L’AMELIORATION DE LA QUALITE DE VIE DES INDIVIDUS IDENTIFIEE COMME LE PRINCIPE DEVANT GUIDER L’INTEGRATION DES POLITIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES
Communiqué de presse DEV/2378 |
Commission du Développement social
5 et 6èmes séances – matin et après-midi
L’AMELIORATION DE LA QUALITE DE VIE DES INDIVIDUS IDENTIFIEE COMME LE PRINCIPE DEVANT GUIDER L’INTEGRATION DES POLITIQUES ECONOMIQUES ET SOCIALES
Poursuivant sa réflexion sur l’intégration des politiques sociales et économiques, thème prioritaire de la présente session, la Commission du développement social a, aujourd’hui, entendu les exposés de cinq entités du système des Nations Unies sur la manière dont elles envisagent au quotidien cette question. Il s’agissait de l’Organisation internationale du Travail (OIT), du Département des affaires économiques et sociales (DESA), de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de la Banque mondiale et de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
Il est ressorti de ces présentations que le principe directeur fondamental qui pourrait guider les approches, toujours très diverses, de l’intégration des politiques sociales et économiques, est l’amélioration de la qualité de la vie des êtres humains. Ceci passe par la réduction de la pauvreté, qui elle-même exige une meilleure éducation pour tous et un meilleur accès à la santé et à l’emploi. C’est à cette condition que l’on peut rendre les individus plus autonomes et productifs et permettre à tous, en retour, de participer à la croissance économique et à la création de richesses. Selon l’équation posée simplement par le représentant de l’OMS, des citoyens en bonne santé sont synonymes, pour les pays, de meilleurs résultats en termes de production, de croissance économique et de réduction de la pauvreté. C’est sous cet angle que l’on doit comprendre le concept de dépenses sociales comme «facteur de productivité».
Les gouvernements à l’échelle nationale ont donc une responsabilité particulière, notamment celle de mettre en place des institutions de protection sociale efficaces. Mais compte tenu des pressions exercées par la mondialisation et du ralentissement actuel de la croissance économique mondiale, l’aide internationale doit aussi être renforcée afin que tous les pays disposent des ressources nécessaires au progrès social. Cette aide doit avoir un caractère financier, sous la forme traditionnelle de l’Aide publique au développement, mais aussi en recherchant des solutions plus novatrices qui associeraient par exemple le secteur privé, à l’image de la taxe Tobin proposée sur les transactions internationales. L’assistance apportée aux pays en développement doit également se traduire en termes de transfert des connaissances et respecter les particularités propres à chaque pays.
Les représentants du système des Nations Unies ont également mis l’accent sur l’importance de la participation des communautés et des individus au processus d’intégration des politiques économiques et sociales. C’est en effet au niveau local -familles, entreprises, administrations locales ou ONG- que se manifeste concrètement le développement social. Comme l’a expliqué le représentant du Département des affaires économiques et sociales, qui présentait l’initiative du Forum international pour le développement social lancée récemment par les Nations Unies, si le financement mondial d’une partie du développement social est une nécessité, les éléments qui constituent le bien-être des personnes se déterminent, quant à eux, à des niveaux très concrets et localisés. C’est là l’intégration de l’économique et du social par le truchement du microéconomique et du micropolitique, une approche qui intervient en complément des politiques macroéconomiques. Ces dernières, bien qu’essentielles, ont, en effet, souvent conduit les gouvernements à opérer des choix en matière de dépenses publiques et n’ont pas permis de combler le fossé entre riches et pauvres, ainsi que l’a reconnu la représentante de la Banque mondiale.
Le dialogue avec les membres de la Commission qui a suivi ces présentations a notamment permis à la représentante de l’Algérie de demander si les objectifs d’élimination de la pauvreté et d’améliorer les conditions de vie des individus fixés par la Déclaration du Millénaire avaient plus de chance d’être atteints que ceux définis précédemment, lors du Sommet sur le développement social de Copenhague.
Les ONG qui ont également eu la possibilité d’exposer leurs points de vue aujourd’hui ont, elles aussi, insisté sur la nécessité de placer réellement l’être humain au centre des préoccupations tant sociales qu’économiques. Elles ont notamment plaidé en faveur d’une plus grande participation de la société civile et de tous les individus qui la composent à l’élaboration des politiques, y compris budgétaires. Les représentants des associations suivantes se sont exprimées : Conseil international de l’action sociale, Triglav Circle, Gruppo CERFE, Congrégation of the Sisters of the God Sheperd, Société des missionnaires médicales catholiques, et Soeurs de Lorette.
La Commission a par ailleurs achevé son débat général sur l’intégration des politiques économiques et sociales, ce qui a, une nouvelle fois, permis aux délégations de réitérer les espoirs qu’elles placent dans la prochaine Conférence sur le financement du développement de Monterrey (Mexique) et dans le Sommet sur le développement durable de Johannesburg (Afrique du Sud) pour faire avancer la cause d’un «développement humain durable», selon les termes employés par la représentante du Suriname. Outre la Ministre du développement social, de la solidarité et des personnes âgées du Mali, les représentants des pays suivants, membres ou observateurs de la Commission, se sont exprimés aujourd’hui: Japon, Chili, Jamaïque, Ghana, Suriname, Malawi, Suisse et Afrique du Sud.
En fin de séance, plusieurs délégations ont soulevé la question de savoir si le document final de la présente session devait prendre la forme de conclusions concertées ou d’une résolution.
Demain, à 10 heures, la Commission entamera son examen des plans et programmes d’action pertinents des organismes des Nations Unies concernant la situation des groupes sociaux. Elle entendra notamment le Rapporteur spécial sur la situation des personnes handicapées.
