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NGO/475

LES EXPERIENCES RECENTES SOULIGNENT LE SUCCES D’UNE APPROCHE DE LA RECONSTRUCTION DES PAYS AXEE SUR LA PARTICIPATION ET LA RESPONSABILISATION DE LA SOCIETE CIVILE

09/09/02
Communiqué de presse
NGO/475


55e Conférence annuelle DPI/ONG

1ère et 2e séances – matin & après-midi                       PI/1437


LES EXPERIENCES RECENTES SOULIGNENT LE SUCCES D’UNE APPROCHE DE LA RECONSTRUCTION

DES PAYS AXEE SUR LA PARTICIPATION ET LA RESPONSABILISATION DE LA SOCIETE CIVILE


La 55e Conférence DPI/ONG ouvre trois jours de discussions sur le thème « Reconstruire les sociétés après un conflit : une responsabilité partagée »


La cinquante-cinquième édition de la conférence annuelle DPI/ONG a été lancée, aujourd’hui, en présence des représentants de plus de 650 organisations non gouvernementales venues de plus de 85 pays différents.  Durant les trois jours de travaux, qui se poursuivront jusqu’au 11 septembre, les participants échangeront, lors de séances plénières et d’une centaine d’ateliers discussions leurs vues et leurs expériences sur le thème de la « reconstruction des sociétés qui sortent d’un conflit : une responsabilité partagée ».


Mme Mary Robinson, dont c’était l’une des toutes dernières interventions en tant que Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a souligné que construire des institutions gouvernementales responsables, démocratiques et modernes ne peut se faire sans la participation de la société civile.  Les sociétés qui sortent des conflits ont des besoins spécifiques dans le domaine de la bonne gouvernance et de la relance de l’économie et la participation des ONG est indispensable pour y répondre et pour signaler quels sont les points faibles et comment on peut y remédier, d’autant que bien souvent les ONG constituent la seule forme de présence internationale dans des situations de conflit. 


De son côté, M. Lakhdar Brahimi, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan, a particulièrement plaidé en faveur d’une « empreinte étrangère la plus légère possible » dans les pays en reconstruction, arguant que tant l’ONU que les ONG doivent avant tout s’efforcer de renforcer les capacités nationales et permettre le plus rapidement possible la reprise en main du pays par les nationaux.  La Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Louise Fréchette, s’est, quant à elle, réjouie de constater que l’Organisation, les gouvernements et les ONG s’impliquent de plus en plus pour aider les pays à se relever des traumatismes de la guerre.  De l’Afghanistan au Timor oriental, les Nations Unies et la communauté des ONG ont mis en place un partenariat déterminant.  A cet égard, elle a précisé que le Secrétaire général présentera dans quelques semaines sa vision du renforcement des Nations Unies pour aller plus avant dans ce domaine.  Cette réforme a pour but d’aligner les travaux des Nations Unies sur les priorités énoncées par la Déclaration du Millénaire.  L’un des objectifs est que l’ONU développe les meilleurs partenariats possibles sur le terrain avec la société civile dans son ensemble et avec les ONG en particulier, car elles ont aidé à construire des sociétés plus stables et des systèmes plus équilibrés.


Le Président de la cinquante-sixième session de l’Assemblée générale, M. Han Seun-soo, avait pour sa part insisté sur le caractère à la fois urgent et pertinent des activités de reconstruction des sociétés sortant d’un conflit.  Car, si la communauté internationale s’efforce désormais de prévenir les conflits, tous les mécanismes nécessaires ne sont pas encore en place et la réaction et la reconstruction demeurent essentielles et indispensables.  Dans les deux cas, l’Organisation doit s’attacher de plus en plus à établir des liens efficaces avec les ONG, assurer un bon suivi, en promouvant la complémentarité de leur travail, le partage des expériences et la mobilisation des ressources supplémentaires.


Dans ses paroles de bienvenue, M. Shashi Tharoor, Secrétaire général adjoint à l’information et à la communication, avait, quant à lui, mis l’accent sur la coopération étroite qui s’est instaurée entre les ONG et les Nations Unies dès la rédaction de la Charte.  Près de 3 000 ONG ont des liens directs avec les Nations Unies, et de nombreuses autres travaillent sur le terrain avec l’ONU et ce réseau grandissant et de mieux en mieux organisé de la société civile constitue une grande source d’inspiration pour l’Organisation.  Le Président du Comité exécutif des ONG associées au Département de l’information, la Présidente de la Conférence des ONG dotées du statut consultatif auprès des Nations Unies (le CONGO), et la Présidente du Comité de planification de la conférence cette année, ont également fait des déclarations.


Dans l’après-midi, la première table ronde plénière a examiné comment «rétablir l’état de droit et encourager la bonne gouvernance”.  Animée par le Conseiller juridique des Nations Unies, M. Hans Corell, elle a permis à la directrice des affaires juridiques et de la recherche de Médecins sans frontières, d’expliquer que la restauration d’un état de droit et d’un système judiciaire juste  constitue que très rarement la priorité des pays sortant d’un conflit. Un constat illustré par le Procureur général de la Cour suprême du Rwanda, M. Gérald Gahima, qui a exposé la voie choisie par son pays pour surmonter le traumatisme du génocide de 1994.  Compte tenu du volume exceptionnel de personnes à juger, son pays a opté pour une formule unique, alliant justice traditionnelle et normes internationalement reconnues et appliquées.  Une exigence de flexibilité reprise par Mme Priscilla Haymer, directrice de programme au Centre international de justice transitoire, pour qui il faut avant tout répondre aux impératifs nationaux et que l’expérience montre que lorsque l’on consulte la population, on obtient des résultats meilleurs. Un constat qui, ainsi que l’a indiqué M. Danilo Türk, à l’instar de M. Brahimi, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, a conduit l’ONU, concernant l’Afghanistan, à privilégier “une empreinte internationale la plus légère possible” afin que la population reprenne rapidement en main les rênes du pays.


Un échange de questions/réponses avec les représentants des ONG a ensuite eu lieu.


