POUR UNE PLUS GRANDE PARTICIPATION DES FEMMES AUX OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX
Communiqué de presse CS/2347 |
Conseil de sécurité CS/2347
4589e séance – matin & après-midi 25 juillet 2002
POUR UNE PLUS GRANDE PARTICIPATION DES FEMMES AUX OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX
Le Conseil de sécurité a tenu aujourd’hui un débat sur les femmes, la paix et la sécurité qui a donné l’occasion à plus d’une trentaine d’intervenants de s’exprimer. Il a tout d’abord entendu le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Marie Guéhenno; la Conseillère spéciale pour les questions d’équité et la promotion des femmes, Mme Angela King; et la Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour le développement des femmes (UNIFEM), Mme Noeleen Heyzer, faire part des mesures concrètes qu’ils ont respectivement prises pour mettre en œuvre la résolution 1325 du Conseil, adopté en octobre 2000 à l’occasion de la célébration de la Journée internationale de la femme. Toutefois et en dépit de certains progrès comme la nomination de conseiller sur les questions sexospécifiques dans les missions ou la politique de tolérance zéro à l’encontre des soldats de la paix et des personnels des missions pratiquées par le Secrétaire général beaucoup reste encore à faire pour appliquer pleinement la résolution, les femmes représentant toujours l’écrasante majorité des victimes civiles des conflits.
Les participants au débat ont insisté sur le rôle très important joué par les femmes dans la résolution de nombreux conflits, en particulier sur leur continent africain. Ils ont plaidé en faveur d’une plus grande intégration des femmes, tant dans les activités de maintien de la paix menées au Secrétariat et sur le terrain, que dans les efforts de résolution des conflits et de reconstruction une fois la paix rétablie. Il a été jugé particulièrement important qu’elles soient à tout moment associées à la prise de décision. La réunion a aussi permis de constater qu’il fallait axer davantage les programmes de désarmement, démobilisation, et réinsertion sur les femmes, dont on oublie trop souvent qu’elles sont aussi enrôlées de force dans les mouvements armés. Nombreux sont les intervenants à placer leurs espoirs dans la Cour pénale internationale pour qu’elle mette enfin un terme à la culture d’impunité qui caractérise encore trop souvent les crimes de guerre, tel le viol, dont sont victimes les femmes. Enfin, la suggestion de nommer davantage de femmes aux postes d’Envoyés et de Représentants spéciaux ou à la tête des missions, ainsi que celle de nommer un Conseiller de haut niveau pour les questions d’équité au sein du Département des opérations de maintien de la paix ont aussi recueilli un large appui.
Outre les trois hauts fonctionnaires du système des Nations Unies susmentionnés et ses quinze membres, le Conseil a entendu la déclaration des représentants des pays suivants : Jamaïque, Chili, Canada, République de Corée, Danemark (au nom de l’Union européenne), Nigéria, Australie, Nouvelle-Zélande, Japon, Liechtenstein et Grenade.
(à suivre)
LES FEMMES, LA PAIX ET LA SECURITE
M. JEAN-MARIE GUEHENNO, Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, a rappelé que voilà deux ans que le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1325 historique sur la question des femmes et de la paix. Sur une note personnelle, il a indiqué qu’en arrivant à la tête du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP), il avait lui-même ressenti un certain scepticisme quant à la validité d’introduire une démarche soucieuse d’égalité entre les sexes dans le cadre des activités de maintien de la paix. Or, rien n’est plus erroné que ces réticences, car, de plus en plus, les femmes et les jeunes filles sont les cibles privilégiées de crimes de guerre. En outre, les femmes sont aussi souvent les acteurs politiques et civiques grâce auxquels la paix peut véritablement être durable. Au Timor oriental, par exemple, au départ, l’on a eu tendance à oublier que les femmes comptaient aussi parmi les prisonniers politiques et il a fallu tenir compte de leurs besoins particuliers et s’adapter à la situation.
La sensibilité aux questions des femmes doit donc clairement être plus présente dans tous les travaux du DOMP. Cinq domaines spécifiques ressortent, en particulier, dans les efforts entrepris pour appliquer la résolution 1325. Il s’agit de la violence contre les femmes, la traite des femmes et enfants, l’intégration d’une perspective « femmes » dans les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion, la participation des femmes aux réformes institutionnelles et civiles et de la lutte contre le VIH/sida. Concrètement plusieurs missions ont pris des mesures précises dans ces domaines. Par exemple, la mission en Bosnie-Herzégovine a mis sur pied un vaste programme national contre la violence domestique, la mission au Kosovo a, elle, promulgué une règle contre le trafic des personnes, le personnel de la mission en République démocratique du Congo reçoit, quant à lui, une formation particulière sur les questions de sexospécificité.
De son côté, le Secrétariat prépare un guide sur les aspects multidimensionnels des opérations de maintien de la paix qui a été élaboré en coopération avec le Bureau de la Conseillère spécial sur les questions d’équité. En outre, le Secrétaire général applique une politique de tolérance zéro à l’encontre des soldats de la paix et des personnels des missions qui pourraient se rendre coupables d’actes d’exploitation, de violence ou de trafic contre les femmes. M. Guéhenno a souligné que pour faire réellement une différence dans l’introduction d’une perspective sexospécifique, il faut, en premier, lieu écouter et parler avec les femmes des pays concernés par les opérations de maintien de la paix.
Mme ANGELA KING, Sous-Secrétaire générale et Conseillère spéciale pour la parité entre les sexes et pour la promotion de la femme, évoquant l’étude du Secrétaire général sur les femmes, la paix et la sécurité, a précisé que celle-ci a bénéficié des apports des institutions des Nations Unies participant aux travaux du groupe de travail interinstitutions sur les femmes, la paix et la sécurité au cours des 18 derniers mois. Cette étude s’est inspirée de l’expérience des différents Départements des Nations Unies, au siège mais aussi sur le terrain, a-t-elle ajouté, et son étendue est très large dans la mesure où elle prend en compte des informations fournies par les agences, fonds et programmes des Nations Unies. Mme King a donné l’exemple des informations relatives à l’impact des guerres sur les femmes et les filles qui, au-delà de la violence sexuelle qui les touche en priorité en temps de conflits, se retrouvent souvent enrôlées dans les armées. Elles doivent, à ce titre, être à leur tour considérées dans les programmes de désarmement, de démobilisation, de réinstallation et de réinsertion post-conflits. Cette étude s’inscrit pleinement dans les efforts du Conseil de sécurité en faveur de la prévention des conflits et de la consolidation de la paix en couvrant le rôle des femmes dans la mise en œuvre de stratégies de bonne gouvernance, de démocratie, de protection des droits de l’homme, et plus généralement, dans la mise en œuvre des changements fondamentaux. Mme King a souligné quelques exemples du rôle essentiel des femmes dans la perspective du changement, comme c’est le cas au Timor oriental, au Guatemala, au Kosovo, dans la région du Fleuve Mano, en Somalie, en Afrique du Sud ou ailleurs.