SUIVI DU SOMMET MONDIAL POUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL ET DE LA VINGT-QUATRIEME SESSION EXTRAORDINAIRE DE L’ASSEMBLEE GENERALE
THEME PRIORITAIRE : INTEGRATION DES POLITIQUES SOCIALES ET ECONOMIQUES
Débat général
Mme RUMI YABUKI (Japon) a fait observer que, si la mondialisation offre de bonnes opportunités de croissance économique, elle ne permet pas nécessairement de combler le fossé entre les riches et les pauvres. En conséquence, la question du développement social n’est plus seulement une affaire nationale mais l’un des problèmes prioritaires de l’Agenda international, rendant la coopération internationale plus urgente que jamais. Dans ce contexte, l’Aide publique au développement revêt une importance particulière, a ajouté la représentante avant d’exposer la politique d’assistance de son pays. Pour assurer le développement durable du bien-être social, il est fondamental de prendre en compte à la fois les politiques économiques et les politiques sociales. Le Japon estime en effet qu’il est essentiel d’avoir une croissance économique soutenue pour satisfaire les exigences fondamentales de la promotion du développement social. C’est pourquoi, il a utilisé les prêts octroyés au titre de l’Aide publique au développement pour aider activement le développement des infrastructures socioéconomiques qui sous-tendent la croissance. Depuis la crise asiatique de 1997-1998, le Gouvernement japonais a fait sien le principe du développement axé sur les êtres humains. Ce faisant, il centre son attention sur l’élimination de la pauvreté en promouvant activement l’éducation, la santé et les services médicaux de base. L’aide qu’il fournit vise à réaliser les objectifs de l’initiative 20/20, à assister les pays à formuler leurs politiques et à lutter contre la pauvreté en développant leurs capacités, à proposer des approches intégrées et intersectorielles qui mettent l’accent sur la sexospécificité, la formation, la création d’emplois et le microcrédit. Enfin, par le biais de cette politique, il s’efforce de réduire les disparités régionales au sein des pays.
Pour rendre son Aide publique au développement encore plus efficace, le Gouvernement japonais reconnaît qu’il doit avant tout favoriser les initiatives nationales des pays, la bonne gouvernance et les capacités de gestion des politiques, a poursuivi la représentante. Il est important en effet que les projets d’assistance soient conformes aux conditions et aux besoins spécifiques des pays et reposent sur une évaluation appropriée des souhaits des citoyens de ces pays. Les intérêts des pays récipiendaires ne doivent jamais être ignorés, a insisté Mme Yabuki. Enfin, pour réellement améliorer l’efficacité de l’aide apportée, il faut que les actions de toutes les entités concernées, pays donateurs, pays récipiendaires, secteur privé, ONG, et organisations et institutions internationales soient bien coordonnées.
M. CRISTIAN MAQUIEIRA (Observateur du Chili) a rappelé que l’intégration des politiques sociales et économiques figurait déjà à l’ordre du jour du Sommet mondial de Copenhague et lors de la 24ème session extraordinaire de l’Assemblée générale. A cet égard, a-t-il noté, les Nations Unies s’acquittent de leur mandat en vue de s’attaquer à des problèmes complexes et de trouver des solutions. Les Nations Unies restent un lieu de rencontre et de négociations important et le rapport du Secrétaire général sur l’intégration des politiques économiques et sociales constitue une excellente analyse de la question. En étudiant cette question, il faut se demander ce que l’on entend par l’intégration des politiques économiques et sociales. S’agit-il de la gestion du risque ou plutôt de l’intégration d’une politique sociale productive qui favorise la consommation. Il faut également se demander ce que l’on entend par intégration. Allons-nous protéger les dépenses sociales au risque de créer un déficit ou allons-nous mettre l’accent sur la stabilité des prix et la réduction du rôle de l’Etat. Il est nécessaire de mettre en place un vaste processus de dialogue national. Une autre question essentielle vise à savoir si la politique budgétaire et monétaire est du seul ressort des économistes. Il faudrait en outre déterminer d’une part la manière dont on peut favoriser cette intégration du point de vue opérationnel et, d’autre part, les bénéficiaires d’une telle intégration.
M. O’NEIL FRANCIS (Jamaïque) a estimé que l’intégration des politiques économiques et sociales est l’un des objectifs fondamentaux du Sommet pour le développement social et de la 24ème session extraordinaire de l’Assemblée générale. En outre, au vu des défis économiques croissants auxquels la communauté internationale est confrontée, ce thème acquiert une nouvelle dimension. Tout le monde reconnaît désormais les imbrications entre les aspects sociaux et les aspects économiques du développement durable, ce qui permet d’adopter une approche plus cohérente et intégrée. S’il est important de préserver la diversité des approches possibles en la matière, il convient néanmoins de donner des directives volontaristes et bien déterminées, a estimé le représentant. Le succès des initiatives en faveur du développement social est l’un des éléments clefs du développement durable. Une croissance économique durable repose en effet sur un capital humain productif et la participation de tous les agents économiques. Dans ce contexte, les politiques publiques doivent s’attaquer aux questions de l’exclusion, de la discrimination et de l’injustice et doivent encourager le bien-être et le respect des droits, y compris des plus vulnérables. Relever le défi que pose l’exclusion exige l’adoption d’une approche favorisant l’autonomisation des individus et comptant sur l’aide des communautés, qui sont de véritables acteurs clefs. De l’avis de M. O’Neil, les dépenses publiques axées sur le capital sont en fait au centre de la question de l’investissement social comme facteur productif.
