BIEN CIBLEE ET UTILISEE A BON ESCIENT, L’AIDE D’URGENCE EST PARFOIS CE QUI SEPARE LA VIE DE LA MORT ET LA DIGNITE DU DESESPOIR
Communiqué de presse DSG/SM/179 |
IHA/749
BIEN CIBLEE ET UTILISEE A BON ESCIENT, L’AIDE D’URGENCE EST PARFOIS CE QUI SEPARE LA VIE DE LA MORT ET LA DIGNITE DU DESESPOIR
On trouvera ci-après le texte de l’allocution que la Vice-Secrétaire générale, Mme Louise Fréchette, prononcera le 19 novembre, à Berne, Suisse, à l’occasion du lancement des appels globaux interinstitutions pour 2003:
Je tiens tout d’abord à remercier le Gouvernement et le peuple suisses d’avoir organisé cette manifestation. Ils nous donnent ainsi un gage de plus de leur ferme attachement aux valeurs des Nations Unies et de leur longue tradition d’humanitarisme.
Aujourd’hui, dans plusieurs villes du monde, les organismes des Nations Unies et leurs partenaires dans le domaine humanitaire, à savoir les pays donateurs, les organisations non gouvernementales et le mouvement de la Croix-Rouge, se réunissent pour lancer les appels globaux interinstitutions pour 2003, au nom de plus de 50 millions de victimes de conflits, de catastrophes naturelles et d’autres situations d’urgence.
Nous sommes ici pour sensibiliser l’opinion à leur détresse. Nous sommes ici pour demander une aide qui servira à leur fournir denrées alimentaires, abris, médicaments et autres secours indispensables. Nous sommes ici pour réaffirmer l’engagement que nous avons pris d’améliorer la coordination de l’assistance humanitaire. Enfin, nous sommes ici pour réaffirmer à quel point il importe de s’attaquer aux causes premières des conflits et des troubles.
Ces dernières années, les appels globaux ont surtout eu pour objet de venir en aide aux femmes victimes de conflits et d’améliorer l’accès humanitaire aux populations dans le besoin. Le thème retenu cette année, «Espoir pour l’avenir», nous rappelle que l’assistance humanitaire n’est pas une fin en soi, mais qu’elle doit s’accompagner de mesures destinées à hâter la transition entre la situation d’urgence et le développement, et à favoriser le retour à la vie normale après les ravages de la guerre. Nous ne pouvons pas nous contenter d’apporter des secours matériels, il nous faut avant tout rendre l’espoir.
Il ne s’agit pas de documents établis au siège des organisations. Chaque appel est le produit d’un processus qui commence dans le pays concerné, où les divers organismes collaborent avec les gouvernements, les autorités locales et les différents partenaires pour recenser les besoins, élaborer des stratégies et déterminer quels fonds et programmes seront appelés à intervenir.
Les appels sont un outil essentiel pour assurer une plus grande efficacité et une meilleure utilisation des ressources provenant des donateurs, en évitant les doubles emplois. Institués par l’Assemblée générale des Nations Unies, ils visent à répondre aux situations d’urgence dont l’ampleur est telle qu’elle dépasse le mandat et les capacités de chaque organisme pris isolément et qui exigent donc une approche coordonnée à l’échelle du système.
Les appels visent à intervenir dans les pays où les besoins humanitaires sont les plus aigus: crises complexes ou catastrophes naturelles particulièrement violentes ou meurtrières, déplacements massifs de population, désorganisation des activités économiques et lourds dégâts à l’infrastructure, situations dans lesquelles l’acheminement de l’assistance est compliqué par des contraintes politiques et militaires et qui comportent des risques importants pour la sécurité du personnel humanitaire. Le fait qu’un pays ne soit pas inclus dans un appel ne signifie pas qu’il ne connaisse aucun problème humanitaire, mais il est vrai que l’objectif des appels globaux est d’intervenir dans des situations qui requièrent une assistance humanitaire massive et plurielle.
Aujourd’hui et demain, dans d’autres manifestations semblables à celle-ci, le Haut Commissaire pour les réfugiés, le Haut Commissaire aux droits de l’homme, les chefs de secrétariat du Programme alimentaire mondial et du Programme des Nations Unies pour le développement, ainsi que d’autres hauts responsables des Nations Unies, lanceront un appel de fonds pour répondre aux besoins criants des populations dans les zones les plus en crise de la planète. Dans chacune de ces manifestations, à Bruxelles, à Canberra, à La Haye, à Luxembourg, à Tokyo et à Washington, on dressera l’inventaire des besoins au niveau mondial en jetant un coup de projecteur sur certaines situations particulières. Les responsables de l’action humanitaire des Nations Unies viendront témoigner des souffrances qu’endurent des populations qui luttent quotidiennement pour survivre, ainsi que des perspectives de paix dans le Nord-Caucase, en Guinée et dans le territoire palestinien occupé.