La Conseillère spéciale s’est attardée sur certains éléments de l’étude qui laissent apparaître un manque de volonté de laisser les femmes participer aux questions de consolidation de la paix et d’action humanitaire. Elle a demandé au Conseil de sécurité d’inclure les préoccupations des femmes et des enfants à tous les stades des processus de paix. Elle a souhaité que les ressources financières soient prévues dans les budgets des missions en faveur du renforcement des capacités des femmes. Elle a demandé aux Nations Unies d’accroître le pourcentage de femmes à certains postes de responsabilités dans les missions de maintien de la paix des Nations Unies et suggéré que les missions de maintien et de consolidation de la paix puissent bénéficier de l’expertise de conseillères que les questions de parité entre les sexes. Elle a enfin demandé qu’un code de conduite soit défini pour prévenir les actes de harcèlement sexuel et pour faire en sorte que des auteurs de viols travaillant pour les Nations Unies puissent être traduits en justice.
Mme NOELEEN HEYZER, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour le développement des femmes (UNIFEM), a expliqué que pour mettre pleinement en œuvre la résolution 1325 du Conseil de sécurité, elle a nommé deux experts indépendants chargés de faire une évaluation complète et concrète, à partir du terrain, de l’effet des conflits armés sur les femmes et leur rôle dans le rétablissement de la paix. Il est fondamental que la voix des femmes soit entendue et que leur travail sur le terrain soit reconnu, apprécié et appuyé. Les décisions en matière de paix devraient être prises avec elles et pas seulement pour elles. Mme Heyzer a ajouté que les conclusions des experts et leurs recommandations seront publiées en octobre pour marquer le deuxième anniversaire de la résolution 1325. Commentant celle-ci, elle a souligné, en autres, qu’il est nécessaire de mener des activités de prévention et d’information sur la situation particulière des femmes dans les conflits. Il faut régler rapidement le fossé en matière de protection entre les femmes et les hommes. L’évaluation des deux experts a aussi permis de constater que les chances de transmission du VIH/sida sont multipliées pour les femmes en situation de conflits. Au niveau plus politique, il apparaît que les processus de paix sont d’autant plus forts si les femmes ont pu y participer activement. A cet égard, les experts recommandent la mise en place de quotas, du-moins pour une période limitée. S’agissant des opérations de maintien de la paix elles-mêmes, l’évaluation a permis de révéler que la perspective sexospécifique n’est toujours pas suffisamment intégrée. Pour y remédier, il faut que dès la conception de la mission, le Haut Commissariat pour les réfugiés, l’UNICEF, le FNUAP et l’UNIFEM soient aussi consultés. Les experts appuient aussi pleinement le code de conduite et la politique de tolérance zéro suivi par le Secrétaire général concernant le personnel des missions. Le rôle des organisations régionales ne doit pas non plus être ignoré. Enfin, l’évaluation a aussi permis d’établir que les programmes de DDR devaient impérativement prendre en compte les besoins particuliers des femmes qui sont enrôlées comme soldats souvent au même titre que les jeunes hommes.
Mme Heyzer a expliqué en outre que les femmes victimes de la guerre ont aussi grand besoin des normes qui seront mises en place par la Cour pénale internationale. Elles doivent obtenir protection, conseil et sécurité. Ces femmes demandent aussi des chambres d’instance séparées et des juges femmes pour être entendues, notamment lors des cas de violence sexuelle. Il ne peut y avoir de justice sans responsabilité et il est essentiel que les auteurs de tels crimes soient punis.
M. FAYSSAL MEKDAD (République arabe syrienne) a estimé que la résolution 1325 du Conseil traduit un réel renforcement du rôle des femmes dans les domaines de la paix et de la sécurité. Il a regretté que les femmes et les filles représentent les principales victimes en cas de conflits, dans la mesure où 80% des réfugiés et des déplacés en raison de conflits sont des femmes ou des enfants. Il a jugé essentiel que les femmes soient considérées comme des partenaires clés dans le processus de paix et de développement durable. Une des idées maîtresses du plan d’action de Beijing concerne la participation des femmes dans les efforts de consolidation de la paix, a-t-il rappelé, insistant sur le statut de la parité. Il a condamné les pratiques israéliennes de torture et de déplacements forcés à l’encontre des femmes palestiniennes et des femmes arabes dans le Golan syrien occupé ou encore au Liban. Ces femmes souffrent de pratiques inhumaines d’occupation qui doivent cesser car elles sont le corollaire de la paupérisation, a-t-il ajouté, condamnant de nouveau l’attaque aérienne israélienne sur Gaza il y a quelques jours qui a coûté la vie à de nombreuses femmes. M. Mekdad a assuré que la législation de son pays est pleinement calquée sur le Programme d’action de Beijing et entend garantir le respect des principes de parité entre les sexes.
M. MARTIN AYAFOR CHUNGONG (Cameroun) a déclaré que les Etats Membres doivent mettre fin à l'impunité et doivent poursuivre tous ceux qui se rendent coupables de crimes et de violences sexistes contre les femmes et les petites filles. Le Cameroun se félicite que le Statut de Rome de la CPI qualifie les violences sexuelles commises en temps de conflit de crimes de guerre. Il faudrait d'autre part élaborer un code de conduite à l'intention des personnels de maintien de la paix et mettre en place un système de notification de toute exaction sexuelle commise contre des femmes au cours de ces opérations. Le Cameroun soutient l'incorporation de la parité entre les sexes dans les missions de paix de l'ONU. Nous nous félicitons des recommandations du Séminaire atelier pour l'Afrique centrale organisé par l'UNIFEM du 28 au 30 mai à Douala au Cameroun. Les réseaux et organisations de femmes en faveur de la paix de notre région y ont demandé à la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC) de renforcer le soutien qu'elle leur apporte en vue de leur permettre de mieux participer à la résolution des conflits et à la consolidation de la paix. Dans ce cadre, le Comité consultatif permanent des Nations Unies sur les questions de sécurité en Afrique centrale a recommandé lors de sa 16ème réunion ministérielle, de créer un réseau de femmes qui doit être associé aux négociations de paix en cours dans les conflits d'Afrique centrale. Nous nous félicitons à cet égard du rôle remarquable récemment joué par les femmes congolaises lors des négociations intercongolaises de Sun-City.
