LE GROUPE SUR L’EXPLOITATION DES RESSOURCES DE LA RDC DENONCE L’ASSOCIATION DE GROUPES CRIMINELS AVEC DES ELITES POLITIQUES ET MILITAIRES CONGOLAISES, OUGANDAISES, RWANDAISES ET ZIMBABWEENNES
Communiqué de presse CS/2382 |
Conseil de sécurité
4634ème séance – après midi
LE GROUPE SUR L’EXPLOITATION DES RESSOURCES DE LA RDC DENONCE L’ASSOCIATION DE GROUPES CRIMINELS
AVEC DES ELITES POLITIQUES ET MILITAIRES CONGOLAISES, OUGANDAISES, RWANDAISES ET ZIMBABWEENNES
La RDC salue le travail «remarquable» du Groupe en attirant l’attention sur les rapports complémentaires «plus rigoureux, plus fournis et plus précis» présentés par son pays
Les progrès enregistrés dans le processus de paix en République démocratique du Congo (RDC) ne seront pas durables tant que ne seront pas résolues les questions économiques qui ont contribué à la poursuite du conflit armé, a déclaré, cet après-midi, le Président du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles en République démocratique du Congo (RDC). M. Mahmoud Kassem, qui s’exprimait devant les membres du Conseil de sécurité, a présenté le rapport final de son Groupe qui, décrivant les activités des « réseaux d’élites » responsables de l’exploitation illégale dans les trois zones de la RDC contrôlées par l’Ouganda, la RDC et le Rwanda, présente quatre types de recommandations relatives aux dividendes de paix, à la réforme institutionnelle, aux mesures techniques et financières, et au processus de suivi.
A ce stade, M. Kassem a jugé qu’un développement commercial légitime dans la région des Grands Lacs est essentiel pour mettre fin aux activités militaires de pillage des ressources de la RDC. Parmi les recommandations de son Groupe, il a cité l’adoption de mesures de découragement telles que des interdictions de voyages pour les individus impliqués, la diminution des montants d’aide publique au développement (APD) vers les États concernés, et une incitation des pays signataires des principes directeurs de l’OCDE à faire appliquer ces principes par leurs multinationales. Les recommandations du Groupe d’experts visent à protéger avant tout la ressource la plus importante de la RDC, à savoir son peuple, car ce dernier a payé le plus lourd tribut à la guerre depuis quatre ans, a conclu le Président du Groupe.
Répondant à ces propos, le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République démocratique du Congo (RDC) s’est félicité du “travail fort remarquable” du Groupe d’experts que son pays a voulu compléter par deux rapports nationaux “plus rigoureux, plus fournis et plus précis”. Dans une déclaration divisée en trois parties relatives à la souveraineté de la RDC, aux recommandations du Groupe d’experts, et aux accusations portées contre des membres du gouvernement congolais, le Ministre des affaires étrangères a appelé le Conseil à faire son examen de conscience en jugeant que le moment est venu d’appliquer les recommandations du premier rapport du Groupe d’experts.
M. Okitundu a particulièrement insisté sur le déploiement complet de la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) pour assurer le retrait définitif des agresseurs; la démilitarisation de Kisangani et l’imposition de sanctions à ceux qui s’y refusent; la réparation et le dédommagement du peuple congolais; et les poursuites judiciaires contre les auteurs des pillages. S’agissant des dernières recommandations, il a appuyé fermement celles relatives à la Conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la Région des Grands Lacs et à la création d´un organe de surveillance
La question de l’impunité et de la réparation due au peuple congolais est de la plus haute importance, a insisté le Ministre en réitérant sa proposition de créer un Tribunal pénal international pour la RDC pour juger ceux qui se sont rendus coupables de crimes contre l’humanité. Dénonçant ensuite les « velléités de s’attaquer au Zimbabwe », le Ministre s’est dit convaincu que la commission spéciale chargée d’examiner la validité des accords signés durant la guerre, prévue par une résolution du dialogue intercongolais de Sun City, pourrait servir de cadre au processus de réexamen de certains contrats et concessions. S’agissant des accusations portées contre certains membres de son Gouvernement, il a notamment souligné la compétence des Cours et Tribunaux et de la Commission nationale de lutte contre la fraude et la corruption ainsi que les efforts d’assainissement de l’environnement économique congolais.
Demandant plus de temps, les membres du Conseil de sécurité ont décidé de reporter l’examen rapport du Groupe d’experts.
