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DSG/SM/160

L’INSTANCE PERMANENTE DES POPULATIONS AUTOCHTONES DOIT ETRE LA VITRINE QUI PRESENTE L’APPORT DE CES POPULATIONS A LEUR SOCIETE, SOUHAITE MME LOUISE FRECHETTE

13/05/2002
Communiqué de presse
DSG/SM/160


                                                            HR/4590


L’INSTANCE PERMANENTE DES POPULATIONS AUTOCHTONES DOIT ETRE LA VITRINE QUI PRESENTE L’APPORT DE CES POPULATIONS A LEUR SOCIETE, SOUHAITE MME LOUISE FRECHETTE


On trouvera ci-après le discours de la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Louise Fréchette, à la première session de l’Instance permanente des populations autochtones, qui s’est déroulée à New York, le 13 mai 2002 :


C’est avec grand plaisir que je me joins à vous en cette journée véritablement historique pour les populations autochtones du monde et pour l’Organisation des Nations Unies.


Je tiens à remercier M. Sid Hill pour cet accueil traditionnel plein de beauté et d’émotion. M. Hill porte un titre vieux peut-être d’un millier d’années : celui de Tadodaho, c’est-à-dire de chef spirituel, des six nations qui composent le peuple Haudenosaunee d’Amérique du Nord. M. Hill, vos paroles augurent bien de la suite de nos travaux.


La création de l’Instance permanente des populations autochtones représente une étape importante dans la lutte que mènent des milliers de peuples autochtones pour faire reconnaître leurs droits et leur identité. C’est avant tout aux peuples autochtones eux-mêmes que revient le mérite de s’être unis pour donner naissance à cette instance. Mais il faut aussi applaudir le Conseil économique et social, qui a pris la sage décision d’instituer l’Instance, et en particulier ceux de ses membres qui prônent depuis longtemps une participation accrue des populations autochtones aux travaux de l’ONU. Et il faut féliciter la Haute Commissaire aux droits de l’homme et ses collaborateurs, qui n’ont pas ménagé leurs efforts.


Ce moment est attendu depuis longtemps. Dans les années 20, les Indiens d’Amérique se sont adressés à la Ligue des Nations, mais se sont heurtés à une indifférence totale. Toutes les autres tentatives faites au sein du système des Nations Unies se sont soldées de la même façon jusque dans les années 50, quand l’Organisation internationale du Travail s’est faite un des plus ardents défenseurs des droits des populations autochtones. Bien trop longtemps, les peuples autochtones ont eu raison de dire que leur voix était étouffée par l’intolérance et l’indifférence. Désormais, cette instance sera là pour les aider à se faire entendre.


Les quelque 300 à 500 peuples autochtones du monde sont très divers. Certains vivent de la chasse et de la cueillette; d’autres sont des peuples de citadins. Certains constituent d’infimes minorités; d’autres sont quasiment en majorité. Certains vivent dans les pays les plus développés et les plus puissants du monde, d’autres dans les endroits les plus reculés et les plus vierges de la planète. Mais ils sont tous unis par un même sentiment d’appartenance à une culture particulière.


Une telle diversité va nécessairement de pair avec une grande complexité. Tous les peuples autochtones n’ont pas les mêmes priorités; certains veulent avant tout préserver leurs terres, d’autres leur culture. Et tous les membres de chaque peuple autochtone ne partagent pas les mêmes points de vue. Certains veulent préserver leurs modes de vie, à l’abri de tout changement, tandis que d’autres veulent participer pleinement à la vie matérielle et culturelle des sociétés qui les entourent. On ne saurait, sans sombrer dans la caricature, voir les peuples autochtones du monde comme monolithiques, ou chaque population autochtone comme un tout uniforme. Comme le reste de l’humanité, comme toutes les cultures et toutes les civilisations, les peuples autochtones changent, mûrissent et s’adaptent continuellement en fonction de l’époque et des circonstances.


