SELON LA VICE-SECRETAIRE GENERALE, LE TRAITEMENT ET LA PREVENTION DU VIH/SIDA PEUVENT ETRE EFFICACES DANS N’IMPORTE QUELLE CULTURE, Y COMPRIS LES PAYS PAUVRES
Communiqué de presse DSG/SM/159 |
AIDS/40
SELON LA VICE-SECRETAIRE GENERALE, LE TRAITEMENT ET LA PREVENTION DU VIH/SIDA PEUVENT ETRE EFFICACES DANS N’IMPORTE QUELLE CULTURE, Y COMPRIS LES PAYS PAUVRES
On trouvera ci-après le texte de la déclaration de la Vice-Secrétaire générale, Mme Louise Fréchette, faite devant le Pacific Council on International Policy à San Francisco le 7 mai:
Je vous remercie de votre aimable présentation. C’est pour moi un plaisir et un honneur d’être ici parmi vous. Je suis très heureuse de l’occasion qui m’est offerte de parler devant un auditoire aussi informé et engagé de l’Organisation des Nations Unies et de la lutte contre le VIH/sida dans le monde entier.
Je voudrais dire tout d’abord que la crise mondiale du sida n’est pas un problème en passe d’être réglé. Même si la communauté internationale et l’Organisation des Nations Unies doivent répondre à d’autres graves défis – du terrorisme à l’Afghanistan en passant par le Moyen-Orient – cela ne signifie pas pour autant que nous pouvons relâcher nos efforts dans la lutte contre cette épidémie.
Les statistiques sont éloquentes.
– Soixante millions de personnes ont déjà été contaminées et, sur ce nombre, plus de 20 millions ont succombé à la maladie.
– Plus de 13 millions d’enfants sont devenus orphelins.
– Quarante millions de personnes sont porteuses du virus.
– Toutes les heures, près de 600 personnes sont contaminées.
Toutefois, plusieurs idées fausses au sujet du sida semblent aussi avoir cours dans de nombreux milieux, y compris parmi les plus éclairés, des contrevérités qui aident fort peu à mener la lutte contre cette maladie effroyable.
Aujourd’hui, je voudrais mentionner tout particulièrement quatre de ces idées fausses et montrer que la réalité est très différente de ce que croient bien des gens.
Première idée fausse : le sida est un problème africain.
En réalité, le sida est un problème mondial.
En l’espace de 20 ans, depuis que le monde a entendu parler de cette maladie pour la première fois, le virus s’est propagé aux quatre coins de la planète. Les experts conviennent désormais qu’il s’agit là de la pire épidémie que l’humanité ait jamais connue. Elle s’est répandue plus loin et plus vite que n’importe quelle autre maladie, et ses effets à long terme ont été plus catastrophiques. Si, jusqu’à présent, le plus grand nombre de ses victimes se trouvaient en Afrique, elle gagne maintenant à une vitesse effrayante d’autres régions, y compris des régions proches de nous.
Dans les Caraïbes, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, plus de 1,8 million de personnes sont atteintes du VIH/sida. Rien que l’année dernière, environ 200 000 ont été contaminées. Haïti, où 5 % de la population sont séropositifs, compte le taux de prévalence du VIH chez les adultes le plus élevé au monde en dehors de l’Afrique subsaharienne. Ce taux dans cinq autres pays des Caraïbes se situe aux environs de 2 % de la population adulte.
En Asie, les statistiques sont tout aussi alarmantes. Plus de 7 millions de personnes sont séropositives, dont plus de la moitié en Inde. La situation en Chine est aussi une source d’immense préoccupation, la contamination par le VIH ayant considérablement augmenté ces deux dernières années.
L’Europe de l’Est – en particulier la Fédération de Russie – connaît l’épidémie de sida la plus grave dans le monde. En 2001, on a estimé à 250 000 le nombre de nouveaux cas de contamination dans cette région, portant à 1 million les porteurs du virus. Étant donné la forte incidence d’autres maladies sexuellement transmissibles et les taux élevés de consommation de drogues injectables chez les jeunes, l’épidémie semble devoir se propager très rapidement.