Pour rendre les actions entreprises plus efficaces, il convient également de rendre les institutions publiques plus modernes et efficientes, a-t-il ajouté. Les politiques doivent être claires et ne pas peser sur l’économie par leurs lacunes. Parallèlement, la transparence et la responsabilisation doivent être de mise. La lutte contre la pauvreté, l’un des défis les plus urgents posés à la communauté internationale, pose clairement le lien intrinsèque entre les politiques sociales et économiques. Sa nature pluridimensionnelle souligne la nécessité d’adopter une approche intégrée et la pauvreté ne pourra pas être éliminée en appliquant une politique uniquement économique, ou à l’inverse uniquement sociale. Malheureusement, les récents Forums internationaux, tenus simultanément à New York et au Brésil, semblent indiquer que, dans le contexte de la mondialisation, une certaine dissonance persiste entre les résultats économiques et les résultats sociaux. Or, a rappelé M. O’Neil, la mondialisation doit devenir un outil à part entière permettant d’améliorer les conditions de vie de tous les citoyens de la planète. Sans des systèmes commerciaux et financiers internationaux équitables, le développement social des pays en développement demeurera compromis, a prévenu le représentant. Prenant l’exemple de la vulnérabilité particulière des petits Etats insulaires en développement comme son pays, il a jugé particulièrement fondamental qu’au niveau national, les gouvernements mettent en place des mesures visant à minimiser les effets négatifs des changements économiques mondiaux et à protéger les plus faibles. C’est d’ailleurs l’approche qu’a adoptée la Jamaïque par le biais de son plan économique et social à moyen terme. Dans ce cadre, une réforme des filets de protection sociale a été lancée, afin que les segments les plus pauvres de la société soient réellement protégés. L’objectif premier de cette réforme est d’améliorer le développement du capital humain, en facilitant l’accès des plus défavorisés à l’éducation afin de briser le cercle vicieux de «l’héritage de la pauvreté». Ce plan s’efforce aussi de garantir de meilleures conditions sanitaires et une espérance de vie plus longue des plus pauvres, afin de stimuler par la suite la productivité. En conclusion, le représentant a expliqué que, si les pays en développement doivent mobiliser toutes les ressources nationales possibles pour lutter contre la pauvreté et parvenir au progrès social, l’aide internationale n’en demeure pas moins fondamentale et déterminante. C’est pourquoi, il a dit attendre beaucoup des prochaines conférences sur le financement du développement et le développement durable qui se tiendront respectivement au Mexique et en Afrique du Sud. La coopération et l’assistance internationales devront en sortir renouvelées et renforcées, a-t-il indiqué.
Exposés d’entités du système des Nations Unies
M. JOHN LANGMORE, Organisation internationale du Travail (OIT), a estimé que le choix de ce thème est un pas en avant significatif car la dichotomie traditionnelle entre les politiques sociales et économiques a entraîné des choix faibles. Par conséquent, l’examen rigoureux des analyses de l’impact social des politiques économiques, telles que la stabilisation macroéconomique, les ajustements structurels et la transition à une économie de marché a été négligé, ayant pour conséquence d’entraîner des coûts sociaux élevés. Les politiques macroéconomiques doivent été traitées comme un pur exercice technique. La libéralisation commerciale et la libéralisation financière ont souvent été mises en oeuvre sans que l’on accorde une attention adéquate à leur impact social. Ces politiques ont également mené à la réduction du rôle de l’Etat dans la redistribution des richesses. Les programmes de privatisation et de restructuration des entreprises n’ont pas tenu compte de leur impact sur l’emploi tandis que la privatisation des systèmes de sécurité sociale et des services sociaux de base a accru les coûts administratifs et a donné lieu à une réduction de la couverture sociale.
Des approches plus intégrées sont susceptibles d’être plus efficaces dans la mesure où certains secteurs comme la participation sociale et politique, qui n’est pas considérée comme relevant du domaine économique, exercent une forte influence sur l’efficacité économique. L’objectif de la croissance de l’emploi illustre bien les résultats que l’on peut obtenir de l’intégration des politiques sociales et économiques dans la mesure où cette croissance contribue à la sécurité économique et sociale, à la réduction de la pauvreté et au redressement des inégalités et renforce l’intégration sociale. Le plein emploi doit donc constituer un objectif prioritaire. La création d’emplois devient automatiquement un élément central des politiques macroéconomiques. Nous ne pouvons plus voir la stabilisation en termes de réduction de l’inflation. La mise en place de services sociaux, comme l’éducation, les soins de santé, contribuera grandement au développement de l’emploi.
M. JACQUES BAUDOT, Coordonnateur du Forum pour le développement social au sein du Département des affaires économiques et sociales (DESA) des Nations Unies, a donné à la Commission des précisions sur le projet de Forum international pour le développement social, lancé récemment par DESA. Il s’agit d’un projet qui se situe dans le cadre des activités d’assistance technique du Département, et qui est financé par des contributions volontaires, a expliqué M. Baudot. Il a précisé que, pour l’heure, des contributions ont été reçues du Danemark et de la Finlande et que le Gouvernement des Pays-Bas a fait une promesse de soutien. L’objectif principal de cette initiative est d’aider les pays en développement à poursuivre leurs objectifs de progrès social en favorisant leur participation au processus de mondialisation et en oeuvrant pour une transformation de ce processus vers plus de démocratie et donc une contribution claire au bien commun. Le Forum a rassemblé, pour sa première réunion tenue la semaine dernière à New York, les différents acteurs du développement social pour deux jours de discussion. Le sujet de cette première réunion était le financement du développement social mondial, pris au sens le plus large de poursuite du bien-être matériel et spirituel des personnes dans des communautés, des nations et un monde harmonieux. Quatre dimensions principales ont été identifiées, a expliqué M. Baudot. Il s’agit de la possibilité donnée à chacun d’avoir une activité économique, indépendante ou salariée, permettant de subvenir à ses besoins; l’accès de chacun aux services publics, tels l’éducation et la santé, et l’accès à la sécurité et à la protection sociale; la promotion et le fonctionnement d’institutions permettant des relations sociales harmonieuses, y compris dans le domaine des transactions économiques. C’est dire que la croissance économique est bien vue comme un moyen du développement social, a estimé le représentant de DESA.
