En cours au Siège de l'ONU

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« Le bien-fondé de l’aide ne fait plus de doute »,

21/03/2002
Communiqué de presse
sgsm8171


SG/SM/8171
21 mars 2002

                     « Le bien-fondé de l’aide ne fait plus de doute »,
a déclaré le Secrétaire général dans un discours
prononcé au Mexique devant le Congrès

           On trouvera ci-après le texte du discours prononcé par le Secrétaire général, Kofi Annan, devant le Congrès, à Mexico, le 19 mars dernier :

           C’est pour moi un grand honneur que d’être invité à prendre la parole devant le Congrès du Mexique. Cette invitation est le signe de votre engagement indéfectible envers les idéaux des Nations Unies et notre entreprise commune en faveur de la paix et du progrès de la condition humaine.

           C’est aussi pour moi l’occasion de rappeler la réunion historique des parlementaires, tenue il y a 18 mois, au Siège de l’ONU lors du Sommet du Millénaire. Les présidents de 145 parlements nationaux ont alors apporté une contribution importante en proposant leur propre vision de la paix et de la sécurité pour le XXIe siècle.

           Car il est vrai que vous autres parlementaires, avez un rôle fondamental à jouer dans le domaine international. C’est en effet au parlement que se prennent certaines des décisions les plus importantes du pays. C’est un lieu où des représentants élus du peuple mexicain – riche mosaïque d’opinions, de traditions et de croyances – se retrouvent pour dialoguer et débattre. De ce congrès émanent les lois du pays : des lois qui affectent les conditions et les moyens d’existence de la population; des lois qui ratifient les accords internationaux; des lois qui traduisent les idéaux et les résolutions des Nations Unies en actions nationales.

           Les parlementaires ont donc d’énormes responsabilités. Plus que quiconque, vous devez traduire les luttes et les aspirations du peuple mexicain. Vous devez veiller à ce que les préoccupations des pauvres, des plus démunis et des plus vulnérables restent sur le devant de la scène nationale. En tant qu’intermédiaire entre l’État et la société, vous devez montrer l’exemple – agir de façon démocratique, transparente et responsable, au mieux des intérêts de votre peuple et de votre pays. Et dans la mesure où la plupart des grands problèmes d’aujourd’hui – de la dégradation de l’environnement au trafic de stupéfiants – ont une dimension internationale, vous assurez également la liaison entre les affaires locales et les affaires mondiales.

           Je consacrerai aujourd’hui mes propos à trois questions cruciales, trois domaines dans lesquels le Parlement mexicain a une contribution particulière à apporter : la Cour pénale internationale; les opérations de maintien de la paix des Nations Unies; et la Conférence internationale sur le financement du développement, qui a rassemblé cette semaine au Mexique tant de chefs d’État, de représentants de la société civile et d’autres encore. Et qu’il me soit permis à cet égard de rendre hommage au dynamisme du Président et de la population mexicaines, à l’hospitalité qu’ils nous ont réservée et au succès de notre collaboration.

           Je commencerai par la Cour pénale internationale.

           L’idée de créer une Cour pénale internationale, longtemps demeurée un rêve, est devenue réalité. Aujourd’hui, 139 pays ont signé le Statut adopté à Rome en 1998, et 55 pays l’ont ratifié ou y ont adhéré – il n’en manque plus que cinq pour atteindre le chiffre de 60, requis pour l’entrée en vigueur. Je félicite le Mexique d’avoir signé le Statut de Rome et je sais avec quel sérieux vous envisagez la prochaine étape, qui est décisive.

           La Cour pénale internationale était le chaînon manquant du droit international. Comme vous le savez, la Cour internationale de Justice, qui se trouve à La Haye, ne traite que d’affaires civiles opposant des États tandis que les deux tribunaux pénaux internationaux – qui traitent des affaires du Rwanda et de l’ex-Yougoslavie – ne concernent que ces deux pays. En l’absence d’une Cour pénale internationale permanente, les actes de génocide et les violations les plus flagrantes des droits de l’homme resteront impunies. Comme l’a dit un jour José Ayala Lasso, qui fut le premier Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, une personne a plus de chance d’être jugée et condamnée pour avoir tué une autre personne que pour en avoir tué 100 000.

           Contrairement à ce que certains ont suggéré, la Cour ne sera pas une entité supranationale, s’ingérant dans les systèmes juridiques nationaux et portant atteinte à la souveraineté nationale. Elle doit au contraire opérer selon le principe de la complémentarité. À présent, les grands criminels restent impunis quand les institutions pénales nationales ne veulent pas ou ne peuvent pas les juger. C’est dans ces circonstances – et dans ces circonstances seules – que la Cour pénale internationale sera compétente.

