GARANTIR LA SECURITE SUR TOUT LE TERRITOIRE ET LA POURSUITE DE L’AIDE INTERNATIONALE EVITERONT A L’AFGHANISTAN DE RETOMBER DANS LE CHAOS, PREVIENT M. BRAHIMI
Communiqué de presse CS/1341 |
Conseil de sécurité CS/2341
4579e séance – matin/après-midi 19 juillet
GARANTIR LA SECURITE SUR TOUT LE TERRITOIRE ET LA POURSUITE DE L’AIDE INTERNATIONALE EVITERONT A L’AFGHANISTAN DE RETOMBER DANS LE CHAOS, PREVIENT M. BRAHIMI
Les avis sont partagés sur la proposition du Secrétaire général
d’élargir la présence de la Force internationale de sécurité au-delà de Kaboul
Si le processus de paix est désormais bien sur les rails, il faut continuer de procéder avec la plus grande prudence, ne pas relâcher l’aide internationale et surtout améliorer la situation de sécurité afin que l’Afghanistan ne retombe pas dans un chaos sanglant, a en substance averti M. Lakhdar Brahimi, le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan, au cours d’une présentation faite aujourd’hui devant le Conseil de sécurité sur les dernières évolutions de la situation en Afghanistan.
Les résultats positifs enregistrés depuis l’Accord de Bonn, en particulier la réussite de la Loya Jirga et la détermination du peuple afghan de sauvegarder la paix, ne doivent pas faire oublier les nombreux défis qui demeurent. M. Brahimi a expliqué que la situation sécuritaire s’est détériorée dans le nord du pays. A ses yeux, comme à ceux des intervenants au débat, la clef du retour durable de la sécurité réside dans la création d’une armée et d’une force de police nationales qui puissent contrôler les chefs de guerre et autres factions déstabilisatrices. Toutefois, et comme l’a, entre autres, clairement souligné le représentant du Royaume-Uni, avant de hâter la formation des personnels constituant ces forces, il faut élaborer une stratégie complète recueillant l’approbation de l’Autorité de transition et des donateurs. Le représentant américain a, pour sa part, demandé la création d’un ministère de la défense.
En revanche, les intervenants se sont montrés moins unanimes devant la proposition du Secrétaire général et de son Représentant spécial d’étendre le mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) à d’autres parties du territoire. Si, pour un certain nombre d’entre eux, dont Maurice et Singapour, la volatilité de la situation sécuritaire justifie l’extension de la Force de Kaboul au reste du territoire, elle doit, selon d’autres, en particulier la France, être tempérée par un certain réalisme. « A l’heure actuelle, il n’est aucun pays autour de cette table qui soit disposé à envoyer les milliers d’hommes nécessaires à cette extension», a fait valoir l’Ambassadeur Levitte, rejoint dans cette analyse par ses homologues britannique et turc, dont les pays ont assuré, à ce jour, le commandement de la Force. Face à ces réticences, le représentant de l’Afghanistan a expliqué que dans un premier temps, la Force pourrait être déployée dans un nombre limité de zones ou de villes, comme Mazar-e-Sharif, par exemple. Pour sa part, M. Brahimi s’est dit persuadé que cette extension pouvait
s’avérer fort efficace, sans être trop risquée, ni coûteuse. Concrètement, il a estimé à 5 000 hommes les troupes nécessaires. Le représentant de la Malaisie a, quant à lui, réitéré la proposition de son pays de déployer une mission de maintien de la paix dans le pays.
L’autre domaine prioritaire est le renforcement des institutions, selon les principes et les délais posés à Bonn, et ce afin que le Gouvernement assoie son autorité sur l’ensemble du territoire. A cet égard, nombreux ont été ceux à insister pour que les priorités énumérées par le Président Karzaï soient rapidement traduites en objectifs concrets et réalistes, notamment en matière de bonne gouvernance, de rentrée de revenus publics et de mise en œuvre de programmes de reconstruction et de relance économique. De nombreux appels au renforcement de la participation des femmes à la vie publique et au respect des droits de l’homme ont aussi été lancés, notamment par les représentants de la Norvège et de l’Union européenne.
Pour toutes ces raisons, il a été jugé fondamental que les engagements internationaux se concrétisent pleinement, et que la communauté internationale continue de fournir un effort substantiel, tant financier que technique ou politique. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le pays connaît toujours une crise humanitaire importante et que malheureusement les fonds manquent cruellement pour y répondre, alors que les réfugiés affluent en nombre record et que l’hiver approche. A cet égard, Mme Sadako Ogata, représentant le Japon, a plaidé pour que des mesures favorisant l’emploi et d’autres formes d’assistance soient fournies aux réfugiés afin de les réintégrer dans leurs communautés locales. Concernant la présence des Nations Unies sur le terrain, M. Brahimi a expliqué que la Mission d’assistance allait désormais encourager plus particulièrement l’édification des capacités nationales, ce qui permettra de renforcer la confiance de la communauté des donateurs et des investisseurs potentiels dans les autorités locales.
Outre ses quinze membres, le Conseil a entendu les représentants des pays suivants : Afghanistan, Japon, Tadjikistan, Danemark (au nom de l’Union européenne), Turquie, République de Corée, Ukraine, Népal, Inde, République islamique d’Iran, Malaisie, Canada et Pakistan. L’Observateur permanent de l’Organisation de la conférence islamique a également pris la parole.
La situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales -- Rapport du Secrétaire général (S/2002/737)
Ce rapport du Secrétaire général rend compte de la poursuite de l'application de l'Accord de Bonn, et notamment du bon déroulement de la Loya Jirga d'urgence qui s'est assemblée du 11 au 19 juin 2002 à Kaboul. Malgré certaines imperfections apparues dans la présentation des candidats et la sélection des délégués et divers incidents d'intimidation durant les débats eux-mêmes, il est remarquable, note le Secrétaire général, que la Loya Jirga ait pu mener ses débats sur un calendrier très serré. Et qu'elle ait pu s'acquitter de l'élection du chef de l'Etat, de l'approbation des structures de l'Administration de transition, et de la création de celle-ci. Ce rapport souligne aussi la persistance des difficultés auxquelles se heurtent à la fois l'Administration de transition et la communauté internationale et note que l'une des principales tâches à accomplir est d'assurer un financement suffisant aux activités humanitaires et à la reconstruction du pays.
La question de la sécurité demeure profondément préoccupante, déclare d'autre part le Secrétaire général. Alors que la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) a eu un impact tout à fait positif sur la sécurité à Kaboul, l'insécurité demeure dans de nombreuses régions du pays et cela risque d'empêcher des progrès sur le front politique, estime-t-il. Cette insécurité affectant aussi les activités humanitaires, le Secrétaire général recommande donc une expansion limitée de la FIAS au-delà de Kaboul. Concernant la situation intérieure de l'Afghanistan, le Secrétaire général déclare dans ses observations finales que de nouveaux problèmes, voire des échecs, ne manqueront pas de surgir avec l'avancée du processus de paix. Le Président Karzaï et son équipe, ainsi que le peuple afghan et la communauté internationale, doivent continuer de travailler ensemble sur les fronts politique, de sécurité, humanitaire et de relèvement du pays avec patience et détermination, mais aussi sans complaisance ni panique afin de consolider la paix et d'assurer la stabilité, recommande M. Kofi Annan.