Evoquant ensuite les observations principales de ce premier Forum, M. Baudot a expliqué que le financement du développement social est plus problématique aujourd’hui que par le passé pour tous les pays, développés ou en développement. Les gouvernements disposent en effet de moins de ressources pour financer le développement social. C’est là un paradoxe car globalement le monde est plus riche et la plupart des pays ont connu une croissance économique réelle. L’explication logique est au niveau des choix politiques, de la détermination des priorités dans la distribution et l’utilisation des ressources. En outre, la fin du XXème siècle a été marquée par un glissement de la richesse du secteur public vers le secteur privé, couplé, dans le cadre du processus de mondialisation, à une reprise du mouvement vers la liberté individuelle et la liberté d’entreprendre et de bénéficier des fruits de son travail. Une autre conclusion du Forum est que le financement du développement social, ou en d’autres termes la solidarité, ne repose solidement que sur la conscience d’une humanité commune, d’un destin commun, d’une recherche généreuse du bien commun. Sans ce socle moral, le développement social ne peut se faire, a précisé M. Baudot. Toutefois, l’argument économique ne saurait être négligé. Il convient aussi de souligner que la qualité et l’efficacité du don dépendent des intentions de celui qui donne, de son respect de celui qui reçoit. Les discussions du Forum ont permis de constater que le financement du développement social réclame d’abord une continuation et un renforcement des politiques traditionnelles et ensuite l’adoption de mesures nouvelles et novatrices, a expliqué M. Baudot. Les exemples de politiques traditionnelles sont notamment l’amélioration de l’assiette fiscale et de la progressivité de l’impôt ou encore l’éducation gratuite pour tous. Quant aux mesures novatrices, il s’agit par exemple de la taxe Tobin, ou toute forme de taxe sur les transactions internationales ou les émissions de gaz polluants. «Ensuite» ne signifie pas nécessairement plus tard, mais reflète la conviction qu’il est dangereux d’abandonner ce dont on dispose effectivement.
La rencontre a aussi permis de rappeler que le financement international ou mondial du développement social est un complément des efforts nationaux, mais ce complément doit être conçu comme permanent. L’Aide publique au développement doit être vue comme l’embryon d’un système mondial de redistribution des ressources car la mondialisation demande que le transfert de ressources du riche vers le pauvre soit un élément intrinsèque d’une véritable communauté mondiale. L’exigence démocratique demande aussi que les institutions internationales responsables de la collecte de ces ressources soient soumises à un contrôle politique, a ajouté le représentant de DESA, avant d’ajouter que le redéploiement de ressources financières doit s’accompagner d’un redéploiement des connaissances et des technologies. La dernière conclusion principale du Forum est que si le financement mondial d’une partie du développement social est une nécessité amplifiée par la mondialisation, les éléments qui constituent le bien-être des personnes se déterminent eux à des niveaux très concrets et localisés. De même que la survie dépend souvent de l’ingénuité et de la solidarité de petites communautés, le développement social pensé au niveau mondial ne prend de manifestations concrètes que dans ces communautés de base que sont les familles, les entreprises ou les administrations locales. Plus le niveau international est important, plus il convient de cultiver les niveaux nationaux et locaux. C’est là l’intégration de l’économique et du social par le truchement du micro-économique et du micro-politique, a expliqué M. Baudot.
M. JOHN MARTIN, Organisation mondiale de la santé (OMS), présentant les résultats des travaux de la Commission sur les politiques macroéconomiques et la santé, a signalé que les pays dont les habitants sont en bonne santé enregistrent de meilleurs résultats en termes de production, de croissance économique et de réduction de la pauvreté. Une augmentation de 10% de l’espérance de vie correspond à une augmentation de 0,3 à 0,4% par an de la croissance économique. Des interventions sont possibles dans les pays à faible revenu, affectés par le fardeau des maladies comme la malaria, la tuberculose ou le VIH/sida ou encore par la malnutrition afin de prévenir la prévalence de ces maladies et de traiter les personnes malades. Toutefois, il est très difficile d’atteindre les plus vulnérables en raison d’un sous-investissement dans les systèmes de santé. Selon diverses estimations, il suffirait d’un investissement annuel de 30 à 40 dollars par habitant pour financer des interventions clefs. Malheureusement, les pays à faible revenu consacrent 23 dollars par habitants tandis que les pays très endettés dépensent 11 dollars. Si le fossé pouvait être comblé, l’on pourrait sauver par an 8 millions de vies humaines d’ici à 2010. La santé n’est pas un luxe que les pays en développement peuvent s’offrir une fois qu’ils ont atteint un niveau de développement économique suffisant.
Le représentant a évoqué des signes encourageants comme la création du Fonds mondial pour lutter contre la tuberculose, la malaria et le VIH/sida qui a déjà reçu 2 milliards de dollars. Nous tirons également des enseignements pratiques importants au sujet du partenariat entre les secteurs public et privé qu’illustre l’Alliance mondiale pour les vaccins et les vaccinations. Une récente étude de l’OMS, portant sur 10 situations différentes, a montré que les pays ne savent pas établir des liens entre la santé et la croissance économique. Ils ont tendance à considérer la santé et les autres secteurs sociaux comme des secteurs non productifs qui sont le résultat des politiques économiques.
Mme JUDITH EDSTROM, Banque mondiale, a indiqué que le thème de l’intégration des politiques sociales et économiques est également une question importante pour la Banque mondiale. Nous savons que les politiques économiques visent la croissance économique, la durabilité monétaire et l’efficacité de l’Aide publique au développement. En revanche, il n’existe pas de définition unique et concertée de la politique sociale. Le secteur public détermine comment protéger les membres d’une société par le biais de la mise à disposition de services sociaux, de programmes scolaires, de services de santé ainsi que par le biais de politiques spécifiques sur des questions comme les préférences sexuelles ou la discrimination entre les sexes. Les questions monétaires, fiscales et législatives ont un impact social. Dans le rapport du Secrétaire général, l’idée la plus intéressante est que la politique économique doit être sociale.
Il a eu une évolution des considérations sociales à la Banque mondiale. Au niveau politique, les programmes d’ajustement structurel ont été lancés dans les années 80 pour réagir au prix du pétrole. La Banque mondiale ou le Fonds monétaire international sont devenus des experts de la dette et l’on a admis que la réduction des budgets était une tâche aisée à accomplir dans le secteur social, ayant pour conséquence des coûts humains importants. Avec la crise en Asie du Sud, on a vu la nécessité d’améliorer la protection sociale et de procéder à des changements institutionnels. Le rapport mondial sur la pauvreté a montré que nous étions passés d’une pauvreté basée sur les revenus à une pauvreté basée sur la qualité de la croissance. La Banque mondiale déploie de plus en plus d’efforts systématiques pour effectuer des analyses sur l’impact social et encourage les gouvernements à le faire. Les analyses d’impact social s’intéressent de plus en plus à ce qu’il faut faire -et non pas à ce qu’il ne faut pas faire- et à la participation de la population, illustrant une approche plus ouverte. Nous tentons de promouvoir une responsabilité sociale en encourageant l’évaluation des services rendus. La Banque mondiale oeuvre également en faveur du développement des communautés et collectivités qui devraient avoir leur mot à dire. L’analyse des conflits fait partie de l’analyse des problèmes sociaux dans un pays donné. Nous avons commencé à travailler sur l’élaboration d’une stratégie de développement social, qui n’est pas un secteur d’activité mais un mode de pensée.
