En cours au Siège de l'ONU

DH/333

LES POPULATIONS AUTOCHTONES FONT ENTENDRE LEUR VOIX AUX NATIONS UNIES

13/05/2002
Communiqué de presse
DH/333


Instance permanente sur

les questions autochtones

Première session

1ère séance – matin


LES POPULATIONS AUTOCHTONES FONT ENTENDRE LEUR VOIX AUX NATIONS UNIES


La première réunion de l’Instance permanente

sur les questions autochtones s’ouvre à New York


Vêtus du «Gakti», la tenue rouge brodée de blanc des peuples Saami originaires des pays scandinaves ou arborant l’«Eghaf», la coiffe traditionnelle du peuple Touareg, les représentants des populations autochtones, soit plus de 300 millions de personnes dans le monde, sont venus des coins les plus reculés de la planète assister à l’ouverture de la première réunion de l’Instance permanente pour les questions autochtones.  Cette réunion, qui se tiendra jusqu’au 24 mai, permettra aux populations autochtones de participer pour la première fois aux travaux des organes des Nations Unies visant la protection et la promotion de leurs droits fondamentaux.


En présence de Mme Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix et de Mme Nane Annan, le dirigeant spirituel des Haudenosaunee, une confédération de six tribus amérindiennes, a souhaité la bienvenue aux participants de l’Instance.  «Nous espérons que vous éliminerez la poussière de vos yeux pour que vous puissiez voir la voie que nous traçons» a-t-il déclaré avant de réciter une action de grâce dans la langue des Onondaga, sa tribu d’origine.


Depuis trop longtemps, la voix des populations autochtones a été étouffée par l'intolérance et la négligence.  A partir d'aujourd'hui, l'Instance mettra au grand jour leurs préoccupations, a indiqué de son côté Mme Louise Fréchette, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies.  Cette Instance devra non seulement aborder les revendications des populations autochtones –droit à l’autodétermination, à la propriété intellectuelle, à la diversité culturelle- mais également les contributions que ces populations pourront apporter à l’Organisation, a-t-elle ajouté en expliquant que la tradition de consensus au sein des populations autochtones peut contribuer à régler les différends et que leurs méthodes de gestion des écosystèmes doivent être une source d’inspiration.  Les populations autochtones possèdent en effet une vision unique du sens de la communauté et si elles pouvaient partager leur sagesse et leur vision du monde avec la communauté des Nations Unies, elles pourraient ainsi contribuer à garantir un succès à long terme dans ces domaines, a convenu Mme Mary Robinson, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.


Nous lançons aujourd’hui un processus historique, a ajouté le Président élu de l’Instance, M. Ole Henrik Magga (Norvège), originaire du peuple Saami.  La création de l’Instance symbolise une nouvelle forme de coopération avec les Nations Unies.  Nous avons besoin de l’appui politique et financier des Nations Unies.  L’Instance aura également besoin du soutien de toutes les organisations autochtones pour que nos rêves soient réalisés, a-t-il souligné, rappelant que nombreux sont ceux qui figurent encore parmi les plus pauvres et les plus marginalisés du monde.


Pour la jeune femme représentant le peuple Touareg, les jeunes des communautés autochtones ont la lourde responsabilité de porter la lutte de leurs communautés respectives.  Nombreux sont ceux parmi nous à avoir subi les politiques d’assimilation qui ont sacrifié l’identité autochtone au profit de la culture dominante.  Notre voix doit être entendue dans tous les domaines qui nous affectent particulièrement, à savoir l’éducation, la santé, le développement, la sécurité.  L’illettrisme qui frappe nos sociétés est responsable de l’ignorance de nos droits fondamentaux.  Le succès de l’Instance permanente dépendra non seulement de sa capacité à sensibiliser les politiques des institutions des Nations Unies mais aussi à imposer les préoccupations des peuples autochtones dans les politiques nationales.


Outre les intervenants cités, ont pris la parole M. Ivan Simonovic (Croatie), Président du Conseil économique et social; M. Mark Malloch Brown, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD); et Mme Anna Tibaijuka, Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (HABITAT).


En début de séance, l’Instance a procédé à l’élection des membres de son Bureau, en portant aux postes de Vice-Présidents Antonio Jacanamijoy (Colombie), Parshuram Tamang (Népal), Mililani Trask (Etats-Unis), et Njuma Ekundanayo (République démocratique du Congo).  Le poste de Rapporteur a été attribué à Willie littlechild.  L’Instance a également adopté son programme de travail qui prévoit un débat général, puis une évaluation des activités mises en œuvre au sein du système des Nations Unies en faveur des populations autochtones.