La Conférence DPI/ONG se poursuivra demain matin, à 10 heures, avec une table ronde ayant pour thème “Rétablir les services sociaux : définir les priorités”.


« RECONSTRUCTION DES SOCIETES QUI SORTENT D’UN CONFLIT : UNE RESPONSABILITE PARTAGEE »


Formulant des paroles de bienvenue, M. SHASHI THAROOR, Secrétaire général adjoint à la communication et à l'information, a mis l’accent sur la coopération étroite qui s’est instaurée entre les ONG et les Nations Unies dès la rédaction de la Charte.  Il a rappelé que la première conférence ONG/DPI avait eu lieu déjà en 1947, un an seulement après la première Assemblée générale.  Aujourd’hui à sa cinquante-cinquième édition, la conférence jouit d’une participation toujours croissante, par exemple quelque 2 355 personnes sont inscrites sur la liste des participants, cette année, témoignant clairement de sa pertinence.  M. Tharoor a aussi rappelé que l’an passé, la conférence a malheureusement coïncidé avec les tragiques événements du 11 septembre, ce qui a donné lieu à une séance de clôture très spéciale.  Cette année, il est donc particulièrement approprié d’aller de l’avant et de se demander comment reconstruire les sociétés touchées par les conflits.  Près de 3 000 ONG ont des liens directs avec les Nations Unies, par le biais du statut consultatif auprès de l’ECOSOC, mais de nombreuses autres travaillent sur le terrain avec l’ONU et ce réseau grandissant est de mieux en mieux organisé.  La société civile constitue une grande source d’inspiration pour l’Organisation.  La Déclaration du millénaire l’a d’ailleurs clairement reconnu, a fait observer M. Tharoor, précisant que de plus en plus de points à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée générale portent directement ou indirectement sur les moyens de permettre aux pays de se remettre pleinement des dévastations des conflits.  Selon lui, cette tendance ne fera que s’accentuer compte tenu de l’expérience concrète des ONG sur le terrain.


Mme LOUISE FRECHETTE, Vice-Secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies, a déclaré que les Nations Unies accordent une grande importance au thème choisi pour cette conférence et s’est réjouie de constater que les Nations Unies, les gouvernements et les ONG s’impliquent de plus en plus pour aider les pays à se relever des traumatismes de la guerre.  Elle a regretté que les médias aient eu longtemps l’habitude d’abandonner les pays dans le besoin à la fin de conflits pour se diriger vers la prochaine crise.  Il faut se concentrer sur les causes sous-jacentes qui ont été à la source des conflits.  De l’Afghanistan au Timor oriental, les Nations Unies et la communauté des ONG ont mis en place un partenariat déterminant.  A cet égard, elle a souligné les efforts particuliers du Secrétaire général pour moderniser les Nations Unies pour leur permettre de mieux répondre aux aspirations et attentes des peuples du monde.  Les éléments disparates de la famille des Nations Unies travaillent bien mieux ensemble.  Nous avons rationalisé la bureaucratie et utilisons toutes les opportunités de l’Internet.  En dépit de ces acquis, a-t-elle souligné, il faut faire plus.


La Vice-Secrétaire générale a également précisé que le Secrétaire général présentera dans quelques semaines aux membres, sa vision du renforcement des Nations Unies pour aller plus avant dans ce domaine.  Cette réforme a pour but d’aligner les travaux des Nations sur les priorités énoncées par la Déclaration du Millénaire et de répondre aux défis grandissants allant de l’impact de la globalisation sur les pays en développement à la lutte contre le terrorisme.  Il s’agit de reconnaître le besoin pour les Nations Unies de développer les meilleurs partenariats sur le terrain avec la société civile dans son ensemble, qui joue de plus en plus un rôle d’influence sur la scène internationale.  Les ONG occupent une place essentielle dans cette constellation.  Vous avez aidé à construire des sociétés plus stables et des systèmes plus équilibrés et vos contributions ont enrichi et influencé de manière très positive les travaux des Nations Unies, s’est-elle félicitée, en précisant que cette relation avec les ONG a été fructueuse pour les Nations Unies.  Elle a également précisé que le processus d’accréditation est devenu plus complexe, parce que les Nations Unies ne peuvent accueillir toutes les ONG.  Le moment est venu d’examiner les interactions entre les Nations Unies et la société civile pour préparer un avenir dans lequel la communauté des ONG pourra continuer à apporter une remarquable contribution et assistance aux travaux de l’Organisation dans l’intérêt de toute la communauté internationale. 


M. HAN SEUNG-SOO, Président de la cinquante-sixième session de l’Assemblée générale, a pour sa part insisté sur le caractère urgent des activités de reconstruction des sociétés sortant d’un conflit.  Si la communauté internationale s’efforce désormais de prévenir les conflits, tous les mécanismes nécessaires ne sont pas encore en place et la réaction et la reconstruction demeurent donc essentielles et indispensables.  Dans les deux cas, l’Organisation s’attache de plus en plus à établir des liens efficaces avec les ONG, permettant de prendre des mesures et d’en assurer un bon suivi.  L’un des objectifs principaux est de coordonner les activités de prévention, sans oublier les activités de restauration et de consolidation de la paix.  Un défi qui intéresse tout autant l’Assemblée générale, la société civile que les ONG.