M. ALFATIH IBRAHIM HAMAD, Directeur adjoint du bureau de liaison de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) à New York, a fait observer que, sept ans après le Sommet de Copenhague, très peu de choses semblent avoir changé et les approches macroéconomiques du développement continuent de prévaloir sur les facteurs sociaux. De plus, le processus actuel de la mondialisation a créé pour beaucoup un véritable sentiment d’insécurité. Il y a très peu de règles du jeu et, à moins qu’un cadre universel soit défini, les pauvres et les défavorisés ne jouiront pas des fruits de la mondialisation. C’est ce à quoi l’UNESCO s’efforce de parvenir. Le programme de transformation sociale de l’UNESCO associe les questions ayant trait à la mondialisation et à la pauvreté. Aujourd’hui, 1,2 milliard de personnes continuent de vivre dans des conditions d’extrême pauvreté, ce qui est un véritable déni des droits fondamentaux de l’homme. Les droits des personnes en matière d’éducation et de santé sont encore trop négligés. Or, une définition et une approche élargie du développement social sont encore trop rarement adoptées dans les politiques macroéconomiques. L’approche intégrée intersectorielle de l’UNESCO implique qu’il faut aller au-delà des politiques d’élimination sectorielle de la pauvreté. Il faut adopter un ensemble de mesures à la fois économiques et sociales, comme par exemple l’éducation, la santé, le logement ou l’égalité entre les sexes. Ce faisant, tous les acteurs, locaux, nationaux ou internationaux doivent être associés. Les principes directeurs de l’action de l’UNESCO sont le respect des droits de l’homme, la bonne gouvernance et la protection de l’environnement. Des principes qui doivent se retrouver dans les politiques mises en place si l’on veut qu’elles soient efficaces, a précisé le représentant. Il faut avant tout abandonner l’idée que l’octroi de droits sociaux est en quelque sorte une oeuvre de charité. Effectuer des dépenses dans le secteur social est productif et constitue un véritable investissement à long terme, a insisté M. Hamad, avant d’ajouter qu’il existe une véritable responsabilité publique en matière d’égalité des chances pour tous.
L’éducation revêt une importance particulière en matière de développement social, a poursuivi M. Hamad. Elle constitue en effet la base de tout développement des individus, qui sont les véritables moteurs du développement durable. Associée à l’accès aux services sociaux et de santé, elle doit être au centre de toute politique sociale, a-t-il insisté. Malheureusement, dans de nombreux cas, on assiste à une baisse des dépenses publiques consacrées à l’éducation. Cette baisse est la plus importante dans les pays les moins avancés, là où les besoins sont pourtant les plus forts. Il faut donc aussi revoir la question de l’aide accordée aux pays car, sans ressources suffisantes, aucun progrès ne pourra être accompli. C’est pourquoi, l’UNESCO a notamment pour objectif de garantir d’ici à 2015 à tous les enfants l’accès à l’éducation primaire et de réduire de 50% le niveau d’analphabétisme dans le monde. L’expérience a montré que l’efficacité des programmes sociaux est renforcée lorsqu’une attention particulière est donnée aux femmes et à l’équité entre les sexes et l’UNESCO a également défini un certain nombre d’objectifs à atteindre dans ce domaine.
Dialogue avec les Etats Membres
La représentante du Mexique a estimé que les exposés des entités du système des Nations Unies amènent à se demander ce qu’est réellement une stratégie de développement. Quand on parle de développement, il faut d’abord définir ce qu’on entend par développement. Par exemple, il semble incontournable d’améliorer l’éducation et la santé. S’agissant de la création d’emplois, préconisée par plusieurs institutions internationales, il faut savoir comment générer ces emplois à l’heure de la mondialisation. En outre, il faut que les emplois créés donnent aux individus des moyens suffisants pour avoir une vie décente. Elle a insisté sur la nécessité de mettre pleinement en oeuvre les engagements de Copenhague et de la Déclaration du Millénaire. Son collègue du Chili a, quant à lui, regretté qu’il n’y ait pas véritablement de principe d’organisation solide guidant l’intégration des politiques économiques et sociales. L’autre grande question est celle du financement des programmes sociaux. A cet égard, les mesures novatrices allant dans le sens d’une plus grande contribution des grandes entreprises transnationales pourrait peut-être être une solution.
Réagissant à ces commentaires, M. Langmore, représentant de l’OIT, a expliqué que l’un des principes d’organisation guidant l’intégration des politiques pourrait être l’amélioration de la qualité de la vie pour tout le monde. Pour Mme Edstrom de la Banque Mondiale, l’un des moyens de répondre à cette question est d’entreprendre un vaste processus de participation à tous les niveaux, afin de bien saisir les besoins de tous. Revenant plus particulièrement sur les stratégies de développement, le représentant du Département des affaires économiques et sociales, M. Baudot, a, pour sa part, insisté sur la nécessité d’accroître la pertinence immédiate des initiatives de dialogue, notamment celle de la Commission ou celle du Forum lancé par DESA. «Une chose est sûre, c’est qu’il faut éviter les réponses trop simplistes», a-t-il ajouté. Pour ce qui est des ressources, il est bien évident que les Etats ou les organismes publics ne peuvent pas réaliser à eux seuls les investissements nécessaires et il doit donc y avoir de nombreuses autres sources de financement, qui pourraient être trouvées dans le secteur privé. De l’avis de M. Hamad de l’UNESCO, les économistes jouent peut-être encore un rôle trop important en matière de stratégie sociale. Il faudrait que ceux qui s’intéressent de près aux questions sociales se fassent entendre davantage, afin que l’accent ne soit pas mis de manière excessive sur les infrastructures, par exemple, et que les dépenses soient plus équilibrées. Pour sa part, le représentant de l’OMS, M. Martin, a estimé que l’on est déjà en mesure de mieux évaluer les actions entreprises et d’en mesurer les résultats et qu’il serait donc approprié de poursuivre dans cette voie. Il a rappelé qu’à Copenhague, des domaines d’action très clairs, permettant d’améliorer les conditions de vie des plus pauvres, ont été définis et il faudrait commencer par bien les prendre en considération. Une autre manière d’améliorer les actions entreprises est aussi d’envisager comment mieux utiliser les sommes consacrées au développement social, a-t-il précisé.
