FAISANT LE BILAN DES TRAVAUX DE L’ANNEE 2002, LES MEMBRES PERMANENTS ET NON PERMANENTS CITENT LES FORCES ET LES FAIBLESSES DE L’ORGANE DE L’ONU CHARGE DU MAINTIEN DE LA PAIX
Communiqué de presse CS/2421 |
Conseil de sécurité CS/2421
4677e séance – matin 20 décembre 2002
FAISANT LE BILAN DES TRAVAUX DE L’ANNEE 2002, LES MEMBRES PERMANENTS ET NON PERMANENTS CITENT LES FORCES ET LES FAIBLESSES DE L’ORGANE DE L’ONU CHARGE DU MAINTIEN DE LA PAIX
Le Conseil de sécurité a tenu, ce matin, une séance de récapitulation de ses travaux de l’année. Son Président pour le mois de décembre, M. Alfonso Valdivieso (Colombie) a invité les membres sortants et non sortants du Conseil de sécurité, l’organe de l’ONU chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, à évaluer les principales contributions du Conseil, la portée de son action et les problèmes et difficultés rencontrés. Pour M. Valdivieso, il s’agissait surtout de dégager les grands problèmes et les possibilités qui se présentent au Conseil en 2003*.
L’invitation à cette analyse a permis aux 5 membres sortants du Conseil – Maurice, Irlande, Singapour, Norvège et Colombie – de se féliciter de la transparence que le Conseil a su imprimer à ses travaux et de l’interaction qu’il a renforcée avec les autres Membres des Nations Unies. Néanmoins, dressant le bilan de deux années d’expérience qui les ont amenés à se pencher sur les questions controversées de l’Iraq ou du Moyen-Orient, les membres sortants ont mis un accent particulier sur ce qu’ils ont perçu comme les faiblesses du Conseil. L’attachement obligatoire du Conseil aux principes d’objectivité, d’impartialité et d’équité consacrés par la Charte des Nations Unies a ainsi été rappelé. Pour préserver sa crédibilité et sa légitimité, ont souligné les membres non sortants, le Conseil doit dissiper, de manière urgente, le sentiment justifié ou non de l’opinion publique internationale à l’égard de sa politique des “deux poids, deux mesures” et à sa sélectivité devant les différentes situations de conflit dont il est saisi.
L’opinion publique peut se demander pourquoi le ratio actuel est de quelques milliers de dollars par victime dans les Balkans et de quelques dollars seulement par victime au Rwanda, a, par exemple, déclaré le représentant de Singapour après avoir exhorté le Conseil à entamer la réflexion nécessaire sur la répartition des 3 milliards de dollars consacrés chaque année aux opérations de maintien de la paix. Les faiblesses ainsi dénoncées du Conseil ont été largement imputées à la différence de statut entre membres permanents dotés du droit de veto et membres non permanents. Comme l’a dit le représentant du Cameroun, membre non permanent et non sortant, “la tentation est grande de profiter du rapport de force pour faire avancer ses intérêts au détriment parfois de l’intérêt général et de croire qu’être d’accord à 5 équivaut à être d’accord à 15”.
Cette question a permis au représentant de Singapour de soulever celle de la responsabilité du Conseil et de lui rappeler, à l’instar d’autres intervenants, qu’il tire sa légitimité de l’ensemble de l’ONU et de sa Charte, et de son appartenance à la famille des Nations Unies. En conséquence, la transparence dans les travaux du Conseil et l’unité dans ses décisions ont été présentées comme les garants du maintien de cette légitimité. Au nombre des membres permanents qui ont répondu à ces critiques, le représentant du Royaume-Uni a estimé que la division entre membres permanents et non permanents ne tient pas tant à une question de transparence qu’à une question de professionnalisme. Pour lui, l’égalité dans la participation aux travaux du Conseil viendra de ce professionnalisme et de l’aptitude de ses membres à se partager les questions dont le Conseil est saisi.
