LA SECURITE D'ISRAEL ET LES ASPIRATIONS POLITIQUES DES PALESTINIENS, TOUTES LEGITIMES, DEVRAIENT ETRE SIMULTANEMENT GARANTIES, DECLARE KOFI ANNAN
Communiqué de presse SGSM8200 |
SG/SM/8200
GA/PAL/881
16 avril 2002
LA SECURITE D'ISRAEL ET LES ASPIRATIONS POLITIQUES DES PALESTINIENS, TOUTES LEGITIMES, DEVRAIENT ETRE SIMULTANEMENT GARANTIES, DECLARE KOFI ANNAN
Seul un mécanisme assuré par des tierces parties pourra
apporter ces garanties, estime le Secrétaire général
On trouvera ci-après le texte intégral du message du Secrétaire général, M. Kofi Annan, qui a été lu aujourd'hui par Mme Karen Koning AbuZayd, Commissaire générale adjointe de l'Office de secours des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), à la réunion internationale des Nations Unies à l'appui de la paix au Moyen-Orient, Nicosie, (Chypre) :
Je suis heureux de prendre à nouveau la parole à l’occasion d’une manifestation internationale importante organisée sous les auspices du Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. Je voudrais saluer chacun d’entre vous qui êtes venus à Nicosie pour cette réunion et remercier le Gouvernement et le peuple chypriotes pour avoir accepté d’accueillir cette réunion et aidé à sa préparation.
Comme le nom de la réunion le laisse entendre, la paix au Moyen-Orient a besoin de notre soutien, et aujourd’hui plus que jamais. Ces derniers mois et ces dernières semaines, nous avons assisté à une escalade extrêmement dangereuse de la violence, qui a provoqué douleur, souffrances et destructions. Depuis septembre 2000, plus de 2 000 personnes ont perdu la vie et des dizaines de milliers d’autres ont été blessées. Bon nombre des victimes sont des civils, souvent très jeunes, qui se sont trouvés au cœur de cet affrontement meurtrier. C’est une tragédie qui ne peut plus continuer.
Au cours des deux dernières semaines, la violence a connu sa plus forte escalade depuis le début de la crise actuelle. Des dizaines d’Israéliens ont été tués dans des attentats-suicide et des centaines de Palestiniens ont perdu la vie dans des opérations militaires israéliennes en Cisjordanie. Ces événements, auxquels est venue s’ajouter une multiplication des attaques menées contre Israël à partir du Liban, font ressortir la gravité et les dangers potentiels de la crise actuelle, non seulement pour les Israéliens et les Palestiniens, mais pour toute la région et au-delà.
La plus récente opération menée par Israël dans le territoire palestinien a également été dévastatrice pour le territoire palestinien occupé et ses institutions. La capacité du Président Arafat de diriger son peuple et de contenir les violences perpétrées par les militants a été considérablement réduite, de même que celle de l’Autorité palestinienne d’assurer à sa population des services de base.
En outre, les principes humanitaires internationaux et les droits de l’homme ont été ignorés. Je suis consterné par la situation humanitaire en Cisjordanie et à Gaza et j’ai exigé qu’Israël donne le libre accès aux institutions et aux services humanitaires.
Au cours des dernières semaines, j’ai appelé l’attention sur les graves dangers liés à la poursuite du recours à la violence. J’ai condamné le caractère moralement odieux des attentats-suicide et autres violences commises contre les civils, qui discréditent la cause que les auteurs prétendent défendre. J’ai mis en garde contre l’usage excessif de la force et appelé toutes les parties à protéger les civils comme elles en ont le devoir, et j’ai souligné la nécessité de respecter les résolutions et les décisions du Conseil de sécurité, qui restent les seuls fondements possibles de la stabilité et de la paix dans toute la région.
L’action militaire n’est pas la solution : les problèmes fondamentaux que sont l’occupation, la violence – et notamment le terrorisme – et les difficultés économiques persistent, et doivent être réglés, sans quoi le conflit ne connaîtra jamais de fin.
Il y a malgré tout des lueurs d’espoir dans cette tourmente. Récemment, les initiatives internationales visant à mettre fin à la violence et à sauver le processus de paix se sont accélérées avec la tenue du Sommet de la Ligue arabe à Beyrouth et les décisions du Conseil de sécurité. Juste avant le Sommet, le Conseil a adopté la résolution 1397 (2002), dans laquelle il a affirmé son attachement à la vision de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte à l’intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues. Le 28 mars, le Sommet de la Ligue arabe a approuvé une initiative de paix d’une importance considérable, présentée par le Prince héritier Abdallah, définissant une marche à suivre aux fins de l’établissement de relations normales entre Israël et le monde arabe en échange du retrait d’Israël des territoires arabes occupés depuis juin 1967 et de la création d’un État de Palestine avec pour capitale Jérusalem-Est. Nous devons saisir cette offre de paix et voir comment en tirer le meilleur parti.
Les efforts pour calmer la crise et instaurer un cessez-le-feu doivent s’accompagner d’une action sur le front politique. Tous les éléments nécessaires pour ce faire figurent dans les résolutions 1402 (2002) et 1403 (2002) du Conseil de sécurité. Le « Quatuor » diplomatique formé du Haut Représentant de l’Union européenne, du Secrétaire d’État des États-Unis, du Ministre des affaires étrangères de la Fédération de Russie et du Secrétaire général de l’ONU, s’est engagé à chercher à faire appliquer immédiatement ces résolutions et à tout faire pour accélérer les progrès sur le front politique, parallèlement aux mesures de sécurité. Toutes ces initiatives devraient permettre de traduire dans les faits la vision d’un règlement permanent fondé sur les résolutions 242 (1967), 338 (1973) et 1397 (2002), qui sont l’expression du principe « terre contre paix ». En d’autres termes, l’objectif est connu et la voie à suivre pour l’atteindre a été tracée : il reste à faire preuve de toute urgence de la volonté politique indispensable et à donner l’élan nécessaire à une action concrète et concertée.