Interrogé par la représentante du Suriname sur l’utilité de l’éducation en matière de droits de l’homme dans le développement social, le représentant de l’UNESCO a expliqué que l’éducation relative aux droits de l’homme est considérée comme l’un des piliers de l’éducation.
A la représentante de l’Algérie qui demandait si les objectifs de la Déclaration du Millénaire ont plus de chance d’être atteints que ceux fixés précédemment par le Sommet de Copenhague ou les sessions extraordinaires de l’Assemblée générale et pourquoi, M. Langmore, de l’OIT, a répondu qu’il était très difficile d’en déterminer les résultats en raison des tendances contradictoires constatées dans le monde. D’un côté, l’on a un engagement plus fort que jamais des gouvernements, mais de l’autre, on trouve le ralentissement de la croissance économique et la multiplication des conflits armés. Le représentant de l’OMS, M. Martin, a estimé quant à lui que ces objectifs sont bel et bien réalisables et qu’un certain nombre de pays sont déjà sur la bonne voie. Toutefois, il a fait remarquer que l’on sait pertinemment que, sans des changements importants, notamment quant au niveau et à l’utilisation des ressources, certains pays en développement ne parviendront pas à ces objectifs. Mme Edstrom, de la Banque mondiale, s’est dite elle aussi optimiste, en raison du fait notamment que ces objectifs du millénaire ont été adoptés par les chefs d’Etat et les responsables des institutions spécialisées. Ils constituent en outre des objectifs tangibles de développement durable.
Dialogue avec les organisations non gouvernementales
Mme BEVERLY SUTHERLAND-LEWIS, représentante du «Conseil international de l’action sociale», a souligné que les gouvernements, en particulier des pays en développement, ne sont pas souvent à même de fixer le cadre des politiques économiques et sociales en raison de l’incapacité des divers ministères clefs de travailler de concert. Elle a également regretté l’absence de participation des représentants de la société civile lors de l’élaboration des budgets. Une autre faiblesse réside dans l’impossibilité des gouvernements de faire un travail de recherche en raison de ressources financières restreintes. Ces mêmes gouvernements sont handicapés par leur incapacité de collecter leurs impôts ou à rembourser leur dette extérieure.
Mme BARBARA BAUDOT, représentante du «Triglav Circle», a expliqué que l’objectif de cette ONG est d’évaluer l’impact des résultats du Sommet de Copenhague. Elle a expliqué que la prétendue notion de village mondial perd de son intérêt si on la dissocie du projet social. Une approche fondée sur l’économie entraîne un malaise dans les sociétés. Il est nécessaire que les gouvernements protègent leurs citoyens des conséquences négatives des forces économiques modernes. La notion de capitalisation dans le processus de mondialisation représente une menace encore plus grande au bien-être des populations. Très peu de gouvernements semblent être capables d’accorder la priorité à l’art de bien vivre par rapport aux intérêts économiques. La société n’a pas pris au sérieux le message selon lequel il est nécessaire de lutter contre l’appauvrissement mental exacerbé par la rationalisation économique. Le défi est de générer une vision durable du progrès scientifique, économique et social.
Mme GIOVANNA DECLICH, «Gruppo CERFE», a expliqué que les activités de cette ONG dans plus de 50 pays visent à combler le fossé entre la réalité des sociétés humaines et la façon de la représenter. Elle a souligné qu’un tournant a été pris, il y a quelques années, et qui est lié à la reconnaissance de la convergence des phénomènes de nature sociale et ceux de nature économique. Il n’y aura jamais de développement tant que les acteurs des pays du Sud et des pays du Nord ne pourront y participer ensemble et que l’on continue de considérer les populations concernées comme une masse distincte. Il faut accorder la priorité au leadership des collectivités car les pauvres eux-mêmes contribuent à la lutte contre la pauvreté par des actions de bénévolat. La pauvreté doit être tenue sous contrôle par des mesures préventives. Il est insensé de développer le secteur de l’enseignement si on laisse mourir les mères du sida. C’est pourquoi, la gestion des risques sociaux constitue à cet égard un premier pas. Cette approche intégrée correspond à une réalité complexe et permet une interaction entre acteurs traditionnels et nouveaux acteurs.
Mme NOLAN, représentante de la «Congregation of the Sisters of the Good Sheperd», a souligné la nécessité d’assurer une meilleure intégration des politiques économiques et sociales. Elle a plaidé en faveur d’une interaction plus soutenue entre les organes et institutions pertinentes des Nations Unies afin de promouvoir les partenariats indispensables à la réalisation de cet objectif.
Mme PHILO MORRIS, représentante de la «Société des missionnaires médicales catholiques», a plaidé en faveur de l’annulation de la dette des pays les plus pauvres sur la base de leur capacité à remplir les objectifs de la Déclaration du Millénaire. Les femmes représentent 70% des pauvres dans le monde. Il faudrait par exemple accorder des contrats publics aux pays qui ont mis en place des politiques d’équité salariale. La représentante a invité les délégués à fournir un logement à 100 millions des habitants les plus pauvres du monde comme l’a recommandé la Conférence sur les établissements humains. Elle a suggéré d’envisager des mesures permettant aux familles d’obtenir plus facilement des prêts et de sortir de la pauvreté.
Mme PAT KENOYER, représentante des «Soeurs de Lorette», a estimé que la mise en place des structures nécessaires à l’amélioration de la qualité de vie ne peut se faire en renforçant la militarisation des sociétés. Les dépenses militaires constituent une menace à sécurité sociale et économique de la population alors que cet argent pourrait être alloué au secteur de la santé ou de l’enseignement.