L’aptitude à se partager les questions a été jugée d’autant plus importante par le représentant britannique qu’il a, tout comme l’ensemble des intervenants, attiré l’attention sur l’ordre du jour de plus en plus chargé du Conseil et sur l’ampleur et la complexité des questions qui y sont inscrites. De nombreux appels ont donc été lancés au Conseil pour qu’il renforce sa coopération avec les autres organes des Nations Unies tels que l’Assemblée générale, le Conseil économique et social ou la Commission des droits de l’homme, ainsi qu’avec les organisations régionales et sous-régionales. La coopération avec ces organisations a été particulièrement jugée utile pour la prévention des conflits et la consolidation de la paix après conflit.
Au titre des questions plus spécifiques, le Conseil a été invité à approfondir sa réflexion sur les mécanismes de suivi de ces décisions et résolutions, l’efficacité du régime des sanctions et leur impact humanitaire, les modalités de la lutte contre le terrorisme ou encore le renforcement des processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration.
* Lettre datée du 19 décembre 2002, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de la Colombie auprès de l’ONU (S/2002/1387).
DÉBAT DE SYNTHÈSE SUR LES TRAVAUX DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PENDANT LE MOIS COURANT
M. JAGDISH KOONJUL (Maurice) a estimé que le Conseil a accompli des progrès considérables dans ses méthodes de travail, en particulier en matière de transparence et d’interaction avec les autres Membres de l’ONU. Le nombre accru de séances publiques et de séances d’information publiques ont été très appréciées par l’ensemble des Membres de l’ONU et permis de réduire le fossé entre le Conseil et ces autres membres. Cette approche, a-t-il encore estimé, reste la manière la plus efficace pour obtenir le plus grand appui de la part de la communauté internationale. Le maintien d’une telle approche doit être la priorité du Conseil, a souhaité le représentant. Il a souligné la nécessité pour le Conseil d’apparaître comme un organe crédible et proactif qui examine les questions dont il est saisi de manière objective, impartiale et constructive. Toute division au sein des membres du Conseil ne pourra que compromettre les relations du Conseil avec le reste de la communauté internationale. L’unité du Conseil, a estimé le représentant, doit rester la priorité du Conseil d’autant plus que cet organe est plus efficace lorsqu’il agit à l’unisson. Le représentant a cité une autre priorité pour le Conseil qui est d’assurer une mise en oeuvre effective de ses décisions et résolutions.
Quant aux informations qui président à ces décisions et résolutions, le représentant a jugé important que le Conseil effectue des visites régulières dans les régions de conflits qui sont à son ordre du jour. A cet égard, il a estimé que le Conseil doit diviser ses missions de visite en deux, voire trois groupes afin de visiter le plus grand nombre d’endroits possible. Maintenant que la paix semble se rétablir dans nombre de pays, le Conseil doit se fixer pour objectif la consolidation de la paix, a poursuivi le représentant. Dans ce contexte, les processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration constituent un autre défi, a-t-il ajouté en soulignant que la question doit être abordée sous l’angle régional voire continental, en particulier en Afrique où la demande en combattants est élevée. Concluant, le représentant a invité le Conseil à mettre davantage l’accent sur la prévention des conflits. A cet égard, il a estimé que le Conseil doit travailler davantage avec les organisations régionales et sous-régionales et utiliser pleinement les systèmes d’alerte rapide. Une plus grande coopération avec l’Union africaine dans le domaine de la prévention est absolument essentielle, a insisté le représentant. Le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) et son mécanisme d’examen constituent le cadre requis pour prévenir les situations de crise et il revient au Conseil de contribuer au renforcement de la capacité institutionnelle de l’Union africaine et à la mise en oeuvre du NEPAD.
M. GERARD CORR (Irlande), dont le pays arrive également au terme de son mandat comme membre du Conseil, a déclaré que le Conseil de sécurité est au centre du système international et multilatéral. Il doit anticiper les menaces à la paix mais également construire la paix. Il s’agit là d’actions et non pas seulement d’idées. Le Conseil appartient à tous les Membres de l’ONU. Il est la propriété du monde et non pas de ses membres permanents. Le Conseil remplit des tâches essentielles : le maintien de la paix et de la sécurité internationales, thème qui fait intervenir le pouvoir et la nécessité de trouver un équilibre entre l’intérêt national et le bien public. Il s’agit également de promouvoir la défense de la légitimité d’actions importantes touchant au maintien de la paix et de la sécurité, ce qui exige que nous soyons équitables dans les actions que nous menons. Le Conseil met également en place des modalités de partenariat. L’Assemblée générale et le Conseil économique et social doivent être des partenaires importants du Conseil.