LA SITUATION CONCERNANT LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo (S/2002/1146)
Le rapport final du Groupe d’experts soumis au Secrétaire général par son Président, M. Mahmoud Kassem, est établi conformément à la déclaration du Président du Conseil de sécurité datée du 19 décembre 2001 priant le Secrétaire général de proroger le mandat du Groupe d’experts pour une période de six mois et demandant au Groupe de lui présenter un rapport intérimaire (S/2002/565, présenté au Conseil le 22 mai 2002) et un rapport final. Le présent rapport comporte donc une mise à jour des données et une analyse des informations provenant de tous les pays concernés, une évaluation des mesures que pourrait prendre le Conseil afin d’aider à mettre un terme au pillage des ressources naturelles de la République démocratique du Congo, ainsi que des recommandations concernant les mesures concrètes que la communauté internationale pourrait prendre pour soutenir le Gouvernement de la République démocratique du Congo. Le rapport comporte également une série de recommandations sur les mesures que pourraient prendre les pays de transit ainsi que les utilisateurs finals et précise que les enquêtes ont été centrées sur les ressources suivantes: diamants, or, coltan, cuivre, cobalt, bois d’œuvre, faune et flore sauvages; ainsi que sur les ressources financières et les échanges commerciaux en général.
Aux fins d’organiser ses travaux d’enquête, explique M. Kassem, le Groupe d’experts a divisé la République démocratique du Congo en trois zones distinctes, délimitées en fonction de l’identité des intervenants à savoir la zone tenue par le Gouvernement congolais où est impliqué le Zimbabwe, celle tenue par l’Ouganda et celle tenue par le Rwanda. A cet effet, les experts ont introduit la notion de « réseaux d’élite », réseaux qui, expliquent-ils, ont la mainmise sur une série d’activités commerciales comprenant l’exploitation des ressources naturelles, le détournement de recettes fiscales, ainsi que d’autres opérations productrices de revenus dans les trois zones distinctes respectivement tenues par le Gouvernement de la République démocratique du Congo, le Rwanda et l’Ouganda.
Pour les experts, les Accords de Pretoria et de Luanda, conclus avec l’aide de l’Afrique du Sud et de l’Angola, ont accéléré les récents retraits de troupes opérés dans l’Est de la République démocratique du Congo par l’Ouganda et le Rwanda. Mais bien qu’ils soient perçus comme un signe encourageant, reconnaissent-ils, ces retraits ont peu de chances d’entamer la volonté résolue d’individus zimbabwéens, rwandais et ougandais d’exercer un contrôle économique sur certaines régions de la République démocratique du Congo. Le départ de leurs forces ne réduira guère ce contrôle ou les moyens dont ils disposent pour l’exercer, le recours aux armées nationales n’étant qu’un de leurs multiples
outils, notent les experts. Selon eux, les trois pays ont pris les devants en prévoyant le moment où, sous la pression de la communauté internationale, il leur serait impossible de maintenir d’importantes forces sur place. Aussi, ajoutent-ils, les régimes rwandais et zimbabwéens et des particuliers ougandais influents ont-ils adopté d’autres stratégies pour maintenir en place, après le départ de leurs troupes, des mécanismes générateurs de revenus, dont de multiples activités criminelles. Les experts observent donc qu’outre le retrait des forces étrangères, une autre étape en vue de faire cesser l’exploitation illégale des ressources naturelles consistera à instaurer rapidement un gouvernement transitoire en République démocratique du Congo qui assurerait le rétablissement du contrôle du Gouvernement et d’une administration locale viable, dotée des moyens nécessaires pour protéger les populations.
Pour les experts, l’élément le plus important sera toutefois la volonté politique de ceux qui assistent, protègent et profitent de ces filières et ils soulignent la complexité résultant de la dépendance de ces réseaux aux bénéfices qu’ils retirent de ces trafics. Le rapport constate que l’économie de guerre contrôlée par les «réseaux d’élite» en République démocratique du Congo domine une grande part des activités économiques de la région des Grands Lacs. Les groupes armés, étrangers ou congolais, qui profitent de ces activités devraient également être pris en compte dans les efforts pour y mettre fin, suggèrent-ils, estimant que bien que certains groupes armés se réfugient derrière un programme politique, tous poursuivent ces activités économiques illégales pour leur propre survie. Aussi les experts espèrent-ils que des progrès dans le processus de paix fourniront une meilleure alternative aux groupes armés et proposent que ces progrès s’accompagnent d’un programme de désarmement, de démobilisation, de rapatriement, de réinsertion et de réinstallation adapté aux besoins. A cet effet, préviennent-ils, des fonds seront nécessaires pour financer des programmes de réinsertion et de garanties de sécurité destinés à ceux qui ne sont pas recherchés pour crimes de guerre ou actes de génocide.
