LA CONTRIBUTION DE LA SOCIETE CIVILE EST QUALIFIEE D’INCONTOURNABLE POUR LE SUCCES DE LA RECONSTRUCTION ECONOMIQUE ET DES SERVICES SOCIAUX APRES LES CONFLITS
Communiqué de presse NGO/477 |
55e Conférence annuelle DPI/ONG
3e et 4e séances – matin & après-midi PI/1439
LA CONTRIBUTION DE LA SOCIETE CIVILE EST QUALIFIEE D’INCONTOURNABLE POUR LE SUCCES DE LA RECONSTRUCTION ECONOMIQUE ET DES SERVICES SOCIAUX APRES LES CONFLITS
La cinquante-cinquième édition de la Conférence annuelle DPI/ONG a abordé aujourd’hui sa deuxième journée de travail autour de deux tables rondes intitulées « Rétablir les services sociaux : définir les priorités » et « Repartir de zéro : le défi de la reconstruction de l’économie » qui se sont tenues respectivement durant les séances du matin et de l’après-midi.
Introduisant le thème de la première table ronde - à laquelle participaient, M. Gérald Martone, Directeur des interventions d’urgence du Comité international de secours ; Mme Thoraya Obaid, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP); Mme Janina Ochojska, Présidente de l’Organisation humanitaire polonaise; Mme Sima Samar, Présidente de la Commission indépendante des droits de l’homme de l’Afghanistan et Mme LeticiaToj, Directrice exécutive de l’Association de Salud y Desarrollo Rxiin Tnamet (Guatemala) – son animateur, M Kul Gautam, Directeur général adjoint de l’UNICEF, a déclaré que le plus grand défi qui se pose à nous pendant les conflits est de répondre aux besoins d’une société en crise, lorsque les médias ne s’en occupent plus, lorsque l’attention mondiale diminue et que le besoin d’agir en matière sociale est le plus fort.
En matière de définition des priorités pour le rétablissement des services sociaux, les participants ont unanimement souligné la nécessité pour la communauté internationale et la communauté des ONG locales d’œuvrer de manière concertée et d’associer la société civile au processus de prise de décisions. Illustrant la politique du FNUAP, Mme Thoraya Obaid a expliqué que ce Fonds prend une part active à la reconstruction de l’Afghanistan en direction des priorités identifiées en commun avec le Ministère de la santé et le Ministère de la condition de la femme, et en collaboration avec les ONG compétentes. Elle a précisé que le travail humanitaire commence au moment où les caméras tournent et se poursuit longtemps après que celles-ci soient parties. Elle a évoqué les trois priorités suivantes : toucher les
plus vulnérables; assurer une transition souple entre l’urgence humanitaire et le développement à long terme; encourager la participation active de la population locale pour renforcer la capacité nationale de manière durable. Mme Sima Samar, quant à elle, a regretté que les dons soient accordés aux organisations internationales plutôt qu’aux ONG locales. De son côté, Mme Leticia Toj a souligné que la santé est le résultat de la justice et que sans justice, il n’y a pas de santé pour tous.
Présentant la deuxième table ronde, sur le défi de la reconstruction de l’économie - à laquelle participaient M. KazuhideKuroda, Unité pour la reconstruction des pays sortant d’un conflit du Groupe de la Banque mondiale; M. Vincent Lelei, Directeur régional pour la Corne de l’Afrique et pour l’Afrique orientale à Oxfam;
M. Evgeni Vassilev, Coordonnateur principal du projet sentiers de la paix à la Fondation Friendship Ambassadors-Bulgarie – Mme Julia Taft, Administratrice assistante et Directrice du Bureau de la prévention des crises du relèvement au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a déclaré que les populations locales ont toujours été le principal moteur de la renaissance et de la reconstruction. C’est pourquoi, il faut que toutes les parties engagées s’associent aux populations qui portent le fardeau de la reconstruction et doivent lui donner forme.
M.Kazuhide Kuroda a suggéré : de ne pas appliquer les mêmes solutions à toutes les situations; de s’assurer que le processus de reconstruction reste la propriété locale et ne pas intervenir avec des idées préconçues; d’être conscient que la Banque mondiale n’est qu’un des partenaire dans ce défi. M. Evgeni Vassilev a dit que, quel que soit le camouflage idéologique, les parties en conflit se battent toujours pour le contrôle des maigres ressources économiques. Les motivations sont alors avant tout d’ordre économique et non ethnique ou religieux. C’est pourquoi, il faut trouver des réponses économiques aux causes économiques des conflits dans le souci de joindre la reconstruction et la réconciliation autour d’intérêts communs. De son côté, M. VincentLelei a dit que le défi n’est pas de reconstruire les économies, mais de reconstruire la vie, car compte tenu de la capacité de survie de l’être humain aucun programme de reconstruction ne part de zéro, en concluant que si nous faisions pour les autres, ce que nous souhaiterions qu’ils fassent pour nous, le pari serait déjà gagné.