           Nous espérons qu’en punissant les coupables, la Cour pénale internationale apportera un certain réconfort aux victimes qui ont survécu et aux communautés qui ont été la cible de ces actes criminels. Nous espérons aussi, et cela est plus important encore, que la Cour pénale internationale aura un effet dissuasif et nous rapprochera du jour où aucun dirigeant, aucun État, aucune junte et aucune armée ne pourra, nulle part, violer impunément les droits de l’homme.

           Je sais que cet objectif est aussi le vôtre. C’est pourquoi le Mexique a joué un rôle actif dans le processus qui a conduit à l’adoption du Statut de Rome et dans les négociations qui ont eu lieu depuis sur les modalités de fonctionnement de la Cour. J’espère que vous ratifierez maintenant le Statut de Rome de façon à ce que le Mexique puisse participer à la première Assemblée des États parties – qui se tiendra probablement au mois de septembre de cette année – afin de prendre des décisions sur plusieurs points importants.

           J’aborderai maintenant la question du maintien de la paix.

           La capacité de l’ONU à maîtriser les conflits, et à restaurer la paix est, à juste titre, l’un des principaux critères sur lesquels l’Organisation est jugée. Nous avons relevé certains de ces défis avec succès, mais dans d’autres domaines, nous avons eu de terribles échecs. Aucun d’entre nous n’a oublié les tragédies qui se sont déroulées en Somalie, au Rwanda et en Bosnie-Herzégovine.

           Il y a deux ans, j’ai demandé à un groupe de personnalités indépendantes de présenter des recommandations sur la façon dont l’ONU pourrait améliorer l’efficacité de ses opérations de maintien de la paix. Dans le rapport, les membres du Groupe concluaient que les opérations de maintien de la paix avaient trop longtemps été utilisées par les États Membres comme un moyen de montrer qu’ils « faisaient quelque chose » en réponse à l’indignation de l’opinion, en particulier lorsqu’ils n’avaient pas la volonté de prendre les mesures nécessaires, ou quand il n’existait pas de consensus sur ce qui était nécessaire.

           Le rapport souligne qu’il convient souvent de ne rien faire du tout, de ne pas déployer de mission car les conditions de réussite ne sont pas remplies – en d’autres termes, il n’y a pas de paix à maintenir. Cela ne signifie pas pour autant que, dans une situation donnée, l’Organisation des Nations Unies devrait simplement renoncer à toute responsabilité. C’est même le contraire, mais la communauté internationale dispose de nombreux autres moyens, autres que les opérations de maintien de la paix, pour aider les populations touchées par les conflits.

           Dans d’autres cas cependant, faire ce qui est nécessaire consiste à déployer des opérations disposant de moyens beaucoup plus nombreux, en termes de personnel, d’équipement et de ressources. En bref, le rapport appelle à mettre fin aux demi-mesures et aux voeux pieux. Il contient de vastes recommandations sur tous les aspects des opérations de maintien de la paix, allant de la logistique, de la planification des mesures d’urgence et du déploiement rapide des forces aux questions de personnel, de financement et d’analyse. Nombre de ces recommandations concernent des domaines de ma compétence et par conséquent le Secrétariat s’applique à les mettre en oeuvre. Toutefois, beaucoup d’autres exigent l’approbation, ou la participation des États Membres ou encore l’octroi de ressources supplémentaires et doivent, bien sûr, recevoir l’appui des gouvernements et des populations.

           C’est dans ce domaine que vous pouvez, en tant que parlementaires, faire une différence. Le Mexique est actuellement membre du Conseil de sécurité – et j’aperçois votre ambassadeur qui est cet après-midi parmi nous – et peut donc aider le Conseil à élaborer des mandats clairs. Vous pouvez également contribuer à expliquer ces opérations car le soutien et la compréhension de l’opinion publique sont des ingrédients essentiels au succès de nos actions.

           Dès 1949, le Mexique a envoyé du personnel à la Mission d’observation des Nations Unies en Inde et au Pakistan. À une date plus récente, la police mexicaine a participé à la Mission d’observation des Nations Unies en El Salvador, opération qui a contribué au succès du processus de paix en El Salvador. J’aimerais vous remercier de ces contributions et exprimer l’espoir qu’à l’avenir, le Mexique participera à un plus grand nombre de ces opérations et jouera un rôle encore plus important dans la lutte que nous menons pour enrayer la montée des conflits.