Déclarations
M. LAKHDAR BRAHIMI, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan, a estimé que le processus de paix en Afghanistan était désormais bien sur les rails. Bien sûr, il est encore fragile et il faut procéder avec la plus grande prudence, mais certains éléments cruciaux permettent un certain optimisme. Tout d’abord, et après 23 ans de guerre, le peuple d’Afghanistan en a véritablement assez des combats. Deuxièmement, et même si certaines factions ont encore une certaine influence, personne n’a pour l’heure choisi de se désengager du processus de paix. Enfin, l’intérêt de la communauté internationale n’a pas faibli. La générosité de la communauté des donateurs a d’ailleurs permis d’enregistrer des progrès fondamentaux, comme par exemple la re scolarisation de plus de 3 millions d’élèves, le retour de plus d’un million de réfugiés ou personnes déplacées, le démarrage de l’élimination de la culture du pavot et la mise en place d’un vaste programme de vaccination dans tout le pays. Surtout tous les délais fixés par l’Accord de Bonn ont été respectés, l’exemple le plus spectaculaire étant la tenue de la Loya Jirga d’urgence. Cette Loya Jirga,
contrairement à la tradition, a de plus permis d’introduire un certain nombre d’éléments démocratiques novateurs, les deux tiers des 1 600 délégués ayant par exemple été sélectionnés par la population et tous les groupes ethniques et politiques y ayant été représentés.
En dépit de ces succès, d’innombrables défis demeurent. Le premier d’entre eux tient bien sûr à la sécurité, a expliqué M. Brahimi. La question de savoir combien de Taliban et combien de combattants d’Al-Qaida sont encore dans le territoire, posée il y a 6 mois, n’a toujours pas de réponse. Et il convient de continuer de les considérer comme une menace. En outre, la situation sécuritaire s’est détériorée sérieusement ces dernières semaines dans le Nord du pays. Les travailleurs humanitaires et autres groupes vulnérables sont malheureusement victimes d’incidents, plus de 70 ont été enregistrés depuis janvier. Le Représentant spécial a indiqué qu’il avait clairement expliqué aux dirigeants des régions leur responsabilité incontournable de traduire en justice les auteurs de tels crimes. La clef du retour durable de la sécurité réside dans la création d’une armée et d’une force de police nationale, associée à un ferme programme de démobilisation. Une direction que le Président Karzaï entend suivre, parallèlement à une réforme du Directoire national pour la sécurité (NDS). Mais pour que cette initiative réussisse les factions doivent aussi pleinement s’engager en sa faveur et la communauté internationale doit maintenir son aide. Les Etats-Unis et l’Allemagne sont particulièrement actifs dans ce domaine, mais avant de hâter la formation des personnels, il faut élaborer une stratégie complète recueillant l’approbation de l’Administration de transition et de donateurs.
Pour toutes ces raisons, il est fondamental que les engagements internationaux se concrétisent pleinement, a insisté M. Brahimi. Compte tenu du vide sécuritaire qui subsiste encore et des effets très positifs de la présence à Kaboul de la FIAS, il a estimé que l’expansion de la force à d’autres parties du pays serait très bénéfique. Malheureusement, cette proposition ne semble pas recueillir l’enthousiasme, a-t-il regretté, avant de préciser qu’elle pourrait pourtant être réalisée sans coût ni risque disproportionné. A la vérité, le processus de paix est arrivé à un tournant et il faut que les priorités énumérées par le Président Karzaï soient traduites en objectifs concrets et réalistes, notamment en matière de bonne gouvernance, de développement des institutions et de mise en œuvre de programmes de reconstruction et de relance. A cet effet, la communauté internationale va devoir encore fournir un effort substantiel, tant financier que technique ou politique. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le pays connaît toujours une crise humanitaire importante. A cet égard, l’on est confronté à un manque de fonds alors que les réfugiés rentrent dans le pays en nombres records, que la sécheresse persiste et que la sécurité alimentaire est loin d’être garantie. Malheureusement les promesses faites à Tokyo sont longues à se concrétiser. Si la communauté des donateurs s’est déjà montrée très généreuse, il n’en demeure pas moins qu’un engagement renouvelé de sa part est essentiel.
Evoquant plus particulièrement la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, la MANUA, le Représentant spécial a expliqué que les objectifs sont demeurés inchangés, à savoir intégration et coordination des activités, et encouragement à l’édification des capacités nationales. Dans le domaine de la gestion et de la coordination, des progrès importants ont déjà été faits, notamment avec la création de secrétariats pour les différents programmes, mais beaucoup reste là aussi à faire. L’une des tâches les plus importantes de la Mission pour les 18 mois prochains sera d’aider à construire les capacités nationales et la confiance dans les institutions gouvernementales afin que l’assistance internationale continue d’affluer et ce plus directement vers l’Administration afghane et les organisations de la société civile. C’est pourquoi, la Mission entend augmenter le nombre de ses administrateurs locaux.
M. Brahimi a en conclusion rendu hommage à Haji Abdul Qadir, le Vice-Président de l’Administration transitoire assassiné récemment. Cet événement tragique fournit la parfaite illustration de la fragilité des résultats atteints et des risques persistants de déstabilisation. « Nous devons donc tous être prêts à enregistrer ainsi un certain nombre de reculs ou d’échecs, car régler une situation aussi complexe que celle de l’Afghanistan ne peut avoir de solution facile et rapide », a prévenu le Représentant spécial. Le principal défi pour la communauté internationale aujourd’hui est de démontrer aux Afghans qu’elle n’entend nullement se désengager du pays et qu’elle tiendra toutes ses promesses, a conclu M. Brahimi.
M. KISHORE MAHBUBANI (Singapour) a déclaré que la mission de l’ONU e Afghanistan a obtenu des résultats appréciables. Le Conseil se doit de féliciter M. Brahimi. Nous espérons que ses présentations au Conseil feront l’objet d’un examen méticuleux. Le processus de Bonn est sur le bon chemin, comme le prouve la tenue sans heurt de la Loya Jirga d’urgence qui a permis de créer une Autorité de transitoire incluant toutes les composantes afghanes. Le pouvoir doit être basé sur la participation populaire et non sur la puissance militaire comme l’a dit le Secrétaire général. Il nous revient de persuader les factions d’intégrer le processus national de reconstruction. Les chefs militaires doivent être convaincus qu’il est plus avantageux pour eux de faire partie d’une structure nationale au lieu de s’accrocher à des pouvoirs régionaux. Cependant, nous ne serons crédibles que si nous répondons aux soucis des Afghans, au premier plan desquels vient la sécurité. M. Brahimi pourrait-il dans ce cadre nous dire comment les nouvelles institutions de sécurité pourraient être rendues crédibles aux yeux de la population ? Nous croyons que l’élargissement de la FIAS en dehors de Kaboul aurait un effet positif sur la situation de sécurité. Sur le plan humanitaire, beaucoup reste à faire et nous espérons que les donateurs tiendront rapidement les engagements qu’ils ont pris dans ce domaine.
M.STEFAN TAFROV (Bulgarie) s’est félicité de la grande réussite de la Loya Jirga, qui selon lui est un signe de la volonté du peuple afghan de reprendre son destin en mains mais aussi est le résultat du doigté du Représentant spécial Brahimi. Les différentes tentatives d’intimidation n’ont fort heureusement pas détourné la volonté populaire dans cette entreprise ambitieuse. Le représentant s’est aussi réjoui de l’élection du Président Karzaï qui, à ses yeux, est l’homme de la situation. Il a ensuite souligné l’importance de la FIAS pour garantir la sécurité de Kaboul.