M. KISHORE MAHBUBAHNI (Singapour) a souligné le courage dont a fait preuve M. Guéhenno en reconnaissant qu’à son arrivée au DOMP il avait dû faire face à un certain scepticisme quant aux questions d’équité entre les sexes. Or il faut absolument éliminer définitivement ce scepticisme. Les chiffres sont là pour nous en convaincre. Au début du siècle, seuls 15% des victimes étaient des civils, depuis la fin de la Guerre Froide 90% des victimes sont des civils, la plupart des femmes et des enfants. Il ne s’agit donc pas d’être politiquement correcte.
S’attardant aux programmes de formation aux questions de sexospécificité mis sur pied pour le personnel des missions, le représentant a demandé à savoir comment le Département des opérations de maintien de la paix parvenait à traiter de ces questions de manière abstraite en faisant attention aux particularités propres à chaque région.
M. Mahbubahni a demandé en outre à savoir des exemples concrets où la participation des femmes a fait changer les choses, accélérer le processus de paix. Evoquant le récent débat du Conseil sur les pays de l’Union du Fleuve Mano, il a demandé en outre à savoir comment les femmes pouvaient, par exemple, contribuer véritablement au processus de paix au Libéria.
Répondant à ces questions, Mme ANGELA KING a évoqué le cas des femmes au Burundi qui se sont rassemblées et ont établi une liste d’exigences ayant en définitif fait partie de l’accord final. En Somalie, les femmes sont encore, par exemple, parvenues à réunir les dirigeants des différentes factions autour d’une table. Dans le cas de la région du Fleuve Mano, les femmes sont très actives et se sont rendues dans les régions les plus éloignées pour persuader les combattants de rendre leurs armes. Concrètement on sait que les femmes transmettent mieux le message de la paix que les hommes et qu’elles utilisent mieux les réseaux locaux disponibles.
Mme NOELEEN HEYZER a, pour sa part, fait remarquer que pour les personnes qui viennent de régions dévastées par la guerre, le thème d’aujourd’hui n’a rien à voir avec une discussion « politiquement correcte ». Il s’agit à la vérité le plus souvent d’une question de vie ou de mort. Elle a indiqué que concrètement pour faire avancer les processus de paix, l’UNIFEM s’efforce de rassembler et de mobiliser les femmes au-delà des clivages et des séparations afin d’attirer l’attention sur les questions traditionnellement ignorées lors des conflits, comme, par exemple, celles liées au droit foncier ou aux réparations auxquelles ont droit les femmes. Les voies et moyens d’assurer l’équité sont multiples, a-t-elle ajouté.
Mme JOAN ELAINE THOMAS (Jamaïque) a rappelé que deux années se sont déjà écoulées depuis que le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1325 et elle a suggéré, afin de continuer d’accorder un rang prioritaire au lien entre les questions de femmes, de paix et de sécurité, que le Conseil se penche sur la mise en œuvre de cette résolution qui a marqué un tournant décisif. Le lien entre les femmes et la paix est une question complexe car en temps de guerre, les normes de parité entre les sexes sont faussées puisque les femmes ne sont plus l’égale de l’homme mais les victimes des hommes. Elles sont le plus souvent les premières victimes des conflits, voire même enrôlées dans les combats, alors que paradoxalement, les programmes de DDRRR ne prévoient aucune disposition en faveur des femmes. Elle a exhorté les Nations Unies à élaborer une démarche et des programmes en faveur de la prise en compte des besoins des femmes dans la réhabilitation post-conflits. Abordant les questions de violence à l’égard des femmes, la représentante a souhaité que la Cour pénale internationale prévoie des dispositions particulières pour protéger les femmes dans les situations de conflits armés. Elle a recommandé que des procédures appropriées et un code de conduite soient préparés par le Département des opérations de maintien de la paix pour prévenir les actes de harcèlement sexuel perpétrés par des membres du personnel des missions sur le terrain.
Elle a recommandé de former les agents des missions pour faire face aux violences domestiques et de renforcer le nombre de conseillers sur ces questions dans les missions de maintien et de consolidation de la paix afin de pouvoir garantir le respect de la parité et la libre participation des femmes. Il faut en outre permettre aux femmes de participer aux missions du Conseil de sécurité sur le terrain et également faire en sorte que le Conseil s’adjoigne les conseils de spécialistes des questions de parité dans les discussions concernant les missions de maintien de la paix, a-t-elle estimé.
M. CRISTIAN MAQUIEIRA (Chili) a déclaré qu'il est temps de faire tomber les barrières qui empêchent les femmes de participer effectivement aux processus de prise de décision et leur ôtent les perspectives qui leur ouvriraient les vraies portes du pouvoir. Le respect de la sexospécificité dans les opérations de maintien de la paix doit figurer en bonne place dans l'agenda des Etats Membres. Le Chili, dont les forces armées sont sous l'autorité d'une femme, Ministre de la défense, attend impatiemment la nomination d'une femme au poste de Représentante spéciale ou Envoyée spéciale du Secrétaire général dans une mission de maintien de la paix de l'ONU. Nous nous faisons aussi les avocats d'une plus grande participation de femmes comme observatrices militaires, agents de police civile, ou encore fonctionnaires d'observation des droits de l'homme et des affaires humanitaires au sein de ces missions. Assumant pleinement ses responsabilités au sein du Groupe des amis de la résolution 1325, le Chili a accepté d'organiser au mois de novembre prochain une conférence internationale sur "Le rôle des femmes dans les opérations de maintien de la paix".
M. BOUBACAR DIALLO (Guinée) a noté l'important rôle joué par les femmes guinéennes pour mettre fin à l'instabilité en Afrique de l'Ouest. Le réseau des femmes parlementaires et ministres de Guinée (REFAMP) a organisé à Conakry, du 24 au 26 janvier 2000, une conférence sous-régionale sur la prévention et la résolution des conflits. Cette rencontre a été appuyée par les femmes de l'Union du fleuve Mano. La Guinée apprécie les initiatives de ce type prises dans d'autres régions et estime que l'ONU doit en recenser les expériences et les faire partager au reste de la communauté internationale. Nous apprécions le rôle de coordination assuré par le Bureau de Mme Angela King sur la mise en oeuvre de la résolution 1325 afin de contribuer à l'élaboration du rapport du Secrétaire général dont nous attendons la publication.
