CINQUIEME SOMMET SUR LA SECURITE DU PERSONNEL : LUTTE CONTRE L’IMPUNITE, FORMATION ET AIDE PSYCHOLOGIQUE, CLEFS D’UN ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL PLUS SUR
Communiqué de presse ORG/1352 |
Cinquième Sommet sur
la sécurité du personnel
CINQUIEME SOMMET SUR LA SECURITE DU PERSONNEL : LUTTE CONTRE L’IMPUNITE, FORMATION ET AIDE PSYCHOLOGIQUE, CLEFS D’UN ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL PLUS SUR
Il est temps aussi de renforcer véritablement la sécurité du personnel local
L’Organisation des Nations Unies a rendu hommage ce matin aux fonctionnaires «oubliés», ceux qui, comme l’a rappelé Mme Louise Fréchette, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, ont payé le prix ultime de leur vie au service de la paix. Cet événement s’est déroulé dans le cadre du cinquième Sommet sur la sécurité du personnel qui, cette année, portait plus particulièrement sur le problème continu des fonctionnaires détenus, enlevés, disparus ou assassinés, la situation du personnel local qui peut recevoir moins de protection que le personnel recruté sur le plan international et les conditions critiques rencontrées par le personnel retournant de missions.
Depuis 1992, 214 fonctionnaires ou personnels associés ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions, dont déjà quatre cette année (pour la même période 256 membres du personnel ont aussi été pris en otage). Or, ainsi que l’a déploré la Vice-Secrétaire générale, seulement 7% des coupables ont été traduits en justice et ce, malgré l’existence, depuis 1994, de la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé, qui a notamment pour but de lutter contre l’impunité de tels actes. Malheureusement, pour l’heure, moins d’un tiers des Etats Membres, soit 62, sont parties à cet instrument juridique. C’est pourquoi, Mme Fréchette a insisté sur l’importance et la pertinence du rapport sur le renforcement des mesures de sécurité du personnel, présenté récemment par le Secrétaire général et proposant la nomination d’un Coordonnateur pour les questions de sécurité à part entière, en la personne de M. Tun Myat, ainsi que la responsabilisation accrue des fonctionnaires chargés de la sécurité. Elle s’est dite convaincue que l’Assemblée générale saura répondre favorablement aux besoins identifiés et aux propositions formulées par M. Kofi Annan. La Vice-Secrétaire générale a aussi insisté sur les espoirs qu’elle place dans le Statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale, qui définit les attaques perpétrées contre le personnel de maintien de la paix et le personnel humanitaire de crimes de guerre et devrait ainsi avoir un effet dissuasif véritable.
De son côté, M. Benon Sevan, Secrétaire général adjoint et Coordonnateur des Nations Unies pour les questions de sécurité jusqu’en juillet prochain, a expliqué qu’à la suite du massacre de plus de 40 fonctionnaires au Rwanda en 1994, l’Organisation a déployé un effort sans précédent en faveur de la sécurité du personnel. Il en a pris pour preuve la manière dont son service a vu ses effectifs considérablement renforcés. Il a toutefois regretté qu’il ait fallu
attendre l’attaque du 11 septembre pour prendre conscience des problèmes de sécurité à l’ONU. M. Sevan s’est vu ensuite remettre par le Syndicat du personnel une plaque commémorative le remerciant des efforts inlassables qu’il a menés en faveur de la protection du personnel, notamment concernant la disparition d’Alec Colett, fonctionnaire britannique enlevé en mars 1985 à proximité de l’aéroport de Beyrouth (Liban).
Ouvrant la séance, la Présidente du Syndicat du personnel, Mme Rosemarie Waters, a également insisté sur l’importance de la sécurité des fonctionnaires au Siège, ici même à New York, ainsi que les événements tragiques du 11 septembre l’ont clairement démontré. Le Prince Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein (Jordanie), Président du Comité spécial sur l’étendue de la protection juridique au titre de la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé, a évoqué les problèmes juridiques complexes liés à la sécurité du personnel. C’est pour tenter de les surmonter que le Comité s’est réuni en avril dernier, armé pour cela du rapport du Secrétaire général sur les moyens de renforcer les mesures de sécurité du personnel et d’une étude de la portée juridique de la Convention qui révélait de graves lacunes. Les conclusions du Comité seront transmises à l’Assemblée générale en novembre prochain, mais pour l’instant, il existe un accord général sur le fait qu’aucun effort n’est inutile en vue de renforcer la sécurité du personnel. Ce qu’il reste à faire c’est de traduire cette volonté en résultats concrets sur le terrain.
Faisant référence à la situation actuelle en République démocratique du Congo et aux massacres de Kisangani, le Représentant permanent de la France a, quant à lui, posé la question du devoir des Casques Bleus et de l’ONU dans la protection du personnel civil, car si «leur mandat est limité, leur devoir moral est, lui, illimité». Ceci exige donc de trouver un équilibre avec les impératifs incontournables de sécurité dû au personnel des Nations Unies. Les délégués du Royaume-Uni et de l’Allemagne ont, pour leur part, assuré qu’ils mettraient tout en oeuvre pour que l’Assemblée générale accorde un financement adéquat aux mesures de sécurité proposées par le Secrétaire général.