Fin du débat général
Mme MAVIS KUSORGBOR (Ghana) a estimé que le concept de l’intégration des politiques économiques et sociales était fondamental. Les politiques économiques doivent en effet viser la promotion du bien-être social des individus. Au cours de ces deux dernières décennies, de nombreux pays en développement, y compris le Ghana, ont scrupuleusement mis en oeuvre les programmes d’ajustement structurel qui ont accordé la préférence à une approche basée sur la libéralisation du marché comme outil de développement économique. Ces politiques économiques radicales ont bouleversé le secteur social. Au Ghana, le peu d’attention accordée à l’impact social des ajustements structurels a réduit l’efficacité du Gouvernement dans sa lutte contre le chômage et il a, par conséquent, réduit l’accès aux services de base. Pour atténuer les effets des ajustements structurels, le Gouvernement du Ghana a cependant mis en oeuvre un programme qui facilite l’accès à la formation professionnelle et à la réinsertion professionnelle.
Malgré ce programme, a ajouté le représentant, la situation sociale s’est davantage détériorée. Il est apparu évident que l’approche économique libérale unique ne pouvait pas répondre à l’ensemble des questions auxquelles sont confrontés les pays en développement. Les programmes d’ajustement structurel n’ont pas permis de répondre aux besoins en investissements, notamment dans le secteur de l’agriculture qui emploie 65% de la main-d’œuvre au Ghana. Il faut tracer de nouvelles voies pour intégrer les politiques sociales et économiques. L’expérience du Ghana montre que les stratégies de réduction de la pauvreté qui intègrent les questions de l’allègement de la dette et de l’accès aux marchés, prévoient des filets de protection sociale et facilitent les flux de capitaux privés et publics constituent le fondement du développement social.
Mme IRMA LOEMBAN TOBING-KLEIN (Suriname) a déclaré que sept ans après l’adoption du Programme d’action de Copenhague, la lutte contre la pauvreté, l’exclusion, l’inégalité, et la maladie est à la fois plus forte et plus pressante que jamais. Il est donc nécessaire d’adopter de manière urgente des approches davantage orientées vers l’action. De l’avis de la délégation du Suriname, le développement durable doit oeuvrer en faveur des pauvres, des femmes, de l’emploi et de l’environnement. En un mot, il doit prendre un visage humain et devenir véritablement un «développement humain durable». Dans ce contexte, l’année 2002 revêt une importance toute particulière. Avec la tenue de la Conférence sur le financement du développement, de la deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement, de la session extraordinaire de l’Assemblée générale consacrée aux enfants, et du Sommet mondial sur le développement durable, les gouvernants du monde, rassemblés au plus haut niveau, ont la possibilité de discuter sur le fond des problèmes et d’adopter des programmes d’action et mesures concrètes. Ainsi que l’a rappelé le Secrétaire général des Nations Unies lors de la clôture du Forum économique mondial, on estime à 50 milliards de dollars supplémentaires par an, le niveau d’Aide publique au développement nécessaire pour atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté fixés par la Déclaration du Millénaire. «L’année 2002 doit faire la différence, c’est une obligation morale à l’égard des plus vulnérables», a affirmé la représentante.
A son niveau national, le Suriname a entrepris une série d’actions inscrites dans un plan de développement quinquennal qui comprend une stratégie pour une production durable et une autre pour la réduction de la pauvreté. Une attention particulière est portée, dans ce cadre, à l’utilisation durable des ressources naturelles et humaines. Le plan quinquennal vise trois objectifs principaux : créer des opportunités pour tous et -notamment les femmes, les jeunes et les personnes âgées-, encourager la participation de tous et améliorer les services sociaux pour tous. Reconnaissant pleinement l’importance de la bonne gouvernance pour parvenir au progrès social et au développement durable, les autorités du Suriname oeuvrent aussi à la promotion de l’éducation en matière de droits de l’homme. Elles prévoient de mettre en place un projet dans ce domaine, qui sera réalisé en coopération avec la société civile et les ONG. La représentante a précisé qu’en juillet dernier, lors de la session de fond du Conseil économique et social, son pays a d’ailleurs présenté et fait adopter une résolution sur la question de l’éducation en matière de droits de l’homme.
M. ISAAC LAMBA (Malawi) a expliqué que la réduction de la pauvreté, et en particulier la sécurité alimentaire et l’autonomisation des segments les plus vulnérables de la population, est une des priorités de son pays. Le Malawi réunit les conditions pour bénéficier de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés dont la mise en oeuvre garantira que les ressources financières soient consacrées aux groupes les plus vulnérables. Insistant sur l’importance de l’éducation comme pilier du programme de développement socioéconomique, le représentant a notamment fait remarquer le coût important de bons programmes scolaires qui exigent l’aide de la communauté des donateurs.
Dans le secteur de la santé, M. Lamba a expliqué que son pays avait les indicateurs les plus bas au monde. L’espérance de vie est passée de 44 à 39 ans en raison de la pandémie du VIH/sida qui est la cause première des décès. Sur une population de 11 millions d’habitants, un million de personnes sont infectées par le VIH/sida, aggravant la pauvreté ainsi que le nombre d’orphelins et sapant les gains obtenus dans le domaine économique et social. Un autre sujet de préoccupation porte sur les questions relatives aux sexospécificités. Le Gouvernement, avec l’aide des ONG, a mis en place une stratégie d’intégration de la problématique hommes/femmes qui traite de l’éducation, de la santé et de l’autonomisation des femmes.
M. STEFAN BRUPBACHER (Observateur de la Suisse) a fait observer que le thème prioritaire de cette session n’est pas nouveau et a déjà, en vérité, influencé des changements de politiques et d’orientation dans des organisations internationales telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Organisation internationale du Travail. Abordant ensuite le rapport préparé par le Secrétaire général, le représentant a estimé qu’il était trop négatif à l’égard des effets des politiques économiques libérales. Le rapport ignore les souffrances subies par les populations résultant de dépenses publiques non contrôlées et met trop l’accent sur le conflit ou les incompatibilités existants entre politique sociale et politique économique.