M. ANDRE FRANCO (Colombie) a souligné qu’il fallait poursuivre les efforts au sein du DOMP jusqu’à ce qu’une démarche sexospécifique soit adoptée. C’est pourquoi, il a appuyé le projet de M. Guéhenno de créer un poste de Coordonnateur spécial sur ces questions. Il a regretté que la participation et la contribution des femmes au processus de paix soient trop souvent reléguées au deuxième plan, alors que l’expérience montre bien dans quelle mesure elles sont capables de faire évoluer positivement les choses. Les femmes sont par exemple mieux à même d’obtenir des engagements fermes et solides de la part des collectivités. Il faut donc que les femmes participent à tous les stades au processus de paix. Le Conseil de sécurité devra donc s’efforcer de garantir leur participation au processus de prise de décisions à tout moment. Le représentant a indiqué que son pays étudiait actuellement la possibilité de se pencher plus avant sur la question des femmes et de la lutte contre les armes légères lorsqu’il assumera la présidence du Conseil en décembre prochain. M. Franco a demandé à connaître plus concrètement quelle est la place que peuvent avoir les femmes dans les programmes
de DDR. Il a souligné l’impact sans précédent et le caractère unique de la résolution 1325 du Conseil qui a suscité l’intérêt dans les régions du monde. Il a demandé à cet égard à Mme King et à Mme Heyzer d’indiquer dans quelle mesure ce texte avait eu une influence sur leur travail et sur la situation des femmes, ajoutant que cela permettra au Conseil de mieux prendre la mesure de ces réalisations.
M. OLE PETER KOLBY (Norvège) a déclaré qu'il est important que le Conseil de sécurité suive de près la mise en oeuvre des termes de sa résolution 1325 et lui assure un suivi. La Norvège a activement soutenu un renforcement du Département des opérations de maintien de la paix (DPKO) dans le domaine des questions liées à la sexospécificité. Nous regrettons que les propositions qui ont été faites par le DPKO de créer des postes de "conseillères en matière de sexospécificité" n'aient pas reçu suffisamment de soutien. Nous pensons que ces postes sont nécessaires et espérons qu'ils existeront au sein du DPKO. La Norvège attend aussi de voir une révision des Normes et Procédures d'opérations par une inclusion en leur sein de perspectives sexospécifiques. Les preneurs de décisions et les personnes chargées de concevoir les concepts politiques doivent toujours avoir en mémoire la nécessité de respecter les différenciations sexuelles. Nous recommandons que des points focaux soient à cet égard créés dans toutes les opérations de maintien de la paix mandatées par l'ONU dont les personnels doivent aussi être sensibilisés. Enfin la Norvège demande qu'une note de directives sexospécifiques soit préparée à l'intention du Conseil et qu'elle figure dans tous les rapports qui lui sont adressé.
M. GUÉHENNO a indiqué que l’un des meilleurs moyens de faire en sorte que les questions d’équité soient prises en compte dans les activités de maintien de la paix est de commencer par le haut. Il s’est réjoui de voir que le Secrétariat ainsi que certaines missions disposaient désormais de conseillères de haut niveau sur ces questions. Il ne faut pas non plus approcher ces questions de manière uniquement technique et dans ce contexte, la formation et l’information jouent un rôle essentiel. A cet effet, un modèle de formation sera bientôt appliqué pour les contingents et les policiers civils. Il est fondamental dans ce cadre de bénéficier de l’appui concret des Etats Membres, non seulement pour disposer des ressources mais aussi pour bénéficier de leurs expériences ou initiatives propres.
M. PAUL HEINBECKER (Canada) a estimé que la résolution 1325 a été déterminante dans La prise en compte d’une approche sexospécifique par le Conseil de sécurité dans le cadre des processus de résolution des conflits. Il a souhaité faire le bilan des progrès au cours des deux dernières années et a mentionné notamment l’importance des questions de responsabilité et de protection en particulier pour ce qui est des femmes réfugiées. Le Canada attend beaucoup des conclusions de l’enquête conduite par le HCR sur les allégations récentes selon lesquelles des faveurs sexuelles avaient été exigées en échange de protection humanitaire, a-t-il ajouté. Il a souhaité qu’une expertise nécessaire soit accordée à la Cour pénale internationale afin qu’elle puisse poursuivre les auteurs de crimes et de violences contre les femmes et les enfants. Pour sa part, a-t-il poursuivi, le Canada s’engage à poursuivre tous les crimes commis par des soldats de la paix dans des opérations de l’ONU. La mise en œuvre de la résolution 1325 n’est pas vraiment satisfaisante et les questions de parité ne bénéficient de toute l’attention nécessaire, a-t-il regretté, demandant au Conseil de tenir compte de la sécurité des femmes dans ses approches de maintien de la paix et de régime des sanctions. De leur côté les fonctionnaires des Nations
Unies ont besoin de compétences nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations de la résolution 1325 notamment pour ce qui est de l’intégration des questions sexospécifiques dans les missions de maintien de la paix sur le terrain, a estimé M. Heinbecker. Il a demandé à M. Guéhenno ce qui était envisagé par le DPLKO pour encourager la mise en œuvre de la résolution 1325 dans les opérations où des progrès n’ont pas été constatés à ce jour.
M. SUN JOUN-YUNG (République de Corée) a, quant à lui, espéré que l’étude du Secrétariat sur les femmes, la paix et la sécurité comportera des recommandations concrètes permettant d’étendre véritablement le rôle des femmes dans la résolution des conflits et leur participation aux missions de maintien de la paix. Avoir en effet une idée claire de leurs besoins et de leur possible contribution devrait permettre d’améliorer sensiblement les chances de réussite durable des processus de paix. La condition de départ pour cela est de considérer les femmes comme des agents actifs de changement et non seulement comme des victimes, ainsi que le démontre clairement l’expérience récente en Afghanistan. Au niveau de l’Organisation, il faut plus de femmes aux postes concernés par la promotion de la paix, notamment à ceux d’Envoyés et de Représentants spéciaux du Secrétaire général. Le représentant s’est réjoui de l’idée de création d’unités de parité entre les sexes au sein des missions et aussi bientôt au Département des opérations de maintien de la paix.
Dans les situations de conflit où les femmes sont trop souvent utilisées comme des outils d’intimidation ou de terreur, il est fondamental de faire pleinement respecter le droit international humanitaire et les droits humains. L’histoire nous a montré que si justice n’est pas faite, les chances d’une paix durable sont moindres. C’est pourquoi, la République de Corée appuie les efforts actuels en vue de mettre fin à la culture d’impunité ainsi que la Cour pénale internationale le permettra. M. Sun a estimé nécessaire de mettre en place un système de collecte d’information sur la violence fondée sur le sexe, l’exploitation et le trafic des femmes et des petites filles. De même, il a jugé important de disposer de mécanismes disciplinaires au sein des missions de maintien de la paix.
