LE CONSEIL APPROUVE LA STRATEGIE PRESENTEE PAR LE TRIBUNAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE EN VUE D’ACCELERER SES JUGEMENTS ET D’ACHEVER SES TRAVAUX D’ICI A 2008
Communiqué de presse CS/2343 |
Conseil de sécurité
4582e séance – après-midi
LE CONSEIL APPROUVE LA STRATEGIE PRESENTEE PAR LE TRIBUNAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE EN VUE D’ACCELERER SES JUGEMENTS ET D’ACHEVER SES TRAVAUX D’ICI A 2008
Le Conseil de sécurité a, ce matin, à l’issue de consultations entre les quinze membres, adopté la déclaration présidentielle suivante sur le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie :
Le Conseil de sécurité se félicite du rapport sur la situation judiciaire du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et sur les perspectives de déférer certaines affaires devant les juridictions nationales (S/2002/678) présenté par le Président du Tribunal le 10 juin 2002.
Le Conseil note, comme il l’a fait à d’autres occasions (par exemple dans sa résolution 1329 (2000) du 30 novembre 2000), que le Tribunal devrait concentrer davantage l’action sur la poursuite et le jugement des responsables civils, militaires et paramilitaires soupçonnés d’avoir commis des violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991, et non des simples exécutants.
Le Conseil de sécurité approuve donc la stratégie générale énoncée dans le rapport et tendant à déférer devant les juridictions nationales compétentes les accusés de rang intermédiaire ou inférieur, qui pourrait constituer dans la pratique le meilleur moyen de faire en sorte que le Tribunal soit en mesure d’achever ses jugements d’instance à l’horizon 2008. Le Conseil invite les États et les organisations internationales et régionales compétentes à contribuer, le cas échéant, au renforcement des systèmes judiciaires nationaux des États de l’ex-Yougoslavie de manière à faciliter la mise en oeuvre de cette politique.
Le Conseil de sécurité prend note des recommandations du Tribunal concernant l’établissement, comme proposé par le Haut Représentant en Bosnie-Herzégovine, au sein de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine, d’une chambre compétente pour connaître des violations graves du droit international humanitaire. Le Conseil de sécurité est prêt à étudier de manière constructive et positive cette question lorsqu’il disposera de plus de détails sur les arrangements proposés. Le Conseil prend aussi note de l’intention qu’a le Tribunal de modifier son règlement de procédure et de preuves de manière à faciliter le renvoi des affaires aux juridictions nationales compétentes.
Le Conseil de sécurité demeurera saisi de la question.
Rapport sur la situation judiciaire du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et sur les perspectives de déférer certaines affaires devant les juridictions nationales (S/2002/678)
Dans ce rapport, transmis par une lettre du Secrétaire général au Président du Conseil de sécurité en date du 17 juin 2002, le Président du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, M. Claude Jorda, décrit les mesures que le Tribunal estime devoir prendre pour être en mesure d'achever ses enquêtes en 2004 et ses jugements d'instance à l'horizon 2008. A cette fin, il envisage de faire juger des accusés de niveau intermédiaire par des juridictions nationales, principalement de Bosnie-Herzégovine et de concentrer davantage son action vers la poursuite et le jugement des plus hauts responsables politiques et militaires.
Pour mettre en œuvre ce double processus de "délocalisation" et de "concentration", indique M. Jorda, le Tribunal envisage de prendre certaines mesures réglementaires afin de s'assurer que les accusés répondent devant des juridictions nationales de tous les crimes visés dans les actes d'accusation émis par le Procureur; que les juridictions nationales respectent les mesures de protection prises par le Tribunal à l'égard des victimes et des témoins; et que les procès nationaux se déroulent conformément aux normes internationales de protection des droits de l'homme. Dans cette perspective, le Tribunal préconise l'établissement, au sein de la future Cour d'Etat de Bosnie-Herzégovine, d'une chambre compétente pour le jugement des accusés déférés par le Tribunal international. Il suggère également que des juges internationaux siègent à la Cour d'Etat aux côtés des juges nationaux, au moins pendant une période déterminée. M. Jorda propose un programme d'action qui prévoirait de déférer des affaires devant les juridictions nationales à compter du premier trimestre 2003.