En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, le nombre de cas de contamination est également en hausse. Environ 80 000 nouveaux cas y ont été enregistrés l’année dernière, ce qui porte à environ 440 000 le nombre de personnes atteintes du VIH/sida.
Et dans l’Occident prospère, y compris aux États-Unis, le danger du VIH/sida n’a pas du tout disparu. Si nous assistons à une diminution des nouveaux cas de contamination, qui avaient atteint un niveau record dans les années 80, nous n’avons observé aucune baisse au cours des trois dernières années.
Les statistiques révèlent un relâchement des efforts de prévention et une tendance dangereuse à baisser la garde et à adopter un comportement moins prudent, alors que les campagnes de prévention avaient été relativement efficaces dans les années 80 et 90. Des chiffres stupéfiants, publiés il y a deux mois à peine par les Centers for Disease Control, montrent que la moitié des séropositifs aux États-Unis ne savent pas qu’ils le sont ou ne reçoivent aucun traitement.
La mondialisation, les voyages et les migrations aggravent sans cesse le risque d’une propagation accrue dans les pays dont nous pourrions penser qu’ils sont « sûrs ».
Le fait est qu’à l’heure de la mondialisation, il n’existe pas de pays sûrs. Dans le monde impitoyable du sida, il est impossible de parler de « nous et eux ».
Ce qui m’amène à la deuxième idée fausse, à savoir que, dans certaines sociétés, les efforts de prévention du VIH/sida ne peuvent être efficaces en raison d’obstacles culturels.
En réalité, les exemples et l’expérience nous confirment que la prévention peut être efficace dans n’importe quelle culture.
Il est vrai que lorsqu’on parle de prévention, on soulève des questions très délicates et on aborde des sujets extrêmement intimes – des aspects de la vie que de nombreuses sociétés ont du mal à évoquer en public. Mais il est également vrai qu’il existe des exemples convaincants de campagnes de prévention réussies dans des sociétés très différentes.
Prenons l’Ouganda – l’un des premiers pays où le sida a fait des ravages, mais aussi le premier en Afrique subsaharienne à enrayer sa propre épidémie. Le Gouvernement a mené une campagne d’éducation du public sans relâche, tant et si bien que les Ougandais l’ont baptisée « le grand tapage ». Pratiquement tous les hommes, femmes et enfants ougandais savent désormais ce qu’il faut faire pour se protéger du sida.
Prenons le Sénégal où, dès que les premiers cas ont été signalés dans les années 80, le Gouvernement a réagi en lançant un programme national de lutte contre le sida englobant des campagnes de prévention dans les médias, le contrôle systématique des produits sanguins, etc. De façon tout à fait remarquable, les chefs religieux sénégalais, notamment les religieux musulmans, ont été les premiers en Afrique à s’associer à l’effort de prévention. De ce fait, les taux de contamination ont été maintenus entre 1 et 2 % au Sénégal.
En Thaïlande, les autorités ont appuyé une stratégie préconisant l’usage systématique des préservatifs dans le commerce du sexe, qui a été complétée par des campagnes d’information ciblant l’ensemble de la population.
Au Brésil, les efforts de prévention concertés ont visé à la fois l’ensemble de la population et les groupes les plus vulnérables au cours des 10 dernières années. Grâce à cette stratégie, accompagnée d’une politique d’accès universel aux soins du VIH, l’épidémie a été bien moins grave qu’on ne l’avait prévu il y a 10 ans.
Au Bélarus, où les programmes de prévention auprès des toxicomanes par voie intraveineuse ont encouragé l’adoption de comportements plus prudents, on estime qu’ils ont permis d’éviter des milliers de cas de contamination.
Ce sont là des exemples d’activités de prévention efficaces dans des cultures extrêmement diverses. Elles ont toutes été mises en place par les pays eux-mêmes, sans être imposées de l’extérieur. Toutes tiennent compte du contexte culturel local.