Pour M. Han Seung-soo, les premières mesures à prendre doivent viser à créer des sociétés économiquement stables au moyen d’initiatives multidisciplinaires, allant aussi bien de l’économique et du social qu’aux droits de l’homme et à la bonne gouvernance.  Les gouvernements nationaux ont certes la responsabilité première de cette tâche, mais les ONG ont aussi un important rôle d’appui afin de faire en sorte que les mesures prises aient le plus d’impact possible.  De plus, elles peuvent chercher des moyens nouveaux de mobiliser la communauté des donateurs et de trouver de nouvelles ressources.  C’est pourquoi, l’Organisation des Nations Unies doit avoir des contacts constants avec les ONG et trouver des mécanismes novateurs pour faciliter les échanges d’information, a souligné le Président de l’Assemblée générale.  Les expériences récentes, entre autres au Timor oriental, sont riches d’enseignements, et l’ONU comme le secteur des ONG avec leurs réussites et leurs échecs, peuvent bénéficier de la mise en commun de leurs efforts.  C’est pourquoi, M. Han Seung-soo a recommandé que l'ONU et les ONG s’engagent vers la promotion des efforts complémentaires, le partage des évaluations et des échanges comparatifs, le développement d’une réponse efficace aux objectifs multiples de la consolidation de la paix, de l’évaluation de l’efficacité des initiatives prises et de la mobilisation des ressources supplémentaires.  En conclusion, il s’est dit convaincu que la présente conférence permettra de faire des suggestions concrètes en faveur des activités de maintien et de consolidation de la paix qui sont au cœur des objectifs de l’ONU.


Mme MARY ROBINSON, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a déclaré que construire des institutions gouvernementales responsables, démocratiques et modernes ne peut se faire sans la participation de la société civile.  Pendant un conflit, les sociétés perdent souvent leurs cerveaux et restent divisées.  Les sociétés qui sortent des conflits ont des besoins dans le domaine de la bonne gouvernance et de la relance de l’économie et la participation des ONG est indispensable pour y répondre et pour signaler quels sont les points faibles et comment on peut y remédier.  Mme Robinson a rendu hommage aux groupes de femmes, notamment en Somalie et au Rwanda, et au rôle clef qu’elles jouent dans les sociétés après un conflit.  Les activités des femmes ont été soulignées dans un rapport du Comité permanent inter-institutions des Nations Unies intitulé « Faire pousser l’arbre qui protège » qui rend également hommage aux activités des ONG et des travailleurs humanitaires qui font plus que sauver des vies en distribuant l’assistance mais qui donnent aux populations les moyens de reconquérir les droits qu’ils avaient perdus.  A titre d’illustration, elle a souligné qu’en Sierra Leone, jamais la campagne nationale de la Commission vérité et réconciliation n’aurait pu réussir sans la contribution des ONG.  Souvent un conflit plonge ses racines dans des habitudes de discriminations et entraîne la destruction des capacités nationales en matière des droits de ses habitants.  Il vaut donc mieux prévenir que guérir, a-t-elle souligné, en se félicitant des efforts du Secrétaire général de faire passer les Nations Unies d’une culture de réaction à une culture de prévention.  Combien de souffrances aurait-on pu éviter si la communauté internationale avait pu lutter contre les graves violations des droits de l’homme avant qu’elles ne deviennent la source de conflits?  Vu les liens entre les conflits et la violation des droits de l’homme, il est clair que l’on doit vérifier la mise en place de structures efficaces au niveau local de moyens de prévenir et lutter contre les atteintes aux droits de l’homme.  A cet égard les ONG ont un rôle clef à jouer. 


Par ailleurs, elle a déclaré que bien souvent les organisations humanitaires sont la seule forme de présence internationale dans des situations de conflit et que la sécurité humaine est le premier problème.  Fermer les yeux sur des violations, c’est garantir  qu’elles réapparaissent.  Dans ce contexte, elle s’est félicitée de la mise en oeuvre de la Cour pénale internationale dont le but est de poursuivre les criminels conformément aux normes internationales.  Avant tout, a-t-elle souligné, les Etats parties au Traité de Rome s’engagent à mettre en place des systèmes juridiques efficaces et justes permettant  de  mener des procès au niveau national dans le respect de ces normes.  Dans trois jours, a-t-elle précisé, après avoir quitté le Haut commissariat aux droits de l’homme, je participerai à nouveau à la lutte pour les droits de l’homme en tant que personne privée.  Les droits de l’homme, a-t-elle ajouté, ce n’est pas une question de mots, mais un ensemble de règles contraignantes.  Elle a formé le vœu que l’on aborde cette question dans le contexte de la mondialisation et que la mondialisation devienne humaine.  Elle a estimé qu’une attention plus grande doit être accordée à la nécessité d’aider les pays en développement à édifier leurs propres systèmes de protection des droits de l’homme au niveau national.  Elle a formé le vœu que chaque pays puisse obtenir l’aide extérieure nécessaire pour mettre en place son propre système.  A cet égard, elle a appuyé le concept exposé selon lequel les Nations Unies ne doivent laisser qu’une empreinte légère.


M. LAKHDAR BRAHIMI, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan, a d’emblée déclaré que le travail de l’ONU, en matière d’aide humanitaire et d’activités de reconstruction après les conflits, serait purement et simplement impossible sans partenariats avec les ONG.  Aux quatre coins du monde, l’expérience sur le terrain a démontré qu’il est indispensable que l’Organisation travaille non pas de manière isolée mais toujours en partenariats.  Quel que soit le défi à relever, les ONG offrent toujours une expertise véritable, une expérience et un engagement sans égal.  Ainsi en Afghanistan, cette coopération remonte à de longues années.  Déjà aux pires heures du conflit, l’ONU et les ONG, afghanes et internationales, avaient uni leurs efforts pour permettre d’acheminer une aide humanitaire à la population.  Et ce, souvent loin de l’intérêt des médias, avec très peu de ressources et au péril de la vie de leurs membres.  En l’absence d’institutions gouvernementales, les ONG en Afghanistan ont, à vrai dire, rempli un véritable vide et fourni des services, normalement relevant de la responsabilité des gouvernements.  C’est pourquoi, il n’est guère surprenant aujourd’hui que certains de ces dirigeants d’ONG occupent désormais des postes ministériels. 