Le Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie explique que le rétablissement progressif d'institutions démocratiques dans les pays de l'ex-Yougoslavie et la multiplication des arrestations de hauts responsables politiques et militaires rendent possibles ces réformes. Le retour à la paix, même fragile et les réformes des systèmes judiciaires avec l'aide de la communauté internationale rendent progressivement envisageable la mise en œuvre d'un processus de "délocalisation" de certaines affaires, note-t-il. Le Tribunal tourne à plein régime, mais malgré une intensification de ses activités ne peut juger à lui tout seul tous les accusés de crimes de guerre et crimes contre l'humanité: il doit concentrer son action sur les principaux responsables politiques et militaires. A ce jour, 40 actes d'accusation ont été délivrés dont neuf sont au stade du procès (trois concernant l'affaire Milosevic) et six au stade de l'appel; 124 personnes ont été accusées dont quinze sont au stade de l'appel. Le Procureur, Mme Carla del Ponte, estime que d'ici 2004, 25 nouvelles enquêtes devraient être clôturées et 33 nouveaux actes d'accusation émis, ce qui représenterait 100 accusés supplémentaires. Elle estime également que sur ces 25 nouvelles enquêtes, dix peuvent être déférées devant des juridictions nationales, en l'état exclusivement celles de Bosnie-Herzégovine.
Le Président du Tribunal prévient que la mise en œuvre du processus de délocalisation pourrait nécessiter des modifications du Statut et requérir la signature d'un accord de coopération entre le Tribunal et les autorités nationales concernées. Il s'agit notamment de permettre le déferrement de certaines affaires devant les juridictions de l'Etat sur le territoire duquel les crimes ont été commis ou d'affaires impliquant des accusés qui ne sont pas sous la garde du Tribunal; de faire en sorte que le Tribunal puisse s'assurer que les accusés qui seront jugés au niveau national aient à répondre de tous les crimes visés dans les actes d'accusation; de permettre au Tribunal de contraindre les autorités judiciaires nationales à respecter les mesures de protection à l'égard des victimes et des témoins; et de préciser les critères de défèrement d'une affaire.
Cette procédure nécessiterait également des réformes du système judiciaire de Bosnie-Herzégovine (et à terme des autres Etats de l'ex-Yougoslavie) qui, estime M. Jorda, semble présenter encore des carences trop importantes pour constituer un socle judiciaire suffisamment solide pour juger des affaires déférées par le Tribunal. Parmi les principaux obstacles à la mise en œuvre du processus de délocalisation, il cite le risque de dépendance et de partialité des magistrats, l'absence ou l'inefficacité des dispositifs de protection des témoins, le manque de formation des magistrats ou encore l'insuffisance des ressources financières et des moyens logistiques ainsi que les lenteurs du système judiciaire. C'est pour surmonter ces obstacles que M. Jorda recommande l'établissement au sein de la Cour d'Etat d'une chambre compétente pour le jugement des accusés déférés par le Tribunal.
Pour le Président du Tribunal, la mise en œuvre de la stratégie d'achèvement des travaux du Tribunal et le déferrement d'affaires concernant des accusés de niveau intermédiaire devraient permettre que les procès de première instance s'achève en 2008 et il estime que deux autres mandats de juges internationaux après l'actuel seront encore nécessaires pour achever ces procédures, ce qui porte la fin des travaux du Tribunal à 2010. Soulignant que ces dates et engagements comportent une marge d'incertitude, le Président du Tribunal rappelle que les arrestations doivent être effectives et rapides. Quant à réduire encore le mandat du Tribunal, il prévient que cela risquerait de ruiner les efforts de plusieurs années pour établir un système de justice internationale exemplaire et pourrait porter préjudice à la réconciliation en ex-Yougoslavie et, partant, au maintien de la paix.
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