La Conférence DPI/ONG se poursuivra demain matin, à 10 heures 45 - après la Cérémonie du souvenir qui se tiendra sur la pelouse nord du Siège des Nations Unies en hommage aux victimes des attentats du 11 septembre - avec une table ronde ayant pour thème « Envers et contre tout : le processus de réconciliation».
RETABLIR LES SERVICES SOCIAUX : DEFINIR LES PRIORITES
Présentant le thème de la table ronde, son animateur, M. KUL GAUTAM, Directeur général adjoint du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a déclaré que le plus grand défi qui se pose à nous pendant les conflits c’est de répondre aux besoins d’une société en crise lorsque les médias ne s’en occupent plus, et que de ce fait l’attention mondiale diminue. C’est là que le besoin d’agir en matière sociale se présente le plus fortement. La reconstruction des sociétés à la suite des conflits est une responsabilité partagée et il faut établir une stratégie conjointe avec une responsabilité partagée entre la communauté internationale et les initiatives nationales. Il a souligné trois domaines d’intervention prioritaires que sont : les soins en matière de santé; l’éducation; le désarmement, la démobilisation et la réintégration des anciens combattants. Nous ne pourrons atteindre les objectifs de la Déclaration du Millénaire en matière de développement, si les capacités pour fournir les services sociaux ne sont pas rétablies dans les pays concernés.
Premier panéliste à prendre la parole, M. GERALD MARTONE, Directeur des interventions d’urgence du Comité international de secours, a fait observer que de l’avis de nombreux historiens, nous traversons actuellement l’une des périodes les plus violentes de l’histoire de l’humanité. En outre, les types de guerre sont différents, les participants ne suivant aucun code de conduite. Il y a donc sans cesse des violations des droits de l’homme dont sont principalement victimes les civils. En fait, il est actuellement plus dangereux d’être civil que soldat. Ces conflits provoquent de plus des déplacements massifs de populations et les déportations massives sont en fait devenues des stratégies délibérées de la part des belligérants. La période de reconstruction s’en trouve donc encore compliquée. Il convient alors de gérer des points de vue souvent incompatibles et inconciliables, à tel point, qu’il est parfois difficile de parler de paix véritable. Il s’agit plus d’un statu-quo, d’un cessez-le-feu. Un autre problème est que l’on s’attache surtout, notamment les médias, à la situation de conflit même. Or, la période post-conflit mérite tout autant d’attention, car des études révèlent que les effets durables des conflits peuvent perdurer jusqu’à plus de 10 ans après la paix signée. Les besoins en aide et en services sociaux sont donc particulièrement aigus. Parallèlement aux effets directs de la guerre, on constate aussi que les périodes après un conflit sont caractérisées souvent par une hausse très sensible de la criminalité, en raison de l’état déplorable dans lequel le pays est laissé.
Tous ces éléments pris en considération, on parle aujourd’hui de plus en plus de mettre en place une stratégie de survie où il ne s’agit pas seulement de sauver des vies humaines mais de maintenir un minimum de moyens de subsistance. L’Afghanistan est à cet égard l’un des exemples les plus récents et les plus significatifs. Par exemple, la famine qui menaçait l’hiver dernier a fait porter l’attention sur la nécessité d’une livraison immédiate d’aliments, faisant oublier qu’il fallait aussi envoyer des semences avant la fin de l’hiver en vue d’une certaine autosubsistance. Une autre approche consiste à tenter de rapprocher les communautés déchirées par le conflit en partant du constat que chacune à des avantages comparatifs, quelque chose à offrir à l’autre (des biens, des produits agricoles) et que les communautés ont des points communs. Un échange peut alors être mis sur pied et constituer la base de la réconciliation. Une étude réalisée récemment par un universitaire du Michigan a d’ailleurs démontré que les communautés ethniquement variées qui développent les activités sportives, culturelles et de loisirs intergroupes sont moins victimes de conflits. En dernier lieu, M. Martone a souligné que les guerres contemporaines ne sont pas une fin en soi, mais un moyen de contrôler les richesses. Il y a aujourd’hui une véritable “économie de la guerre”. C’est pourquoi, il conviendrait aussi d’examiner qui sont les acteurs en quelque sorte “gênés par la paix”, car ils tirent trop de profits de la guerre. Ainsi que l’a fait remarquer l’animateur de la table ronde, l’éducation est aussi un domaine à considérer en priorité, il ne s’agit pas d’un élément périphérique. L’un des problèmes est que l’on a tendance à être obsédé par les chiffres de la mortalité, à comptabiliser combien de gens meurent, alors que le problème véritable est de regarder comment, dans quelles conditions les gens vivent ou survivent. Sur le terrain, lorsque l’on parle aux personnes victimes d’un conflit, elles réclament d’ailleurs en grande majorité des services éducatifs, avant même de la nourriture. A cet égard, il faudrait reconnaître les enseignements parmi les groupes de population les plus vulnérables, a conclu M. Martone.