Il est temps désormais d’entreprendre la construction des institutions afghanes et la communauté internationale doit fournir un effort tout particulier à cet effet. Elle doit notamment encourager spécialement la constitution d’une armée et d’une police nationales. A cet effet, M. Tafrov a précisé que son pays avait décidé hier de fournir du matériel pour la naissante armée afghane. La Bulgarie soutient aussi l’approche adoptée par les Nations Unies et la MANUA concernant la favorisation de l’éducation des capacités nationales. Il a attiré l’attention du Conseil sur l’importance de la lutte contre la culture du pavot, précisant que son pays se trouve sur le chemin du trafic de drogues, on pouvait d’ores et déjà enregistrés quelques progrès dans ce domaine. En conclusion, le représentant a indiqué que son pays avait récemment rétabli sa présence diplomatique à Kaboul et avait aussi décidé de proroger de six mois la participation de ses contingents à la FIAS.
M. JOHN NEGROPONTE (Etats-Unis) a déclaré que son pays apprécie le travail accompli par M. Brahimi en Afghanistan. Beaucoup reste cependant à faire, et les Etats-Unis continuent de se concentrer sur la conduite de la guerre contre le terrorisme. La défaite des Taliban et la chasse aux dirigeants et militants d’Al Queda sont une tâche dont la fin n’est pas encore atteinte. L’Afghanistan ne doit plus jamais redevenir un pays hors-la-loi abritant des cellules terroristes. Les Etats-Unis s’efforcent de mettre en place un appareil sécuritaire articulé autour d’une armée nationale opérationnelle. Plus de 250 formateurs venus des USA et de France sont à pied d’œuvre, et deux bataillons sont déjà formés, deux autres étant en cours d’entraînement. Nous remercions les Etats comme la Finlande et la Bulgarie qui assistent la formation des forces de sécurité afghanes. L’Autorité de transition doit créer un ministère de la défense en vue de faire travailler ensemble tous les Afghans dans ce domaine. L’impunité ne doit plus exister, et nous déplorons l’assassinat du Vice-Président du gouvernement transitoire. Nous applaudissons la contribution du Japon en vue de créer un registre de démobilisation des forces combattantes. L’assistance à l’Afghanistan doit être gérée de manière transparente. Notre pays et le reste de la communauté internationale souhaitent rationaliser les programmes d’aide à la reconstruction de l’Afghanistan. Notre pays a versé 633 millions de dollars à l’aide humanitaire au cours de l’année écoulée.
M. RICHARD RYAN (Irlande) a estimé qu’il y avait maintenant des bases solides sur lesquelles l’on pouvait continuer à édifier la paix grâce au travail de l’ONU et de la Mission notamment. Les Accords de Bonn de décembre dernier ont marqué une étape historique vers la reconstruction, y compris politique et institutionnelle, du pays. Le processus de la Loya Jirga, bien qu’imparfait, a été un franc succès et témoigne de la volonté des Afghans de rompre avec le passé sanglant. Maintenant l’Administration intérimaire doit impérativement étendre son autorité sur l’ensemble du territoire. En dépit des progrès importants, il faut effectivement continuer d’être prudent, car des éléments et factions continuent de faire peser une menace sur tout le processus et peuvent faire basculer à nouveau le pays dans le chaos. Heureusement, les Afghans refusent pour l’instant de faire le jeu de ces personnes, comme leur réaction à l’assassinat du Vice-Président Qadir en témoigne. La violence politique doit être combattue par les normes juridiques internationales et les coupables doivent être traduits en justice. Il est aussi essentiel que les vues et les idées de la population soient entendues au fur et à mesure que l’on prépare les prochaines élections. Le représentant a aussi insisté sur l’importance de la participation des femmes dans tout le processus, y compris la préparation des élections.
Il est grand temps aujourd’hui que la communauté des donateurs concrétisent ses engagements et promesses, faites notamment à la conférence de Tokyo, a poursuivi M. Ryan. Il est fondamental de fournir en temps opportun l’aide à la reconstruction. Si la communauté internationale ne décaisse pas rapidement les sommes promises, elles n’auront plus guère d’effet et annuleront les progrès enregistrés jusqu’à présent. Parallèlement, il ne faut pas oublier que le pays connaît toujours une grave crise humanitaire, et le manque de ressources à cet effet est très préoccupant. Reconnaissant l’impact très positif qu’a eu la FIAS sur la sécurité à Kaboul, M. Ryan a jugé important que l’impact du processus de paix se fasse sentir sur l’ensemble du territoire. A cet égard, il est fondamental, a-t-il déclaré, d’accélérer la constitution d’une armée et d’une police nationales. Les risques d’un renversement de la situation sont bien réels et la communauté internationale doit réaffirmer son engagement en Afghanistan.
M.LEON RODRIGUEZ (Mexique) a déclaré que les dernières violences commises contre le personnel humanitaire et l’assassinat de personnalités, dont le Vice-Président Haji Qadir, constituant autant de signes qui prouvent que la situation reste difficile en Afghanistan. Les résultats de la Loya Jirga doivent être soutenus par la communauté internationale. Le Mexique réaffirme sa reconnaissance aux organisations intergouvernementales et aux ONG qui ont durement œuvré en Afghanistan. La communauté internationale doit rapidement y mettre fin à la crise humanitaire actuelle.
M. OLE PETER KOLBY (Norvège) a souhaité que la crise humanitaire en Afghanistan figure au centre des priorités de la communauté internationale dans la mesure où l’atténuation de la souffrance de la population civile de même que la protection des droits de l’homme sur le terrain sont les moyens de promouvoir la paix et la stabilité sur le long terme. La participation des femmes au processus de reconstruction de l’Afghanistan doit être encouragée et les enfants doivent avoir accès à l’éducation et à la santé, en particulier par le biais de l’appui financier et politique de la communauté internationale. Le représentant a également fait savoir que son pays a présidé en juillet dernier un groupe de soutien à l’Afghanistan en présence de représentants de l’Autorité afghane, de la communauté des donateurs, des Nations Unies et d’organisations non gouvernementales. Dans le cadre de ce groupe de soutien, les récents développements en Afghanistan ainsi que les besoins immédiats et sur le long terme du pays ont pu être analysés. Les réponses appropriées à apporter ont également été au centre des discussions.
M. MIKHAIL WEHBE (République arabe syrienne) a estimé que M. Brahimi et l’équipe de la MANUA avaient accompli un travail remarquable en Afghanistan, en dépit de conditions de travail très difficiles. Il a partagé l’optimiste du Représentant spécial en ce qui concerne l’évolution de la situation. Certes les difficultés sécuritaires et économiques sont encore nombreuses, mais le fait que les réfugiés reviennent en grand nombre et que les enfants aient pu retourner à l’école ou que l’élimination de la culture du pavot et bien sûr le succès de la Loya Jirga, qui a même vu la participation de femmes, sont autant d’éléments très encourageants. Aujourd’hui la formation des effectifs militaires sont parmi les choses les plus importantes à réaliser. Il ne faut pas, ainsi que l’a souligné M. Brahimi, permettre que certains revers fassent dérailler l’ensemble du processus de paix, a insisté le représentant, ajoutant que la communauté internationale avait une dette envers le peuple afghan.
Il faut se poser sérieusement la question de savoir ce qui peut être fait pour rétablir la sécurité sur tout le territoire et pour toute la population. Les progrès déjà enregistrés dans ce domaine ces 6 derniers mois sont imputables à la FIAS et il faudrait désormais l’étendre, de manière à ce qu’elle puisse assurer la sécurité sur l’ensemble du pays. L’instabilité qui règne dans le reste du pays risque de compromettre la sécurité à Kaboul même et pourrait de plus se répercuter sur le reste de la région. Il faut aussi appuyer la constitution de forces de sécurité qui seront en mesure de contrôler la situation. A cet égard, l’équilibre politique et la participation de tous les groupes ethniques au Gouvernement et aux institutions publiques permettront aussi de renforcer la sécurité, a ajouté le représentant. Le retour de tous les réfugiés, la protection des droits de l’homme, la mise en valeur des ressources humaines et le renforcement des capacités sont autant de facteurs qui contribueront au développement du pays. Mais pour que cela puisse se produire, il faut que les bailleurs de fonds poursuivent leurs efforts et leur aide.