Créée le 28 juillet 2000 par le Conseil économique et social, l’Instance devra lui fournir des conseils ainsi qu’aux programmes et fonds des institutions du système des Nations Unies sur un vaste éventail de questions touchant notamment aux droits de l’homme, au développement social et économique, à l’environnement, à l’éducation et à la santé.  L’Instance est composée de 16 experts dont huit sont nommés par des organisations autochtones et huit par leur gouvernement respectif.  L’adoption dans le futur d’un projet de déclaration finale, élaboré dès 1985 par la Sous-Commission de la Commission des droits de l’homme, sera le point culminant d’un processus sans précédent.


L’Instance poursuivra ses travaux, cet après-midi à partir de 15 heures.


Déclarations


M. TADODAHO SID HILL, Dirigeant spirituel des Haudenosaunee, a souhaité la bienvenue aux participants de l’Instance.  Votre travail a été difficile mais vous êtes finalement ici, ce dont nous sommes très heureux.  Nous espérons que vous éliminerez la poussière de vos yeux pour que vous puissiez voir la voie que nous traçons.  Nous allons vous donner de l’eau à boire pour que vous puissiez entendre ce que nous allons dire.  Le dirigeant spirituel a ensuite récité une action de grâce dans sa langue traditionnelle.  Nous souhaitons que l’Instance serve les besoins de nos populations pour assurer la pérennité de celles qui ne sont pas encore nées.  Nous avions tenté de parler devant la Société des Nations (SDN) en 1923 mais en vain.  Nous sommes heureux de faire partie de la communauté des nations, ce qui nous permet de défendre nos droits, notre terre nourricière et notre droit à l’autodétermination.  Il est impératif de ratifier la Charte de la terre adoptée lors du Sommet de Rio qui, de l’avis du dirigeant spirituel, devrait avoir la même force que la Déclaration universelle des droits de l’homme.  Nous sommes ici pour assurer le respect du monde naturel.  Nous fonctionnons sur la base d’un système démocratique qui nous permet de développer une forte culture de paix et d’assurer notre survie au cours des millénaires.  Il n’y aura pas de paix tant que l’homme ne respectera pas la nature.  Nous demandons au Secrétaire général de convoquer un sommet sur les populations autochtones à la fin de la Décennie internationale des populations autochtones, en 2004.  Nous sommes prêts à travailler ensemble.  Nous devons respecter les priorités des uns et des autres et ce n’est qu’alors que nous pourrons parler de paix.


Mme LOUISE FRECHETTE, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, a déclaré que la tenue de l'Instance permanente pour les questions autochtones constituait une étape historique dans la lutte pour la reconnaissance des droits et des identités des populations autochtones.  Cela fait longtemps que nous attendons ce moment.  Dans les années 1920, les Amérindiens se sont heurtés à l'indifférence de la Société des Nations qu'ils avaient sollicitée.  Les efforts déployés au sein des Nations Unies par la suite se sont soldés par les mêmes résultats jusqu'aux années 50, date à laquelle l'Organisation internationale du travail s'est érigée en un très ardent défenseur des droits des populations autochtones.  Car depuis trop longtemps, la voix des populations autochtones a été étouffée par l'intolérance et la négligence.  A partir d'aujourd'hui, l'Instance mettra au grand jour leurs préoccupations.


Mme Fréchette a relevé la diversité des 300 000 à 500 000 Aborigènes.  Certains sont des chasseurs, d'autres vivent en milieu urbain, certains représentent des minorités minuscules alors que d'autres encore constituent presque une majorité.  Un certain nombre vit dans certaines zones géographiques de la planète les plus reculées et sous-développées tandis que d'autres habitent dans les pays les plus puissants et développés du monde.  Mais le sentiment commun de leur appartenance à des cultures distinctes les unissent.  En même temps, une telle diversité est facteur de complexités.  Les populations autochtones ne partagent pas les mêmes priorités: certains sont préoccupés par la terre et d'autres par le patrimoine culturel ou tout simplement les mêmes points de vue; certains veulent préserver leurs modes de vie tandis que d'autres veulent participer pleinement à la société qui les entoure.


Ce que les populations autochtones ont en commun est un passé fait d'injustices.  Ils ont été torturés, tués et contraints à l’esclavage.  On leur a refusé la jouissance de leurs droits politiques comme le droit de vote et on leur a volé leurs terres lors des processus de colonisation et de conquête ou à la suite de la promulgation de décrets de confiscation des terres.  Aujourd’hui encore, des enfants grandissent dans la pauvreté et meurent de maladies et de malnutrition.  Dans certains pays, les populations autochtones ne sont pas autorisées à étudier dans leur langue.  Cette Instance devra traiter de nombreuses questions comme celles relatives à l’autodétermination, à la propriété intellectuelle, à la diversité culturelle ou aux droits fonciers qui sont une question de vie ou de mort pour eux.