Dans un monde de plus en plus désordonné, nous devons prendre du recul et étudier les forces en action comme en Afrique par exemple où l’Union africaine et le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) prennent d’importantes initiatives que nous devons appuyer. La sécurité collective est un concept qui s’inscrit dans une matrice plus large. Une aliénation profonde, des violations des droits de l’homme, le terrorisme, le conflit au Moyen-Orient sont des facteurs de déstabilisation. Nous devons donc également nous arrêter sur des questions thématiques comme l’exclusion de ceux qui ne bénéficient pas des retombées de la mondialisation.
S’agissant des méthodes de travail du Conseil, le représentant a souhaité que le Conseil consacre une ou deux journées à certaines questions et par ailleurs traite plus rapidement d’autres thèmes. Nous avons besoin d’un dialogue plus structuré avec le Secrétaire général et le Secrétariat. Le Conseil fonctionne bien mais pourrait fonctionner mieux et devrait se concentrer sur les grandes questions de son ordre du jour. Il devra également renforcer son partenariat avec les autres organes des Nations Unies. Nous terminons ce mandat avec fierté et orgueil pour avoir mis en lumière des questions cruciales.
M. KISHORE MAHBUBANI (Singapour) a estimé que le Conseil a une culture d’action très forte qui lui permet d’agir rapidement et d’obtenir des résultats tout en affichant une certaine faiblesse pour ce qui est de la culture d’innovation et de réflexion. Dans ce cadre, le représentant a cité cinq domaines concrets où il est possible d’apporter des améliorations. Il a d’abord invité le Conseil à procéder à un examen stratégique plus précis de ses activités. Devenu l’organe le plus actif de l’ONU, le Conseil ne prend pourtant jamais de recul pour avoir une vue d’ensemble de ses activités qui ont gagné en ampleur et en complexité. Il est temps, a estimé le représentant, que le Conseil trouve le moment de réfléchir à l’ensemble de ses activités. Au titre du deuxième domaine, il a cité les opérations de maintien de la paix qui sont, selon lui, devenues un instrument capital de l’action du Conseil. Il a, en conséquence, regretté l’absence de discussion sur la répartition des 3 milliards de dollars consacrés par an aux différentes opérations de maintien de la paix. Faisant référence à une étude récente, le représentant a souligné que le ratio est de quelques milliers de dollars par victime dans les Balkans et de quelques dollars seulement par victime au Rwanda. Le Conseil doit répondre à l’interrogation du public en la matière, a insisté le représentant.
La délégation de Singapour souhaite que le Conseil suive l’évolution positive du Département des opérations de maintien de la paix et passe d’une discussion mécanique sur les opérations à une discussion de fond. Le Groupe de travail sur les opérations de maintien de la paix, a estimé le représentant, doit réfléchir davantage à la manière dont les décisions sont prises. En troisième lieu, il a abordé la question des sanctions. Il s’est dit convaincu qu’il faut réfléchir à ces sanctions qui parfois peuvent renforcer le régime visé et punir la population non visée. Il a émis l’espoir que le Groupe de travail sur les sanctions pourra mieux travailler à cette question et encourager, par exemple, une plus grande coordination entre les différents Comités du Conseil sur l’application des sanctions. La méthode de travail du Conseil, a conclu le représentant, est un autre domaine qui mérite des améliorations. Le Conseil, a—t-il dit, n’est pas tenu par des règles mais par un règlement intérieur toujours provisoire après bientôt 60 ans.
De plus, le représentant a reproché au Conseil de maintenir une mécanisation de sa méthode de travail. Le Conseil, a-t-il insisté, doit évaluer la valeur ajoutée de ses différentes discussions. Dans ce cadre, il faut rendre plus efficace le Groupe de travail sur la procédure et la documentation. Il serait peut-être dans l’intérêt du Conseil, a ajouté M. Mahbubani, d’améliorer les méthodes de travail pour utiliser au mieux le temps imparti. Ce Groupe de travail devrait avoir le même Président pendant l’année pour assurer des progrès, a encore dit le représentant avant d’aborder la dernière question, celle de la responsabilité du Conseil.