En Afrique, deux grandes crises doivent retenir d’urgence notre attention. En Afrique australe et dans la corne de l’Afrique, la sécheresse est si persistante et si grave qu’en 2003, dans ces deux seules régions, près de 30 millions de personnes auront besoin d’assistance, principalement alimentaire. Mais la nourriture n’est qu’une partie du problème. La pandémie du VIH/sida aggrave encore la famine parce qu’elle a fauché un grand nombre d’agriculteurs, obligeant les enfants à quitter l’école et sollicitant à l’extrême la solidarité familiale et les systèmes de santé. Les effets conjugués de ces crises régionales et le fait qu’elles se produisent simultanément placent la communauté internationale face à une catastrophe sans précédent qui suscitera, je veux l’espérer, une réponse aussi prompte que généreuse.
Pour la plupart des pays sur lesquels portent les appels de cette année, la crise n’a rien de nouveau. Pour presque tous, un appel a déjà été lancé l’année dernière, voire aussi l’année précédente.
Il n’empêche que, dans certains endroits, les progrès ont été suffisants pour que l’on puisse sortir de la phase d’urgence. La Bosnie-Herzégovine en est un exemple. Dix ans après que le conflit a éclaté, l’Europe du Sud-Est retrouve peu à peu la stabilité. C’est pourquoi aucun des appels de cette année ne porte sur cette région. Les organismes humanitaires et de développement continuent, bien sûr, d’y collaborer avec les entités gouvernementales compétentes pour régler durablement le problème des réfugiés, des déplacés et d’autres groupes marginalisés, dans le cadre de programmes plus vastes de développement communautaire et de lutte contre la pauvreté. Là comme ailleurs, l’assistance doit se poursuivre et la communauté internationale, demeurer impliquée sur le plan politique.
Les appels globaux de cette année, qui visent à recueillir 3 milliards de dollars, sont destinés à venir en aide à plus de 50 millions de personnes, dans 30 pays et régions.
J’ai l’espoir que les bailleurs de fonds accroîtront le montant de leurs contributions. Alors que l’année dernière les appels globaux ont eu des résultats relativement bons, les fonds reçus pour cette année ne suffisent encore qu’à couvrir la moitié des besoins. D’une manière générale, le montant des fonds consacrés à l’aide humanitaire n’a pas changé depuis 10 ans, alors que les besoins se sont accrus entre-temps. Qui plus est, les efforts déployés pour répondre à des crises importantes ont souvent pour effet de détourner des ressources d’autres appels, au lieu de susciter le surcroît de générosité qui serait nécessaire.
J’engage aussi les donateurs à verser leurs contributions en fonction des besoins et en respectant les principes d’impartialité et du droit universel à l’assistance.
En raison de l’attention des médias ou de considérations politico-stratégiques, certaines crises suscitent davantage de financement que d’autres, ce qui se traduit par de fortes inégalités entre les pays. Ces dernières années, les deux crises qui ont le plus retenu l’attention des médias, ont reçu à elles seules presque autant de ressources que toutes les autres ensemble. En d’autres termes, les donateurs ont montré qu’ils étaient capables de faire reculer la souffrance, comme ils l’ont fait dernièrement en Afghanistan et avant cela au Kosovo, en Bosnie et au Rwanda. Mais la communauté internationale a été bien moins prompte à l’action dans d’autres cas, où les besoins sont aussi importants, mais qui ne défraient pas la chronique. La guerre civile au Burundi, par exemple, est une urgence oubliée, qui ne retient guère l’attention. Pourtant, elle a déjà fait 300 000 morts parmi la population civile.
Les secours alimentaires sont souvent la forme d’aide dont les pays ont besoin avec le plus d’urgence, mais ils ne suffisent pas. Pour que l’aide alimentaire soit vraiment efficace, il faut aussi un accès à l’eau potable, des semences et des outils, ainsi que des opérations de déminage pour permettre aux populations de recommencer à cultiver leurs terres au lieu de rester tributaires de l’aide internationale.
Bien souvent, le secteur de la santé manque aussi cruellement de ressources. Il est pourtant vital, d’autant que les maladies et les épidémies sont opportunistes en ce sens qu’elles gagnent, en temps de guerre et de troubles, des populations jusque-là en bonne santé. Soixante-six pour cent des épidémies surviennent dans des situations d’urgence complexes. Entre 1999 et le milieu de l’année 2001, 2,5 millions de personnes sont mortes en République démocratique du Congo, non sous l’effet de balles ou de machettes, mais de maux évitables comme la malnutrition, la diarrhée et le paludisme. Or, une insuffisance de ressources dans ce domaine risque de réduire l’efficacité globale d’autres opérations de secours et programmes humanitaires, en particulier lorsqu’ils ont trait à l’eau, à l’assainissement et à l’alimentation.
Bien ciblée et utilisée à bon escient, l’aide d’urgence est parfois ce qui sépare la vie de la mort, la dignité du désespoir. Je remercie les donateurs de leurs contributions passées et les exhorte à en faire encore pour montrer que la communauté internationale n’est pas insensible. Engageons-nous à tout faire pour rendre espoir dans l’avenir à des millions de personnes en détresse. Je vous remercie.
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