En cours au Siège de l'ONU

CS/2334

LE CONSEIL N'EST PAS HABILITE A REVISER LES TRAITES INTERNATIONAUX, ESTIMENT LA MAJORITE DES ETATS DEBATTANT DE LA SITUATION EN BOSNIE-HERZEGOVINE

10/07/2002
Communiqué de presse
CS/2334


Conseil de sécurité

4568e séance – matin et après-midi


LE CONSEIL N'EST PAS HABILITE A REVISER LES TRAITES INTERNATIONAUX, ESTIMENT LA MAJORITE DES ETATS DEBATTANT DE LA SITUATION EN BOSNIE-HERZEGOVINE


Ils exhortent les Etats-Unis à permettre le renouvellement

du mandat de la MINUBH sans porter atteinte à l'intégrité du Statut de Rome


Réuni aujourd'hui sous la présidence de M. Jeremy Greenstock (Royaume-Uni) et à la demande du Canada, le Conseil de sécurité a tenu une séance publique élargie aux Etats Membres des Nations Unies non membres du Conseil sur la question de la situation en Bosnie-Herzégovine.  Axée sur les débats qui ont eu lieu au sein du Conseil concernant la question de la prorogation du mandat la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH) et celle de l'immunité devant la Cour pénale internationale réclamée par les Etats-Unis au profit de leurs soldats et contingents de troupes participant aux opérations de maintien de la paix, la réunion du Conseil de sécurité a vu la majorité des délégations qui se sont exprimées s'élever contre toute tentative par le Conseil de porter atteinte à l'intégrité d'un traité international.


Prenant la parole en premier, M. Paul Heinbecker, représentant du Canada, a estimé que certains éléments des projets de résolution soumis aux consultations à huis clos des membres du Conseil outrepassent largement les limites du mandat que la Charte des Nations Unies accorde à cet organe.  Le Conseil de sécurité, a prévenu le représentant, n'est pas habilité à réviser un traité international, et si ses membres adoptaient un texte de résolution comme celui présenté par l'un des membres permanents, en l'occurrence les Etats-Unis, la crédibilité du Conseil en serait affectée, les autres Etats Membres de l'ONU pouvant être amenés à remettre en question la légitimité même de cette décision.  Pour Mme Ellen Margrethe Loj, représentante du Danemark, qui s'exprimait au nom se l'Union européenne et des pays associés, toutes les missions de maintien de la paix opérant sous mandat des Nations Unies sont mises en péril par la situation qui prévaut actuellement au sein du Conseil de sécurité.  Mettre fin au mandat de la MINUBH, et donc à celui du Groupe international de police civile (GIP) porterait atteinte à la tenue des élections prévues au mois d’octobre en Bosnie-Herzégovine, a-t-elle déclaré en souhaitant une transition ordonnée entre le GIP et le Groupe de police de l'Union européenne qui prendra sa relève au mois de janvier 2003.  L'Union européenne exhorte les membres du Conseil de sécurité à assurer la continuité des opérations de maintien de la paix de l'ONU tout en préservant l'intégrité du Statut de Rome, a dit la représentante.


Dans son intervention, M. John Negroponte, représentant des Etats-Unis, a estimé qu'avec 10 000 de ses ressortissants -dont 2 000 en Bosnie-Herzégovine- participant à des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, et plusieurs dizaines de milliers de troupes en République de Corée opérant sous autorisation des Nations Unies, les Etats-Unis ne remettent pas en question leur engagement en faveur du maintien de la paix.  Cependant, a dit le représentant,


notre pays n'accepte pas que les troupes de maintien de la paix en provenance d'Etats non parties au Statut de Rome soient soumises à la juridiction de la Cour pénale internationale.  Bien que le Secrétaire général ait noté que jamais des soldats de maintien de la paix n'ont été jugés pour les crimes énumérés dans le Statut de Rome, les Etats-Unis pensent que la capacité de la CPI à poursuivre des soldats de la paix n'est pas essentielle à ses fonctions; et c'est pourquoi, ils ont proposé l'application de l'article 16 de son Statut pour en exempter les troupes des pays qui n'en sont pas parties.  Nous sommes en désaccord avec les analyses selon lesquelles cette interprétation de l'article 16 est incompatible avec l'esprit du Statut de Rome, a dit M. Negroponte.