Toutes les organisations, a-t-il dit, sont d’une manière ou d’une autre responsables : les gouvernements devant leurs électeurs ou le Secrétariat de l’ONU devant les Etats Membres. A l’égard de qui le Conseil est-il responsable et de quoi est-il responsable? Aucune réponse facile n’existe mais si le Conseil n’est pas juridiquement responsable devant les autres Etats Membres des Nations Unies, en sa qualité de “pompier international”, il ne peut maintenir la sélectivité dans ses interventions, a déclaré le représentant. Cette sélectivité, a-t-il insisté, peut compromettre à long terme sa crédibilité. Le Conseil tire sa légitimité de l’ensemble de l’ONU, de la Charte, de ses membres élus par les autres Etats Membres et de la reconnaissance qu’il appartient à la famille des Nations Unies. Cette relation doit aller dans les deux sens. Le Conseil doit donner quelque chose en échange, à savoir un sentiment d’être responsable devant la famille des Nations Unies, a conclu M. Mahbubani.
M. OLE PETER KOLBY (Norvège) a rappelé que son pays, qui achève également son mandat comme membre du Conseil de sécurité, avait assumé cette position en 1979 et 1980 à un moment où le monde et le Conseil lui-même étaient bien différents. La première leçon que nous avons tirée de notre expérience est la nécessité pour les membres du Conseil d’assister les nouveaux membres à se familiariser avec les procédures du Conseil et l’examen des questions de fond. La Norvège est disposée à fournir une telle assistance aux nouveaux membres. Une autre leçon que nous avons apprise est l’importance de préserver l’unité du Conseil. Nos décisions ont l’impact le plus important quand elles sont prises d’une seule voix, comme c’est le cas pour l’une des questions les plus difficiles du Conseil, à savoir la situation au Moyen-Orient. Les décisions prises par le Conseil en 2002 n’ont pas eu d’effets immédiats sur le terrain dans cette région agitée mais le Conseil a fait état de sa position qui sera d’une importance considérable lorsque les parties reviendront à la table des négociations. Le fait que le Conseil ait exprimé sa vision d’un Etat palestinien est important.
La troisième leçon porte sur la nécessité pour les membres du Conseil d’assumer une responsabilité particulière concernant certaines questions. La Norvège a tenté d’assumer cette responsabilité en coordonnant les travaux du Conseil relatifs à la corne de l’Afrique. Concernant la situation en Ethiopie et en Erythrée, le Conseil a joué un rôle essentiel pour amener les parties sur la voie d’une paix durable. L’engagement futur du Conseil sera nécessaire pour la mise en œuvre des décisions de la Commission frontalière. La Mission des Nations Unies en Ethiopie et Erythrée (MINUEE) continue de jouer un rôle important le long de la frontière. En Somalie, le Conseil a tenté de fournir un soutien à l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) qui joue un rôle de chef de file dans la mise en œuvre du processus de paix. Toutefois, même si les parties au conflit ont convenu d’un accord de paix, il est nécessaire de maintenir une présence de la communauté internationale. Nous encourageons par ailleurs le Conseil à suivre les recommandations du Groupe d’experts de surveillance de l’embargo sur les armes. La dernière leçon porte sur la nécessité de poursuivre notre examen thématique des questions comme la protection des civils dans les conflits armés et les enfants dans les conflits. La Norvège a participé à l’élaboration de l’Aide-mémoire et souhaite que cet outil soit traduit dans les faits.
M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie) a fait état de changements fondamentaux au cours de ces dernières années dans la notion même de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Depuis le début de ce millénaire, un pas a été franchi dans la définition des menaces à la paix pour y inclure des menaces de portée mondiale dont la nature ne se limite pas à un territoire. La menace terroriste – les attentats du 11 septembre, ceux de Bali et de Moscou - a ainsi pesé lourdement sur le mandat du Conseil. Le représentant s’est demandé s’il fallait cataloguer les cas de terrorisme qui peuvent être placés dans la catégorie des menaces à la paix internationale. Tout semble indiquer que le Conseil a une capacité variable à agir conformément à ses propres définitions. Pendant le conflit entre l’Erythrée et l’Ethiopie, il a joué un rôle efficace et pertinent tout comme il l´a fait dans le cadre de conflits internes.