M. STEFAN TAFROV (Bulgarie) a rappelé que dans les situations de conflits, les femmes, les enfants et les personnes âgées son le plus souvent les plus vulnérables, car ils sont exploités et ciblés souvent délibérément comme arme stratégique. Ce sont les femmes et les fillettes qui constituent un nombre disproportionné des civils affectés par les conflits armés et elles souffrent du déplacement forcé, de la traite, de la torture et de la violence, y compris sexuelle. Elles représentent la majorité des populations réfugiées et déplacées et continuent d’être en situation de risque, y compris après les conflits, a observé M. Tafrov. Mais elles peuvent jouer un rôle essentiel dans la résolution des conflits et dans la reconstruction. Aussi, le représentant a-t-il recommandé la pleine représentation des groupes de femmes à tous les niveaux de négociations afin de renforcer les chances d’instauration de la paix et d’une sécurité durables. Dans toutes les phases des missions de maintien et de consolidation de la paix, la présence des femmes doit être constante et visible. La reconstruction des institutions démocratiques et de la vie politique et publique d’un pays doit s’accompagner de la participation des femmes au processus de décision, ce dans un souci de parité, a souligné le représentant de la Bulgarie. Il importe que les forces de maintien de la paix soient sensibilisées et formées pour prendre en compte les besoins spécifiques de protection des femmes dans leurs missions, a estimé M. Tafrov, et cette formation doit être axée sur le code de conduite ainsi que sur la Convention de l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
M. WANG YINGFAN (Chine) a fait remarquer que même si la nature des conflits armés varie d’une région à l’autre, ils ont néanmoins toujours une incidence terrible sur la situation des femmes. C’est pourquoi notamment la Déclaration de Beijing a été adoptée en 1995. Malheureusement ces déclarations et résolutions n’ont toujours pas été appliquées dans leur totalité. Il faut redoubler d’efforts pour protéger les femmes, encourager leur participation au processus de rétablissement de la paix et de reconstruction post-conflit, s’efforcer de pallier les terribles préjudices qu’elles subissent. A cet égard, tous les gouvernements ou les parties à un conflit doivent respecter le droit humanitaire et punir les auteurs de crimes contre les femmes. La Chine regrette la politique de deux poids, deux mesures qui semble s’être fait jour dernièrement à cet égard. Si davantage de femmes participaient aux processus de résolution des conflits, on pourrait sans aucun doute construire une paix plus durable. Le système des Nations Unies devrait faire appel aux avantages comparatifs des femmes.
Mme VIMLA HUREE-AGARWAL (Maurice) a estimé que le rôle des femmes dans la consolidation de la paix est un aspect important des questions de paix et de sécurité internationales et que les femmes et les enfants sont les groupes les plus vulnérables qui assument de nombreux rôles dans les conflits puisqu’ils seront utilisés comme boucliers, comme esclaves sexuels ou comme combattants. Les femmes, qui peuvent jouer un rôle important dans le maintien de la paix, comme on peut le constater dans la région du Fleuve Mano, voient leurs droits les plus élémentaires bafoués en cas de conflits. Elle a recommandé des mesures de protection spécifiques pour les femmes, notamment par la mise en œuvre de procédures de formation et de sensibilisation des personnels du maintien de la paix. Elle a mentionné la récente décision des dirigeants africains d’assurer la présence de 50% des femmes à tous les échelons des organes de l’Union africaine et exhorté les Nations Unies à accorder un rôle plus important aux femmes dans les mécanismes de prise de décision. La représentante a souhaité que les questions de parité et de protection des femmes soient intégrées aux mandats des missions de maintien de la paix et que des conseillers spécialisés dans ces questions soient mis à la disposition du DPKO.
Mme ELLEN MARGRETHE LOJ (Danemark), intervenant au nom de l’Union européenne et des pays associés, a estimé que la résolution 1325 avait marqué une étape décisive dans la prise en compte des préoccupations des femmes et des questions de parité entre les sexes, dans les efforts de prévention des conflits et de maintien de la paix des Nations Unies. Toutefois, elle a souhaité que les recommandations et les dispositions de cette résolution puissent à présent être mises en œuvre. A cet effet, Mme Loj a fait quelques suggestions, dont, entre autres, la révision des règles de procédures régissant des opérations de maintien de la paix pour y intégrer la dimension sexospécifique. Des procédures opérationnelles spécifiques devraient être préparées afin que les questions de parité et de protection de la femme soient prévues. Elle a souhaité que des bureaux chargés de la parité entre les sexes soient intégrés à chaque mission de maintien de la paix et que des formations soient dispensées aux personnels civil, de police et militaire des missions de maintien de la paix sur les questions de parité et de respect des droits des femmes. Elle a estimé, au nom de l’Union européenne, que tous les efforts devaient être déployés pour accroître la participation des femmes dans les processus de décision concernant la résolution des conflits et la consolidation de la paix. Elle s’est inquiétée à cet égard du nombre peu élevé de femmes désignées comme Représentantes ou Envoyées spéciales du Secrétaire général dans des zones de conflits et a exhorté le Conseil de sécurité et le secrétaire général à promouvoir les nominations de femmes à ces fonctions.
La représentante a recommandé la création d’une cellule d’appui pour les questions de parité et de promotion de la femme au sein du Département des opérations de maintien de la paix (DPKO) et souhaité qu’elles disposent de davantage de prérogatives aux échelons de décision au sein du Département des affaires politiques (DPA) et du DPKO. Rappelant le rôle des femmes dans le cours des conflits, souvent enrôlées ou victimes de harcèlement sexuel, la représentante a insisté que le rôle central que peuvent jouer les femmes à chaque étape du processus de résolution des conflits et de consolidation de la paix. Des conseillers spécialisés dans les questions de parité doivent être intégrés aux équipes de maintien de la paix comme cela a été récemment suggéré pour le processus de paix en Sierra Leone et dans la région du Fleuve Mano, a-t-elle ajouté, soulignant également la nécessité d’associer des ONG et des communautés locales dans ces efforts visant à intégrer la dimension sexospécifique aux processus de consolidation de la paix. La représentante a mentionné l’initiative conjointe de l’Union européenne et des États d’Amérique latine de convoquer à l’automne prochain, au Chili, une conférence sur le rôle des femmes dans le maintien de la paix.
M. ARTHUR MBANEFO (Nigéria) a rappelé que la plate-forme d'action adoptée en 1995 par la Conférence de Beijing sur les femmes et les conclusions agréées par la Commission sur le statut de la femme en 1998, invitent les gouvernements et les organisations internationales à protéger les femmes dans les conflits armés et à soutenir leur participation à tous les aspects des opérations de maintien de la paix, en particulier, la prévention, la résolution post-conflit et la reconstruction. Dans sa résolution 1325 (2000) le Conseil de sécurité a reconnu, pour sa part, l'impact négatif des conflits armés sur les femmes et les enfants et le besoin de mettre en place des arrangements institutionnels pour garantir leur protection.