Je souhaite que cette Instance n’aborde pas uniquement les revendications des populations autochtones mais également les contributions que ces peuples pourront apporter à l’Organisation, a déclaré Mme Fréchette, convaincue que la tradition de consensus au sein des populations autochtones peut contribuer au règlement de différends.  De même, nous avons énormément à apprendre de la gestion des écosystèmes par les communautés autochtones.  Une telle interaction ne pourra avoir lieu et être couronnée de succès que si les droits de l’homme de ces peuples sont reconnus.  Pourtant, il n’existe pas de normes universelles sur les droits des populations autochtones.  La Commission des droits de l’homme étudie un projet de déclaration qui, si elle n’est pas contraignante, bénéficiera d’un poids moral important, et qui complètera les instruments internationaux des droits de l’homme ne couvrant pas l’ensemble des droits des populations autochtones.  J’espère qu’un consensus pourra être obtenu pour que la déclaration sur les droits des populations autochtones soit adoptée avant 2004, date à laquelle la Décennie internationale des populations autochtones prendra fin.


M. IVAN SIMONOVIC (Croatie), Président du Conseil économique et social (ECOSOC), a rappelé qu’il était Vice-Président de la Conférence de Vienne en 1993, date à laquelle l’idée d’établir une Instance avait été lancée.  Souhaitant la bienvenue dans la famille des Nations Unies aux participants de cette première réunion de l’Instance, M. Simonovic a précisé que l’Instance est un organe novateur qui se caractérise par sa composition unique, fondée sur le principe de participation de tous les intéressés.  Il s’agit d’un processus ouvert, transparent et participatif.  L’esprit de coopération est une condition préalable au succès de l’Instance.  L’ECOSOC attend avec intérêt le premier rapport que lui présentera l’Instance et encourage, à cet égard, les participants à être concrets et précis.  Interrogez-vous sur les moyens de contribuer au segment de haut niveau de l’ECOSOC portant sur l’amélioration des ressources humaines, en particulier dans le domaine de l’éducation, qui se tiendra en juillet prochain à New York, ainsi qu’à la Conférence mondiale sur le développement durable, prévue en août 2002 à Johannesburg (Afrique du Sud).  La création de l’Instance est une grande victoire.  Cependant, sa mise en place n’est que le début et son potentiel doit être développé par l’expérience pratique.  Elle offre l’occasion de corriger les injustices et peut contribuer à une meilleure protection des droits des populations autochtones.


Mme SAOUDATA ABOUBACRINE, représentante du peuple Touareg, a expliqué que la naissance de l’Instance a été longtemps un rêve.  La jeunesse autochtone est une autre réalité qui ne veut pas seulement rêver.  Elle est le relais nécessaire à toutes actions futures car les jeunes autochtones ont la lourde responsabilité de porter la lutte de leurs communautés respectives.  Nombreux sont ceux parmi nous à avoir subi les politiques d’assimilation qui ont sacrifié l’identité autochtone en faveur de la culture dominante.  Notre voix doit être entendue dans tous les domaines qui nous affectent particulièrement, à savoir l’éducation, la santé, le développement, la sécurité.  L’illettrisme qui frappe nos sociétés est responsable de l’ignorance de nos droits fondamentaux.  Les situations de précarité et de vulnérabilité dans lesquelles se trouvent grand nombre de populations autochtones sont directement liées aux politiques de marginalisation que conduisent les gouvernements dans le domaine du développement.  Sans le respect du droit à l’éducation, les jeunes ne disposent que d’armes faibles pour lutter contre les maladies comme le sida.  De la même manière, sans le respect du droit au travail, les situations de pauvreté ouvrent la voie à la malnutrition et à d’autres maladies que ne connaissent plus les sociétés développées.  Par ailleurs, les jeunes des populations autochtones sont souvent les premiers visés lors de répressions par les forces de l’ordre.


Beaucoup de jeunes et, en particulier les femmes, n’ont pas la possibilité de s’exprimer et de participer aux processus de prise de décisions.  La vulnérabilité des femmes qui souffrent d’une triple discrimination -liée à leur sexe, à leur âge et à leur statut de femmes autochtones-, constitue une violation flagrante des droits de l’homme.  La participation des jeunes autochtones à tous les niveaux de décisions culturelles, politiques, économiques et sociales est primordiale.  Le succès de l’Instance permanente dépendra non seulement de sa capacité à sensibiliser les politiques des institutions des Nations Unies mais aussi à imposer les préoccupations des populations autochtones dans les politiques nationales.  L’adoption du projet de déclaration sur les droits des populations autochtones sera un événement important.  La balle est désormais dans notre camp.