Au fur et à mesure que ce partenariat se poursuivra et s’améliorera, il faut, s’agissant des situations post-conflits, garder deux choses fondamentales à l’esprit, a prévenu M. Brahimi.  Tout d’abord, ne pas oublier que le rôle de l’ONU et celui des ONG sont complémentaires et non identiques, les mandats, les règles et les procédures les régissant sont différents, même si les objectifs sont souvent les mêmes.  En second lieu, il faut bien comprendre que le rôle de la communauté internationale se transforme radicalement lorsque l’on parvient à l’étape post-conflictuelle.  Illustrant son propos par l’exemple de l’Afghanistan, où un gouvernement est désormais en place, M. Brahimi a expliqué qu’à ce stade l’ONU ne doit plus s’efforcer de remplir les vides mais d’apporter soutien et aide aux nouvelles autorités.  A cette fin, il faut s’assurer que les activités mises en place renforcent véritablement les capacités nationales et correspondent aux priorités définies par le gouvernement concerné.  Concrètement dans le cas de l’Afghanistan, cela veut dire qu’il faut faire en sorte le plus rapidement possible que les Afghans eux-mêmes soient en mesure d’accomplir, le plus tôt possible, les tâches prises en charge pour l’heure par le personnel international, a précisé le Représentant spécial, ajoutant que le but est en fait de « nous mettre au chômage le plus vite possible ». 


En bref, il s’agit de laisser la plus « petite empreinte étrangère possible » et pour cela, il faut en premier lieu s’assurer que les activités entreprises sont véritablement nécessaires et ne peuvent pas être réalisées par le pays lui-même.  Ensuite, il faut garantir que l’ONU ou les ONG ont un avantage comparatif par rapport à d’autres institutions et organisations, principalement celles issues de la région concernée.  Il faut toujours garder à l’esprit que ce n’est pas parce que ces activités ont été réalisées avec succès dans des dizaines d’autres régions, qu’elles sont nécessairement appropriées à une situation donnée, a averti M. Brahimi.  Il ne faut pas

seulement comprendre les besoins particuliers d’un pays ou d’une région, mais aussi prendre conscience de ses propres limites, a-t-il ajouté.  S’il est encore trop tôt pour déterminer si l’empreinte de l’ONU et des ONG en Afghanistan est démeurée légère, le fait que cette « discrétion » constitue l’un des objectifs de l’initiative est déjà encourageant, a reconnu ensuite le Représentant spécial.  


M. DONALD TREIMANN, Président du Comité exécutif des organisations non gouvernementales (ONG) associées au Département de l’information, s’est félicité du travail de planification de la Conférence ainsi que de la situation financière du Comité exécutif qui représente les 2400 ONG associés aux DPI.  Il a souligné, par ailleurs, les trois ateliers de communication organisés par le DPI l’année dernière et qui, à chaque fois, ont vu la participation de plus de 200 personnes.  Il a salué les progrès en ce qui concerne la page Internet du Comité et a formé le vœu que ce site ait l’écho qu’il mérite.  Dans le même ordre d’idées, il s’est félicité de la tenue de réunions hebdomadaires organisées par la section ONG du DPI et a encouragé les ONG à participer davantage à ces rencontres.  Il a rappelé que le DPI prévoyait de renouveler le centre de ressources des ONG en regrettant que des contraintes d’ordre financier n’aient pas permis d’avancer dans ce domaine.  Je crois fermement, a-t-il conclu, que la question de responsabilités partagées s’applique à tous nos domaines d’intervention, qu’il s’agisse de l’aide humanitaire, de l’assistance économique ou des secours d’urgence.  Enfin, il a formé le vœu que cette conférence soit l’occasion de former de nouveaux partenariats et de nouvelles amitiés. 


Mme RENATE BLOEM, Présidente de la Conférence des organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif auprès de l’Organisation des Nations Unies (CONGO), a rappelé que le CONGO est une organisation indépendante qui regroupe des associations nationales et internationales qui ont des relations avec les Nations Unies.  Le CONGO se propose d’offrir conseil et aide aux ONG pour les aider à se faire entendre.  Ses efforts sont entrepris en coopération avec plusieurs départements de l’ONU, dont ceux des affaires économiques et sociales et de l’information.  Le thème de cette année est d’une importance primordiale, comme les déclarations de

Mme Robinson et de M. Brahimi l’ont clairement illustré, a estimé ensuite

Mme Bloem.  On sait déjà que la participation de représentants de la société civile aux efforts de paix est souvent très bénéfique et peut permettre de résoudre bien des problèmes.  Toutefois, il ne faut pas oublier le caractère complémentaire des rôles de chacun.  Une fois la paix scellée, la société civile continue de jouer un rôle très important même si différent. 


Lors du Forum des ONG du millénaire, qui avait rassemblé en 2000 plus de 1000 ONG, les représentants se sont entendus sur un plan d’action ouvrant, en fait, la voie à la Déclaration du millénaire, a rappelé Mme Bloem.  L’accent y était mis sur la prévention des conflits et le maintien de la paix, mais aussi sur les efforts de reconstruction et de désarmement, afin de protéger tous les principes liés aux droits de l’homme.  Ce document soulignait aussi la nécessité d’empêcher de transformer l’aide humanitaire en un nouveau marché pour les sociétés privées.  Il y a quelques jours, à Johannesburg, les gouvernements se sont entendus sur un certain nombre de mesures, bien que timides, qui permettront d’améliorer la vie des personnes qui vivent dans la pauvreté.  De nouveaux partenariats entre ONG, gouvernement et entreprises ont été scellées également à cette occasion, mais déçues par le manque d’ambition, les ONG ont adopté une déclaration propre réaffirmant l’indivisibilité de tous les droits humains, sociaux et économiques, a aussi expliqué Mme Bloem, avant d’indiquer que les deux prochains jours de travaux fourniront l’occasion d’illustrer ce principe de manière constructive. 


Mme SHERRILL KAZAN ALVAREZ DE TOLEDO, Présidente du Comité de planification de la conférence, a salué les 2700 participants qui représentent plus de 650 ONG originaires de 85 pays et a évoqué les nombreuses organisations qui auraient souhaité être ici, mais n’ont pas pu pour des problèmes de visa, en formant le vœu que ces questions soient réglées l’année prochaine.  Elle a souhaité la bienvenue aux 200 jeunes qui participent à cette rencontre et qu’elle a définie comme une garantie de longévité aux travaux menés ici.  Elle a précisé que les travaux de cette conférence se tiendront autour de 5 domaines clefs que sont le respect du droit et de la bonne gouvernance; les services sociaux; la reconstruction économique; la réconciliation; et la démobilisation, désarmement et réintégration. 