Le Nigéria soutient cette résolution du Conseil. Il se félicite de l'entrée en vigueur du Statut de la Cour pénale internationale (CPI), qui stipule que les violences sexuelles commises sur les femmes en temps de conflit sont des crimes de guerre. D'autre part, le Nigéria demande au Conseil de soulager les souffrances dont les femmes et les enfants sont victimes quand des sanctions sont imposées aux pays ou aux groupes de pays en conflit. La dimension sexospécifique doit être respectée dans les efforts de paix, et le Nigéria soutient le mécanisme créé en son sein par la CEDEAO en Afrique de l'Ouest, en vue de protéger les droits des femmes et des enfants dans les zones de conflit.
Mme ANGELA KING a expliqué que son Bureau travaille en ce moment à la prise en compte des perspectives de parité dans les processus de désarmement et de démobilisation. Elle a approuvé le principe consistant à inclure les questions de parité dans les procédures de mise en œuvre des missions sur le terrain tel que suggéré par le Danemark. Deux études de cas ont été réalisées sur les questions de désarmement, notamment en Albanie où 6000 armes ont pu être collectées en échanges de ressources de développement. La Conseillère spéciale a ajouté les cas du Cambodge et de la Colombie où des initiatives de désarmement ont été mises en œuvre.
La Directrice exécutive de l’UNIFEM a expliqué comment le Conseil de sécurité pouvait faire de sorte que les questions sexospécifiques soient intégrées dans les procédures de maintien et de consolidation de la paix sur le terrain, en adoptant, par exemple, une résolution prévoyant qu’elles participent aux missions de paix dans la police civile ou même les bataillons de Casques bleus. Elle a demandé la promotion des groupements féminins dans la mise en œuvre de projets de développement à impact rapide dans les périodes post-conflit.
M. SERGEY N. KAREV (Fédération de Russie) a estimé que la problématique des violences à l’égard des femmes dans les conflits et de la participation des femmes dans les efforts post-conflit ne doit pas faire exception aux travaux du Conseil. Malgré l’attention qui a été accordée jusqu’à présent à ces questions, il faut bien constater que beaucoup doit encore être fait et que de nombreuses recommandations faites sur le papier demeurent lettre morte, a regretté le représentant. Des recommandations concrètes et pratiques doivent être envisagées pour appliquer pleinement la résolution 1325. Ce faisant, il faut éviter les clichés et les lieux communs et l’édification d’une stratégie complète ne doit pas faire oublier la nécessité de répondre aux situations au cas par cas. La délégation russe insiste sur l’importance d’une bonne coordination entre les responsables des questions de femmes et de maintien de la paix au sein du système. Les efforts de l’ONU sont toutefois insuffisants et il faudrait aussi tirer parti de l’expérience et de la contribution de la société civile. Les organisations et associations de femmes ont souvent une connaissance très pratique des questions et peuvent apporter beaucoup. Exclure les femmes, y compris les jeunes femmes, des consultations lors du rétablissement de la paix et des efforts de reconstruction ne peut que retarder l’avènement d’une paix durable, a insisté le représentant en conclusion.
M. JOHN NEGROPONTE (États-Unis) a regretté que les femmes représentent la grande majorité des victimes dans les conflits, comme le souligne la résolution 1325. Il a réaffirmé l’attachement des États-Unis à voir les femmes jouer un rôle central dans les processus de consolidation de la paix et de résolution des conflits. Les crises affectent les femmes dans la mesure où lors des conflits, elles se retrouvent à la tête de ménages sans disposer de moyens, situation qui les rend encore plus vulnérables. Il a regretté que le représentant de la Syrie ait saisi l’occasion de ce débat pour aborder la question du conflit israélo-palestinien en regrettant les violences commises contre les femmes palestiniennes mais sans mentionner la douzaine d’attentats suicides qui ont coûté la vie à de nombreuses femmes en Israël. Chaque État membre des Nations Unies doit cesser de constituer un havre pour les groupes terroristes, a-t-il dit. Il s’est félicité des changements dans le fonctionnement du Secrétariat des Nations Unies pour prendre en compte les questions de sexospécificité et a encouragé M. Guéhenno et le Département des opérations de maintien de la paix à renforcer la formation des personnels de maintien de la paix sur la protection des droits des femmes. La paix durable nécessite l’engagement des femmes et des hommes et il importe d’étendre la participation des femmes dans les opérations de maintien de la paix. Abordant la politique de tolérance zéro vis-à-vis des abus sexuels commis par les agents des Nations Unies sur le terrain, M. Negroponte a estimé qu’elle devrait s’accompagner du déploiement de femmes dans les équipes de maintien de la paix. Il a encouragé les Nations Unies à poursuivre la mise en œuvre de programmes respectant les questions de sexospécificité dans le contexte du développement et de la consolidation de la paix.
M. YVES DOUTRIAUX (France) a fait observer que le bilan de l’application de la résolution 1325, adoptée il y a deux ans, par le Conseil n’était pas totalement satisfaisant. Les femmes et les enfants demeurent aujourd’hui les premières victimes des conflits. Cette situation rend encore plus essentiel le rapport que prépare le Secrétariat sur la question. Des progrès ont pu toutefois être enregistrés, comme par exemple le fait que la Cour pénale internationale reconnaisse désormais les viols comme des crimes de guerre ou encore le fait que des postes de conseillers sur les questions sexospécifiques ont été créés dans plusieurs missions. Au niveau du système des Nations Unies, M. Doutriaux a demandé au Comité consultatif sur les questions administratives et budgétaires (CCQAB) de reconsidérer sa position concernant la création d’un poste pour la sexospécificité au sein du DOMP. Il a estimé que la création d’un tel poste aurait des efforts fort positifs. Se tournant vers Mme King, il lui a demandé de savoir quel rôle accru son groupe pouvait avoir pour aider davantage les femmes en situation de conflit qui désire reprendre en mains leur destin et contribuer à la reconstruction de leur pays, comme par exemple les femmes afghanes. Il a également demandé qu’on en dise comment s’articuleraient l’étude des deux experts évoquée ce matin avec l’enquête et le groupe de travail sur les femmes, la paix et la sécurité du Secrétariat.
M. ADOLFO AGUILAR ZINSER (Mexique) a estimé que les femmes, les enfants et les fillettes sont les cibles spécifiques et privilégiées des groupes armés dans les conflits comme en ont attesté les conflits de la dernière décennie en Sierra Leone, au Liberia, au Rwanda, en République démocratique du Congo ou en Bosnie. Paradoxalement, les femmes sont exclues des processus formels de consolidation de la paix et de réhabilitation post-conflits alors même qu’elles peuvent jouer un rôle essentiel dans la reconstruction. Le représentant a proposé que des efforts soient faits pour assurer une participation active des femmes dans les opérations de maintien de la paix. Il faut favoriser la communication entre personnels des opérations de maintien de la paix et les communautés locales en profitant de l’expertise des femmes, a-t-il ajouté. Il a souhaité que le Conseil de sécurité conserve à l’esprit les questions de sexospécificité dans chaque discussion sur les mandats des missions de maintien de la paix.