Dans ses conclusions, le Groupe d’experts estime qu’un embargo ou un moratoire sur les exportations de matières premières en provenance de la République démocratique du Congo ne semblent pas être un moyen viable et de nature à améliorer la situation du gouvernement, des ressortissants et du milieu naturel congolais. En revanche, le rôle des entreprises et des particuliers qui ravitaillent en armes et pillent les ressources doit faire l’object de mesures de restriction, ces activités illégales étant jugées par les experts comme étant de grande envergure internationale et multinationale. L’établissement d’un gouvernement de transition à Kinshasa, poursuivent-ils, devrait s’accompagner de quatres éléments, à savoir: le désarmement de tous les groupes rebelles en République démocratique du Congo; le retrait progressif des troupes étrangères; l’adoption de mesures visant à réduire de manière draconienne l’exploitation illégale au profit de l’exploitation légale; et la mise en oeuvre d’importants moyens de pression au niveau multilatéral et de mesures d’incitation. Le contrôle de ces mesures de dissuasion et d’incitation énergiques serait assuré par un organe de surveillance dynamique, proposent les experts, qui ajoutent que la reconstruction et la réorientation des économies de la région sont essentielles au rétablissement et à la consolidation de la paix et pourraient être abordées dans le cadre d’une conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement durable dans la région des Grands Lacs.
Au titre de ses recommandations, le Groupe d’experts considère que, dans le prolongement de la dynamique créée par la signature des accords de Sun City, Pretoria et Luanda, une série d’accords ou initiatives sur la reconstruction et le développement durable sont nécessaires pour intégrer le facteur économique dans le processus de paix de Lusaka. Outre la nécessité de débloquer rapidement des fonds pour aider la République démocratique du Congo et les autres pays de la région des Grands Lacs à créer des emplois, à rétablir leurs infrastructures et à améliorer les conditions de vie des populations locales, les recommandations des experts portent également sur le renforcement des capacités institutionnelles de la RDC. A cet égard, ils considèrent qu’un programme accéléré de recyclage et de professionnalisation de l’ensemble de l’appareil de sûreté de l’État, dont l’armée, les renseignements, les administrations douanière et fiscale, celles de l’immigration ou de la gestion des ressources naturelles, doit être mis en place. Les experts encouragent également la promotion d’administrations civiles légitimes et transparentes à l’Est de la République démocratique du Congo et recommandent une saine conduite des affaires publiques dans l’ensemble du pays et le respect des accords de paix. La réforme des secteurs minier et forestier en RDC doivent quant à elle s’accompagne d’une renégociation de tous les contrats signés durant les deux guerres, ajoutent-ils, soulignant à cet égard que la résolution adoptée lors du dialogue intercongolais portant création d’une commission spéciale chargée d’examiner la validité des accords économiques et financiers pourrait servir de cadre à ce processus.
En cas de non-respect des accords récemment signés et de poursuite de l’exploitation illicite et illégale des ressources naturelles de la République démocratique du Congo, le Groupe d’experts recommande de prendre une série de mesures contre les parties concernées. S’agissant du rôle des gouvernements, les experts considèrent que les pays où sont basés les individus, entreprises et institutions financières qui se livrent systématiquement et activement à cette exploitation devraient assumer leur part de responsabilité et ajoutent qu’ils ont le pouvoir de réglementer leurs actions et de les sanctionner. L’aide financière au Burundi, au Rwanda, à l’Ouganda et au Zimbabwe devrait aussi être subordonnée au respect des accords pertinents signés dans le cadre du processus de paix de Lusaka, et à l’adoption de mesures assorties de clauses de vérification visant à mettre un terme à l’exploitation illégale et illicite des ressources de la RDC. La réduction des décaissements prévus au titre de l’aide devrait s’appliquer au budget d’appui des institutions, aux prêts de stabilisation ou aux prêts-projets, et enfin aux ressources allouées à des secteurs non spécifiques.
