LE COORDONNATEUR SPECIAL DU PROCESSUS DE PAIX AU MOYEN-ORIENT MET EN GARDE LE CONSEIL DE SECURITE CONTRE LES RISQUES DE L’INACTION
Communiqué de presse CS/2413 |
Conseil de sécurité CS/2413
4668e séance – après-midi 16 décembre 2002
LE COORDONNATEUR SPECIAL DU PROCESSUS DE PAIX AU MOYEN-ORIENT MET EN GARDE LE CONSEIL DE SECURITE CONTRE LES RISQUES DE L’INACTION
Réuni cet après-midi sous la Présidence de M. Alfonso Valdivieso (Colombie) pour examiner la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne, le Conseil de sécurité a entendu un exposé de M. Terje Roed-Larsen, Coordionnateur spécial du processus de paix au Moyen-Orient et Représentant personnel du Secrétaire général. Depuis la dernière réunion d’information du Conseil de sécurité organisée le 12 novembre, a indiqué M. Roed-Larsen, de nouveaux développements dans les domaines politique et sécuritaire se sont produits de nature à compliquer une situation sur le terrain déjà difficile. Trois membres du personnel des Nations Unies ont perdu la vie au cours des dernières semaines à la suite des activités des Forces de défense israéliennes. Une enquête préliminaire a montré que la mort de M. Hook a eu lieu à un moment où la situation dans le camp d e l’Office u Bureau de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ne constituaient pas une menace pour les Forces de défense israéliennes. Cette mort ainsi que la destruction récente d’un entrepôt de vivres des Nations Unies reflètent une certaine indifférence à l’égard de l’inviolabilité des installations des Nations Unies.
Le meurtre de membres du personnel des Nations Unies met également en lumière une question plus vaste, à savoir la nécessité pour les Forces de défense israéliennes de garantir que leurs soldats agissent de manière à ne pas mettre en danger la vie des civils. A plusieurs reprises, le Secrétaire général a demandé instamment à Israël de s’abstenir de recourir à la force de manière excessive et disproportionnée dans des zones d’habitation. Le Gouvernement israélien doit respecter ses obligations en sa qualité de puissances occupante, notamment son obligation de protéger les populations civiles. Les Nations Unies demandent à nouveau instamment au Gouvernement israélien de faire en sorte que les Forces de défense israéliennes de fairessent preuve de la plus grande retenue et de discipline, conformément au droit international humanitaire.
Des attaques terroristes contre des civils israéliens ont également été perpétrées depuis la dernière réunion du Conseil de sécurité consacrée à cette question. Les primaires du Parti du Likoud ont été assombries par un attentat qui a causé la mort de neuf Israéliens. Des pertes en vies humaines ont heureusement été évitées lorsqu’une attaque par un missile a manqué sa cible. Au cours des cinq dernières semaines, 88 Palestiniens et 37 Israéliens ont été tués. Nous avons demandé à Israël de respecter le droit international humanitaire lors de ses opérations dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie et nous avons également demandé à l’Autorité palestinienne dans les termes les plus vigoureux de prendre toutes les mesures pour traduire en justice les auteurs des attaques ou ceux qui les commanditent. Lors de ma dernière rencontre avec le Président Arafat, vendredi dernier, je lui ai demandé de prendre des mesures audacieuses. Nous avons également demandé à plusieurs reprises aux groupes palestiniens de mettre un terme à ces actes.
La crise humanitaire ne cesse de s’aggraver compte tenu des mesures de sécurité prises par les Forces de défense israéliennes. Israël ne bénéficiera de conditions de sécurité durables qu’avec un règlement juste et durable dans la région du Moyen-Orient. La crise humanitaire ne peut pas être réglée par les pays donateurs eux-mêmes. Au cours de ces deux dernières années, les Palestiniens ont reçu plus d’un milliard de dollars d’aide par an de la part des pays donateurs. La Banque mondiale estime que même si l’aide humanitaire était doublée, elle n’aurait qu’un effet marginal sur le taux de pauvreté en augmentation. Pour sa part, l’UNESCO estime que 60% des Palestiniens vivent en deçà du seuil de pauvreté. Seule une solution politique pourra donner l’élan nécessaire à la reprise de l’économie palestinienne.
Le Coordonnateur a indiqué que le Quatuor allait présenter des recommandations en fin de semaine à la réunion principale interinstitutions portant sur la réorganisation des structures de coordination internationales pour qu’elles soient plus efficaces dans leur réponse au défi humanitaire. Le Gouvernement d’Israël a pris d’importantes mesures pour alléger les effets de la crise en transférant récemment 28 millions de dollars en recettes fiscales à l’Autorité palestinienne. Les 580 millions de dollars restants devraient également être versés. Selon le Fonds monétaire international, l’Autorité palestinienne disposera suffisamment de ressources pour subvenir à ses besoins, soit 95 millions de dollars par mois, si les promesses visant le transfert des recettes fiscales sont tenues.
La situation humanitaire ne s’est guère améliorée en dépit des promesses faites par le Gouvernement israélien pour réduire l’attente imposée aux ambulances, fournir une aide médicale aux Palestiniens aux points de contrôle, améliorer les modalités de passage pour les camions citernes, et faciliter l’accès aux organisations internationales. Les Nations Unies sont préoccupées par les confiscations et les démolitions de maisons à Hébron en vue de construire de nouvelles routes à l’usage des colons israéliens. La construction et l’expansion des colonies de peuplement sont contraires au droit international humanitaire. Egalement préoccupante est la construction d’un mur le long de la ligne verte.