Une table ronde d’experts de la sécurité, représentants de divers départements de l’Organisation, d’associations extérieures, spécialisées notamment dans la santé mentale, et du personnel, s’est ensuite tenue sous la houlette de Mme Lyutha Al-Mughairy, Chef du Service de liaison avec le public au Département de l’information. M. Ralph Zacklin, Sous-Secrétaire général des Nations Unies au Bureau des affaires juridiques, a expliqué que l’un des problèmes fondamentaux est que les parties sont peu respectueuses du droit international. Les pays où le personnel coure souvent les plus grands risques, a-t-il précisé, sont aussi ceux qui ne sont pas parties à la Convention sur le personnel, ni au Statut du Rome. Il faut aussi comprendre qui sont les parties. Dans de nombreux cas, notamment dans les régions en conflit, les parties ne sont pas les Etats eux-mêmes -entités de droit international-, mais des clans, des factions, des groupes rebelles qui n’ont pas les mêmes obligations juridiques en vertu aux instruments internationaux existants. Le cadre juridique en place ne peut donc être véritablement utile que lorsque l’interlocuteur est un Etat. Cela ne veut pas dire pour autant que l’Organisation ne fait rien lorsqu’il y a un problème, mais simplement que la tâche est beaucoup plus compliquée. Concernant le problème de l’impunité évoqué par Mme Fréchette, il a expliqué que pour que la lutte soit véritablement efficace la coopération des pays où ont lieu les méfaits est fondamentale. Malheureusement trop souvent, les résultats obtenus sont décevants.
M. Terence Burke, du Bureau du Coordonnateur pour les questions de sécurité, a, quant à lui, donné des précisions sur la mise en oeuvre de la résolution sur le renforcement de la sécurité adoptée en décembre dernier par l’Assemblée générale. Prochainement, le Bureau du Coordonnateur devrait disposer de 24 administrateurs et il recrute également activement des responsables de la sécurité sur le terrain. A ce jour, 95 personnes ont été engagées et vont être envoyées très prochainement dans les divers lieux d’affectation, après avoir suivi une formation appropriée. Un système de responsabilisation des fonctionnaires a aussi été mis en place. De plus, des normes de sécurité opérationnelles minimales ont été définies sur le terrain, en fonction des situations particulières, et auxquelles les responsables de la sécurité doivent se conformer.
Donnant un autre angle d’approche de la question, M. Stephen Johnson, Directeur adjoint du Groupe des situations humanitaires d’urgence au Bureau du Coordonnateur des affaires humanitaires (OCHA), a estimé que les thèmes du présent Sommet ne doivent pas seulement être envisagés du point de vue des coûts. Un questionnaire établi par son Bureau et destiné aux 28 lieux d’affectation les plus dangereux au monde a, par exemple, révélé que 15% des personnes interrogées n’avaient reçu aucune formation en matière de sécurité. En cas de situation d’urgence, OCHA a parfois été en conflit avec le Bureau du Coordonnateur des questions de sécurité en ce qui concerne l’évacuation, car tout en comprenant les impératifs de sécurité pour le personnel des Nations Unies, OCHA est aussi constamment préoccupé par la sécurité des civils sur le terrain. Quand l’évacuation du personnel international est décidée, c’est bien souvent le personnel local qui prend le relais et porte à bout de bras la suite de l’opération humanitaire, comme l’a montré récemment la situation en Afghanistan. C’est pourquoi, il est fondamental d’envisager aussi la protection de ce personnel local très courageux.
Le Docteur Yael Danieli, de la Société internationale pour les études sur les stress traumatiques, a, quant à elle, présenté un livre qu’elle a écrit sur les moyens de gérer les traumatismes psychologiques encourus par le personnel exposé à des situations à hauts risques. Une chose est claire c’est que plus la sécurité, y compris psychologique, est importante, plus le travail effectué est efficace. C’est pourquoi, il est essentiel de fournir une formation appropriée à la sécurité, et cette formation ne devrait jamais être la première victime des coupes budgétaires auxquelles on assiste trop souvent. Mme Danieli a, elle aussi, confirmé qu’en matière de santé mentale, les employés locaux sont le groupe le plus négligé. Concernant le suivi médical, la Directrice du service médical des Nations Unies, Mme Narula Sudershan, a souligné que la capacité consultative du système a beaucoup évolué, des conseillers médicaux travaillant notamment directement dans plusieurs opérations de maintien de la paix.
Le personnel sur le terrain est celui qui connaît le plus grand taux de divorce et de problèmes liés à l’alcool dans toute l’Organisation, a, pour sa part, expliqué M. Richard Dellar, ancien Président du Syndicat du personnel des missions. L’Organisation ne devrait pas exposer le personnel à des risques inutiles ni en faire des cibles faciles, comme cela a été le cas il y a quelques années au Pakistan où les Casques Bleus n’ont malheureusement pas bénéficié des mêmes mesures de protection que le personnel diplomatique ou le personnel international. Cela dit, il s’est réjoui des nouvelles procédures visant à recourir à de véritables professionnels de la sécurité pour former le personnel sur le terrain, qui doit impérativement savoir ce à quoi s’attendre sur place.
M. François Dureau, point focal pour la coordination de la sécurité au Département des opérations de maintien de la paix, a, de son côté, expliqué comment son Département s’attache à coopérer plus étroitement avec le Bureau du Coordonnateur pour les questions de sécurité. Il a indiqué qu’un atelier de formation sur les questions de sécurité rassemblant tous les responsables des opérations de maintien de la paix actuellement en cours sera organisé cet été. Il a ajouté qu’en toute logique, outre ses fonctions de point focal pour la sécurité, il est aussi Chef du Centre de situation, qui relaie toutes les informations concernant les crises en gestation, ce qui lui permet en quelque sorte d’anticiper certains besoins.
Les questions soulevées à l’issue de ces présentations ont notamment porté sur le type d’aide offerte à la famille des employés envoyés sur le terrain, le rôle spécifique du Bureau du Coordonnateur pour les questions de sécurité en matière de lutte contre l’impunité et les dispositions concrètes garantissant la responsabilisation des fonctionnaires chargés de la sécurité.
* *** *