SG/SM/8194

TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU ET DU PRESIDENT DE L'ITALIE DONNEE, LE 11 AVRIL, A ROME ET A NEW YORK PAR VIDEOCONFERENCE

11/04/2002
Communiqué de presse
SG/SM/8194


TRANSCRIPTION DE LA CONFERENCE DE PRESSE DU SECRETAIRE GENERAL DE L'ONU ET DU PRESIDENT DE L'ITALIE DONNEE, LE 11 AVRIL, A ROME ET A NEW YORK PAR VIDEOCONFERENCE


Le Président de l'Italie, M. Carlo Ciampi (interprétation de l'italien): Je viens juste d'avoir une discussion approfondie avec le Secrétaire général de l'ONU et je voudrais lui souhaiter la bienvenue.  Aujourd’hui représente un jour historique pour la communauté internationale, notamment en ce qui concerne la possibilité de renforcer le système des relations multilatérales.  Maintenant, je suis heureux d'inviter le Secrétaire général, M. Kofi Annan, à faire une déclaration et une annonce importantes.


Le Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan: Merci, M. le Président.  Il y a une heure, à New York, des représentants de 10 Etats ont déposé leur instrument de ratification du Statut de Rome relatif à la Cour pénale internationale, ce qui porte à 66 le nombre de ratifications.  Ce faisant, ces Etats nous ont fait dépasser le seuil des 60 ratifications nécessaires à l'entrée en vigueur du Statut.  Le rêve si longtemps entretenu d'une cour pénale internationale permanente est maintenant une réalité.  L'impunité a subi un échec cuisant.


Je suis heureux d'être à Rome pour cet évènement historique parce que c'est ici que s'est tenue la Conférence qui a abouti à l'adoption du Statut de la Cour.  Je n'oublierai jamais mon passage à Campidoglio, le 18 juillet 1998, pour assister à l'apposition de la première signature.  Et M. le Président, vous étiez là avecmoi.  Le chaînon manquant du système juridique international est désormais en place.  Nous disposions depuis longtemps de la Cour internationale de justice pour traiter des différends entre Etats.  Mais jusqu'à ce jour, nous n'avions aucune cour permanente pour juger les individus.  La création de la nouvelle Cour comblera cette lacune.


Le Statut entrera en vigueur le 1er juillet, soit moins de quatre ans après son adoption.  D'ici à la fin de l'année, la Cour devrait être créée et devrait fonctionner.  Les responsables des crimes de guerre, de crimes de génocide et d'autres crimes contre l'humanité ne pourront plus échapper à la justice.  L'humanité aura les moyens de se défendre en répondant au pire de la nature humaine par une des ses plus grandes réalisations, à savoir la règle de droit.


Je remercie le Gouvernement et le peuple italiens pour tout ce qu'ils ont fait pour parvenir à ce résultat.  Je félicite les 66 Etats qui ont ratifié le Statut.  Je lance un appel à tous ceux qui ne l'ont pas encore fait de suivre leur exemple.  La meilleure défense contre le mal est une Cour dans laquelle chaque pays joue son rôle.  Laissez-moi le répéter, la meilleure défense contre le mal est une Cour où chaque pays joue son rôle.


Je remercie les nombreuses ONG dont les efforts inlassables ont contribué à ce succès.


Enfin, le temps arrive où l'humanité n'aura plus à être le témoin impuissant des pires atrocités parce que ceux qui seront tentés de commettre de tels crimes sauront que la justice les attend.


Faisant de la Cour pénale internationale un instrument efficace.  Faisant de cette Cour une force de dissuasion pour la cruauté et une lueur d'espoir pour l'innocence et l'impuissance.


Merci beaucoup.


Le Président italien (interprétation de l'italien): Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi Annan, vient d'annoncer un évènement qui représente un succès pour la communauté internationale dans son ensemble et toute l'humanité.  Le Statut de la Cour pénale internationale, comme il vient de le dire, entrera en vigueur le 1er juillet, soit moins de quatre ans après la Conférence de Rome de laquelle le Statut tire son nom.


En tant qu'Italien, je suis extrêmement heureux parce qu'il s'agit d'une reconnaissance opportune du plein engagement de l'Italie qui a été matérialisé par ses forces politiques et ses forces diplomatiques.  La Cour pénale internationale nous aidera à sortir du cercle vicieux de la violence et de l'impunité.  Elle renforcera la capacité des Nations Unies à assurer la paix et la sécurité internationale et nous aidera dans notre lutte contre ce type d'actions.


La satisfaction légitime devant les avancées de ce genre et, en conséquence, devant la sauvegarde de la légalité internationale, s'estompe malheureusement au regard de la crise très grave qui sévit au Moyen-Orient.  Bien sûr, le règlement de cette crise est désormais en tête des priorités de la communauté internationale.  Nous sommes tous profondément choqués par les évènements de ces dernières semaines.  La réunion, qui a eu lieu hier à Madrid, fera peut-être renaître l'espoir.  En fait, il faut espérer que le consensus qui s'est dégagé au cours de la réunion entre les parties, les Etats-Unis, l'Union européenne, la Fédération de Russie et les Nations Unies, conduira à des résultats positifs en ce qui concerne la paix au Moyen-Orient.