À ce sujet, tout comme le « Quatuor » à sa réunion de Madrid, je me suis particulièrement réjoui de la mission du Secrétaire d’État américain Colin Powell au Moyen-Orient.
La consolidation des résultats déjà obtenus et la réalisation de nouveaux progrès dépendent clairement de la position des dirigeants et des peuples des deux parties et des mesures qu’ils prendront. En ces temps dramatiques, aussi bien le Premier Ministre israélien Ariel Sharon que le Président Arafat doivent faire preuve de hauteur de vues, d’un sens accru de leurs responsabilités et d’autorité morale. Ils ont le devoir de détourner leur peuple du précipice.
Il faudrait donner une nouvelle chance à la paix au Moyen-Orient. Nous espérons tous voir s’ouvrir une nouvelle ère de sécurité, de paix et de stabilité dans la région, et cet espoir est également partagé par tous les dirigeants arabes que j’ai rencontrés lors du Sommet de Beyrouth. J’ai toujours pensé que la sécurité et la paix dans la région devraient être traitées en parallèle. La sécurité d’Israël, qui est une préoccupation légitime, et les aspirations politiques légitimes des Palestiniens devraient être garanties simultanément.
À cet égard, je suis de plus en plus convaincu que ces garanties ne pourront être apportées en l’absence d’un mécanisme faisant intervenir des tierces parties sur le terrain. Il pourrait par exemple s’agir d’une surveillance internationale d’un cessez-le-feu. D’autres options sont actuellement examinées, y compris par le « Quatuor », mais quelle que soit en fin de compte la forme qu’il prenne, je considère qu’un tel mécanisme est indispensable pour rétablir la confiance mutuelle et progresser aussi bien sur le plan politique que sur celui de la sécurité.
Nous ne devons cependant pas oublier que 19 mois de violence et de bouclages répétés ont très durement frappé l’économie palestinienne. Les dégâts subis par les villes, villages et installations agricoles palestiniens sont considérables, et n’ont pas encore été pleinement évalués. Il est donc urgent de mettre en place un programme d’assistance massif de façon à permettre aux Palestiniens de reconstruire leurs vies et leurs foyers. L’ONU poursuivra son action de redressement de l’économie palestinienne, et se concentrera dans l’immédiat sur l’octroi d’une aide d’urgence au peuple palestinien. Le Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies, le Programme des Nations Unies pour le développement et d’autres organismes des Nations Unies font beaucoup à cet égard. Je voudrais une fois de plus remercier tous les pays donateurs et mécanismes intergouvernementaux pour l’assistance inestimable qu’ils apportent au peuple palestinien en ces temps difficiles.
L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient se trouve depuis plus de 50 ans au premier rang de ceux qui fournissent une assistance au peuple palestinien. Ces dernières semaines, il a subi d’importantes pertes matérielles et humaines, mais continue néanmoins d’assurer quotidiennement des services sociaux et de santé et de faire fonctionner des écoles pour plus de 3,9 millions de réfugiés de Palestine. Cependant, en dépit de cet important travail humanitaire, il continue de connaître régulièrement des problèmes financiers. Je voudrais saisir cette occasion pour demander aux donateurs de continuer à lui fournir une assistance et de contribuer généreusement à son budget, en particulier maintenant que les camps de réfugiés sont devenus la cible d’opérations militaires.
Il est tout aussi important de redonner à l’Autorité palestinienne ses moyens d’action, qui ont été fortement affaiblis au cours des dernières semaines. Je voudrais renouveler l’appel lancé à la communauté internationale, et en particulier aux pays arabes, par les Etats-Unis, la Russie, l’Union européenne et les Nations Unies, lors de la réunion du « Quatuor » à Madrid le 10 avril, afin qu’ils protègent et renforcent l’Autorité palestinienne et lui viennent en aide, et notamment qu’ils reconstituent son infrastructure ainsi que sa capacité en matière de sécurité et de gouvernance. Des efforts sont actuellement faits, par l’intermédiaire du Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies, en coopération avec les coprésidents du comité local de coordination de l’aide, afin de réaliser une première évaluation des dégâts subis par les institutions, et le « Quatuor » s’est engagé à poursuivre cette évaluation.
En cette période de crise, qui marque un tournant, les coparrains et autres parties internationales devraient prendre des mesures cohérentes et particulièrement énergiques pour relancer le processus politique et aider les Israéliens et les Palestiniens à parvenir à un accord juste et viable. Pour ma part, je m’engage à continuer à faire tout ce qui sera nécessaire soutenir cet effort de paix.
Je suis convaincu que cette réunion contribuera à sa façon à la paix au Moyen-Orient. Permettez-moi de remercier le Comité de l’avoir organisée en cette période particulièrement appropriée et de s’acquitter fidèlement du mandat que lui a confié l’Assemblée générale. Je vous souhaite à tous une réunion intéressante et productive et je ne manquerai pas d’étudier les résultats de vos délibérations.
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