Mme THORAYA OBAID, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a présenté la situation sociale de l’Afghanistan, a précisé que le 24 août dernier à 9 heures 45 est né le premier enfant dans un hôpital de campagne danois mis en place avec le soutien du FNUAP. Elle a rappelé qu’un quart des enfants afghans meurent avant l’âge de cinq ans et qu’une femme afghane sur 17 meurt de complications liées à la maternité et à l’accouchement. Elle a précisé que le FNUAP prend une part active à la reconstruction de l’Afghanistan en direction des priorités identifiées en commun avec le Ministère de la santé et le Ministère de la condition de la femme, comme le renforcement des services de santé liés à la maternité et à l’éducation des filles, domaines dans lesquels il y a un besoin urgent de personnel qualifié. Dans le même ordre d’idées, le FNUAP, en collaboration avec les ONG compétentes, met l’accent sur la reconstruire des structures éducatives et de santé. Elle a rappelé que dans toutes les sociétés touchées par la guerre, la contribution de la société civile est essentielle pour la restauration des services sociaux. C’est un travail humanitaire qui commence au moment où les caméras tournent et qui se poursuit longtemps après que celles-ci soient parties, dans le souci d’atteindre les trois objectifs clés suivants: Toucher les plus vulnérables; assurer une transition souple entre l’urgence humanitaire et le développement à long terme; encourager la participation active de la population locale pour renforcer la capacité nationale de manière durable.
Soulignant tour particulièrement le rôle des femmes, elle a déclaré que sauver la vie des femmes est une première priorité pour le FNUAP ainsi que la participation des femmes. Car, elles sont artisans de la paix, qui ne peut être instaurée sans le respect du droit. Dans de nombreux conflits, a-t-elle regretté, il n’y a pas de démarcation claire entre la guerre et le conflit et
malgré des traités de paix, des abus subsistent. D’où la nécessité de se pencher sur le problème de la violence fondée sur le sexe, car les femmes sont plus vulnérables. Dans ce domaine, il faut également que ceux qui dénoncent la violence reçoivent la protection nécessaire.
Par ailleurs, elle a évoqué les maladies sexuellement transmissibles qui augmentent en période de conflit, en même temps que la qualité des services sociaux baisse. Elle s’est félicitée de ce que les maladies sexuellement transmissibles et le VIH/sida en particulier ont été inclus récemment, grâce aux efforts des ONG, à la liste des domaines d’intervention en matière d’aide humanitaire d’urgence.
Elle a fait référence au soutien que le FNUAP apporte à de nombreuses ONG en regrettant la perte du don de 34 millions des États-Unis, ce qui aura des conséquences sur de pauvres femmes et hommes autour du monde. Elle a rappelé que ce n’est que grâce à un partenariat efficace avec la société civile que nous pourrons rétablir les services sociaux de base et reconstruire les sociétés. En conclusion, elle a salué le rôle déterminant des ONG et notamment de l’initiative de citoyens américains qui ont lancé la campagne «Pour les 34 millions de dollars » pour compenser la perte du don américain. En conclusion, elle a souligné que le FNUAP a été une des premières organisations des Nations Unies à coopérer de manière très large au niveau mondial avec les ONG et elle s’est dit convaincue que seuls des partenariats efficaces nous permettront d’atteindre nos objectifs communs visant à assurer que toutes les personnes peuvent jouir pleinement de leurs droits de l’homme, qu’il s’agisse de droits sociaux, économiques, culturels ou politiques
Mme JANINA OCHOJSKA, Présidente de l’Organisation humanitaire polonaise, a expliqué que cette organisation a été fondée en 1992 dans le but d’envoyer des convois d’aide humanitaire à Sarajevo et constitue aujourd’hui la plus grande organisation humanitaire de Pologne, ayant fourni une aide en Bosnie, en Serbie, en Croatie, au Kosovo, en Tchéchénie et en Afghanistan. Les opérations qu’elle mène sont à bien des égards uniques et ses fonds proviennent essentiellement de dons privés recueillis lors de campagnes publiques. L’expérience de l’Organisation humanitaire polonaise a permis de tirer trois enseignements principaux : l’aide humanitaire doit viser à aider la construction de la société civile tant dans les pays donateurs que récipiendaires; elle doit unir les peuples et non les diviser et elle doit respecter la dignité humaine, l’encourager et non la détruire. Pour que les services sociaux fonctionnent efficacement dans une société sortant d’un conflit, il est par exemple fondamental que la société civile soit forte et à cette fin, les organisations humanitaires étrangères doivent encourager tout particulièrement les activités des ONG locales. Il faut aussi savoir comment les services sociaux fonctionnaient avant le conflit, de quelle manière ils étaient organisés et pourquoi et déterminer le taux de satisfaction de la population. Sans une telle évaluation, il n’y a pas de succès possible pour l’aide humanitaire, a affirmé Mme Ochojska.