Les parties concernées doivent sentir la pression qu'exerce sur elles la communauté internationale.  Elles doivent mettre un terme à cette guerre tragique qui ne peut que faire des victimes.  Nous devons avoir un cessez-le-feu immédiat et initier un processus politique sur la base des résolutions des Nations Unies.  Cela offrira aux parties concernées une perspective d'avoir pour la réalisation deleurs ambitions et objectifs légitimes à savoir l'indépendance de la Palestine, et, pour Israël, la sécurité et la reconnaissance du pays par tous les Etats arabes.  La communauté internationale doit, en conséquence, agir de manière responsable et jouer un rôle direct en la matière.  Je crois qu'au Moyen-Orient, ce rôle est en train d'être joué, un rôle que l'Italie a encouragé depuis longtemps maintenant.


Question (interprétation de l'italien): J'ai une question pour le Secrétaire général.  Que va-t-il se passer dans les prochains mois et concernant les délais fixés pour la Cour pénale internationale ?  Comment faire pour surmonter les réserves de certains pays comme la Chine, Israël, les Etats-Unis, par exemple?  Nous avons tous des attentes en ce qui concerne cette Cour et ces réserves peuvent provoquer des retards.  Comme le l'a dit le Président Ciampi, nous sommes préoccupés par ce qui se passe au Moyen-Orient et j'aimerais vous demander, en conséquence, M. Kofi Annan, si de nouvelles initiatives sont envisagées portant, par exemple, sur le déploiement d'observateurs des Nations Unies, dans la région.


Le Secrétaire général: Laissez-moi répondre à la première question et vous dire que nous devons aller de l'avant et créer la Cour.  J'espère qu'elle sera créée et fonctionnelle, comme je l'ai dit, d'ici à l'année prochaine.  La vaste majorité des nations du monde s'est lancée dans cette entreprise.  Nous avons 66 ratifications, comme je l'ai annoncé aujourd'hui, et nous n'avons besoin que de 60 pour avancer et pour créer la Cour.


Je sais que des pays ont émis des réserves et manifesté leur intention de ne pas se joindre au mouvement.  Mais je pense qu'il ne faut retenir que ceux qui sont déterminés à aller de l'avant et s'assurer que ce chaînon manquant du droit international sera rétabli.  Je crois aussi que ceux qui se montrent réticents aujourd'hui finiront par reconnaître l'importance et l'utilité de la Cour.  Et que certains d'entre eux pourraient, en fait, avoir davantage besoin de la Cour que ceux qui ont déjà ratifié son Statut.  Donc je n'ai aucune crainte quant à la création de la Cour.  Nous irons de l'avant et nous la créerons et j'espère que ceux qui ont des réserves aujourd'hui nous rejoindront un jour.  C'est arrivé par le passé et ça peut arriver cette fois-ci.


En ce qui concerne le Moyen-Orient, nous attendons tous avec espoir la visite et la mission du Secrétaire d'Etat américain, M. Colin Powell.  Ce n'est pas une mission facile.  C'est une mission extrêmement délicate et compliquée; les combats se poursuivent.  Les résolutions du Conseil de sécurité sont claires mais il semble qu'il n’y ait aucun signe de leur mise en oeuvre.  Nous devons maintenir la pression et espérer conduire les parties à respecter ces résolutions.  La communauté internationale s'est enfin unie et nous parlons d'une même voix, d'un même objectif et d'un même but et je crois que cela ressort clairement du communiqué publié à Madrid hier mais aussi de l'appui que le Conseil a apporté à ce communiqué.  Je crois que, livrées à elles-mêmes, les parties ne pourront résoudre ce conflit.  Nous avons vu ce qui s'est passé pendant les 18 derniers mois.  Elles ont réellement besoin de l'assistance d'une partie tierce et je crois que nous devons avancer et fournir cette assistance.


Question: M. le Président, M. Annan, (inaudible) une question de l'AFP.  Pouvez-vous imaginer qu'une fois devenue fonctionnelle, la Cour traduira en justice une des parties au conflit au Moyen-Orient?


Le Secrétaire général: Là, nous sommes sur le terrain de la haute spéculation et je ne voudrais pas m'y aventurer.  Il est évident que la Cour sera créée avec la compétence de traduire en justice les individus, des individus qui ont commis des crimes contre l'humanité, de génocide, et là j'énumère.  Quant à savoir si une personne déposera plainte contre quiconque dans la région est une question à laquelle l'avenir répondra et je préférerai ne pas spéculer.


Porte-parole: Une question nous arrive de New York.  Merci beaucoup, M. le Secrétaire général, la question sera posée par M. Bill Varner de Bloomberg News.


Question: M. le Secrétaire général, que répondriez vous aux préoccupations du Congrès américain qui s'inquiète que la Cour puisse être utilisée pour poursuivre des militaires opérant hors du pays ou des diplomates?  En d'autres termes, il s'inquiète que la Cour puisse être utilisée pour des procès politiques.


Le Secrétaire général: La Cour n'est pas faite pour s'attaquer à des citoyens d'un pays particulier.  La Cour est destinée à travailler contre des criminels et elle entamera ses poursuites dans les cas où le pays concerné est soit incapable soit non disposé à lancer des poursuites.  Les pays dotés de bons systèmes judiciaires, qui respectent la règle de droit et qui traduisent en justice les criminels de manière rapide et juste n'ont rien à craindre de la Cour.  Ce n'est que dans le cas contraire que la Cour prendra le relais.  Il y a donc ici un principe de complémentarité et ce sera ma réponse à ceux qui ont des préoccupations à ce sujet.  Je ne crois pas qu'il s'agira d'une Cour prise de folie furieuse, envahissante et déterminée à soutirer leurs affaires aux juridictions nationales.  J'espère que ma réponse sera transmise.


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