Au titre des restrictions imposées aux entreprises commerciales et aux particuliers, le Groupe d’experts a établi une liste exhaustive de ceux dont la participation aux activités commerciales des trois réseaux d’élites implantés en RDC est bien documentée. Les entreprises et particuliers visés pourraient bénéficier d’une courte période de quatre à cinq mois pour prouver qu’elles ne participent plus à ces activités d’exploitation avant de voir les mesures de restrictions suivantes adoptées: interdiction des déplacements de certains individus identifiés par le Groupe; gel des avoirs personnels de ceux qui sont impliqués dans l’exploitation illégale des ressources; et interdiction à un nombre déterminé de société et d’individus d’avoir accès à des institutions bancaires et financières, de recevoir un financement d’institutions financières internationales ou d’établir un partenariat ou d’autres relations commerciales avec elles. Par ailleurs, le Groupe d’experts invite les pays signataires des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales à veiller à ce que leurs entreprises commerciales se conforment à ces principes.
Le Groupe d’experts recommande à la communauté internationale d’aider à instaurer une série de mesures de confiance à l’échelon régional, en encourageant la Communauté des États de l’Afrique de l’Est à inclure le Rwanda et le Burundi parmi ses membres, en aidant à rétablir les courants d’échanges historiques et légaux en rouvrant la voie de transit du couloir nord au commerce légal entre la République démocratique du Congo, le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda et le Kenya, ou encore en améliorant les services de contrôle du trafic aérien dans la région des Grands Lacs grâce au programme de coopération technique de l’OACI. Pour ce qui est de la réglementation du commerce de produits provenant de zones de conflits, les experts proposent que des organisations spécialisées dans le domaine de l’industrie telles que le Tantalum Niobium International Study Centre, l’International Gold Council ou l’International Coffee Federation soient invitées à suivre le commerce de produits provenant de zones de conflit en coopération avec la CNUCED. Le Groupe d’experts exhorte tous les États membres où s’effectue la vente de diamants bruts à participer au Processus de Kimberley et recommande la mise en place d’un secrétariat doté de fonctionnaires permanents chargés de coordonner l’application de ce processus. Il recommande en outre aux États membres d’arrêter une définition internationale du « bois de zone de conflit » et de prendre des mesures pour faire observer les mesures d’interdiction du commerce des espèces en voie de disparition. Enfin, l’organe de surveillance proposé par le Groupe d’experts pourrait régulièrement présenter ses conclusions au Conseil de sécurité, lui recommander l’adoption d’autres mesures pour mettre un terme aux activités d’exploitation illégale des ressources naturelles, et lui signaler tout État ou entreprise susceptible de participer à cette exploitation.
Déclarations
M. MAHMOUD KASSEM, Président du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesses de la République démocratique du Congo (RDC), a salué la coopération des Gouvernements du Burundi, de la République centrafricaine, de la République démocratique du Congo, du Kenya, de la République du Congo, du Rwanda, de l’Ouganda et de l’Afrique du Sud lors de leur visite dans la région. Présentant le cinquième rapport du groupe d’experts qu’il préside, M. Kassem a souligné les progrès enregistrés depuis la signature des Accords de Pretoria et de Luanda mais a rappelé que l’Accord de Lusaka n’avait pas pris en compte les aspects économiques du conflit. Selon M. Kassem, ces aspects sont incontournables si l’on veut consolider les acquis dans les domaines militaire et politique. D’autant plus, a-t-il dit que les risques qu’ils comportent se sont déjà concrétisés dans des affrontements récents le long de la frontière orientale de la RDC et dans le Nord-Est de la RDC. Il a ensuite précisé que le Groupe d’experts avait défini trois zones distinctes qualifiées de «réseaux d’élite» qui ont la mainmise sur une série d’activités commerciales comprenant l’exploitation des ressources naturelles, le détournement des recettes fiscales, ainsi que d’autres opérations productrices de revenus dans les trois zones contrôlées respectivement par le Gouvernement de la RDC, par l’Ouganda et par le Rwanda. M. Kassem a précisé que ces réseaux disposent de soutiens discrets mais décisifs des forces armées et se livrent à de nombreuses activités criminelles telles que le trafic d’armes, le blanchiment d’argent, la falsification de devises, et ils bénéficient de la violence et de l’instabilité dans l’Est de la RDC pour poursuivre leurs activités d’enrichissement illicite. Ces activités sapent les perspectives de relèvement et de reconstruction économique de la RDC, a dit M. Kassem, et elles sapent également la stabilité et l’autorité de l’État.