Dès les premiers jours de fourniture d’une assistance humanitaire, il faut aussi partir du principe que les populations locales peuvent prendre en main les efforts de reconstruction. Elles doivent s’approprier les activités de restauration. Confier les tâches essentielles à du personnel international ne fait que tuer l’initiative locale, y compris dans les camps de réfugiés, les victimes doivent se voir confiées la gestion pratique des affaires. Une coopération étroite avec les autorités locales et centrales est aussi fondamentale, même si elles ne sont pas toujours très efficaces. Une telle approche permet notamment de rétablir le sens des responsabilités de ces autorités. Le même principe de coopération doit valoir avec les ONG locales, qui ne doivent pas être traitées comme de simples partenaires mais comme un investissement à long terme précieux. Leur faire comprendre que l’aide sera limitée dans le temps évite d’installer une dépendance et favorise l’autonomisation. Lorsqu’il n’y a plus d’ONG sur place, il convient alors d’encourager le développement d’organisations et d’associations locales ainsi que le volontariat.
Ce travail de construction et de restauration de la confiance n’est pas, bien entendu, toujours facile, a reconnu Mme Ochojska, évoquant notamment les cas où, une fois la paix retrouvée, victimes et oppresseurs doivent cohabiter de nouveau, d’autant que les exemples de la Bosnie et du Kosovo ont montré combien les rôles sont facilement renversés. C’est pourquoi, il est aussi très important d’avoir une bonne compréhension de la situation, de la langue, de la culture et des traditions locales. Les ONG internationales doivent à tout prix combattre les préjugés qu’elles peuvent avoir développés, ni succomber à la tentation d’appliquer aveuglement un modèle qui s’est révélé efficace dans d’autres pays, d’autres circonstances. La compétence d’une ONG ne se mesure pas seulement au nombre de ses succès, mais aussi à sa capacité d’adaptation, a affirmé la Présidente de l’Organisation humanitaire polonaise. En dernier lieu, il convient de ne pas trop “gâter” la population locale. L’arrivée des associations internationales signifie souvent l’afflux d’argent et l’on constate que certains individus renoncent à leur profession initiale, de dentiste ou d’avocat, pour devenir chauffeur d’une ONG internationale car les salaires sont beaucoup plus élevés. Ce n’est pas rendre service à la population et il est impératif d’avoir une vision à plus long terme car, en définitive, les organisations internationales ne sont là que temporairement alors que la population, elle, reste.
Pour Mme SIMA SAMAR, Présidente de la Commission indépendante des droits de l’homme de l’Afghanistan, il s’agit non seulement de reconstruire ce qui a été détruit mais tout simplement de construire ce que l'on n’a jamais eu l’occasion de construire du fait de la longévité de la guerre. Pour répondre à cette nécessité, il faut la coordination des efforts entre les ONG et le Gouvernement. Nous avons besoin de ressources financières pour améliorer les conditions de vie de nos populations et les services sociaux dont ils ont besoin. En ce qui concerne les priorités à accorder en matière de financement, il faut regretter que sur le terrain les promesses des donateurs n'aient pas été traduites en actes, et que les dons soient accordés aux organisations internationales plutôt qu’aux ONG locales. Les ONG internationales et nationales ont un rôle crucial à jouer pour la distribution des services sociaux. Elle a regretté que le manque de financement direct aux organisations féminines empêche ces organisations de se développer. Dans le domaine des réfugiés, elle a précisé que lorsque les organisations internationales sont parties, c’est grâce aux ONG locales que nous avons répondu aux besoins urgents. Insistant sur l’importance des ONG locales, elle a demandé que les organisations internationales les laissent agir plutôt que leur donner des ordres qui sont souvent en contradiction avec leur réalité.
Par ailleurs, elle a déclaré que pour répondre aux besoins des femmes et des filles, il faut pouvoir reconstruire les services sociaux mais aussi créer des emplois. La construction d’écoles nécessite des meubles et, à cet égard, il vaut mieux créer sur place des emplois destinés à la construction de ces meubles plutôt que d’en importer. Dans le même ordre d’idées, elle a évoqué la nécessité de former le personnel local dans les différents domaines des services de santé. Elle a également souligné le besoin de sécurité pour les femmes. C’est pourquoi elle a demandé que la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) soit étendue bien au-delà de Kaboul. Pour tous nos objectifs, a-t-elle conclu, nous avons besoin de l’appui des ONG, et notamment des organisations de femmes.