S’il y a une chose que les peuples autochtones ont en commun, c’est un passé marqué par l’injustice la plus criante. Ils ont été massacrés, torturés et mis en esclavage. Ils ont été privés de leurs droits politiques, notamment du droit de vote. Leurs terres leur ont été enlevées par la conquête ou la colonisation, ou ont été décrétées terra nullius et exploitées «dans l’intérêt national». Aujourd’hui encore, trop de leurs enfants vivent dans la pauvreté et succombent à la malnutrition ou à la maladie. Dans certains pays, ils n’ont toujours pas le droit d’apprendre leur propre langue à l’école. Leurs objets sacrés leur ont été volés pour être mis en exposition, au mépris de leurs croyances. Ils sont en butte à la discrimination. Ils sont exploités. Et, bien trop souvent, les gouvernements évitent de parler de «peuples autochtones», préférant parler seulement d’«autochtones» pour ne pas avoir à leur reconnaître de droits collectifs.


Cette instance a du pain sur la planche. L’autodétermination et l’autonomie soulèvent des questions fondamentales telles que celles de la souveraineté et des prérogatives de l’État-nation. La propriété intellectuelle et la diversité culturelle touchent à des aspects essentiels de la dignité et de l’identité de l’homme. Les droits relatifs à la terre et aux ressources –sur lesquels portent la plupart des plaintes que les peuples indigènes introduisent à l’ONU pour violation des droits de l’homme– sont des questions de vie ou de mort pour beaucoup d’entre eux. Il se peut que différentes conceptions du développement s’opposent. Il se peut que des efforts faits de bonne foi pour veiller à ce que les peuples autochtones tirent pleinement profit des avantages que présente la modernisation et des portes qu’elle ouvre se heurtent à d’autres efforts, tout aussi légitimes, pour préserver certains modes de vie autochtones.


Lorsque vous vous pencherez sur ces questions, j’espère que vous ne mettrez pas l’accent que sur les problèmes, mais que vous ferez aussi de cette instance une vitrine où mettre en exergue tout ce que les peuples autochtones ont à apporter. La tradition de recherche du consensus qui se retrouve chez de nombreux peuples autochtones pourrait favoriser le règlement des conflits et la bonne gouvernance. La connaissance des plantes médicinales, dont les peuples autochtones sont à l’origine, qu’ils ont développée et qu’ils se transmettent de génération en génération, est extrêmement précieuse. Les peuples autochtones ont aussi beaucoup à apprendre au reste du monde en ce qui concerne la gestion des écosystèmes complexes, la promotion de la diversité biologique, l’amélioration des rendements agricoles et la préservation des terres.


Une interaction fructueuse entre les peuples autochtones et le reste de la communauté internationale n’est toutefois possible que si les peuples autochtones sont libres de tout souci concernant le respect de leurs droits fondamentaux. Jusqu’à présent, il n’existe pas de normes universelles se rapportant spécifiquement aux droits des peuples autochtones. La Commission des droits de l’homme examine actuellement un projet de déclaration dont l’élaboration a déjà servi à attirer l’attention sur la question. Cette déclaration ne serait pas contraignante, mais elle aurait un poids considérable sur le plan moral et viendrait compléter les instruments relatifs aux droits de l’homme déjà en vigueur, qui ne couvrent pas tout l’éventail des préoccupations des peuples autochtones. J’espère sincèrement qu’un consensus sera réuni à temps pour que l’Assemblée générale puisse l’adopter avant 2004, dernière année de la Décennie internationale des populations autochtones.


Un dirigeant autochtone a dit un jour: «Même si vous êtes dans votre bateau et moi dans mon canoë, nous sommes sur la même rivière». Il avait raison alors, et il continue d’avoir raison aujourd’hui, à l’ère de l’interdépendance et en cette période de troubles. Je vous souhaite tout le succès possible dans l’entreprise que vous venez de lancer ici, chez vous, à l’Organisation des Nations Unies.


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