Elle a précisé que le thème choisi cette année nous unit dans une responsabilité commune, dans l’action et dans la solidarité envers une société qui n’est pas toujours très civile.


Table ronde intitulée “Rétablir l’état de droit et encourager la bonne gouvernance”


Lançant la table ronde en qualité d’animateur, M. HANS CORELL, Conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies, a insisté sur l’importance de la liberté d’expression et d’association, dont le respect est essentiel pour jeter les bases d’un système démocratique.  Malheureusement, l’expérience nous montre qu’à ce jour, il n’y a tout simplement pas de système respectueux des droits dans les pays victimes de conflits.  Dans ces conditions, il convient de se demander s’il est véritablement possible d’appliquer les normes internationales inscrites dans plusieurs textes fondateurs, comme la Convention relative aux droits civils et politiques.  Il faut aussi se souvenir que les Nations Unies n’ont pas la marge de manoeuvre dont disposent les Etats et ne peuvent pas, par exemple, recourir à des mesures d’exception.  Ainsi récemment au Kosovo et au Timor oriental, il a fallu que l’Organisation prenne en charge des aspects constitutionnels importants, y compris en matière de législation, tout en garantissant que l’administration fonctionnait de manière juste et dans le plein respect du droit.  C’est pourquoi notamment, en promulguant les règlements, ainsi que l’ONU appelle les lois adoptées par les administrations transitoires au Kosovo et au Timor oriental, le Représentant du Secrétaire général fait en sorte d’associer dès que possible les communautés locales.  De même, en matière de maintien de l’ordre, il n’y a souvent pas de police dans ces pays et ces dernières années les Nations Unies ont dû exercer des activités de maintien de l’ordre pur et simple et former une force de police nationale, tout en évitant que les éléments criminels de la société ne profitent trop de la situation.  Les lacunes d’un système judiciaire,  ou son absence, comptent aussi parmi les nombreux défis à relever.  Dans tous ces domaines, bien souvent l’Organisation part de zéro, a reconnu le Conseiller juridique, avant d’expliquer que le respect des coutumes locales constitue bien souvent l’un des dilemmes les plus difficiles à résoudre pour les Nations Unies.  En effet, si parfois les traditions locales ne correspondent pas pleinement aux normes internationales suivies par les Nations Unies, par exemple en matière de droit foncier, il n’empêche qu’elles constituent souvent la manière de régler le plus immédiatement et temporairement les problèmes.  Trouver les personnes compétentes pour mener à bien ces tâches est le dernier défi d’ampleur à relever et permet de mieux comprendre les difficultés qu’ont les Nations Unies à réaliser les tâches qui leur sont confiées en matière de reconstruction post-conflit, a également fait observer M. Corell, avant d’ajouter qu’il est important de bien comprendre ce contexte pour aborder la présente table ronde.


Mme FRANÇOISE BOUCHET-SAULNIER, Directrice des affaires juridiques à Médecins sans frontières, a fait part de son expérience de juriste au sein de Médecins sans frontières et du travail de réflexion mené sur l’évolution des contextes de l’action humanitaire.  A cet égard, elle a évoqué quatre leçons générales tirées de la pratique, à savoir : La marginalisation et l’instrumentalisation des victimes de guerre dans le processus de reconstruction ; La dynamique de l’impunité et entraves au retour de l’état de droit ; ne pas confondre justice et administration judiciaire ; passer du droit dans la guerre à la justice dans la paix; avant de donner des exemples d’actions concrètes pour donner force au droit.  Elle a appelé à regarder la paix avec les mêmes yeux avec lesquels on a regardé la guerre, car les forces de la guerre restent présentent dans les situations de sortie de crise. 


 En ce qui concerne « la marginalisation et l’instrumentalisation des victimes de la guerre », elle a déclaré qu’il y a un réflexe pour tous les nouveaux pouvoirs de tirer une légitimité des souffrances vécues par les populations civiles durant la guerre pour finalement justifier le changement de pouvoir en cours alors que celui-ci se caractérise souvent par le maintien de la marginalisation des populations.  Si l’on veut renforcer la société civile, il faut que les populations victimes soient au premier plan du processus politique de réhabilitation.  A titre d’illustration, elle a cité le Rwanda où les victimes civiles ont été oubliées durant trois ans dans le processus  de reconstruction.  De même en Angola, il y a actuellement une attention dérisoire aux populations civiles qui sortent des zones qui étaient contrôlées par l’UNITA, parce qu’elles ne présentent aucun intérêt politique.


S’agissant de « la dynamique de l’impunité », elle a rappelé que l’histoire des sociétés s’est construite sur l’histoire de l’impunité.  Depuis Nuremberg et les Tribunaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie, la tendance a un peu changé au niveau international.  Mais,

a-t-elle précisé, la dynamique de justice internationale ne peut se mettre en place sans un soutien international.  A titre d’illustration elle a évoqué les démarches entreprises par des femmes violées par des militaires au Congo Brazzaville en 1999, plaintes qui ont été paralysées parce qu’aucun juge n’a voulu se lancer dans l’interprétation de la loi de l’amnistie, pour ne pas avoir à se prononcer sur tous les abus pratiqués par les militaires, avec toutes les conséquences que cela aurait pu entraîner.  On ne pourra faire reculer l’impunité qu’en comprenant tout ce que nous avons à perdre en

maintenant l’impunité.  Ainsi, deux ans après la fin du conflit, les viols continuent avec la même ampleur et aujourd’hui la moitié des victimes a moins de 12 ans, du fait de cette absence de remise en cause et d’un minimum de contrôle social.  Une pseudo-réconciliation se transforme toujours en destruction sociale.