La puissance de ces réseaux d’élites leur permet de saper le processus de paix en ayant une influence immédiate sur les centres de décisions dans les pays impliqués dans le conflit en RDC, a dit M. Kassem, mettant en avant la volonté de ces réseaux de perpétuer une présence militaire par le biais de milices et de groupes armés privés. Le Groupe d’experts met en garde également contre l’instabilité croissante qui pourrait servir à un nouveau déploiement militaire des pays voisins de la RDC. M. Kassem a expliqué que le Groupe d’experts avait, au cours des sept derniers mois, collecté une série de preuves et d’éléments irréfutables, tels que des lettres, des contrats, et a précisé que ces éléments de preuve seront mis à la disposition des membres du Conseil de sécurité à leur demande. Il a jugé que les États qui ne prennent pas de mesures contre les individus ou entreprises impliqués dans l’exploitation illégale des ressources de la RDC se rendent complices de ces activités dans la mesure où ils se doivent de soumettre leurs ressortissants et leurs entreprises au droit international. Il a estimé que l’une des voies pour mettre un terme aux activités illégales d’exploitation en RDC passait nécessairement par la reconstruction et la réadaptation des économies de la région des Grands Lacs au bénéfice des populations. Il a également prôné des mesures d’intégration régionale de consolidation de la paix et de développement économique qui pourraient être abordées dans le cadre de la conférence internationale pour la paix, la sécurité, la démocratie et le développement durable dans la région des Grands Lacs.
M. Kassem a jugé qu’un développement commercial légitime dans la région des Grands Lacs est essentiel pour mettre fin aux activités militaires de pillage des ressources de la RDC. A cet égard, il a fait part de certaines recommandations du Groupe d’experts qui propose, pour endiguer l’exploitation criminelle des ressources, des mesures de découragement telles que des interdictions de voyages pour les individus impliqués, la diminution des montants d’aide publique au développement (APD) vers les États concernés, et une incitation des pays signataires des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales à faire appliquer ces principes par leurs multinationales. Une action décisive et résolue du Conseil de sécurité est nécessaire pour renforcer l’élan et consolider la paix dans les Grands Lacs, a-t-il dit, avant de recommander des mesures urgentes pour la reconstruction des économies des pays de la région, au premier rang desquels la RDC. Les recommandations du groupe d’experts visent à protéger avant tout la ressource la plus importante de la RDC, à savoir son peuple, car ce dernier a payé le plus lourd tribut à la guerre depuis quatre ans, a conclu le Président.
M. LEONARD SHE OKITUNDU, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale de la République démocratique du Congo (RDC), a attiré l’attention sur deux documents nationaux que son Gouvernement a transmis au Conseil pour compléter le “travail fort remarquable” du Groupe d’experts. Concernant les conclusions du rapport final du Groupe, le Ministre des affaires étrangères s’est félicité qu’il ait mis en exergue le lien de causalité direct entre l’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC et la poursuite de l’agression armée. Il a particulièrement salué le fait que le rapport final brise enfin le mythe des préoccupations sécuritaires du Rwanda et démontre que la présence de l’occupant rwandais soit dictée par le souci de poursuivre des activités criminelles qu’il mène d’ailleurs, a souligné le Ministre des affaires étrangères, avec ses compatriotes les génocidaires, les ex-FAR et Interahamwe “pourtant diabolisés et censés être traqués par le pouvoir de Kigali”.
Notant que le rapport final indique que le Rwanda conserve en RDC d’importantes troupes où elles ont troqué l’uniforme militaire pour celui du RCD-Goma, le Ministre des affaires étrangères a estimé que ce sont ces supercheries qui secouent en ce moment l’Ituri et qui servent de prétexte à l’occupation de Kisangani. Ces deux exemples, a-t-il insisté, sont éminemment révélateurs de la poursuite, à un rythme effréné et en toute impunité, du pillage systématique des ressources naturelles de la RDC. Prenant également note de la criminalisation des économies des pays de la région, le Ministre des affaires étrangères a souligné que ces alliances criminelles ont un même intérêt à entretenir la dynamique de la guerre. C’est donc la recherche effrénée du profit dans l’exploitation systématique des richesses de la RDC qui doit constituer le point de départ de la réflexion du Conseil de sécurité s’il veut rendre son action efficace, a estimé le Ministre.
S’agissant des droits attachés à la souveraineté de la RDC, il a voulu que justice soit rendue au peuple congolais, propriétaire de ses richesses naturelles, et que toutes les recommandations du Groupe d’experts telles que contenues dans son premier rapport soient appliquées. Il a particulièrement relevé parmi ces recommandations le déploiement complet de la MONUC pour assurer le retrait définitif des agresseurs; la démilitarisation de Kisangani et l’imposition de sanctions à ceux qui s’y refusent; la réparation et le dédommagement du peuple congolais; et les poursuites judiciaires contre les auteurs des pillages. Avant même d’envisager l’examen des recommandations du rapport final, a dit le Ministre, le Conseil doit faire son examen de conscience. L’application de quelques recommandations aurait eu un effet dissuasif certain.