           Enfin, je terminerai par la Conférence de Monterrey qui a suscité un débat animé au cours des dernières semaines. Et j’ai été heureux d’apprendre que vous avez vous-même participé activement à ce processus, en organisant notamment un forum sur ce sujet il y a trois jours, ici-même, dans la ville de Mexico.

           La Conférence de Monterrey est un élément crucial des efforts que nous déployons pour mobiliser d’urgence de nouveaux engagements en faveur de notre action dans le domaine du développement économique et social. Au Sommet du Millénaire, les responsables politiques du monde entier sont convenus qu’il fallait, au cours des 15 premières années du nouveau siècle, lancer une vaste offensive contre la pauvreté, l’ignorance et la maladie. Et pour que l’on puisse bien mesurer les succès et les échecs, ils ont fixé un ensemble d’objectifs mesurables : les objectifs de développement du Millénaire. Mais ces objectifs ne pourront être atteints sans ressources : ils nécessitent des ressources humaines, des ressources naturelles et, bien évidemment, des ressources financières.

           Comme vous le savez, les pays en développement ne veulent pas d’aumône. Ils ont compris qu’ils devaient eux-mêmes adopter les politiques nécessaires pour mobiliser l’investissement privé, sur leur territoire ou à l’étranger, faire appel aux mécanismes du marché, assurer la stabilité économique, combattre la corruption, assurer le respect de la règle de droit et la protection des droits de propriété.

           Ce qu’ils demandent, c’est la possibilité d’échapper à la pauvreté par le commerce sans se heurter à des droits de douane et à des contingents et sans avoir à concurrencer les produits subventionnés par des pays riches. Nombre d’entre eux demandent aussi l’allégement de la dette dont le fardeau est devenu insoutenable. Et pour s’en sortir par leurs propres moyens, de nombreux pays demandent également qu’on leur porte une main secourable, en augmentant considérablement l’aide que les pays plus riches accordent au développement.

           Jusqu’à présent, la plupart des pays développés ont accueilli ces demandes avec scepticisme – estimant que trop d’aide avait été gaspillée au cours des dernières décennies par des gouvernements corrompus ou inefficients. Mais ils comprennent aussi que, de plus en plus, nous vivons dans un monde qui ne fait qu’un tout, qui n’est pas scindé en deux, et que, dans ce monde, personne ne peut se sentir à l’aise ou en sécurité alors que tant d’autres subissent des souffrances et des privations.

           Le Président Bush et l’Union européenne ont déjà annoncé une augmentation de l’aide au développement. Mais ce qui est tout aussi important que le montant des sommes qu’ils se sont engagés à verser, c’est que le bien-fondé de l’aide ne fait plus aucun doute. Nous avons gagné la bataille de l’aide. Et c’est une bonne nouvelle pour les millions et millions d’hommes, de femmes et d’enfants qui aspirent à améliorer leurs conditions d’existence, à condition qu’on leur en donne la possibilité.

           En tant que parlementaires, vous pouvez faire beaucoup pour assurer que le Mexique dépense intelligemment ses ressources financières – durement gagnées –notamment en investissant dans l’éducation de sa population. J’encourage le Mexique à jouer son rôle, tant à l’intérieur du pays qu’à l’étranger, dans la mise en oeuvre du Consensus de Monterrey.

           Je sais que les objectifs de Monterrey – promouvoir la justice, la paix et le développement dans le monde – sont accueillis favorablement ici au Mexique.

           Le Mexique est un membre fondateur des Nations Unies et, depuis plus d’un demi-siècle, a joué un rôle majeur dans l’accomplissement de la mission de l’Organisation. Il a apporté un appui essentiel au processus de paix en Amérique centrale. Il a contribué à faire de l’Amérique latine une zone exempte d’armes nucléaires et a signé des conventions historiques interdisant l’utilisation des armes chimiques et des mines antipersonnel. Les organisations du système des Nations Unies collaborent étroitement avec leurs partenaires mexicains en vue de la protection de l’environnement et de la promotion des droits des peuples autochtones.

           Ce partenariat est renforcé par le processus de transformation politique et économique que connaît actuellement le Mexique. Je quitterai demain matin votre illustre capitale pour me rendre à Monterrey, avec la conviction que vous – les représentants du peuple du Mexique – comprenez non seulement le poids des responsabilités qui vous incombent, mais également l’urgence qu’il y a à ce que nous agissions ensemble.

           Je vous remercie. Muchas gracias.


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