M. BIJAYEDUTH GOKOOL (Maurice) a déclaré que la manière dont s’est déroulée la Loya Jirga montre la volonté des Afghans de construire une société stable et paisible. La tâche fondamentale des dirigeants actuels est d’établir une infrastructure économique et politique qui permettrait la reconstruction du pays. Nous pensons que la question de la sécurité doit être rapidement résolue. Si la FIAS maintien la paix à Kaboul, il n’en est pas de même dans le reste du pays. Il est donc urgent de former une force de police qui puisse assurer l’ordre sur tout le territoire du pays. Maurice exhorte la communauté internationale à prendre à bras le corps la question humanitaire pour éviter que la crise qui pointe à l’horizon en prenne trop d’ampleur. Sans appui international, il sera difficile de faire participer des populations souffrant d’insécurité et de malnutrition à la reconstruction de leur pays. Maurice soutient d’autre part la lutte engagée par les autorités afghanes contre la production et le trafic de drogues. Nous appuyons les recommandations du Secrétaire général en faveur d’un élargissement limité de la FIAS à l’extérieur de Kaboul.
M. GENNADY GATILOV (Fédération de Russie) a déclaré que la tenue récente de la Loya Jirga a été sans aucun doute une étape fondamentale dans la reconstruction du pays et dans l’élimination définitive du terrorisme et du fondamentalisme religieux en Afghanistan. La Fédération de Russie estime que l’Afghanistan est actuellement en train de construire les bases d’un système politique viable et plus démocratique. Il est par exemple fort satisfaisant que les femmes aient pour la première fois pu jouer un rôle politique véritable. Bien sût tout ne s’est pas passé sans incident, mais après tant d’années de guerre civile et de destruction, on ne pouvait guère s’attendre à ce que la concorde règne d’emblée. Ce qui importe c’est qu’il y ait eu accord et compromis sur les principes de l’Accord de Bonn. Désormais, il est essentiel d’assurer l’unité du Gouvernement de M. Karzaï, qui doit tout faire en sorte pour concrétiser les engagements pris en faveur de la reconstruction institutionnelle.
Le représentant a ensuite salué le rôle stabilisateur que joue la FIAS pour assurer la sécurité à Kaboul. Dans les circonstances actuelles, il ne semble guère possible d’élargir la zone de responsabilité de la FIAS au-delà de la capitale. Par conséquent, il faut favoriser la création d’une armée et d’une force de police afghanes. L’aide internationale ne doit pas prendre des formes concurrentes et être pleinement conformes aux tâches prioritaires qui ont été fixées, notamment dans les résolutions pertinentes du Conseil. Il est aussi essentiel de maintenir le personnel militaire qui sera recruté dans les forces nationales après qu’il aura reçu une formation adéquate. Abordant ensuite la crise humanitaire, M. Gatilov a indiqué que son pays préparait actuellement plusieurs projets d’aide, notamment pour l’envoi de médicaments. Il a également estimé important que le Représentant spécial du Secrétaire général soit le coordonnateur principal de toutes les activités déployées en Afghanistan, afin d’en assurer et d’en décupler l’efficacité.
M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a estimé que l’on pouvait parler aujourd’hui de véritable « miracle afghan ». La Loya Jirga a été un grand succès et les Afghans ont connu ce qui pouvait se rapprocher le plus d’une véritable consultation démocratique. Cela ne veut pas dire que le pari est gagné et le pays reste à la merci d’une rechute. A cet égard, plusieurs signaux sont inquiétants, notamment concernant la sécurité. La situation est particulièrement fragile dans le Nord, les actes commis contre le personnel humanitaire ou l’assassinat du Vice-Président Qadir ne doivent pas demeurés impunis. Comment éviter que l’Afghanistan n’en revienne à ses vieux démons, s’est interrogé le représentant. Tout d’abord le Président Karzaï doit passer rapidement de la phase d’urgence à la phase de reconstruction. Mais surtout l’aide internationale doit être maintenue et toutes les promesses de Tokyo doivent être tenues. Il ne suffit pas toutefois que l’argent arrive, il faut qu’il soit dépensé pour des projets visibles, à impact rapide. A cet égard, M. Levitte a estimé que l’on voyait peut-être à l’heure actuelle trop de coopération institutionnelle. Il faut que l’Administration de transition accroisse ses ressources propres, notamment douanières. Une autre question qui exige l’attention est celle de la lutte contre la drogue. La campagne courageuse engagée à cet égard par l’autorité de transition exige une aide aux cultures de transition. Mais il faut aussi s’intéresser aux trafics et c’est pourquoi la France organisera au printemps 2003 une conférence internationale sur les « routes de la drogue » en provenance d’Afghanistan.
Aussi indispensable qu’elle soit, l’aide économique sera inutile sans appui à la sécurité, a averti M. Levitte. Certes la FIAS a accompli un travail remarquable dans l’amélioration de la sécurité à Kaboul, mais on peut discuter à l’infini des avantages et des inconvénients de l’extension du déploiement de la force, car aucun pays autour de cette salle n’est, à l’heure actuelle, disposé à envoyer dans les provinces afghanes les milliers d’hommes nécessaires. Pour mieux contrôler les chefs de guerre, M. Levitte a proposé de soutenir pleinement le Président Karzaï dans ses efforts pour obtenir la rétrocession des droits de douane et pour faire venir à Kaboul les principaux chefs de guerre. Il faut aussi utiliser pleinement tous les instruments dont dispose la communauté internationale, à commencer par la conditionnalité économique prévue par la résolution 1401, l’autre instrument étant bien entendu le poids militaire de la coalition. Mais avant tout, la priorité reste la constitution de forces de sécurité et de police unifiées et multiethniques. Dans ce domaine, les difficultés sont là aussi nombreuses, en particulier quant au recrutement et au paiement des soldes. Il est donc urgent que les autorités afghanes s’engagent sur un plan opérationnel pour la constitution de ces forces, en donnant notamment des précisions sur les effets, leur composition, le coût, le calendrier et leur implantation. M. Levitte a, en conclusion, indiqué que sa délégation présentera en tout début de semaine prochaine un projet de déclaration
M. MATHIEU BLAISE BANOUM (Cameroun) a indiqué que comme l’a résumé M. Brahimi, la tâche à accomplir en Afghanistan reste immense. Parmi les questions soulevées, nous avons particulièrement retenu celles relatives à la sécurité, à la situation humanitaire, et au financement du redressement économique du pays. Le 6 juillet dernier nous avons appris avec stupéfaction l’assassinat du Vice-Président Haji Qadir, et nous attendons que les auteurs de cet acte inacceptable soient retrouvés. Cet assassinat illustre avec acuité la question sécuritaire en Afghanistan.
Le passage de témoin entre les commandements britannique et turc de la FIAS était dans l’ordre des choses. Mais il ne faudrait pas, comme nous l’avons dit lors d’une réunion précédente du Conseil, que cela conduise à un désengagement, même relatif, du Royaume-Uni, dont les troupes ont forcé le respect des populations afghanes. L’évolution de la situation amène à rouvrir le débat sur l’éventualité d’un déploiement élargi de la FIAS. Concernant la situation humanitaire, le Programme alimentaire mondial a annoncé un déficit de plus de 175.000 tonnes de nourriture par rapport aux besoins humanitaires d’urgence. Le Cameroun lance un appel aux donateurs pour aider l’Afghanistan à éviter la grande famine qui le menace. Il est temps, d’autre part, de transformer en actes concrets les engagements financiers de la Conférence Tokyo. Grâce à la MANUA, les structures nécessaires à l’absorption de ces financements sont en place.