Malheureusement, dans le cas de graves menaces à la sécurité mondiale, le Conseil manque encore d’expérience ce qui a mis en lumière ses pires faiblesses. Le Conseil doit prendre des mesures vigoureuses pour affiner sa capacité de réaction. Ne pas le faire reviendrait à sacrifier l’importance du multilatéralisme face au maintien de la paix. Il est urgent de réviser le mandat de la résolution 1373 et de renforcer le mandat universel de la résolution 1390. Il est également nécessaire d’adopter des instruments nouveaux pour améliorer les capacités de réaction du Conseil.
M. BOUBACAR DIALLO (Guinée) a estimé qu’une approche participative fondée sur le droit international et bénéficiant de l’appui de tous les acteurs, ONU et organisations régionales et sous-régionales, constitue la meilleure stratégie qui mérite d’être renforcée. Cette approche, a-t-il précisé, se doit d’inclure à la fois un véritable dialogue interne sans exclusive et une vision s’étendant à l’ensemble de la région ou de la sous-région concernée. Saluant le rôle que peuvent jouer les sanctions, le représentant a invité à un examen plus avant des moyens d’assurer le suivi de l’application intégrale des sanctions. Sur la question des conflits non réglés, il a prôné davantage de coordination avec les pays fournisseurs de contingents et la mise en oeuvre effective des recommandations du rapport Brahimi. Concluant sur les méthodes de travail du Conseil, le représentant a salué l’instauration d’une plus grande transparence, la multiplication des séances publiques, la tenue de débats thématiques et les missions sur le terrain. Il a appelé le Conseil à plus de détermination et de volonté en soulignant que dans son action de tous les jours, il devra se laisser guider par l’idée qu’il ne peut réussir que dans l’unité, fondement de sa crédibilité.
M. ALEXANDER V. KONUZIN (Fédération de Russie) a indiqué que le Conseil a adopté plus de 100 résolutions et déclarations présidentielles en 2002 et trois missions ont été dépêchées en Erythrée et en Ethiopie, dans la région des Grands Lacs et au Kosovo. Le bilan de notre travail commun est que nous avons adopté un grand nombre de décisions importantes sur des questions brûlantes que sont la lutte contre le terrorisme international, l’Iraq, l’Afghanistan, les Balkans et l’Afrique. Nous pouvons avoir des désaccords sur certaines points dans la mesure où nous devons protéger nos intérêts nationaux, ce qui est normal, a-t-il fait observer, avant de rendre hommage aux cinq délégations qui quittent les rangs du Conseil.
M. JOHN NEGROPONTE (Etats-Unis) a rappelé le défi lancé au Conseil de sécurité par le Président Bush sur la question de l’Iraq. Cet appel, s’est-il réjoui, a débouché sur la résolution 1441, résultat de huit semaines de consultations qui ont impliqué les membres du Conseil mais aussi tous les pays qui ont bien voulu contribuer à ce processus. Le Conseil, a estimé le représentant, a su réaffirmer l’importance de son rôle dans la question iraquienne. Il a poursuivi en soulignant que des contributions importantes ont été réalisées par le Conseil qui se sont révélées importantes pour un grand nombre de personnes sur la planète. Il a cité le renforcement de la MONUC, l’appui du Conseil aux différents accords de paix, l’invitation qu’il a lancée à différents signataires des accords de paix, le suivi des situations post conflit. Abordant la question du Moyen-Orient, il a estimé que le Conseil a apporté une contribution importante à la paix en adoptant la résolution 1397 qui, pour la première fois, réaffirme la vision de deux Etats. Le Secrétaire général et les membres du Quartet, a-t-il rappelé, n’épargnent aucun effort pour faire avancer l’agenda de la paix. Aujourd’hui, nous sommes devant une alternative : appuyer les efforts de paix par une approche constructive ou poursuivre l’adoption de résolutions qui portent la responsabilité sur une seule partie. Les Etats-Unis, a précisé le représentant, s’opposent à cette position qui entend faire abstraction de l’obligation des Palestiniens de lutter contre le terrorisme. En 2003, les Etats-Unis poseront une question au Conseil: aura-t-il le courage de viser les groupes armés qui commettent les actes de terreur? Toujours sur la lutte contre le terrorisme, le représentant a attiré l’attention sur le travail efficace des deux Comités pertinents du Conseil.