Mme LETICIA TOJ, Directrice exécutive de l’Asociación de Salud y Desarrollo Rxiin Tnamet du Guatemala, a expliqué qu’en tant que représentante de la communauté maya, son ambition était surtout de fournir des soins de santé aux femmes de cette ethnie. Le Guatemala a été secoué par de nombreuses années de guerre civile et aujourd’hui 75% de la population vit dans la pauvreté et 42% est analphabète. En conséquence, les stratégies à adopter pour venir en aide à la population doivent prendre dûment en compte ces données. C’est pourquoi, son organisation a décidé d’axer son action autour de trois facteurs importants : la participation du Gouvernement qui doit reconnaître comme droit fondamental les services d’éducation et de santé et les services connexes, la participation des organisations internationales qui doivent unir leurs efforts pour améliorer les services offerts et enfin et surtout la participation de la communauté elle-même. Les individus doivent être responsabilisés, devenir les acteurs des programmes qui sont mis en oeuvre pour eux.
Un autre défi consiste à tirer le meilleur parti des ressources limitées dont l’organisation dispose. Pour cela, il faut d’abord identifier et recenser les différents besoins de la communauté, puis les hiérarchiser, ensuite il faut coordonner et forger des alliances avec les différentes organisations présentes sur place, enfin il faut aussi intégrer les différents services sociaux. Pour que le travail des organisations soit efficace, il est aussi impératif de lutter contre la corruption, a précisé Mme Toj. De manière générale, l’on sait que la santé de la population est aussi dans une large mesure le résultat de la justice qui règne dans la société. Sans justice, il n’y a pas de bonne santé. Les caractéristiques culturelles sont un autre élément à prendre en compte. Enfin, il faut s’attacher à ce que l’aide débouche sur des initiatives durables et pour cela encore, la participation de la société concernée est fondamentale. Au Guatemala, l’expérience a montré que les services dont il est le plus besoin sont ceux en matière de santé, d’éducation, de sécurité, d’emploi et de logement.
Dialogue
Répondant à une série de questions sur la santé reproductive liée à la stérilité, à l’avortement, mais aussi à la lutte contre le VIH/sida,
Mme THORAYA OBAID a expliqué qu’une décision du Conseil d’administration du FNUAP interdit de participer à l’avortement ou de le promouvoir. L’avortement n’est pas une forme de planification familiale. Toutes les questions relatives à la reproduction sont à régler au niveau national en fonction des croyances et des habitudes locales. A cet égard, transposer le débat américain dans les pays en développement est des plus inadéquats. La stérilisation et l’avortement doivent être volontaires et en pleine connaissance de cause. En ce qui concerne l’éducation sur la santé reproductive, il faut une éducation sexuelle adaptée à l’âge, au contexte familial et à la situation locale. S’agissant de la propagation du VIH/sida, le Conseil d’administration du FNUAP a adopté le triptyque suivant: l’abstinence, la fidélité et le préservatif. L’abstinence est un vecteur important de la prévention du sida.
Concernant le financement des ONG locales en Afghanistan, Mme SIMA SAMAR a expliqué que les ONG locales ne sont pas dépendantes des seigneurs de la guerre et que l’argent n’ira pas aux seigneurs de la guerre. Elle a affirmé être convaincue que les ONG locales, du fait de leur expérience, ont un rôle à jouer dans la reconstruction du pays et la réhabilitation des services de santé. Les différentes régions de l’Afghanistan ont des cultures différentes, il faut donc agir par le truchement des différentes ONG locales.
Répondant à une série de questions d’ordre général sur la culture et les valeurs, Mme Sima Samar a expliqué que la religion et la culture en Afghanistan ont été utilisées à mauvais escient par certains partis politiques. Le Coran a été interprété de façon très différente et la vulnérabilité de nos populations a été exploitée. Ceux qui se sont livrés à cela ne sont pas de véritables musulmans, a-t-elle ajouté en précisant que l’Islam est une religion de paix qui inspire le respect des femmes. Aujourd’hui des milliers de filles sont retournées à l’école, mais nous manquons de moyens nécessaires pour assurer l’éducation de toutes ces filles.