Cette intégration doit se faire de manière systématique et un processus de suivi et d’évaluation indépendant doit permettre aux Nations Unies d’identifier les progrès et les lacunes. Il a exhorté les États membres à présenter des candidatures féminines aux postes de direction et de prises de décision ainsi que pour les postes de Représentants ou Envoyés spéciaux du secrétaire général. M. Zinser a estimé que chaque opération doit pouvoir disposer d’un expert sur les questions de sexospécificité et d’un mécanisme d’observation et de protection qui doit être pensé pour identifier toutes les formes de harcèlement dont sont victimes les femmes dans le cadre des opérations de maintien de la paix, que ce soit de la part des groupes armés, des administrations locales ou des personnels humanitaires ou de maintien de la paix.
M. BASSIM BLAZEY (Australie) a déclaré que le rapport du Secrétaire général sur les femmes, la paix et la sécurité auquel l'Australie a contribué en faisant un don de 100 000 dollars australiens et l'étude menée sur le même thème par l'UNIFEM devraient fournir une bonne base pour le développement de stratégies et d'approches qui auront un impact efficace sur la situation des femmes dans les conflits armés. Il serait plus productif de faire de la résolution 1325 l'unique expression des vues du Conseil de sécurité sur la sexospécificité et la sécurité au lieu de le pousser à adopter d'autres résolutions sur la question. Il est nécessaire de faire de la résolution 1325 un texte opérationnel dont pourront se servir les personnels de maintien de la paix et les communautés en conflit. Dans la région de l'Australie, le processus de paix de Bougainville a largement bénéficié de la participation active de groupes de femmes qui ont joué un rôle efficace de médiation entre les factions. Il en a été de même aux Iles Salomon et la mention de ce genre d'exemples dans le rapport du Secrétaire général lui donnerait plus de valeur. Nous ne pensons pas que la nomination de "conseillères
en sexospécificité" au sein des missions de maintien de la paix soit une fin en soi. C'est sur le terrain que les plus grands efforts devraient être déployés, notamment en ce qui concerne le rôle et la place des femmes dans la reconstruction post-conflit et la relance politique dans les zones de conflit. Nous soutenons cependant fermement la création d'un poste de Conseillère en sexospécificité au sein du DPKO lui-même.
M. TIM MCIVOR (Nouvelle-Zélande) a déclaré que son pays a participé aux travaux du Groupe d’Etats Membres à l’origine de la résolution 1325 du Conseil de sécurité et a pris part à une réunion du groupe d'experts convoquée par le Canada pour examiner les meilleurs moyens de mettre en oeuvre cette résolution. Dans notre région, les femmes ont été au centre de s activités antisécessionnistes qui ont affecté le territoire de Bougainville de 1989 à 1998 et les Iles Salomon. Les femmes ont aidé à accélérer la marche vers la paix. Notre délégation a été impressionnée par l'engagement de l'Administration transitoire de l'ONU au Timor oriental (ATNUTO) à mettre en oeuvre la résolution 1235. Cette mission a tenu à ce que les femmes soient équitablement prises en compte dans l'avenir du Timor oriental. L'ATNUTO a cependant noté qu'il est important que le nombre de femmes soit augmenté dans les forces militaires et les effectifs de police civile participant aux opérations de maintien de la paix. Nous sommes heureux de noter que 461 femmes néo-zélandaises ont participé aux opérations de paix au Timor oriental.
Mme PHILOMENA MURNAGHAN (Irlande) a indiqué que sa délégation partageait pleinement les grandes lignes du rapport du Secrétariat présentées ce matin par Mme King et Mme Heyzer. Les propositions quant à la manière d’intégrer les questions de parité dans les activités de maintien de la paix font défaut, et il faut procéder de manière coordonnée, a prévenu la représentante. A cet égard, elle a appuyé l’idée qu’une cellule spécialisée dans la parité entre les sexes soit pleinement mise sur pied au sein du Département des opérations de maintien de la paix. Elle a fait remarquer qu’il faudrait disposer des ressources nécessaires pour mettre en place des bureaux sur la parité dans les opérations sur le terrain. Tous ces postes devraient être créés à un niveau assez élevé afin qu’ils aient une influence véritable. Tous ces efforts et la présente réflexion ne doivent pas non plus faire oublier la nécessité d’assurer un suivi de ce qui est entrepris. La représentante a aussi insisté sur l’importance de la formation du personnel au Siège et sur le terrain concernant les questions de parité. Elle a fait observer, sur ce point, que la prise de conscience commence à partir des échelons les plus hauts. Elle a également appuyé les différents représentants qui ont souhaité voir davantage de femmes à la tête des missions ou aux postes d’Envoyés et de Représentants spéciaux. En conclusion, elle a fait valoir combien la participation des femmes irlandaises dans l’obtention de l’Accord du vendredi saint avait été fondamentale.
M. YOSHIYUKI MOTOMURA (Japon) a indiqué que maintenant que la résolution 1325 a permis d’accroître la prise de conscience de la situation des femmes dans les conflits, il faut disposer d’informations et d’analyses plus concrètes et élaborer des mesures pratiques. Il a évoqué la manière dont son Gouvernement avait activement aidé les femmes afghanes à participer aux efforts de reconstruction de leur pays. Les mandats des opérations de maintien de la paix devenant de plus en plus pluridimensionnels, la délégation japonaise considère très important que les vues des femmes soient intégrées dans toutes les activités.
A cet égard, M. Motomura a rappelé que son Gouvernement avait récemment déployé pour la première fois sept femmes « soldats de la paix » au Timor oriental afin d’aider à coordonner les activités menées sur place. Il a ajouté que de plus en plus de femmes japonaises participent également à la composante civile des missions.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a déclaré que sa délégation continue de soutenir la création d'une Unité de construction de la paix au sein du Département des affaires politiques de l'ONU (DPA), et elle réitère son engagement de contribuer au financement du fonctionnement de cette structure. Les femmes doivent être promues à des postes de direction, notamment, à des postes de Représentantes spéciales et d'Envoyées spéciales du Secrétaire général. Ces nominations démontreraient l'engagement de l'ONU en leur faveur et auraient un effet catalyseur. La promesse de ce genre de nominations, qui avait été faite dans la résolution 1325 n'a malheureusement pas encore été tenue. La protection des femmes dans les périodes de conflit doit être préparée bien avant que ces conflits éclatent. Le plein respect des normes et du droit international est à cet égard essentiel, et nous nous félicitons des avancées faites grâce aux tribunaux spéciaux sur le Rwanda et l'ex-Yougoslavie et grâce à l'entrée en vigueur du Statut de la CPI dont nous attendons la totale mise en oeuvre.