M. WANG YINGFAN (Chine) a rendu hommage aux cinq membres sortants qui ont apporté une contribution importante aux travaux du Conseil. Au cours de cette année, le Conseil a accordé son attention à des questions cruciales comme l’Iraq et le Moyen-Orient. Son travail a été sanctionné par l’adoption de 200 résolutions et déclarations présidentielles. Dans la lutte contre le terrorisme, le Conseil et le Comité contre le terrorisme ont établi des bases solides. Sur l’Iraq, pour qu’il soit possible de régler cette question politiquement et éviter une guerre, le Conseil a déployé d’importants efforts qui se poursuivent à l’heure actuelle. Il faut s’efforcer de réaliser le consensus à l’issue de consultations et nous souhaitons que cette tendance se développe. Le Conseil a consacré la moitié de ses réunions à l’Afrique. La question qui doit se poser maintenant est comment renforcer la coopération entre les Nations Unies et l’Union africaine et les organisations sous-régionales
M. MARTIN CHUNGONG AYAFOR (Cameroun) a exprimé trois préoccupations dont la première, a-t-il précisé, tient au processus de prise de décisions du Conseil. La présence permanente au sein d’une instance s’accompagnant toujours de rapports de force, la tentation est grande de profiter de cette position pour faire avancer ses intérêts au détriment parfois de l’intérêt général et des raisons mêmes qui ont présidé à la création du Conseil. Au-delà des apparences, a insisté le représentant, il s’agit d’un réflexe partagé par les membres permanents du Conseil qui sont tentés de croire qu’il suffit d’être d’accord à 5 pour être d’accord à 15. Le Conseil est composé de 15 membres mais devient petit à petit un organe de 5 plus 10 membres. Cette dichotomie affecte la transparence et la légitimité, a insisté le représentant en citant pour illustrer ses propos la résolution 1441. Adoptée à 15 dans l’unité et la responsabilité, la résolution revient dans sa mise en oeuvre à l’esprit “clubs des 2, des 5 ou des 10”. La Charte des Nations Unies n’a pas signé de chèque en blanc à certains membres du Conseil, a rappelé le représentant en soulignant que tous ses membres disposent de la légitimité conférée par l’Assemblée générale.
Au titre de la deuxième préoccupation, le représentant a cité la problématique des sanctions. Il a souligné que le Conseil est encore à la recherche d’une stratégie globale de sortie des régimes des sanctions et qu’il peine à trouver des solutions efficaces contre le contournement de ces sanctions. Il a invité le Conseil à trouver des formules équilibrées qui évitent le seuil de rupture et rendent tout effort de reconstruction après conflit difficile, voire impossible. De plus, a reconnu le représentant, les sanctions ont un impact plus ravageur sur les populations vuLnérables que sur les régimes en place. Il convient donc de généraliser la prise en compte de la dimension humanitaire lors de l’imposition des sanctions. Une formule qui commence à faire ses preuves est le ciblage des sanctions sur des objectifs bien précis, a-t-il estimé. Toutefois, il est nécessaire de réfléchir à l’adaptation sociologique de ce ciblage des sanctions, en tenant compte de leur impact sur les pays tiers.
Le représentant a conclu sur la question des guerres civiles entre des gouvernements démocratiquement élus et des oppositions armées. Il a dénoncé la condescendance complaisante du Conseil qui donne parfois l’impression de légitimer certains mouvements rebelles. Il s’agit d’un sujet de grande inquiétude auquel le Conseil devra trouver la réponse éthique adéquate, a souligné le représentant.
M.FAYSSAL MEKDAD(République arabe syrienne) a rendu hommage aux cinq membres du Conseil pour les responsabilités qu’ils ont assumées lors de l’examen de questions importantes et pour leurs contributions à l’amélioration des méthodes de travail du Conseil. Dans le futur, il sera important pour le Conseil de réserver le même traitement à tous ses membres, ce qui est fondamental pour préserver sa crédibilité. Nous aurions en effet souhaité bénéficier du même traitement que celui réservé aux Membres permanents lors de la réception de la déclaration iraquienne sur son programme d’armement. Par ailleurs, chacun sait que nous avons enregistré des progrès tangibles en matière de transparence. Le Conseil a tenu un grand nombre de séances publiques qui ont associé de nombreux Etats non membres.