Interrogé sur la manière dont on peut éviter le monopole des grandes sociétés, M. GERALD MARTONE du Comité international de secours, a expliqué que l’un des aspects “positifs” de cette tendance est qu’au moins ces sociétés sont très sensibles à l’image qu’elles projettent. En conséquence, toute action civique à leur encontre peut s’avérer rapidement très efficace, comme on l’a vu par exemple dans le cas des sociétés diamantaires qui ont tout fait pour ne pas être associées “aux diamants de la guerre”. Certaines compagnies, comme la Shell, ont d’ailleurs récemment admis dans leur conseil d’administration des représentants des ONG. Une chose est sûre, c’est que les ONG prises globalement ont un énorme pouvoir économique. On l’estime en fait à 1 trillion de dollars, soit un budget plus important que de nombreux pays. Ce qui manque encore pour concrétiser ce pouvoir est en fait une véritable coordination.
A un représentant d’ONG qui se demandait comment une association peut éviter d’être “vampirisée” par le crime organisé, Mme OCHOJSKA de l’Organisation humanitaire polonaise, a estimé qu’à cet égard, la participation de la population locale est une nouvelle fois fondamentale. Cela dit, il ne faut pas se montrer naïf et demeurer vigilant. Il faut apprendre à la population à contrôler les résultats des activités mises en oeuvre. Toutefois, il faut trouver un savant équilibre et pouvoir continuer de faire confiance à la population.
Mme TOJ a pour sa part répondu à une question sur la violence domestique, en expliquant que son association s’intéresse avant tout à l’état de santé de la femme. S’agissant des activités de prévention, plusieurs mesures peuvent être prises. Il faut tout d’abord parler aux décideurs politiques, il faut ensuite travailler avec les enfants et les adolescents afin de rompre ce cycle de violence domestique. Là aussi, l’éducation est donc primordiale. Mme Toj a aussi indiqué que son organisation ne privilégiait pas seulement la médecine occidentale, mais aussi la médicine naturelle traditionnelle, plus accessible et en laquelle la population continue d’avoir davantage confiance. Cette approche correspond à la nécessité de tenir compte des caractéristiques locales.
Interrogé quant à lui sur les retombées de la participation des enfants et des jeunes aux activités d’aide et aux actions des Nations Unies,
M. Gautam de l’UNICEF, a indiqué que la participation des jeunes est l’un des phénomènes qui a intéressé le plus l’UNICEF ces dernières années. Des événements récents, comme bien sûr la Session extraordinaire sur les enfants mais aussi il y a seulement quelques jours le Sommet pour le développement durable, ont montré qu’une telle initiative a un impact immédiat et que les jeunes trouvent rapidement les moyens de se faire entendre.
REPARTIR DE ZERO : LE DEFI DE LA RECONSTRUCTION DE L'ECONOMIE
Mme JULIA TAFT, Administratrice assistante et Directrice du Bureau de la prévention des crises et du relèvement au programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a déclaré que les Nations Unies étaient un partenaire très important pour fournir des éléments de base pour la reconstruction économique. Le PNUD, par exemple, a été un partenaire à tous les niveaux des conflits. Elle a également précisé que les populations locales ont toujours été le principal moteur de la renaissance et de la reconstruction. C’est pourquoi, il faut que toutes les parties engagées s’associent aux populations qui portent le fardeau de la reconstruction et doivent lui donner forme.
M. KAZUHIDE KURODA, Unité pour la reconstruction des pays sortant du Groupe de la Banque mondiale, a précisé que la Banque mondiale a joué un rôle dans la reconstruction d’après guerre depuis la naissance des institutions de Bretton Woods, en notant que parmi ses premiers prêts figurent ceux qui ont aidé à la reconstruction de l’Europe après 1945. Dans le contexte de la reconstruction post-conflit, il faut noter trois éléments fondamentaux : d’abord que chaque situation est différente et nous devons être prudents et ne pas essayer d’appliquer systématiquement les mêmes solutions à des situations nouvelles; ensuite il faut s’assurer que le processus de reconstruction reste la propriété locale et nous ne devons pas venir avec des idées préconçues; enfin être conscient que la Banque mondiale n’est qu’un partenaire dans ce défi à côté d’autres organismes du système des Nations Unies et des donateurs et nous devons veiller à apporter ce que nous savons bien sans aller au-delà.
Par ailleurs, il a déclaré que la Banque n’a pas vocation de s’impliquer dans un conflit. Ce qui a changé dans les années 90, c’est qu’on a demandé à la Banque mondiale d’être au centre de la coordination, notamment en Bosnie et dans l’ex-Yougoslavie. Nous avons tiré beaucoup de leçons des expériences passées et nous essayons de les appliquer dans les pays que nous traitons maintenant comme le Timor oriental ou l’Afghanistan. Du point de vue du financement, la Banque mondiale octroie des prêts et nous avons des difficultés à avoir des opérations normales dans des pays en situation post-conflictuelle, qui sont souvent très endettés. Les propriétaires des banques nationales veulent être prudents et en même temps il a fallu introduire d’autres instruments financiers pour faire face à la situation de terrain pour pouvoir commencer la reconstruction le plus rapidement possible. Le représentant a également expliqué que la Banque mondiale pourrait offrir beaucoup d’autres choses notamment dans le domaine de la prévention des conflits ou la gestion des ressources naturelles. Dans le contexte du développement, il a souligné qu’il est très important que nous apportions tout ce que nous pouvons en veillant à ne pas nuire en chemin.