Néanmoins, elles ont toutes un point commun : elles procèdent d’une volonté politique de lutter contre le sida et d’une reconnaissance du fait qu’aborder de front le problème est le premier pas pour en venir à bout. Je suis convaincue qu’avec cette volonté, toutes les sociétés peuvent en faire autant.
Troisième idée fausse : nous devons choisir entre prévention et traitement et un traitement efficace n’est pas un choix réaliste dans le monde en développement.
En réalité, le choix entre la prévention et le traitement est un faux problème car les deux sont indissociablement liés. En effet, les données empiriques et scientifiques montrent que le traitement peut être efficace même dans les sociétés les plus pauvres.
Sans espoir de traitement, les gens ne verront pas l’intérêt de se faire tester et la maladie continuera de se propager.
Il est vrai que, jusqu’à récemment, les médicaments pour traiter le VIH/sida était à la fois horriblement coûteux et leur administration affreusement compliquée – il fallait en effet prendre tous les jours toute une série de pilules à des heures précises. Toutefois, il est désormais non seulement plus facile de se procurer ces médicaments à un prix plus abordable dans les pays pauvres mais les progrès scientifiques ont été tels qu’ils sont infiniment plus simples à administrer. En outre, l’industrie pharmaceutique prévoit qu’un cocktail antisida existera bientôt sous forme de pilule unique.
Il est tout aussi important de rappeler que le traitement ne nécessite pas forcément les hôpitaux cinq étoiles que l’on trouve ici. L’essentiel est la volonté politique d’offrir un traitement, soutenue par une participation de la communauté.
Là encore, prenons l’exemple du Brésil où un gouvernement volontaire a mis en place un réseau efficace de dispensaires pour soigner le sida, appuyé par un système bien organisé de groupes civiques. Le Directeur du programme brésilien de lutte contre le sida m’a récemment dit que presque tous ses patients – y compris ceux qui vivaient dans des taudis – parvenaient à suivre correctement leur traitement.
Il ne serait pas réaliste de penser qu’un traitement peut être offert du jour au lendemain à tous les séropositifs dans les pays pauvres.
En revanche, il est réaliste de s’attendre à ce que certaines mesures – par exemple, la réduction de la transmission mère-enfant – soient introduites rapidement et à ce que le nombre de patients recevant le cocktail complet antisida augmente de manière progressive et continue. Les gouvernements devront faire des choix difficiles mais je sais qu’ils sont prêts à les faire.
Ce qui nous conduit à la quatrième et dernière idée fausse : la lutte contre le sida à l’échelon mondial est trop coûteuse et nous n’en avons pas les moyens.
En réalité, ne rien faire coûte beaucoup plus.
On estime qu’il faut 7 à 10 milliards de dollars par an pour mener une campagne mondiale de lutte contre le sida qui permette d’obtenir des résultats tangibles dans les pays à revenus faible et intermédiaire. Selon le pays concerné, une part importante de ces fonds proviendra des pays eux-mêmes. Le reste devra être fourni dans le cadre d’une assistance internationale.
Comparez ce chiffre au coût de l’inaction. Incontrôlé, le sida bouleverse des sociétés, des communautés et des économies tout entières. Le sida n’hypothèque donc pas seulement le présent mais aussi l’avenir.
Le sida est un grave problème économique et social pour tous les secteurs de la société. C’est l’un des principaux obstacles au développement lui-même.
Le sida déstabilise comme nulle autre maladie les économies, car il tue dans la fleur de l’âge. Quatre personnes sur cinq mourant du sida ont une vingtaine, une trentaine ou une quarantaine d’années et la moitié des séropositifs ont moins de 25 ans.
La perte de revenu des soutiens de famille empêche des personnes à leur charge d’avoir accès aux soins de santé, à l’éducation et à la nutrition, les exposant eux-mêmes davantage au risque d’infection. Il suffit que ce cycle se répète, ne serait-ce qu’une ou deux fois et le sida anéantit une communauté tout entière.