Évoquant le point «Ne pas confondre justice et administration judiciaire», elle a cité le cas du Rwanda où de nombreuses ONG se sont regroupées pour soutenir la reconstruction judiciaire du Rwanda.  A cet égard, elle a précisé que l’expérience nous montre qu’il ne suffit pas de donner de l’argent à une administration, pour qu’elle «fabrique» de la justice.  On ne peut renforcer le discours sur la lutte contre l’impunité sans développer les moyens d’action pratique.  En ce domaine, elle a dénoncé les graves lacunes de compréhension et d’action des différents acteurs nationaux et internationaux, et le manque d’initiatives à l’échelle du défi qui est posé. 


En ce qui concerne la nécessité de « Passer du droit dans la guerre à la justice dans la paix », elle a déclaré que si on sépare ces deux périodes on est dans une attitude de mauvaise conscience.  C’est dès la période de conflit qu’il faut dénoncer les crimes qui doivent être punis.  En Sierra Leone ou au Cambodge, on se rend compte qu’on a d’abord dénoncé les crimes les plus atroces pratiqués par ceux qui ont perdu, en oubliant ainsi que les crimes sont commis par les deux côtés.  L’histoire de la négociation politique, a-t-elle précisé, montre qu’il y a entente sur le silence.  Il est très important de ne pas passer l’éponge sur l’ensemble de ces crimes et que soit laissée à toutes les victimes, même celles de la mauvaise partie, la possibilité de se faire entendre. 


Evoquant les réponses à formuler, elle a cité la nécessité de reconnaître les crimes au moment où ils sont commis, afin de limiter les risques de révisions ou de négations ultérieures, mais aussi de briser le tabou du silence sur ces crimes lors du retour à la paix. 


En conclusion, elle a expliqué que le combat pour le droit et la justice ne peut attendre le retour à la paix, car tant que l’on a pas qualifié les crimes commis pendant le conflit, on ne peut rompre la terreur, le silence, le mensonge et la violence, qui continueront à s’imposer longtemps après le conflit.  Dans ce contexte, le soutien au retour à la paix et à l’état de droit exige la reconnaissance des violences pendant le conflit et le soutien aux victimes.  Il n’appartient pas aux ONG de dire ce qui est bien ou mal, mais de mettre en lumière des éléments cachés par négligence ou par complaisance, dans une démarche de participation à la décision politique lucide et courageuse qui appartient aux gouvernements concernés. 


Evoquant l’exemple de son pays M. GERALD GAHIMA, Procureur général à la Cour suprême du Rwanda, a indiqué que l’expression “rétablir l’état de droit” est, ainsi que l’a expliqué l’intervenante précédente, souvent une aberration.  Ce fut en tout cas le cas au Rwanda où il n’y avait jamais eu de primauté du droit ou d’état de droit avant 1994.  Dans la plupart des pays victimes de conflits, l’impunité est devenue la norme et un véritable pilier des institutions en place.  Dans le cas du Rwanda, cette situation a laissé la voie ouverte au génocide de plus d’un million de personnes en l’espace de 100 jours.  Les institutions de l’Etat avaient en fait purement et simplement cessé d’exister.  Lorsque le nouveau Gouvernement a pris les rênes du pays en 1994, la plus grande difficulté à laquelle il a dû faire face est qu’il s’agissait d’un génocide commis par des Rwandais contre d’autres Rwandais.  Dans ces circonstances, l’instauration d’un état de droit doit devenir la pierre angulaire de tous les efforts de reconstruction, car il ne peut y avoir de paix et de stabilité sans réconciliation et il ne peut y avoir de réconciliation sans justice, a estimé M. Gahima, avant d’ajouter que l’état de droit n’est rendu possible que par l’élimination de l’impunité. 


Les choix au Rwanda ont été extrêmement difficiles à faire et il aurait été presque plus facile de ne pas arrêter les coupables en raison de l’absence totale d’infrastructures.  Comment en effet juger et sanctionner des centaines de milliers d’individus ayant commis de telles atrocités en appliquant le Code pénal rwandais, qui prévoit la peine de mort en cas de meurtre et d’assassinat?  Le choix a été de donner la primauté à la responsabilité des personnes et afin que l’application du droit ne débouche pas sur des violences supplémentaires, une distinction a été faite entre les dirigeants et les subordonnés.  Ainsi pour les véritables responsables, les textes ont été complètement appliqués, alors que pour les personnes ne faisant qu’exécuter des ordres, les peines ont été plus légères que ne le stipule le Code pénal.  Parallèlement, il a fallu construire un nouveau système judiciaire, à commencer par les forces de police.  A l’heure actuelle, plus de 100 000 personnes se trouvent toujours en prison en attente d’être jugées.  En 2001, 2 500 personnes ont été jugées, portant ainsi le nombre total des procès à 6 000.  Pour gérer le volume exceptionnellement important de personnes à juger, il a aussi été décidé de recourir à une coutume traditionnelle appelée la gacaca ou la “justice sur l’herbe”, où la justice est rendue par les “sages du village” de manière consensuelle, une formule permettant aux crimes secondaires d’être traités plus rapidement.  De l’avis du Procureur général, cette formule unique, alliant justice traditionnelle et normes internationalement reconnues et appliquées, devrait permettre au Rwanda de surmonter plus facilement et plus rapidement les traumatismes du génocide. 


Se tournant ensuite vers le rôle de la communauté internationale,

M. Gahima a regretté qu’il soit souvent teinté d’un défaitisme.  La communauté internationale semble parfois incapable d’interrompre un génocide ou des violations des droits de l’homme.  Or l’on aurait pu éviter le génocide rwandais ou du moins y mettre un terme.  Le Gouvernement rwandais a mis trois mois pour cela et la communauté internationale aurait bien sûr pu l’arrêter plus rapidement.  L’un des problèmes dans les situations post-conflits de ce genre est que l’on met parfois trop l’accent et que l’on accorde trop de ressources à certains mécanismes internationaux aux dépens des infrastructures nationales.  Ainsi dans le cas du Rwanda après la fin du génocide, l’ONU a décidé d’envoyer une mission de maintien de la paix, dont le budget était plus important que le budget national, et ce, alors que la paix avait déjà été rétablie.  Il est difficile de ne pas imaginer quels bénéfices les institutions nationales auraient pu tirer de telles ressources. 