M. VINCENT LELEI, Directeur régional pour la corne de l’Afrique et pour l’Afrique orientale et centrale à Oxfam, Royaume-Uni, a indiqué que l’hypothèse de départ de son organisation est de garder à l’esprit que bien avant que les conflits n’éliminent des vies humaines, leur première conséquence est qu’ils privent les individus des moyens de subsistance puisque les propriétés, les infrastructures ainsi que l’environnement sont alors détruits. En Afrique subsaharienne particulièrement, cette situation est terrible. Toutefois on peut aider les personnes touchées par les conflits à reconstruire leur vie et à retrouver les moyens de subsister. Les programmes d’Oxfam tiennent donc compte des priorités de vie immédiates mais aussi de considérations à plus long terme, notamment concernant l’environnement. On s’est rendu compte en effet au fil des ans que les pertes les plus énormes touchent en fait à des biens intangibles, comme la confiance par exemple. Toutefois, il faut comprendre que compte tenu de la force de survie de l’être humain aucun programme de reconstruction ne repart de zéro.
M. Lelei a ensuite cité en exemple un programme mis en place par son organisation auprès des communautés rurales au Rwanda. L’objectif en est de mettre un terme au très fort sentiment d’isolement qui frappe les populations de ces régions. Oxfam s’est en fait aperçu qu’il ne fallait pas seulement considérer les relations au sein des foyers et des communautés mais aussi au-delà, aux niveaux national et international afin de s’attaquer réellement aux causes profondes de la pauvreté et des conflits. Ce faisant, l’organisation met l’accent sur le processus menant à la prise de décisions et sur la participation de la population. Elle entend ainsi faire en sorte que les individus au niveau des communautés ont une influence sur les groupes situés au-dessus d’eux et qui prennent les grandes décisions, qu’ils se trouvent au niveau national ou au-delà.
M. EVGENI VASSILEV, Coordonnateur principal du projet Sentiers de la paix à la Fondation Friendship, a évoqué un projet de reconstruction intéressant tous les pays de la région des Balkans. L’histoire récente, a-t-il souligné, montre que les conflits éclatent dans des régions sous-développées et que, quel que soit le camouflage idéologique, les parties se battent pour le contrôle des maigres ressources économiques. A cet effet, les motivations sont avant tout d’ordre économique et non ethnique ou religieux. Il s’agit donc de trouver des réponses économiques aux causes économiques de ce conflit. C’est pourquoi nous avons développé un concept des sentiers touristiques de la paix destinés à supplanter les chemins qui ont mené à la guerre entre les différents pays des Balkans.
Par ailleurs, il a rappelé que si 1% des coûts des bombardements effectués par les Américains et l’OTAN sur la Serbie avaient été investis dans les Balkans, peut-être qu’on ne se serait pas trouvé dans une telle situation. Ce 1%, a-t-il ajouté, n’est toujours pas arrivé dans les Balkans. Décrivant la démarche de son groupe pour la mise en place de ce projet touristique, il a déclaré que l’accent a été mis sur la culture vivante, le patrimoine matériel de la région, les festivals locaux, l’artisanat, la gastronomie, et tout ce en quoi les Balkans sont riches. Il s’agit de construire un programme et de développer les infrastructures au niveau local en joignant la reconstruction et la réconciliation autour d’intérêts communs.
Dialogue
A un participant qui souhaitait savoir comment une ONG locale peut avoir accès à un financement de la Banque mondiale pour s’impliquer dans la reconstruction post-conflit, M. KURODA a expliqué que traditionnellement c’est aux gouvernements que la Banque mondiale prête des fonds et non à des individus ou des groupes d’individus. Mais compte tenu de l’évolution de la situation mondiale, un fonds post-conflit a été créé récemment. Il ne contient certes que 8 millions de dollars par an, mais vise à appuyer toutes sortes de projets sur le terrain. Ce fonds a notamment servi à financer des projets de reconstruction du système judiciaire au Rwanda. En fait, comme toute institution, la Banque mondiale évolue et s’adapte aux changements mondiaux, et c’est pourquoi elle a récemment créé le concept de développement mû par les communautés. Interrogé également sur la lutte contre la corruption, M. Kuroda a précisé qu’elle représentait désormais l’un des programmes fondamentaux de la Banque. Des recommandations très strictes sont formulées auprès des gouvernements sur la manière dont les ressources devraient être allouées entre les différents portefeuilles ministériels, par exemple. Une attention toujours plus grande est portée à la discipline financière.