A l’inverse, la Suisse souhaite mettre l’accent sur le rôle positif de la libéralisation du commerce. De nombreuses recherches montrent d’ailleurs que les pays qui s’ouvrent aux marchés jouissent d’un meilleur taux de croissance et peuvent ainsi assurer leur développement. Elle reconnaît cependant que l’ouverture commerciale ne suffit pas et que les gouvernements doivent garantir un environnement favorable à la croissance économique et à la redistribution équitable des bénéfices. Pour cela, il est indispensable d’adopter des politiques économiques rationnelles, visant une faible inflation et l’équilibre fiscal et des termes de l’échange. Il est aussi nécessaire d’avoir des systèmes et des infrastructures dans les domaines de l’éducation et du social. En fait, la libéralisation de l’économie et les dépenses sociales sont interdépendantes, a estimé le représentant, ajoutant qu’il convenait de mettre davantage l’accent sur l’aspect qualitatif que quantitatif des dépenses sociales.
M. Brupbacher a fait remarquer que les moyens financiers de tous les pays sont limités. Ceci conduit nécessairement à faire des choix, qui n’ont pas systématiquement à intervenir entre social et économique. La réduction des dépenses militaires et des subventions aux groupes privilégiés ou l’amélioration des services publics sont autant de domaines à partir desquels des ressources peuvent être dégagées. Dans tous les cas, des politiques fiscales transparentes sont indispensables. Il faut aussi que les pouvoirs publics demeurent à l’écoute des citoyens afin de savoir ce qu’ils veulent, quels sont leurs besoins. En ce nouveau siècle, il ne sert à rien de susciter des batailles idéologiques et de blâmer les politiques néolibérales, ce qu’il faut c’est élaborer des politiques économiques et sociales adaptées à chacun des pays, a conclu le représentant.
Mme JEANNETTE NDHLOVU (Afrique du Sud) a expliqué que son pays devait lutter contre les disparités économiques, l’exclusion sociale et la marginalisation qui sont le résultat direct des politiques inhumaines datant de la période d’apartheid. Commentant le rapport du Secrétaire général sur l’intégration des politiques sociales et économiques, la représentante a estimé qu’il aurait également fallu aborder la question du lien entre les politiques relatives à l’emploi et celles relatives à la protection sociale qui fournissent un filet de sécurité aux chômeurs et aux populations marginalisées. Nous nous associons à l’analyse selon laquelle les politiques sociales et économiques sont confrontées à des défis de taille tels que la persistance des niveaux d’inégalités au sein des pays et entre pays, ce qui met en danger la cohésion sociale, le développement humain pour tous et favorise la désintégration des sociétés en raison des conflits armés et de la pandémie du VIH/sida. Cette pandémie est un défi majeur pour l’Afrique du Sud dans sa recherche du développement durable. Notre stratégie, a indiqué Mme Ndhlovu, repose entre autres sur des campagnes massives de prévention, l’accès aux soins des personnes infectées et des activités de recherche en vue de mettre au point un vaccin.
La délégation sud-africaine est d’avis que l’intégration des objectifs économiques et sociaux est nécessaire. Les politiques qui visent l’obtention de taux de croissance économique plus élevés et celles visant à réduire la pauvreté et les inégalités devraient être renforcées et complémentaires. La Stratégie de redistribution, de l’emploi et de la croissance de l’Afrique du Sud a identifié les nombreuses faiblesses structurelles qui inhibent la croissance économique et l’emploi. Cette stratégie reconnaît que la réduction des inégalités suppose l’accélération de la création d’emplois, qui est une priorité du Gouvernement. Toutefois, les politiques d’emploi doivent être accompagnées de politiques de protection sociale qui garantissent un filet de sécurité aux plus démunis.
Mme DIAKITE FATOUMATA N’DIAYE, Ministre du développement social, de la solidarité et des personnes âgées du Mali, pays observateur auprès de la Commission, a estimé que l’amélioration de la qualité de vie de tous les peuples doit être le but ultime du développement social. Cela implique que les initiatives et actions de développement social doivent s’inscrire dans le cadre de la coordination et de l’intégration des politiques économiques et sociales. Le problème est que le monde en développement a vécu une vingtaine d’années d’application des programmes d’ajustement structurel, basés essentiellement sur la croissance et l’équilibre budgétaire. Ceci a engendré, pour les populations, une aggravation des inégalités sociales, une diminution des dépenses sociales et la paupérisation de plus en plus croissante. «Il est donc heureux que la communauté internationale soit aujourd’hui décidée à apporter les corrections nécessaires à sa stratégie pour tenir compte des aspects sociaux dans les politiques macroéconomiques», a jugé la Ministre.
L’homme étant au début et à la fin de tout processus de développement, les programmes de développement devraient s’attacher à résoudre prioritairement les problèmes auxquels les populations sont confrontées, a poursuivi Mme N’Diaye. Elle a ajouté que cette nécessité a été comprise très tôt au Mali qui, après la tenue du Sommet de Copenhague, a élaboré une stratégie de lutte contre la pauvreté. Cette stratégie a été élaborée suivant un processus participatif associant le secteur privé, la société civile, les communautés de base et les partenaires au développement. A la faveur de ce processus, plusieurs actions concrètes ont été mises en oeuvre, allant de la création du ministère du développement social, de la solidarité et des personnes âgées à des projets sectoriels dans les domaines de la santé, de l’éducation ou encore de l’hydraulique rurale. En outre, le Gouvernement met actuellement sur pied la Banque malienne de solidarité qui portera son attention sur la microfinance et accordera des prêts aux couches pauvres ne pouvant accéder aux banques classiques, faute de garanties. Il est aussi prévu d’établir un Fonds de solidarité nationale, financé par des fonds publics mais aussi par des contributions volontaires de personnes privées.
La Ministre a ensuite exprimé le souhait que la Commission du développement social fasse des recommandations dans le sens de l’application effective de l’initiative «20/20», lancée dans le cadre du Programme d’action de Copenhague et qui recommande l’affectation de 20% du budget national et de 20% de l’Aide publique au développement aux services sociaux de base. Mme N’Diaye a en outre jugé nécessaire de créer un mécanisme de coordination entre les institutions du système des Nations Unies en vue de parvenir à l’application effective de cette initiative.
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