M. BOUBACAR DIALLO (Guinée) a déclaré qu’une attention particulière doit être apportée à la situation humanitaire en Afghanistan et à la reconstruction du pays. La Guinée déplore l’assassinat du Vice-Président Haji Qadir. Un climat de paix et de sécurité doit être créé sur tout le territoire de l’Afghanistan, où trop de zones restent encore entre les mains de seigneurs de la guerre. Il incombe au Conseil de sécurité d’aider la nouvelle administration transitoire à asseoir son autorité sur tout le pays, afin qu’elle puisse jouer pleinement son rôle. Pour ce faire, les efforts de formation d’une armée nationale doivent être accélérés. La FIAS devra accentuer ses efforts de dissuasion avec détermination. La Guinée est persuadée que la communauté internationale doit agir de manière unie afin d’assurer aux populations afghanes l’avenir auquel elles aspirent.
M. WANG YINGFAN (Chine) a estimé que la collaboration active entre la MANUA et l’Autorité transitoire avait permis largement le succès de la Loya Jirga. Depuis la conférence de Bonn en décembre dernier, la situation en Afghanistan a évolué de manière fondamentale, la Loya Jirga donnant l’occasion à la population de démontrer sa volonté de retrouver une vie stable et normale. Toutefois, il faut bien avoir conscience que les blessures ne pourront être refermées en un jour. Certaines sont en effet profondément enracinées, notamment concernant la répartition du pouvoir entre les différents groupes ethniques. C’est pourquoi la situation au plan sécuritaire est particulièrement préoccupante. Le redressement et la reconstruction du pays ne pourront avoir lieu si les conditions de sécurité ne sont pas réunies et la délégation chinoise espère que tous les dirigeants des factions enterreront la hache de guerre. La communauté internationale doit, elle, se demander comment elle peut contribuer à renforcer la sécurité. Le flux de réfugiés important rentré depuis la conférence de Bonn a notamment fait peser un poids supplémentaire important sur le pays et le représentant a demandé aux donateurs de concrétiser leurs promesses de dons afin de ne pas laisser la situation sécuritaire empirer davantage. De son côté, la Chine a d’ores et déjà apporté une contribution à la constitution de forces militaires et de police nationales, qui doit être une priorité.
M. ANDRES FRANCO (Colombie) a déclaré que la mise en œuvre de l’Accord de Bonn reste un processus en pleine évolution. Il faut se féliciter des acquis obtenus en peu de temps et de progrès politiques qui font augurer la naissance d’un Afghanistan démocratique. Nous sommes sensibles à la volonté du gouvernement afghan d’éliminer la culture et l’exportation illicite des drogues. Mais nous tenons à préciser que la solution de ce problème doit être considérée sous l’angle de responsabilités communes et partagées u niveau international. Le problème existait déjà du temps des Taliban et avait été négligé. La sécurité doit être considérée comme la première question à résoudre, comme le stipule le rapport du Secrétaire général. L’absence de bonne volonté de la part des contributeurs potentiels de troupes à une FIAS qui se déploierait hors de Kaboul ne doit pas servir de prétexte au Conseil de sécurité pour adopter une attitude complaisante.
SIR JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a remercié les intervenants pour les paroles aimables qu’ils ont eues quant au rôle joué par son pays à la tête de la FIAS. Il a partagé les préoccupations exprimées quant à la situation de sécurité en dehors de Kaboul, et a indiqué qu’il adhérait à l’analyse de la France concernant la question de l’extension de la FIAS. Le Royaume-Uni attache une attention particulière au processus de réforme et de renforcement de la sécurité dans le cadre d’une stratégie cohérente. Il faut que la réforme de ce secteur soit bien structurée et que tous les efforts et activités entrepris soient cohérentes. Sir Jeremy a aussi partagé l’appel lancé par M. Brahimi en faveur de la concrétisation des promesses financières faites par la communauté des donateurs. Il a indiqué que son pays présidera le 23 juillet prochain une conférence sur les mesures visant à contrer le trafic des drogues. Il a demandé à M. Brahimi s’il pouvait donner des précisions sur l’incidence de la corruption dans l’Administration transitoire et les nouvelles institutions. Il lui a demandé si les autorités afghanes mettaient en place des structures spécifiques pour s’assurer que les questions des femmes sont effectivement prises en compte.
M. RAVAN FARHADI (Afghanistan) a déclaré que l’Accord de Bonn et la contribution active des Nations Unies avaient constitué une étape historique dans l’histoire de son pays et pouvaient être considérés comme l’un des succès les plus flamboyants de l’Organisation en ce début de XXIè siècle. Le succès de la Loya Jirga du mois dernier a aussi constitué un autre jalon important dans l’histoire du pays. Un Gouvernement démocratiquement élu et reflétant l’unité nationale du pays a pu être constitué. En outre, la Loya Jirga s’est déroulée selon des règles démocratiques jamais connues auparavant en Afghanistan, avec notamment la participation active des femmes et l’introduction de votes à bulletins secrets. La Commission des droits de l’homme qui vient d’être créée voit aussi la participation de femmes, a ajouté M. Farhadi.
Le représentant a expliqué que le retour à la paix et à la stabilité avait favorisé le retour massif de plus de 3 millions de réfugiés. Une fois de retour dans le pays, ces individus doivent encore vivre dans des conditions difficiles et les 100 dollars d’aide alloués par le Haut Commissariat aux réfugiés à chaque individu ne suffisent pas. D’importants efforts doivent être consentis pour fournir des services de logement, d’éducation et de santé notamment. Il faudrait aussi accorder une attention particulière à la restauration du système d’irrigation car nombre de ces réfugiés sont des agriculteurs. Outre au plan humanitaire, beaucoup reste donc à accomplir dans le pays. Afin d’asseoir son autorité sur l’ensemble du territoire, le Gouvernement a fait de la constitution d’une armée nationale à base large l’une de ses priorités. Il a aussi mis en place une commission sur la collecte d’armes parmi les forces locales. Le problème est, ainsi que le reconnaît franchement le Secrétaire général dans son rapport, le manque de ressources financières qui empêche le Gouvernement de pleinement étendre son autorité et limite ses capacités à fournir des services de base. Il est clair que la consolidation de la paix, la stabilité et le plein respect des Accords de Bonn dépendent pour une large part du niveau d’engagement de la communauté internationale
Répondant à certaines remarques formulées par plusieurs intervenants concernant la FIAS, il a indiqué que son Gouvernement apprécie à sa juste valeur le rôle de la force et était reconnaissant aux gouvernements britanniques et turcs de leur leadership. Pour ce qui est de l’élargissement de son rôle au-delà de Kaboul, il a fait observer que s’il n’y avait pas de danger imminent, il serait fort sage et bien avisé de penser à l’avenir et de déployer la force, dans un premier temps, dans un nombre limité de zone ou de villes, comme Mazar-e-Sharif, par exemple. Il faut en outre résister à la tentation de voir l’Afghanistan comme un pays où tout était table rase. L’Afghanistan a eu des années heureuses, il a eu des institutions bien implantées, une armée bien établie, etc… A la vérité toute la destruction et les fléaux survenus dans le pays ont été le fait d’interventions étrangères et extérieures. La population afghane, elle, n’aspire qu’à la paix et est disposée à participer activement à la reconstruction du pays, a-t-il assuré. « Si l’on garantit un salaire décent à un afghan pour un projet de reconstruction de son pays, je peux vous assurer qu’il ne cédera pas aux sirènes des seigneurs de guerre », a affirmé M. Farhadi en conclusion.