Des progrès ont été réalisés notamment avec l’inscription régulière à son ordre du jour de la situation au Moyen-Orient. Le fait que le Conseil n’ait pas suivi l’application de ses résolutions a toutefois eu un impact négatif sur ses travaux. Le principe de l’égalité, qui règne au sein de tous les organes des Nations Unies, doit être affirmé au sein du Conseil. Toute tentative d’éloigner le Conseil de la recherche d’une solution au Moyen-Orient est contraire au principe de la sécurité collective et aux dispositions de la Charte des Nations Unies. Toute tentative de ne pas régler la question palestinienne et la politique terroriste d’Israël est inacceptable. L’occupation de notre territoire par Israël est une question qui touche au terrorisme.
Par ailleurs, le Conseil a beaucoup fait en Afrique, notamment avec la mise en place du Groupe ad hoc pour la résolution des conflits qui a permis de consolider le rôle du Conseil au Libéria, en République démocratique du Congo, en Angola, en Sierra Leone et en Somalie. Il a également fait beaucoup en faveur de la protection des civils dans les conflits.
M. RAYKOS S. RAYTCHEV(Bulgarie) a d’abord commenté la méthode de travail du Conseil qui a conduit à certains succès. Il a néanmoins reconnu les résultats mitigés de certaines interventions en Afrique. Saluant, dans ce cadre, l’évolution positive de la situation en République démocratique du Congo, le représentant a appelé le Conseil au volontarisme pour consolider le processus de paix dans le pays. De même, il a invité le Conseil, en ce qui concerne la Sierra Leone, à suivre de près la situation précaire au Libéria. Le représentant a également appelé à la vigilance pour l’Angola, le Burundi et la Somalie avant de commenter les observations faites sur les comités des sanctions et d’estimer que le Groupe de travail sur les sanctions pourrait accomplir des progrès en la matière. Revenant à la méthode de travail du Conseil, le représentant a salué la transparence accrue et l’interaction avec les médias. Il a aussi salué la plus grande coopération avec les autres organes des Nations Unies. A cet égard, il a invité le Conseil à se concentrer davantage sur le lien entre prévention des conflits, règlement des conflits et développement durable. La mise au point d’une stratégie de sortie adéquate est d’une importance cruciale pour la reconstruction et le développement après conflit, a insisté le représentant.
M. AGUILAR ZINSER (Mexique) a estimé que la question de préserver les intérêts nationaux et les intérêts collectifs s’est posée cette année lors des travaux du Conseil. Celui-ci a de plus acquis une visibilité inégalée dans les médias, notamment sur la question de l’Iraq. L’actualité a donné une identité au Conseil qui a été soumis à l’attention de l’opinion publique mondiale. Les Membres des Nations Unies, quant à eux, attendent une collaboration plus étroite entre le Conseil et les autres organes des Nations Unies et entre ses membres et les non membres de l’Organisation. Le représentant a plaidé pour davantage de transparence dans les méthodes de travail du Conseil et davantage de contrôle et d’exigence qu’entraînent les responsabilités. Au cours des deux dernières années, la délégation de Singapour a apporté une contribution considérable à l’amélioration des méthodes de travail pour qu’elles reflètent mieux la réalité et favorisent les échanges d’idées. Il est essentiel que le Conseil ait des liens plus étroits avec les autres organes de l’Organisation. L’une des réalisations les plus importantes du Conseil a été la prise de décisions importantes sur la base du consensus, signe de la maturité de ses membres.
Nous avons appuyé l’importance accordée à la situation au Moyen-Orient tant lors des consultations que lors de réunions publiques. Son inscription permanente à l’ordre du jour, notamment dans le cadre de consultations régulières, nous permettra de trouver des solutions à un conflit qui semble bien souvent insolvable. Le Conseil a également assumé le suivi ponctuel de diverses situations, notamment dans la région des Grands Lacs et en Afrique de l’ouest. Il a signalé de nouveaux foyers de tension et a appuyé les efforts de médiations des organisations régionales et sous-régionales. La nécessité d’une plus grande coopération entre les divers acteurs des conflits est apparue de manière évidente. Le Conseil a également souligné l’importance des programmes de démobilisation, de désarmement et de réinsertion qui sont l’un des gages d’une paix durable. Sur le front des droits l’homme, la délégation de l’Irlande a apporté une contribution considérable au travail du Conseil. La situation au Timor-Leste a constitué une histoire à succès pour les Nations Unies qui y a laissé un legs important.