Surtout au début de l’épidémie, le sida frappe généralement les centres urbains, les milieux les plus instruits, l’élite dirigeante et les membres les plus productifs de la société. Il ressort d’une étude en République démocratique du Congo que les taux de prévalence sont les plus élevés chez les cadres, suivis des contremaîtres, puis des ouvriers.
Dans les pays les plus durement frappés – où plus d’un adulte sur cinq est séropositif –, l’infrastructure, les services et la capacité de production sont au bord de l’effondrement total. La propagation de la pandémie a causé une hausse des coûts de production et une contraction des marchés.
D’ailleurs, les entreprises ont calculé que, les antirétroviraux étant d’un prix de plus en plus abordable, il est infiniment plus économique de soigner les employés séropositifs que d’en recruter et d’en former de nouveaux à mesure que les ouvriers non soignés meurent. Une étude récemment réalisée en Afrique fait apparaître que le traitement des travailleurs séropositifs était 10 fois plus rentable. En d’autres termes, Mesdames et Messieurs, la lutte contre le VIH/sida à l’échelon mondial est à la fois indispensable et gagnable.
Pour ce faire, le facteur essentiel est la volonté politique de la part de tous les pays – à la fois ceux qui sont les plus durement frappés par l’épidémie et ceux qui ont les moyens d’apporter une aide.
Lors de la session extraordinaire tenue par l’Assemblée générale en juin dernier, les 189 États Membres sont convenus d’un ensemble de buts et objectifs ambitieux mais réalistes à atteindre selon un calendrier précis. L’un d’entre eux était l’engagement de consacrer au sida, d’ici à 2005, 7 à 10 milliards de dollars par an dans les pays à revenus faible et intermédiaire.
Il faudra pour cela assurer un acheminement efficace des ressources. C’est pourquoi, en avril de l’année dernière, le Secrétaire général a proposé la création d’un fonds mondial. Un an plus tard, le Fonds mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme est déjà opérationnel.
Ce n’est pas une entité de l’ONU traditionnelle mais une nouvelle forme de partenariat indépendant entre les secteurs public et privé géré par un conseil de représentants des gouvernements, du secteur privé, des organisations non gouvernementales et des fondations.
Les contributions des donateurs à la fois privés et publics s’élèvent à près de 2 milliards de dollars. Il y a deux semaines, le Fonds a annoncé sa première série d’allocations : au total près de 400 millions de dollars ont été alloués sur deux ans à 40 programmes de prévention et de traitement dans 31 pays gravement touchés. Ce montant représente déjà une augmentation considérable des dépenses internationales consacrées à la lutte contre le sida et à d’autres maladies infectieuses.
Les organismes des Nations Unies sont depuis longtemps en première ligne dans la bataille menée contre le sida. L’ONUSIDA coordonne les efforts et les ressources de huit organismes des Nations Unies pour aider à prévenir de nouveaux cas de contamination par le VIH, à soigner les séropositifs et à atténuer l’impact de l’épidémie.
Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) gère des programmes de santé de l’enfant, d’éducation sur le sida dans les établissements scolaires et de prévention de la transmission du VIH mère-enfant. Le Fonds des Nations Unies pour la population s’occupe de la santé en matière de reproduction, y compris la planification familiale, ainsi que la prévention et le traitement des maladies sexuellement transmissibles. L’Organisation mondiale de la santé offre des conseils médicaux aux ministères de la santé des pays en développement sous forme de normes, directives et travaux de recherche.
Mesdames et Messieurs, des partenariats multiples à des niveaux très divers constituent le seul moyen de relever le défi posé par le VIH/sida.
Tout le monde a un rôle à jouer : les gouvernements, les organisations internationales, les collectivités, les entreprises, les universités, les fondations, les particuliers, vous tous ici présents.
J’espère pouvoir compter sur votre engagement. J’espère pouvoir compter sur vous pour faire passer le message, où que vous soyez, et nous aider à dissiper ces idées fausses et à faire connaître la réalité concernant la lutte mondiale contre le VIH/sida.
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