MME SADAKO OGATA (Japon), après s’être félicitée des succès récents de la Loya Jirga, a souligné l’importance d’un retour rapide et sécurisé des réfugiés afghans. C’est pourquoi il a lancé un appel pour le déploiement de la FIAS et d’autres forces de maintien de la paix dans régions instables du Nord de l’Afghanistan. Il est également important que les efforts internationaux déployés pour appuyer la réforme et la réhabilitation des systèmes militaires, policiers et judiciaires et accélérer la démobilisation et la réintégration des éléments armés produisent rapidement des résultats concrets. Il faut aussi prendre des mesures pour fournir des opportunités d’emploi et d’autres formes d’assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées à l’intérieur des frontières afin de les réintégrer dans leurs communautés locales. De même, après voir donner la priorité à l’assistance humanitaire, la communauté internationale doit à présent entamer le déploiement effectif de l’aide au redressement et à la reconstruction afin de favoriser la réintégration de ces réfugiés. Il faut notamment mettre en oeuvre des projets éducatifs et sanitaires et offrir à la population un accès à l’eau potable.
Répondant aux observations des délégations, M. LAKHDAR BRAHIMI, Représentant spécial du Secrétaire général en Afghanistan a dit qu’il était reconnaissant au Conseil de l’appui qu’il apporte à la réalisation du mandat de la MANUA. Concernant l’expansion du déploiement.élargi de la FIAS, certains Etats ont dit qu’aucun pays ne semblait prêt à répondre à cette demande. Cependant le Conseil s’est engagé à aider l’Afghanistan à consolider la paix. La FIAS a réussi à Kaboul et elle peut réussir ailleurs. L’une des personnes qui était autrefois sceptique, M. Ismaïl Khan, a récemment déclaré qu’il était prêt à soutenir l’expansion du rôle de la Force. Il ne serait pas à notre avis difficile, dangereux ou coûteux, d’étendre la présence de la FIAS. Ceci ne va pas requérir 10.000 soldats supplémentaires. 5.000, au maximum, feraient l’affaire.
Au cours de la Loya Jirga, tout le monde a eu peur de voir que le personnel international et la FIAS seront en danger. Or malgré ce processus politique, les réunions électorales se sont déroulées dans le calme et rien ne laisse supposer que les quelques faits divers qu’a connus le pays au cours de la période aient forcément été liés à la Loya Jirga, Aucun des observateurs de l’ONU et de la FIAS, qui n’avaient pourtant pas d’escorte armée, n’a subi de violence. Le commandant des troupes britanniques qui se déplaçait très souvent, a été chaleureusement accueilli partout où il est allé. Nous pensons, en ce qui concerne la sécurité, que la responsabilité en appartient en dernier ressort aux Afghans. Mais on ne peut juste se contenter d’actions de formation militaire. Il faut s’assurer que les infrastructures seront en place le moment venu, par exemple des casernes, et que la solde des futures troupes de l’armée afghane sera assurée. Tous ces éléments peuvent être en place si nous collaborons avec le Président Karzaï. Concernant la corruption, M. Karzaï a clairement dit qu’elle doit totalement être éliminée.
A Genève les Afghans ont déclaré par exemple, que les appels d’offre du système de téléphonie mobile qui va être mis en place seront sélectionnés dans la plus grande transparence. La culture et le trafic du pavot peuvent être générateurs de corruption, et le gouvernement, aidé par le PNUCID, en est conscient. Quant aux services de sécurité, nous avons dit qu’il fallait créer un lien de confiance entre le peuple afghan et les nouvelles structures de sécurité. Le gouvernement afghan et ses partenaires internationaux doivent y veiller, aidés en cela par les conseils de la nouvelle société civile afghane, dont les groupes de femmes qui se sont constituées en réseaux, et qui doivent être capables d’exercer leurs droits. Les Afghans eux-mêmes doivent concevoir leurs programmes de développement social. N’imposons pas aux femmes afghanes des programmes qui auraient un effet contraire au résultat recherché.
M. RACHID ALIMOV (Tajikistan) a déclaré que son pays, qui sort d’une période d’instabilité, comprend l’importance du rôle joué par M. Brahimi en Afghanistan. Dans notre pays, nous souhaitons que le peuple afghan sorte des temps difficiles qu’il a connus. La Loya Jirga d’urgence doit marquer le début de la renaissance de la société afghane. L’élection du chef du gouvernement transitoire Hamid Karzaï, et la formation d’un gouvernement, sont un signe patent de la volonté des afghans d’aller de l’avant. L’Afghanistan post-Talibane doit être soutenue dans ses efforts de reconstruction et dans l’établissement de son unité nationale. Le Tajikistan continuera à soutenir le peuple voisin d’Afghanistan à revenir à une vie normale. Nous souhaitons au gouvernement nouvellement formé de poursuivre la mise en oeuvre de l’Accord de Bonn. Le gouvernement de M. Hamid Karzaï a fait la démonstration de sa détermination à construire un Afghanistan libéré de la violence et des drogues. Nous espérons que le Conseil le soutiendra dans cette voie.
M. MOKHTAR LAMANI, Observateur permanent de l’Organisation de la conférence islamique, a estimé que le rapport présenté par le Secrétaire général et la présentation faite par M. Brahimi met clairement en lumière la fragilité de la situation en Afghanistan, en dépit des avancées positives enregistrées. Il est satisfaisant de voir que tous les délais prévus par l’Accord de Bonn, en dépit de tous les obstacles, aient été respectés. Pour assurer l’avenir de l’Etat afghan, il faut agir sur trois fronts : renforcer et asseoir la sécurité; démarrer les programmes de reconstruction et de relance de l’économie; et garantir la participation de la population par l’édification d’institutions démocratiques solides. La Mission des Nations Unies a pris déjà des mesures importantes et la mise sur pied de la FIAS a permis de garantir la sécurité de Kaboul. Il faudrait désormais que le Conseil consolide cette force pour que l’ensemble du pays jouisse aussi des fruits du retour à la paix.
Abordant la gravité de la situation humanitaire du pays, l’Observateur a regretté que le flux des ressources destinées à l’aide humanitaire ait considérablement baissé et soit globalement très inégale. A long terme pour installer définitivement les institutions qui sont en train de se mettre en place, il faut impérativement agir dans la légalité internationale et faire en sorte que la population ait des conditions de vie acceptables. Récemment, l’OCI a reconnu que l’Afghanistan méritait de retrouver son siège au sein de l’organisation et que le Gouvernement de M. Karzaï devait recueillir le soutien entier de l’ensemble de la communauté internationale, a dit l’Observateur.
Mme ELLEN MARGRETHE LOJ (Danemark) a déclaré, au nom de l’Union européenne et des pays associés, que l’Union européenne se félicite des résultats de la Loya Jirga d’urgence et de l’élection de M. Hamid Karzaï à la tête de l’Afghanistan. L’Union européenne déplore d’autre part l’assassinat du Vice-Président de l’Autorité transitoire d’Afghanistan, Haji Abdul Qadir, et elle exhorte les autorités à mener des enquêtes poussées pour en arrêter les auteurs. Le principal souci que nous éprouvons a trait à l’insécurité qui règne encore danS le pays et qui est un obstacle au retour à une vie normale tout en empêchant les organisations humanitaires de s’acquitter de leurs tâches. Un autre défi important à relever est celui du fonctionnement des institutions dont l’Afghanistan a besoin pour étendre le rôle de l’administration à toutes les provinces. Tout en notant que le gouvernement transitoire a la responsabilité de prendre en charge les efforts devant assurer un retour à la normale, l’Union européenne continue de lui apporter son soutien politique et financier. L’Union européenne vient de nommer M. Francesc Vendrell, un homme de grande expérience sur les problèmes de la région, comme son nouveau Représentant spécial en Afghanistan en remplacement de M. Klaus-Pieter Klaiber. La nomination de M. Vendrell est le signe de notre engagement envers la stabilisation et la reconstruction du pays.
