG/SM/8201

LE SECRETAIRE GENERAL REAFFIRME QUE LE MEILLEUR REMPART CONTRE LE MAL SERA UNE COUR PENALE INTERNATIONALE A LAQUELLE PARTICIPE CHAQUE PAYS

19/04/2002
Communiqué de presse
SG/SM/8201


                                                            L/3004


LE SECRETAIRE GENERAL REAFFIRME QUE LE MEILLEUR REMPART CONTRE LE MAL SERA UNE COUR PENALE INTERNATIONALE A LAQUELLE PARTICIPE CHAQUE PAYS


Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, a fait ce matin la déclaration suivante devant la neuvième session de la Commission préparatoire de la Cour pénale internationale à New York:


Il y a plus d’un demi-siècle, les juges du Tribunal militaire international de Nuremberg ont constaté que « Ce sont des hommes, et non des entités abstraites, qui commettent des crimes contre le droit international, et ce n’est qu’en punissant ceux qui ont commis ces crimes que l’on peut faire respecter les dispositions du droit international ».


Mais il a fallu attendre aujourd’hui pour que l’humanité en tire les conséquences, et crée, à titre permanent, une cour pénale internationale.


Jeudi dernier, 10 instruments de ratification du Statut de Rome ont été déposés en même temps. Nous avons ainsi dépassé, et largement, le seuil des 60 ratifications nécessaires pour que le Statut puisse prendre effet. Ce fut à n’en point douter une journée historique.


Le Statut ayant maintenant été ratifié par 66 États, il entrera en vigueur, conformément à son article 126, le 1er juillet 2002.


Ce résultat est le fruit d’efforts déployés avec persistance pendant des dizaines d’années. Nous devons rendre hommage à ceux qui, depuis l’époque de la Société des nations, ont continué à défendre cette idée, alors même qu’elle risquait d’être oubliée sous l’effet de l’indifférence, ou pire encore. Et nous devons aussi saluer ceux qui lui ont redonné vie après 1989, lorsque a commencé à paraître plus réaliste l’idée de relations internationales régies par le droit.


Malheureusement, le multilatéralisme et la coopération internationale, qui avaient connu un si grand élan dans les mois qui ont suivi la fin de la guerre froide, ont faibli quelque peu depuis. Mais avec les crimes épouvantables commis dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda, les années 90 ont été un rappel sinistre de la nécessité d’une justice pénale internationale. Ces atrocités ont poussé le Conseil de sécurité à créer deux tribunaux spéciaux, s’inspirant des exemples de Nuremberg et de Tokyo.


Ces tribunaux se sont aventurés sans hésitation dans des espaces du droit pénal international qui n’avaient encore jamais été explorés. Pourtant, en raison des limites temporelles et territoriales de leur compétence, ils n’ont pas pu échapper complètement à la critique selon laquelle ce n’était pas sans faire preuve d’une certaine sélectivité qu’on s’attaquait aux situations où des atrocités avaient été commises. Aussi de plus en plus de voix se sont-elles élevées, de par le monde, pour réclamer la création  d’une cour permanente qui ne s’intéresse pas uniquement aux crimes commis pendant tel ou tel conflit mais qui ait un effet de dissuasion tous azimuts.


C’est la société civile qui a été la première, dans bien des pays, à faire entendre cette demande. Mais les États n’ont pas tardé à lui emboîter le pas. Ainsi est née une coalition pour le changement qui a été une des plus efficaces que le monde ait jamais connue.


Et maintenant, le Statut est sur le point de prendre effet dans des délais exceptionnellement brefs.  C’est une grande victoire pour la justice et pour l’ordre mondial. Nous prenons un virage vers l’état de droit, tournant le dos à la loi du plus fort.


La mise en place de la Cour pénale internationale ne retirera rien à la responsabilité qui incombe aux États de poursuivre et de sanctionner les auteurs de crimes, aussi graves soient-ils, commis par leurs propres citoyens ou sous leur juridiction, pas plus qu’elle ne rendra la chose plus difficile pour eux. Comme je l’ai dit à Rome la semaine dernière, les pays qui ont un bon système judiciaire, qui respectent l’état de droit et qui traduisent les criminels en justice sans délai et dans des conditions équitables n’ont rien à craindre. Ce n’est qu’en cas de défaillance que la Cour interviendra.


Ainsi, l’existence de la Cour incitera fortement tous les États à relever le niveau de leur système judiciaire. Petit à petit, sa pratique et ses procédures deviendront la référence internationale en matière de justice, par rapport à laquelle sera mesuré le niveau atteint par tel ou tel État. C’est pourquoi le travail que vous avez accompli au cours de cette session, en élaborant des procédures garantissant que soient nommés et correctement rémunérés des juges, un procureur et un greffier qui agiront en toute indépendance, revêt une importance capitale.


Déjà, certains États ont modifié leur constitution, ainsi que leur droit pénal et leurs règles de procédure, pour les rendre conformes aux dispositions du Statut. D’une manière plus générale, la publicité qui a été faite autour des processus de négociation et de ratification a été un encouragement pour la société civile dans bien des pays. Dorénavant, les populations auront davantage tendance à exiger que ceux qui commettent des crimes contre l’humanité ne puissent pas s’abriter derrière l’importance de leur fonction présente ou passée.


Vous qui avez participé aux travaux de la Commission préparatoire, vous méritez des éloges particuliers.


Au cours de vos huit précédentes sessions, vous avez bien avancé vers l’exécution de votre mandat. Vous avez maintenant terminé l’élaboration d’un nombre impressionnant de textes qui seront examinés – et, je l’espère, adoptés – par la première Assemblée des États Parties lorsqu’elle se réunira ici, au Siège de l’ONU, début septembre.


Lorsque vous tiendrez votre dixième et dernière session, en juillet, le Statut sera entré en vigueur et votre travail revêtira une urgence encore plus grande. Il faudra qu’à la fin de cette session-là tous les différents accords subsidiaires soient prêts afin que la Cour puisse commencer à fonctionner sans heurt.


J’espère qu’à ce moment-là tous les États Parties, et à vrai dire, tous les États qui comptent devenir des États Parties, auront versé leur contribution au fonds d’affectation spéciale qui a été créé pour financer les dépenses de la première réunion des États Parties. Vous vous souviendrez que, aux termes de la résolution de l’Assemblée générale, les États Parties sont tenus de défrayer le Secrétariat à l’avance. En août 2003, quand l’Assemblée des États Parties se réunira pour la quatrième fois, la Cour pénale internationale devrait être opérationnelle.


J’espère que d’ici là il y aura bien plus de 66 États Parties. J’engage vivement les 73 autres États signataires du Statut de Rome à le ratifier dès que possible.


Car il faudrait qu’à l’avenir, tous les États soient parties au Statut. Comme je l’ai dit à Rome la semaine dernière, le meilleur rempart contre le mal sera une cour au sein de laquelle chaque pays joue son rôle.


On prête à Staline l’aphorisme suivant : « Un seul mort, c’est tragique; un million de morts, c’est une statistique ». Je suis sûr, Monsieur le Président, que ce à quoi nous assistons maintenant marque une rupture décisive avec cette vision cynique du monde. Je crois qu’à peu près tout le monde comprend maintenant que certains crimes, s’ils restent impunis, jettent le doute sur l’idée même d’une communauté internationale.


Je vous remercie.


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