En conclusion, M. Gahima a déclaré que la justice est essentielle pour la réconciliation et la reconstruction après un conflit.  Mais il faut faire en sorte que règne l’état de droit et pas seulement que justice soit rendue.  Ensuite, il faut une certaine dose de flexibilité, l’objectif devant être avant tout de faire comprendre que l’impunité ne sera pas tolérée.  La justice n’est pas une fin en soi, mais simplement l’une des étapes de la construction démocratique.  Il faut aussi tenir compte des situations particulières de chaque pays et ce faisant le processus de réconciliation doit impérativement viser à unir la population et non à la diviser davantage.  Il faut aussi améliorer la réponse de la communauté internationale, notamment en vue de mieux répartir les ressources.


Mme PRISCILLA HAYNER, Directrice de programme au Centre international de justice transitoire, a déclaré qu’on se rend compte au vu des situations dans les différents pays qui sont sortis d’une période de conflit, de la difficulté de rétablir l’état de droit après une période sombre.  Concernant les moyens de faire face à ce type de situation, elle a déclaré que cela est souvent défini par le terme de « justice de transition » qui, par nature, est interdisciplinaire et répond à des impératifs nationaux.  Dans la mesure où ces questions retiennent de plus en plus l’attention, la communauté internationale a un rôle essentiel à jouer.


Si les tribunaux ne s’acquittent plus du mandat qui leur est confié, les fondements du droit s’affaiblissent et la population cesse de croire en sa société.  Mais en période de transition, il y a un tel nombre de plaintes que le système judiciaire est incapable d’y faire face.  Il faut suivre de près ce qui se passe au Guatemala, au Chili et en Argentine, par exemple.  Le modèle d’un tribunal mixte comprenant des procureurs nationaux et internationaux (Sierra Leone) offre une solution potentielle très importante pour répondre au besoin de justice. 


« Quelle type de justice doit-on rendre aux victimes des crimes », s’est-elle demandée ?  Il s’agit de réformer les institutions pour éviter de nouvelles violations des droits de l’homme et faire en sorte que, tous ceux qui ont porté atteinte au droit soient écartés de leur poste de responsabilité.  Le recours a une commission de réconciliation et vérité pour déterminer ce qui peut se faire à l’avenir et reconnaître l’existence de faits qui ont souvent été niés par les autorités et informer les populations sur l’ampleur des crimes est une démarche à conseiller.  Car une  telle commission peut être une frontière entre le passé et un futur synonyme d’état de droit.  Elle a cité, à titre d’illustration, l’exemple de la commission mise en place au Timor oriental, qui a su mettre en place des mécanismes locaux et assurer la réintégration de criminels. 


Lorsque l’on consulte la population, a-t-elle précisé, on obtient des résultats meilleurs que dans le cadre de négociations de couloir.  En Sierra Leone, la loi sur la réconciliation et vérité a fait suite à une vaste consultation de la population, ce qui a assuré son succès.  Par ailleurs, de nombreuses expériences nous montrent que les ONG ont joué un rôle déterminant dans la transition vers des systèmes judiciaires satisfaisants.  Mais, les acteurs nationaux doivent rester à la tête de toutes les initiatives pour renforcer ces systèmes judiciaires.  La nature de ces mécanismes nécessite que les initiatives viennent du pays lui-même.  Toute mesure qui permet l’impunité doit se heurter à une vive opposition en expliquant les motivations de cette opposition.  Elle s’est dite persuadée que dans les années à venir nous assisterons à des évolutions intéressantes en matière de justice de transition. 


M. DANILO TURK, Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, a expliqué que pour tous les cas traités par le Département des affaires politiques, les questions de bonne gouvernance sont essentielles.  L’un des premiers problèmes à surmonter est que souvent les mesures sont prises beaucoup trop tardivement et que les outils à disposition pour prévenir certains actes, comme le génocide, ne sont pas utilisés.  Le Département des affaires politiques intervient donc d’emblée dans une situation imparfaite.  En situation post-conflit, d’un point de vue politique, le dilemme est très souvent le suivant : la justice doit-elle être rétributive et se fonder uniquement sur les droits des victimes, ou doit-elle se fonder sur la réconciliation.  Il s’agit toutefois d’une fausse interrogation, a estimé

M. Türk, car sans vérité et sans justice, il n’y a pas de réconciliation possible.


Il faut ensuite trouver une solution au dilemme qui se pose entre édification de la paix et édification d’une nation.  Très souvent, en effet, les institutions internationales arrivent dans un pays sans infrastructures et la tentation de prendre en charge toutes les activités est très forte.  Or, il faut impérativement que les acteurs locaux assument leurs responsabilités et soient encouragés à le faire de plus en plus.  C’est d’ailleurs la position pour laquelle a opté l’ONU en Afghanistan afin de ne pas y avoir une présence trop marquée et de permettre à la population de reprendre rapidement en main son pays. 