Répondant à une question sur la manière de réconcilier véritablement les différentes populations dans les Balkans, M. VASSILEV a indiqué que son organisation multiplie les échanges culturels depuis de nombreuses années et que peu à peu on a pu constater qu’au fil des activités entreprises ensemble, l’hostilité entre les participants diminue sensiblement. Il s’établit même alors de véritables liens d’amitié. Mme TAFT a, pour sa part, ajouté que
pour toutes les questions abordées cet après-midi, la participation active des femmes est absolument indispensable. La preuve en est par exemple que les femmes remboursent à 99% les microcrédits qui leur sont accordés. Sans les femmes, il n’y aura pas de réconciliation durable possible.
L’influence et l’impact des ONG sont de plus en plus importants, a poursuivi M. KURODA, interrogé sur l’écoute réelle qui est accordée aux ONG par des institutions comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. En outre, souvent se sont les ONG qui, seules, restent présentes sur place au plus fort des conflits et leur expérience est donc très précieuse. C’est pour cette raison également que la Banque a débloqué ces fonds spéciaux pour la reconstruction post-conflit qui ne sont pas des prêts véritables et n’ont donc pas besoin d’être octroyés à des gouvernements.
Répondant à une question sur les méthodes à employer pour trouver les bons partenaires locaux, M. VASSILEV a déclaré qu’il faut participer à des réunions de ce type, qu’elles soient internationales, régionales ou locales, et se faire une opinion soi-même sur le degré de fiabilité de telle ou telle organisation. Du point de vue des ONG, M. Vincent Lelei a précisé que le leadership est déterminant. Les institutions qui souhaitent vraiment apporter quelque chose aux populations trouveront toujours les moyens et les soutiens nécessaires pour progresser.
Répondant à une question sur le rôle des Nations Unies dans le processus de reconstruction, Mme JULIA TAFT a expliqué le rôle des Nations Unies dans la reconstruction de l’Afghanistan. L’ONU, a-t-elle précisé, avait fait tous les efforts nécessaires pour réunir toutes les parties concernées et faire en sorte que l’Autorité transitoire fonctionne efficacement dans l’attente de la mise en place de la Loya jirga. Elle a mis en place un fonds qui a permis de payer les premiers salaires des fonctionnaires, mais aussi les infrastructures comme les téléphones, pour permettre un minimum de fonctionnement. L’aide des Nations Unies a également permis la reconstruction d’urgence, la structuration de la banque centrale et des différents services d’Etat. Elle a précisé qu’il y a un manque critique dans le domaine de la réforme de la sécurité. En ce qui concerne la mise en place d’un système de sécurité et de police qui se veut juste, c’est le PNUD qui fournit l’assistance technique de gestion policière, car les donateurs vont rarement donner des fonds à un gouvernement qui sort d’un conflit. Dans ce cas les donateurs donnent à des agences de gestion qui gèrent l’argent pour le compte du gouvernement. Mais la théorie en Afghanistan, c’est que nous devons impliquer toutes les ONG afghanes à tous les processus en cours.
A une question sur l’allègement de la dette structurelle, M. KURODA a indiqué que cette question posait un véritable problème de principe. Tout d’abord les gouvernements sont les propriétaires de la Banque et c’est à eux de décider d’éliminer ou non la dette. Le problème est que plusieurs pays estiment que cela ne représente pas le bon moyen d’encourager une bonne discipline morale et publique auprès des pays emprunteurs. Compte tenu de cette situation, la Banque s’efforce de faire au mieux et de procéder de la manière la plus pratique et la plus pragmatique qui soit.
Invitée par Mme Taft, Mme EUGENIA DATE-BAH, Directrice de programme de réponse aux crises et de reconstruction à l’Organisation internationale du travail, a ensuite brièvement exposé les efforts fournis par son Organisation en vue de reconstruire un marché du travail dans les pays dévastés par la guerre. L’aide apportée n’est pas seulement financière mais aussi et surtout technique. Pour cela, l’OIT dispose de plus de 80 bureaux sur le terrain qui peuvent recevoir les demandes d’aide.
Formulant des remarques de clôture, M. VASSILEV a insisté sur la nécessité impérative de ne pas laisser tomber les pays victimes d’un conflit dans l’oubli si l’on veut véritablement donner une chance à la paix durable. Pour sa part, M. LELEI a estimé que trois mots pouvaient résumer les défis à relever : l’équité, la justice et la responsabilité partagée.
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