De ses réunions organisées du 14 au 15 novembre et le 9 décembre, le Groupe de travail a estimé que l’Autorité palestinienne avait accompli des progrès considérables mais irréguliers dans la mise en œuvre des réformes, notamment dans le domaine des finances. En revanche, les réformes des secteurs juridique et de sécurité ont été lents. La mise en œuvre rapide de la feuille de route facilitera l’application de ces réformes, y compris la création d’un climat propice à la tenue d’élections libres, justes et démocratiques.
Poursuivant, le Représentant personnel du Secrétaire général a indiqué que le Groupe de travail du Quatuor a lancé un appel à l’Autorité palestinienne pour qu’elle accélère ses réformes. Il a également appelé le Gouvernement israélien à mettre fin aux mesures susceptibles de faire obstacle aux réformes comme la confiscation des recettes fiscales dues à l’Autorité palestinienne et les restrictions imposées à la liberté de mouvement des dirigeants palestiniens travaillant à la réforme. Depuis la dernière réunion d’information, a par ailleurs indiqué le Représentant personnel, chacun des deux plus grands partis israéliens, le parti travailliste et le Likoud, a choisi ses dirigeants et ses candidats au poste de Premier Ministre.
Ainsi, a-t-il indiqué, M. Amran Mitzna, le candidat travailliste qui doit participer aux élections prévues pour le 28 janvier 2003, a proclamé, à maintes reprises, son intention de réouvrir les négociations avec le Président de l’Autorité palestinienne, d’évacuer les colonies de peuplement de Gaza et de conclure un accord avec les Palestiniens d’ici un an. Il a aussi dit son intention, au cas où une telle politique ne réussissait pas, de travailler à une séparation unilatérale. De son côté, le Premier Ministre Ariel Sharon, candidat du Likoud, a, dans sa déclaration politique du 4 décembre, appuyé la vision du Président Bush sur la création d’un Etat palestinien. Ariel Sharon a jugé cette position «raisonnable, pragmatique, pratique et offrant une réelle occasion de conclure un accord». Il a également déclaré irréversibles les concessions politiques faites par Israël depuis Oslo.
Le consensus sur la solution des deux Etats se renforce, s’est réjoui le Représentant spécial en citant les sondages d’opinion qui montrent qu’une grande majorité d’Israéliens et de Palestiniens l’appuient. Il a ainsi voulu la disparition de ce paradoxe qui voit d’un côté, la détérioration de la situation sur le terrain et, de l’autre, un consensus accru en faveur de la paix. Le Représentant personnel a estimé qu’en la matière, la feuille de route du Quatuor constitue le meilleur outil. Il est donc impératif, a-t-il jugé, que la prochaine réunion du Quatuor, prévue à Washington au cours de cette semaine, finalise un plan qui identifie, sur le principe de la réciprocité, des mesures politiques, sécuritaires et économiques dont la mise en œuvre se ferait sous ses auspices. Une telle initiative, a souligné le Représentant spécial, est le seul moyen de relancer un processus susceptible de mettre fin à la peur et à la souffrance des peuples. Nous savons où aller. Commençons donc, a lancé le Représentant personnel en jugeant que les parties et la communauté internationale doivent travailler de concert à cet objectif commun qui est la création d’un Etat palestinien vivant en paix, aux côtés d’Israël, et dans des frontières sûres et reconnues.
Passant à la situation au Liban, le Représentant personnel a fait part de la première violation grave de la Ligne bleue depuis le 29 août. Il a en effet indiqué que le 8 décembre dernier, une bombe a explosé sur une patrouille des Forces de défense israéliennes, entraînant une montée de la tension. Il a ajouté que depuis la dernière réunion d’information, les avions israéliens ont continué de violer, de manière régulière, la Ligne bleue et l’espace aérien libanais. Ainsi, le 20 novembre, soit deux jours avant la célébration de la Fête d’indépendance du Liban, le nombre des vols israéliens a augmenté de manière soudaine et importante. La poursuite de ces vols et les ripostes qu’elle provoque menacent de déstabiliser davantage la situation déjà tendue le long de la Ligne bleue, a averti le Représentant personnel.
M. Roed-Larsen a ensuite fait part de la visite qu’il a effectuée à Beyrouth, il y a quelques jours, pour discuter avec les dirigeants libanais d’une approche raisonnable et diplomatique pour régler la question de plus en plus compliquée de l’eau qui oppose le Liban et Israël. Il a estimé qu’en l’absence d’un mécanisme pour gérer l’évolution des choses par des canaux diplomatiques, la tension entre les deux pays ne pourrait que s’aggraver. Il s’est donc réjoui que les autorités libanaises aient exprimé leur appui à un mécanisme qui recourrait
aux bons offices des Nations Unies. Elles ont fait part de leur souhait de conclure un accord sur les quantités d’eau par le biais des Nations Unies en tant que tierce partie et en collaboration avec les membres clefs de la communauté internationale. Elles se sont aussi dites disposées, a ajouté le Représentant personnel, à installer un instrument de mesure de l’eau après la conclusion d’un tel accord. Le succès d’une telle approche, a concédé M. Roed-Larsen, reste néanmoins tributaire de l’adhésion des parties concernées. Il a donc appelé le Conseil à encourager cette option diplomatique et pacifique.
En conclusion, le Représentant personnel a invité le Conseil à ne pas négliger les dangers qui planent sur le Moyen-Orient ou les risques de l’inaction pendant cette période critique. Le processus de paix est dans l’impasse depuis deux ans et l’ensemble de la région en souffre considérablement. La feuille de route du Quatuor constitue un cadre cohérent pour faire passer les parties de la violence et de la confrontation à la négociation et au compromis. La conclusion d’un consensus doit être la priorité de la prochaine réunion du Quatuor. Le temps n’est plus à l’hésitation, a conclu le Représentant personnel.
* *** *