Au sujet des régimes de sanctions, le représentant a indiqué, en sa qualité du Président du Comité des sanctions pour la Sierra Leone, l’importance pour les présidents de tels comités de participer directement aux travaux en se rendant sur place dans la région pour éviter les situations de confusion et de contradiction. Il est essentiel que de tels comités bénéficient des moyens techniques, financiers et humains leur permettant de mener à bien leur mandat. L’une des tâches que le Conseil devra accomplir sera l’examen des critères de pertinence des régimes de sanctions contre le Libéria et la Sierra Leone. Il faut éviter que de tels régimes ne deviennent permanents et inefficaces.
M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a estimé que l’ordre du jour du Conseil devient trop chargé en défendant la nécessité de filtrer les questions et en soulignant l’importance des experts qui peuvent prendre le relais des délégations de manière tout aussi efficace. Commentant la question de l’unité du Conseil prônée par les délégations, il a souligné que cette unité dépend d’abord et avant tout de celle qui existe entre les différentes capitales. Notre travail est donc de persuader nos Ministres des affaires étrangères, a ajouté le représentant. S’agissant de la question de la coordination entre le Conseil et les autres organes des Nations Unies notamment dans le domaine de la reconstruction après-conflit, il a jugé important de prévoir un mécanisme de suivi pour ce type d’activités. Le Conseil reste faible dans le suivi et l’application des décisions, a reconnu le représentant en encourageant la réflexion. Concernant la lutte contre le terrorisme, le représentant, en sa qualité de Président du Comité créé par le Conseil à cette fin, a partagé le point de vue selon lequel le Conseil pourrait détourner son attention de ce qui est vraiment important, notamment l’élimination du terrorisme. Le représentant a demandé une réflexion sur les moyens, pour le Conseil, d’aborder réellement tous les aspects du terrorisme.
Concernant la division entre membres permanents et non permanents, le représentant a estimé qu’il ne s’agit pas tant d’une question de transparence que d’une question de professionnalisme. Les membres permanents doivent reprendre la proposition de la Norvège selon laquelle il faudrait désigner pour certains sujets particuliers des pays «chefs de file» parmi les membres permanents et les membres non permanents. Toutes les délégations du Conseil doivent faire preuve de professionnalisme et être en mesure de se partager toutes les questions dont le Conseil est saisi. Concluant, le représentant a soulevé la question de la culture d’innovation invoquée par Singapour. Il faut rechercher, a-t-il dit, non pas une innovation institutionnelle mais une innovation pratique.
Mme EMMANUELLE D’ACHON (France) a indiqué que cette séance a été particulièrement utile dans la mesure où chacun a apporté au Conseil sa vision personnelle et productive. Beaucoup d’idées exprimées aujourd’hui sont particulièrement importantes. Nous devons faire en sorte qu’elles ne restent pas lettres mortes et tenter de les mettre en œuvre loin du cadre conceptuel. Au cours de l’année, nous avons accordé une attention particulière au dossier africain qui occupe un tiers de nos travaux chaque mois. Les dossiers comme ceux du Libéria, de la Guinée-Bissau, et maintenant de la Côte d’Ivoire resteront sur l’agenda du Conseil pour 2003. La vigilance du Conseil doit être maintenue notamment au sujet du Timor-Leste. Parmi les défis à relever l’année prochaine, la représentante a souhaité la poursuite d’une réflexion sur les mécanismes des sanctions. Elle a relevé la transparence accrue qui a caractérisé les travaux du Conseil, ce qui a été reconnu par les membres de l’Assemblée générale lors de la présentation de son rapport annuel. Nous sommes presque arrivés à saturation pour ce qui est de la charge de travail du Conseil, ce qui exigera des méthodes de travail innovantes issues de réflexions pratiques lors de la réunion de groupes de travail ad hoc ou dans le cadre d’initiatives prises par des pays «chefs de file».
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