Au plan pratique, les choses se compliquent encore, a poursuivi le Sous-Secrétaire général, car la question de la sécurité des populations mais aussi du personnel international sur place vient s’y greffer.  Il est indispensable pour régler tout problème d’assurer un degré minimum de sécurité.  On s’est aussi rendu compte que pour parvenir à une bonne gouvernance, il est fondamental d’instaurer un dialogue politique réel au sein des sociétés ravagées par la guerre.  Au Tadjikistan, par exemple, il a fallu encourager une nouvelle culture politique pour garantir la durabilité de la paix et l’instauration d’un processus politique sain.  Autant de problèmes, pour lesquels n’existe aucune solution toute faite et qui dépassent le seul domaine de la justice à proprement parler.  L’un des plus grands défis est de faire en sorte que les activités post-conflits débouchent sur des structures politiques légitimes, cela exige un travail particulier dans le domaine électoral.  En Afghanistan, par exemple, pays ravagé par 20 ans de guerre et où il n’y a jamais eu d’élections, l’établissement d’une simple liste électorale constitue un défi énorme alors que des élections sont prévues d’ici deux ans, conformément à l’Accord de Bonn.  C’est pourquoi, il est si important d’encourager avant tout les capacités locales, a conclu

M. Türk. 


Répondant à une question sur la complémentarité des programmes internationaux et le rôle des institutions nationales, M. GAHIMA a regretté que la communauté internationale porte trop son attention sur les mécanismes internationaux et pas assez sur les programmes locaux.  Pour le Rwanda , 8 années et 600 millions de dollars plus tard, il n’y a eu au niveau international, que 5 procès et 3 mises en accusation.  Si cet argent avait été consacré à nos forces de police, nous aurions préparé l’avenir de bien meilleure façon.  Il a conclu que les tribunaux internationaux doivent certes exister, mais pas aux dépens du renforcement des capacités nationales.


Répondant à une question sur le rôle de Médecins sans frontières au Kosovo,  Mme BOUCHET-SAULNIER a expliqué qu’après le conflit l’ONG a rapidement retiré ses équipes, puisque beaucoup de moyens ont été accordés au Kosovo qui était très médiatisé.  La contribution de Médecins sans frontières se passe avant tout pendant le conflit et dans le cas du Kosovo, a-t-elle expliqué, nous nous sommes documentés dans les camps de réfugiés sur le processus criminel, la destruction des documents d’identité et des maisons.  Nous avons procédé dès que possible à la qualification des crimes et à la définition des réponses à donner pour la réparation. 


Répondant à une question sur les risques en matière de vengeance que présente la participation de groupes communautaires au processus de justice, Mme HAYNER a souligné l’importance de se tourner vers les acteurs locaux, afin de voir comment il est possible de réagir à ces actes.  Si, la responsabilité est traitée sous ses diverses formes et dans le temps et la justice appliquée, le risque de vengeance est faible. 


Répondant à une question sur la frontière entre les termes « combattants de la liberté » et « terroristes », notamment au Moyen-Orient, M. DANIELO TURK, a déclaré qu’il fallait bien établir les paramètres de la question.  La situation de la Palestine n’est pas la même que celle de la Tchéchénie, a-t-il précisé.  Je dirai que les efforts actuellement en vigueur portent surtout sur des activités diplomatiques - notamment par le biais du Quartet - qui peuvent contribuer à résoudre le problème palestinien.  Pour la Tchéchénie, l’intervention de la communauté internationale est beaucoup plus limitée. 


Répondant à une question sur le non-recours au Rwanda d’une Commission vérité et réconciliation à l’instar de ce qui s’est fait en Afrique du Sud, M. GAHIMA, a expliqué que ceci a été proposé au Rwanda par des gens de l’extérieur.  On ne peut appliquer d’amnistie dans une situation où un million de personnes sont victimes d’un génocide, lorsque des familles entières sur quatre générations ont été éliminées.  Grâce au système gacaca mis en place au Rwanda, nous avons préféré des peines réduites à une amnistie. 


Répondant à une question sur les moyens de la communauté internationale, M. CORELL, a déclaré qu’il s’agit de voir ce qui s’est fait dans le passé pour ne pas répéter les mêmes erreurs et, dans ce contexte, a espéré que la nouvelle Cour pénale internationale permettra de progresser dans ce domaine. 


Répondant à une question sur les liens entre les objectifs de justice et les objectifs liés à la santé de Médecins sans frontières, Mme BOUCHET-SAULNIER a expliqué que comme les impératifs de santé s’adressent souvent aux pays en sortie de crise, il est nécessaire de s’appuyer sur le droit de la guerre et d’aborder la définition de responsabilité des acteurs du secours, qui peuvent malheureusement être aussi bien témoins que complices de crimes.  Car, l’aide humanitaire peut être utilisée dans des situations où les populations visées sont condamnées.  Elle a cité des exemples, où des acteurs humanitaires ont rassemblé des populations qui ont ensuite été massacrées.  Il se pose à nous le dilemme de savoir à quel moment il faut soigner et à quel moment il faut parler, a-t-elle expliqué. 


Répondant à une question sur la position à adopter face à des jeunes qui ont participé à des crimes de guerre, Mme HAYNER a évoqué la question d’enfants qui ont été kidnappés et contraints de participer à des actes de violences.  Elle a évoqué la nécessité de donner aux enfants qui le souhaitent de ne pas témoigner en public et de les protéger.  En Afrique du Sud, des séances de ce type se sont tenues pour les questions qui concernent les enfants.


Interrogé sur les efforts fournis par l’ONU pour créer un groupe d’experts internationaux en matière d’état de droit et de bonne gouvernance, M. TURK a tout d’abord fait remarquer que les tâches de plus en plus complexes assumées par les Nations Unies en matière de restauration de la paix et de reconstruction des pays sont relativement récentes.  Il n’est pas sûr toutefois qu’un groupe de spécialistes internationaux soit véritablement capable d’apporter une aide réelle.  La formation est certes très importante, mais le problème consiste avant tout à savoir comment apporter une aide tout en faisant en sorte que le système mis en place est approprié par la population locale.


A un représentant d’ONG qui demandait quel est le pourcentage de femmes dans les tribunaux rwandais traditionnels, les “gacaca”, M. GAHIMA a indiqué qu’un grand nombre de femmes avaient été élues dans toutes les institutions de la société.  En ce qui concerne le rôle des femmes dans les commissions réconciliation/vérité, Mme HAYNER a, elle, estimé que le fait que l’expérience des commissions vérité n’a jusqu’à présent pas toujours été très positive a, paradoxalement, permis de mieux comprendre comment incorporer de manière plus efficace et plus constructive les témoignages et l’action des femmes dans ces organes.


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