Le principal objectif de l’Union européenne est de voir l’application intégrale de l’Accord de Bonn. Nous sommes attachés à la naissance d’un Etat afghan respectueux des droits de l’homme, et notamment des droits de la femme et des personnes les plus vulnérables, et nous soutenons les travail effectué par le représentant des Nations Unies pour les droits de l’homme. D’autre part, l’Union européenne approuve les efforts du gouvernement afghan visant à mettre fin à la production et au trafic des drogues. La prochaine étape de la mise en œuvre de l’Accord de Bonn sera la création d’une commission constitutionnelle, et l’Union européenne exhorte le gouvernement transitoire à appuyer le travail de cet organe une fois qu’il sera créé. Le budget national de développement afghan sera bientôt publié par le gouvernement, et l’Union européenne encourage tous les donateurs à soutenir l’Afghanistan sur cette question. Nous avons noté la sérieuse insuffisance des ressources, qui a été un handicap à la réalisation des tâches qui auraient du être accomplies cette année, et espérons que les Etats donateurs respecteront rapidement leurs engagements de contributions.
M. UMIT PAMIR (Turquie) a déclaré que son pays assume le commandement de l’ISAF depuis le 20 juin dernier et a créé des relations de travail fructueuses avec les autorités pour les soutenir dans la mise en œuvre des objectifs agréés pour la normalisation de la situation en Afghanistan. Sur le plan de la sécurité, agissant en accord avec le Ministre afghan de l’intérieur, le commandement de la FIAS a décidé de renforcer le nombre des patrouilles armées qu’il conduit avec les forces de police afghane dans Kaboul. L’assassinat de Haji Qadir, Vice-Président de l’Autorité intérimaire, a permis de se rendre compte de la fragilité de la situation de sécurité dans le pays. La création d’une véritable armée afghane doit continuer à retenir l’attention de la communauté internationale et à bénéficier de ses efforts. La consolidation de l’autorité du gouvernement, tel qu’énoncée dans la résolution 1419, est essentielle. La communauté internationale devra veiller à assurer les salaires des effectifs des nouvelles forces afghanes issues du processus de formation de l’armée nationale. Tout manque de volonté et d’engagement à cet égard nuirait aux efforts jusqu’ici accomplis. Etendre le mandat de la FIAS et élargir son déploiement au-delà de Kaboul, doit être soigneusement examiné avec les pays contributeurs de troupes. Cet élargissement du déploiement nécessitera aussi une réévaluation du concept opérationnel de la Force, et la Turquie attire l’attention du Conseil sur ce point.
M. SUN JOUN-YUNG (République de Corée) a estimé que les succès politiques récents intervenus en Afghanistan ne représentent que le début d’un processus long et difficile de reconstruction. La sécurité ainsi que la situation économique et humanitaire du pays restent toujours dépendants de l’existence d’un système démocratique stable et solide. Un des défis auquel doit faire face le pays est celui de la construction de structures administratives et sécuritaires permettant au gouvernement de mettre en oeuvre, entre autres, les programmes de santé et d’éducation. La République de Corée a participé de façon active aux efforts internationaux visant à la reconstruction de l’Afghanistan en contribuant notamment à hauteur de 10 millions de dollars aux efforts internationaux d’assistance à ce pays. Enfin, le représentant a lancé un appel pour un engagement soutenu de la communauté internationale pour que le processus de transition actuel soit couronné de succès.
M. VALERIY KUCHINSKY (Ukraine) a estimé qu’il est indéniable que la communauté internationale et les Nations Unies ont obtenu des résultats remarquables en Afghanistan. Les avancées sont d’ores et déjà considérables, notamment grâce au succès de la Loya Jirga, devenue l’événement marquant du processus de Bonn et de la vie politique en Afghanistan. Bien entendu, il reste encore beaucoup à faire. Une grave crise humanitaire et une situation sécuritaire très préoccupante doivent encore être surmontées. La sécurité de tout le territoire devrait notamment constituer la priorité des priorités. L’insécurité qui règne surtout dans le nord, les assassinats politiques qui ont eu lieu et les attaques perpétrées contre le personnel humanitaire pourraient en effet freiner de nouveau progrès, a averti le représentant. C’est pourquoi, la création d’une force militaire et de police nationale est fondamentale. Mais même une fois constituée et formée, la communauté internationale devra encore fournir un soutien apportant pour maintenir la sécurité dans le pays. Le représentant a estimé que de nombreux enseignements positifs pouvaient être tirés de l’expérience de la FIAS et il a souhaité qu’elle continue de promouvoir la paix et la stabilité du pays. Concernant les activités de redressement économique et social, il est essentiel d’assurer des financements suffisants et de consacrer notamment les sommes nécessaires à l’élimination des cultures de pavot, à la démobilisation et réinsertion des anciens combattants et aux activités de déminage.
M. MURARI RAJ SHARMA (Népal) a déclaré que le Népal exhorte la communauté internationale à maintenir son assistance à l’Afghanistan. L’Accord de Bonn et la Loya Jirga, qui en est issue, ont rétabli un certain calme dans le pays, ce qui ne signifie pas que tout y soit parfait. La méfiance continue d’exister entre groupes tribaux, alors que le pays cherche encore son équilibre intérieur. Un peuple réduit au désespoir peut devenir son propre ennemi. L’Afghanistan a longtemps vécu sans autorité centrale et sans ordre public. Il faut montrer aux Afghans que ces temps sont révolus et qu’une vie normale est possible. Cela suppose que chaque citoyen se sente en sécurité. La FIAS assure la sécurité à Kaboul. Mais cela n’est pas suffisant, car une petite oasis de sécurité dans une mer de dangers, ne pourra sans doute pas survivre. La situation actuelle pourrait créer des troubles sérieux dans d’autres régions, et faire revenir tout le pays dans l’instabilité. Il faut donc veiller à étendre la sécurité dans tout le territoire en attendant qu’une force nationale afghane prenne le relais. Le Népal remercie la communauté internationale pour ce qu’elle a fait à ce jour. Mais nous sommes inquiets du retard pris par les projets de reconstruction du pays. Ceci
peut nuire au rétablissement de la paix. Il faut aider l’Afghanistan. Mais tout en félicitant l’ONU pour son rôle dans ce pays, nous tenons à dire qu’il faut permettre aux Afghans eux-mêmes de choisir et de définir leurs priorités et leur avenir.
M. V.K. NAMBIAR (Inde) s’est félicité des progrès réalisés récemment en Afghanistan mais a estimé que le pays doit aujourd’hui relever le défi prioritaire de la reconstruction de ses structures de sécurité. Il doit notamment se protéger de la menace que représente la persistance des forces extrémistes dans le pays. La communauté internationale doit par conséquent poursuivre ses efforts et continuer de fournir une assistance humanitaire d’envergure. L’Inde est d’ailleurs fortement engagée dans les efforts de financement de la reconstruction de l’Afghanistan puisque 10 millions de dollars ont été fournis au gouvernement afghan le 10 juillet dernier et 11,5 millions de dollars ont été mis au service de projets liés à l’aide humanitaire. L’Inde a également fourni des équipes médicales et plus de 18 tonnes de matériel ont été envoyées au profit de mutilés afghans. Des centres de formation informatique ont été mis en place et sont gérés par des Afghans eux-mêmes avec l’aide d’experts indiens. Enfin, le représentant a salué le travail de la FIAS et a souhaité le renforcement du consensus en faveur de l’établissement d’une démocratie durable en Afghanistan.