M. LAMUEL STANISLAUS (Grenade) a estimé que le monde est encore loin du but proclamé par la Déclaration du millénaire de donner aux femmes tous les droits dont bénéficient les hommes, comme le stipule la Charte des Nations Unies. La discrimination entre les sexes reste visible sur les lieux de travail, et en moyenne, les femmes gagnent 30% moins que les hommes quand elles ont les mêmes qualifications et font le même travail. Il est inacceptable que 50 ans après la ratification de la Déclaration des droits de l'homme, le paysage politique reste partout dominé par les hommes alors qu'en même temps la plupart des constitutions nationales proclament l'égalité des deux sexes. Les hommes ont la responsabilité de mettre fin à la domination patriarcale qui continue de régir toutes les sociétés et de permettre aux femmes de jouer un rôle public. Aucun homme digne de ce nom ne devrait se sentir menacé par une femme, a estimé le représentant.
M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni), faisant une synthèse de ce débat en sa qualité de Président du Conseil de sécurité, a salué les contributions faites aujourd’hui qui ont permis d’animer une réflexion sur les changements à mettre en œuvre pour tenir compte des normes déjà existantes en matière de promotion d’une approche sexospécifique. M. Greenstock a partagé la position de l’Australie qui estimait qu’il n’était pas nécessaire de mettre en place de nouvelles normes mais bien de s’attacher à appliquer les critères existants. A cet égard, le représentant a soutenu les propositions consistant à renforcer la lutte contre l’impunité dont bénéficient trop souvent les auteurs de violences à l’encontre des femmes en situation de conflits armés. Il a mentionné l’importance de la contribution des femmes dans les opérations de maintien de la paix et salué les progrès du Département des opérations de maintien de la paix qui a promu la féminisation de son personnel sur le terrain et commencer à former les agents de maintien de la paix sur le terrain aux questions de protection. Il est important que tous les États membres dans les organes des Nations Unies affirment l’importance des questions sexospécifiques, a jugé M. Greenstock, qui a félicité le Conseil économique et social pour l’adoption, hier, d’une résolution sur la promotion de la parité dans les programmes des Nations Unies. Il a salué
également la contribution des organisations non gouvernementales pour la protection des femmes dans les zones de conflits et a espéré que cette réunion soit l’occasion de donner une nouvelle impulsion à l’élan donné par la résolution 1325 il y a deux ans. Il a souhaité que le Secrétariat s’inspire de certaines idées présentées au cours de ce débat et a jugé que le Conseil devrait pour sa part s’assurer de l’intégration d’une démarche sexospécifique tant au siège des Nations Unies que sur le terrain, notamment dans les opérations de maintien de la paix, de consolidation de la paix, d’intervention humanitaire ou de reconstruction post-conflit. Il a encouragé le renforcement des modules de formation pour intégrer la dimension sexospécifique dans les opérations de maintien de la paix et suggéré la création d’un poste de Conseiller chargé des questions de parité entre les sexes auprès de DPKO.
Il a encouragé la rédaction d’un code de conduite qui assure la sûreté et la dignité des femmes et des jeunes filles dans le déroulement des opérations de maintien de la paix. Le Conseil doit rencontrer les groupes féminins lors de ses missions sur le terrain et plaider en faveur de la désignation de femmes aux fonctions de Représentants et Envoyés spéciaux du secrétaire général, a jugé le représentant.
M. JEAN-MARIE GUEHENNO a expliqué aux membres que les missions de maintien de la paix où la prise en compte des questions sexospécifiques avaient progressé sont celles où certains experts avaient des compétences élargies et pouvaient apporter leurs éclairages en la matière. Cela a été le cas dans 5 des 15 missions de maintien de la paix, a-t-il poursuivi, reconnaissant toutefois qu’à ce jour, la formation et la disponibilité de personnel qualifié sur ces domaines d’intervention sont encore insuffisants. Il a assuré que le DPKO allait tout mettre en œuvre pour faire progresser la rédaction d’un code de conduite pour les agents de maintien de la paix et que les abus seraient poursuivis en justice. Il a partagé les vues des délégations qui insistaient sur le renforcement de la discipline et la bonne conduite, et sur la nécessité de donner aux femmes davantage de moyens et de possibilités d’agir.
Mme ANGELA KING a répondu aux questions posées et a expliqué qu’une ancienne fonctionnaire de son bureau travaillait désormais comme expert des questions de parité à la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan. En outre, toute une série d’ateliers sur la résolution des conflits et le renforcement des capacités sont organisés de par le monde pour les femmes. Concernant la nomination de Représentants spéciaux femmes, elle a regretté que sur les 46 Représentants spéciaux, seule une femme ait actuellement ce titre. Pourtant l’exemple de la Géorgie, où deux femmes sont à la tête des activités, montre la grande contribution qu’elles peuvent apporter. Mme King a ajouté qu’une femme est actuellement responsable adjointe de la Mission en République démocratique du Congo. Elle a demandé à la présidence du Conseil de suivre l’exemple en cours et de traiter chaque mois de la question des femmes et de la paix.
Mme NOELEEN HEYZER a estimé que la réceptivité du Conseil, aujourd’hui, était de bon augure et saluée les nombreuses initiatives évoquées par les participants au débat aujourd’hui. Elle a ajouté que demain la Ministre de la condition féminine d’Afghanistan serait présente à New York pour signer un Mémorandum d’accord sur la participation des femmes à la prise de décision, ce qui constituait une belle illustration des progrès, malgré tout, déjà enregistrés. En réponse à une question posée, elle a précisé que l’évaluation réalisée par son
Fonds était un travail indépendant de l’étude du Secrétariat mais que les deux
documents seraient intégrés dans le rapport du Secrétaire général. Elle a indiqué que l’UNIFEM a consacré l’année dernière 14 millions de dollars à la question des femmes, de la paix et de la sécurité, et plus particulièrement sur l’alerte précoce et la prévention, la protection et l’assistance, la construction de la paix et la justice entre les sexes.
Le représentant de la République arabe syrienne, en réponse aux remarques du représentant des Etats-Unis, a déclaré que tous ceux qui souffrent ou ont souffert de l’occupation comprennent parfaitement la gravité de la situation des femmes syriennes et palestiniennes. Les réfugiés palestiniens comme tous autres réfugiés ont droit au retour dans les terres dont ils ont été expulsés. Les groupes qui luttent pour ce droit en Syrie ne sont nullement des groupes armés, ils font simplement usage de leur droit d’expression. Il ne faut donc pas comparer l’agresseur à la victime.
Le représentant des Etats-Unis a regretté ces dernières observations de son collègue syrien et a confirmé les propos de M. Negroponte.
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