Réitérant son adhésion à la majorité des recommandations du rapport final, le Ministre des affaires étrangères s’est particulièrement attardé sur celle visant la convocation d’une Conférence internationale sur la paix, la sécurité, la démocratie et le développement dans la Région des Grands Lacs, sous les auspices de l’ONU. Il a aussi appuyé la recommandation de créer un organe de surveillance qui, a-t-il prévenu, doit être établi en accord avec le Gouvernement de la RDC dans le respect de ses prérogatives de souveraineté nationale. Il a ainsi appelé le Conseil à considérer la création d’une commission nationale de surveillance dotée d’une expertise nationale – congolais travaillant au sein du système de l’ONU - et internationale – conseillers étrangers ou fonctionnaires internationaux-.
Le Ministre des affaires étrangères a ensuite commenté la notion de dividende de la paix pour les populations de la région. Il a estimé qu’en faire un pré-requis en faveur des pays agresseurs serait donner une prime au crime d’agression. Il a donc plaidé pour la poursuite des pressions sur les pays agresseurs notamment en suspendant tout octroi d’aide économique jusqu’au retrait effectif et avéré des troupes d’agression du territoire de la RDC et l’imposition d’un embargo sur le transit et la vente des ressources naturelles. Le Ministre a aussi rappelé les termes des Conventions de Genève qui prévoient qu’une partie sera tenue responsable de tous les actes commis par les personnes faisant partie de ses forces armées. Les Conventions prévoient aussi, a-t-il précisé, que la partie occupante soit tenue responsable de tous les dommages survenus dans la partie qu’elle occupe. La question de l’impunité et de la réparation due au peuple congolais est de la plus haute importance, a insisté le Ministre des affaires étrangères en réitérant sa proposition de créer un Tribunal pénal international pour la RDC pour juger ceux qui se sont rendus coupables de crimes contre l’humanité.
Poursuivant, le Ministre des affaires étrangères a dit constater, depuis l’additif et le rapport final, une velléité de s’attaquer au Zimbabwe pour des raisons qui sont de notoriété publique. Il a regretté que le prisme des attitudes préjudiciables à la RDC, qui s’ensuit, place cette dernière au même niveau que des entités politico-militaires créées dans la foulée de l’agression armée et méconnaît donc la réalité de la situation à savoir un pays souverain agressé par des pays voisins. Le Ministre a estimé que condamner des entreprises qui lui ont permis de défendre la souveraineté nationale reviendrait à contraindre la RDC à renier ses droits et devoirs fondamentaux à savoir défendre par tous les moyens possibles la souveraineté et l’intégrité du pays. Dans ce cadre, le Ministre s’est dit convaincu que la commission spéciale chargée d’examiner la validité des accords signés durant la guerre, prévue par une résolution du dialogue intercongolais, pourrait servir de cadre au processus de réexamen de certains contrats et concessions. Il a néanmoins relevé l’absence, dans la liste établie du Groupe d’experts, des deux principaux parrains rwandais et ougandais qui ont été identifiés comme coupables par le Groupe d’experts.
Venant aux accusations portées contre certains membres de l’exécutif congolais, le Ministre des affaires étrangères a rappelé qu’au regard de l’ordre juridique de la RDC tout abus ou détournement de pouvoir est sanctionné par les Cours et Tribunaux. Il a aussi rappelé la création d’une Commission nationale de lutte contre la fraude et la corruption avant de s’attarder sur le processus d’assainissement de l’environnement économique congolais qui a conduit à la suspension, après une plainte officielle du Ministère des mines, des activités de l’entreprise MBC identifiée dans le rapport final comme fonctionnant en marge de la loi.
Résumant sa pensée, il a estimé que les actes perpétrés par les membres du Gouvernement, valides au regard du droit international, ne sauraient être assimilés à des actes imputables aux agresseurs et aux insurgés sans porter atteinte au principe de souveraineté. Il a conclu en souhaitant que la communauté internationale s’implique davantage et plus concrètement dans la résolution de la guerre d’agression, notamment par le renouvellement du mandat de la MONUC et son développement rapide dans les zones où subsistent des tensions.
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