M. HADI NEJAD-HOSSEINIAN (République islamique d’Iran) s’est félicité du succès de la Loya Jirga d’urgence et de la mise en place de l’Autorité de transition, qu’il a définis comme un pas décisif dans la mise en oeuvre de l’Accord de Bonn. En ce qui concerne la sécurité, il s’est inquiété du regroupement d’éléments d’Al Qaeda et talibans et de l’assassinat du Vice-Président Haji Abdul Qadir. Il a également évoqué les problèmes d’instabilité dans le nord de l’Afghanistan résultant de rivalités entre des commandants locaux. Il a réaffirmé la détermination de son pays de participer à la reconstruction de l’Afghanistan en précisant qu’il avait déjà lancé plusieurs projets dans ce sens, notamment la construction d’une route qui reliera la frontière iranienne au centre de l’Afghanistan. En conclusion, il a prévenu que l’incapacité de la communauté internationale de répondre aux besoins les plus urgents du gouvernement afghan, notamment financier, portera atteinte à sa capacité d’étendre sa présence au-delà de Kaboul.
M. HASMY AGAM (Malaisie) a exhorté la communauté internationale à mettre un terme à la longue souffrance du peuple afghan et a souligné l’urgente nécessité d’une reconstruction politique, économique et sociale. Il a regretté la mort de civils innocents dans plusieurs opérations militaires en formant le voeu que de tels accidents ne se produisent plus à l’avenir. Sur le plan politique, il a souligné les évolutions très positives, notamment la mise en place de la Loya Jirga. Dans ce contexte, il s’est félicité de l’élection de Mr Hamid Karaï à la tête de l’Autorité de transition. Il a, par ailleurs, regretté et fermement condamné le récent assassinat du Vice-Président Haji Abdul Qadir. En ce qui concerne la sécurité dans le pays, qu’il a défini comme le préalable à toute réhabilitation, il a formé le voeu que le mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) puisse être étendu aux autres villes afghanes.
M. PAUL HEINBECKER (Canada) a souligné le fait que l’engagement de la communauté internationale était vital pour le succès du processus politique enclenché et pour que la population afghane voit enfin les retombées positives de la paix. Renforcer la confiance dans les autorités publiques sera à cet égard particulièrement précieux. Pour y parvenir, il faut que le processus politique assure la participation la plus large possible et demeure juste. La réussite de la Loya Jirga, qui a vu pour la première fois la participation active de femmes, constitue à ce titre un signe encourageant. Le Canada encourage le Président Karzaï à poursuivre ses efforts en vue de la participation des femmes à la prise de décisions.
Pour rompre le cycle des conflits civils récurrents, il est fondamental de restaurer l’état de droit, a ajouté M. Heinbecker, avant de préciser qu’il attendait des autorités nouvellement en place qu’elles promeuvent les droits de l’homme et le respect du droit international humanitaire. A cet égard, les auteurs de l’assassinat du Vice-Président Qadir doivent absolument être traduits en justice. Cette tragédie illustre aussi l’importance pour la communauté internationale de maintenir son soutien au Gouvernement dans ses efforts de reconstruction des systèmes sécuritaires et judiciaires, a précisé le Représentant. Les pays du G8, que le Canada dirige cette année, ont récemment décidé de faire de la réforme du secteur de la sécurité leur priorité dans le contexte des efforts de prévention des conflits du Groupe, a aussi indiqué M. Heinbecker.
Dans le même temps, il ne faut pas oublier que la crise humanitaire qui sévit dans le pays exige d’urgence des ressources supplémentaires. Les retours massifs de réfugiés, et même de la diaspora afghane – un atout pour le développement humain du pays – représentent un signe positif que la confiance revient. Toutefois, ces personnes qui doivent faire face à des conditions de vie fort difficiles, une fois de retour dans leur pays, demeurent par conséquent fort vulnérables. Il faut par conséquent coordonner et lier de manière efficace les efforts humanitaires et les activités de transition vers la reconstruction pour que ces rapatriements soient viables. En conclusion, le représentant a fait observer que le budget de l’Autorité de transition enregistrait un déficit de plus de 300 millions de dollars et il a appelé, à l’image des pays du G8, la communauté des donateurs à pleinement respecter les promesses de dons qui ont été faites.
M. MASOOD KHALID (Pakistan) a déclaré que son pays s’est engagé à verser 100 millions de dollars à la reconstruction de l’Afghanistan lors de la Conférence de Tokyo. Une partie de cette aide a déjà été versée, et le Pakistan contribue aussi au programme de formation d’une nouvelle armée afghane en fournissant des matériels et des équipements pour les recrues. Nous sommes d’autre part engagés dans la création d’un système judiciaire et de mécanismes de lutte contre les trafics de narcotiques en Afghanistan. Le Pakistan comprend parfaitement la priorité donnée à la lutte contre le terrorisme et à l’élimination des cellules d’Al-Qaida, et il y participe. Des centaines de combattants d’Al-Qaida ont déjà été capturés, souvent à un prix élevé pour le Pakistan qui a perdu un certain nombre de troupes dans cette guerre. Rien que la semaine dernière, notre armée a perdu 10 hommes dans ces combats. Notre contribution à la lutte anti-terroriste se poursuit malgré les menés subversives de l’un de nos voisins, qui croit profiter de nos obligations afghanes pour nous menacer. Notre pays a été obligé de déployer une grande partie de ses forces le long de notre frontière orientale, et sur la Ligne de contrôle établie par l’ONU le long de la province de « Jammu-et-Cachemire ».
Sans sécurité renforcée, la paix, la reconstruction et la prospérité ne pourront revenir en Afghanistan. De nombreuses régions continuent d’y être inaccessibles et sont contrôlées par des dizaines de milliers de combattants en armes agissant sous l’autorité de seigneurs de la guerre qui ont mis des provinces entières sous leur coupe et hors de portée de l’Autorité transitoire de Kaboul. Le gouvernement de Hamid Karzaï ne peut ni faire régner l’ordre ni lever des impôts dans la majeure partie du territoire afghan. L’assassinant de Haji Qadir, Vice-Président de l’Autorité transitoire, est le signe de la fragilité de la situation de sécurité. La proposition faite d’élargir la zone de déploiement de la FIAS doit être examinée et soutenue par le Conseil. L’autre hypothèse de renforcement de la sécurité, qui s’appuierait sur la nouvelle armée afghane, est aléatoire, au vu d temps qu’elle prendra à être mise en oeuvre. Si l’élargissement du déploiement de la FIAS ne pouvait se faire immédiatement, il faudrait que le Conseil et les membres de la coalition internationale opérant en Afghanistan, trouvent une solution intermédiaire sur une base qui assure la crédibilité des mesures qui seraient adoptées. Le Pakistan s’est engagé à ne pas s’ingérer dans les affaires intérieures de l’Afghanistan, cet engagement ayant été pris par les autres pays de la région. Nous espérons que l’un de nos voisins, qu n’est pourtant pas limitrophe de l’Afghanistan, cessera d’y mener des interventions de coopération bilatérales intempestives qui pourraient avoir des effets négatifs.
Formulant des remarques de conclusion au débat, M. LAKHDAR BRAHIMI, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan, a prévenu que le conflit en Afghanistan s’il devait se poursuivre ne pourrait pas être confiné aux frontières afghanes. A l’inverse, la paix, si elle devait s’installer durablement en Afghanistan aurait d’importantes retombées positives pour l’ensemble de la région. Il faut donc tout mettre en œuvre pour faire en sorte que le pays atteigne un point de non retour sur le chemin de la paix.
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