M. MARC MALLOCH BROWN, Administrateur du Fonds des Nations Unies pour le développement (PNUD), a estimé que l’Instance permanente est une contribution majeure au sein du système des Nations Unies. Le PNUD s’inspire de certaines idées simples à savoir que tous les individus doivent avoir la possibilité de réaliser leur potentiel et de choisir leur mode de vie.  Cette vision d’un développement centré sur l’homme doit être au coeur de nos activités.  Cette idée simple est révolutionnaire.  La préservation du monde naturel nous rassemble aujourd’hui autour d’une vision commune, selon laquelle il n’est pas possible de protéger les droits des peuples sans assurer la protection de leur environnement naturel.  Une note de politique disponible cette semaine établit des domaines prioritaires du PNUD qui portent notamment sur la propriété foncière ou encore la participation aux processus politiques.  Votre programme est également notre programme, a souligné M. Malloch Brown.


Mme ANNA TIBAIJUKA, Directrice du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (HABITAT), a indiqué que cette occasion historique se produit au moment où des changements importants issus du phénomène de mondialisation nous confrontent à de nouveaux défis pour protéger l’habitat des populations autochtones.  Afin de promouvoir le progrès et la participation au développement des zones rurales dans le respect des langues, traditions et mode de vie des populations autochtones, les gouvernements et dirigeants devraient prendre des mesures spécifiques permettant à ces peuples d’avoir un accès égal aux services sociaux et économiques et à l’élaboration de politiques efficaces

assurant leur développement.  Le Programme d’action d’Habitat, établi à Istanbul en 1996, préconise également la reconnaissance des droits des femmes autochtones, les besoins particuliers des enfants et de leurs familles, en particulier de ceux qui vivent dans la pauvreté.  La Déclaration du Millénaire réaffirme que des actions spécifiques sont nécessaires à l’amélioration des conditions de vie des populations pauvres, y compris les populations autochtones.  La qualité de la gouvernance urbaine guide la qualité de vie des populations dans leur ensemble.  Notre campagne pour la sécurité de la propriété foncière met l’accent sur la sécurité de l’habitat comme moyen de lutter contre la pauvreté.  Nous nous opposons à l’installation forcée des populations autochtones.


Mme MARY ROBINSON, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a indiqué que cette première session est un défi qui consiste à ce que les populations autochtones trouvent un espace dans le système des Nations Unies leur permettant d’aborder les questions qui leur tiennent à cœur.  La structure de cette Instance implique le partenariat entre les populations autochtones et les gouvernements.  L’Instance, dont le mandat va au-delà de la protection des droits de l’homme, a pour mandat de travailler sur des questions vastes, ce qui signifie qu’elle dispose désormais d’un espace commun avec la famille des Nations Unies.  Cet organe donne la possibilité d’aborder ces questions de façon holistique.  Les questions de la propriété foncière, la protection de l’environnement et des ressources naturelles sont liées à leur survie.  Les processus de réduction de la pauvreté aux Nations Unies doivent être abordés sous l’angle des populations autochtones.  Celles-ci sont les gardiennes d’une vaste gamme de connaissances qu’il faut reconnaître.  Le rôle des enfants et des jeunes est une question brûlante.  Alors que vient de s’achever la session extraordinaire des Nations Unies sur les enfants, nous avons pris conscience que les jeunes ont des idées et des revendications que nous devons prendre en considération.  L’autre question cruciale est la lutte contre la discrimination dont la mesure a été reconnue à la Conférence mondiale contre le racisme à Durban, en septembre 2001.


Pour jouer votre rôle au sein du système des Nations Unies, a indiqué Mme Robinson, il vous faudra prendre connaissance de ses faiblesses et de ses points forts et imposer également aux Nations Unies une obligation de vous fournir des structures appropriées pour vous permettre de travailler.  Il vous faudra faire preuve d’un esprit novateur et nous, pour notre part, devrons nous ouvrir à d’autres modes de travail.  Sur la question du financement, Mme Robinson a indiqué que les modes de financement ne sont pas durables et, dans ce cadre, des contributions extrabudgétaires sont essentielles.  Elle a remercié les Gouvernements de l’Equateur et de la Nouvelle-Zélande pour avoir versé les premières contributions.  Il existe une tendance naturelle à mettre l’accent sur ce que l’ONU peut faire mais il est important également de se demander ce que les populations autochtones peuvent faire pour les Nations Unies.  Elles possèdent en effet une vision unique du sens de la communauté et si elles pouvaient partager leur sagesse et leur vision du monde avec la communauté des Nations Unies, cela pourra garantir un succès important à long terme.


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