Intervenant après cette déclaration, le représentant de la France, M. Jean-David Levitte, a estimé que le Statut de Rome, en l’état, offre aux Etats-Unis des garanties plus substantielles que celles du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie qui, pourtant, n’a jamais suscité la moindre préoccupation à Washington.  L’article 98 du Statut de Rome permet à tout Etat destinataire d’une demande de coopération avec la Cour d’invoquer un accord bilatéral accordant immunité aux ressortissants d’un Etat tiers pour ne pas donner suite à cette demande, a précisé M. Levitte.  D'autre part, le Conseil de sécurité peut, sur la base de l’article 16 du Statut de Rome, décider de suspendre une action engagée par la Cour pendant un délai d’un an renouvelable.  La France a fait une proposition concernant l’article 16, et est prête à en discuter dans les limites du droit, a dit le représentant.  Mais, en revanche, elle ne peut accepter qu'une disposition du Statut de Rome soit modifiée par une résolution du Conseil de sécurité.  Concernant le mandat de la MINUBH, M. Levitte a suggéré, partageant ainsi le point de vue du Secrétaire général des Nations Unies, d’ajouter au projet de résolution proposé un paragraphe soulignant la primauté de compétence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie sur celle de la Cour en ce qui concerne cette mission.  Si cela n'était pas accepté, alors la France apporterait son soutien à la proposition du Royaume-Uni permettant un «retrait ordonné» de la MINUBH et sa relève le 1er novembre prochain par la Mission de police de l’Union européenne.


Pour M. Jeremy Greenstock, qui s'exprimait en tant que représentant du Royaume-Uni, le Statut de Rome doit être respecté.  Nous regrettons l'incertitude qui plane sur le mandat de la MINUBH, a-t-il dit, et notre pays partage l'avis selon lequel les préoccupations du Conseil de sécurité devraient rester dans les limites du mandat que lui a octroyé la Charte des Nations Unies.


Souhaitant une transition souple entre la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine, au cas où son mandat de police serait interrompu, et la Mission de police de l'Union européenne, M. Mirza Kusljugic, représentant de la Bosnie-Herzégovine a dit qu'il serait regrettable que les dernières étapes du mandat de la MINUBH s'achèvent de manière abrupte, et il a insisté sur l'importance du rôle joué par la MINUBH et par la présence internationale dans le processus de normalisation et de retour à la paix dans son pays.


Outre les intervenants cités, les représentants des pays suivants ont pris la parole: Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Bulgarie, Inde, Costa Rica (au nom du Groupe de Rio), République islamique d’Iran, Jordanie, Chine, Fédération de Russie, Irlande, Mongolie, Liechtenstein, Brésil, Singapour, Maurice, Mexique, Norvège, Thaïlande, Venezuela, Fidji, Ukraine, Guinée, Colombie, Samoa, Malaisie, Allemagne, République arabe syrienne, Cameroun, Sierra Leone, Argentine, Yougoslavie, Cuba et l'Observateur de la Suisse.
LA SITUATION EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

Déclarations


M. PAUL HEINBECKER (Canada) s’est dit profondément préoccupé par les débats qui se sont déroulés au Conseil de sécurité sur l’exemption générale des Casques bleus qui auraient commis les crimes les plus graves aux yeux de l’humanité.  Il a estimé que les projets de résolution qui circulent contiennent des éléments qui outrepassent les limites du mandat du Conseil de sécurité et que leur adoption pourrait compromettre la crédibilité du Conseil.  Dans le même ordre d’idées, il a souligné que le Conseil de sécurité n’est pas habilité à réviser les traités.  Nous sommes respectueusement en désaccord avec les préoccupations des États-Unis, a-t-il ajouté, compte tenu des nombreuses garanties que comporte le Statut de Rome, en raison notamment de la contribution importante des Etats-Unis à la mise en place de garde-fous pour éviter des poursuites dictées par des motifs politiques.  Le représentant a regretté que les enjeux et débats en cours mettent en cause les principes fondamentaux du droit international et la place de ces principes dans la conduite des affaires de monde.  C’est pourquoi, il a déclaré que si le Conseil de sécurité adoptait une résolution du type de celles qui circulent actuellement, cela porterait atteinte à sa réputation et à sa crédibilité et créerait un précédent négatif selon lequel le Conseil de sécurité pourrait modifier les termes négociés de n’importe quel traité. 


En ce qui concerne le recours à l’article 16, M. Heinbecker a formé le voeu que le Conseil de sécurité ne porte pas atteinte à cette disposition fondamentale du fait que le fameux recours à un report de douze mois ne se fera qu’au cas par cas dans des situations bien particulières.  Il a déclaré qu’il serait inacceptable de donner l’impression que les Casques bleus sont au-dessus des lois, ce qui reviendrait à appliquer la politique des «deux poids, deux mesures» dans le droit international.  Il a également ajouté que la Cour pénale internationale ne peut exercer sa juridiction que pour éviter l’impunité et que, par conséquent, faire obstacle à cette Cour revient à permettre l’impunité.  C’est pourquoi, il a prévenu que l’adoption d’un des projets de résolution en circulation pourrait mettre le Canada dans une situation inédite en l’obligeant à examiner la légalité d’une résolution du Conseil de sécurité.  Dans ce contexte, a suggéré M. Heinbecker, la première option à suivre est de ne rien faire puisque la Cour pénale internationale n’aura pas de juridiction avant un certain temps sur des forces américaines participant à des missions de maintien de la paix.  Par ailleurs, il serait regrettable que la position américaine ait des conséquences sur les missions de maintien de la paix alors que sa participation en terme d’effectifs est faible (704 Casques bleus américains sur un total de 45 159) et que les Etats-Unis disposent toujours du moyen de négocier des accords bilatéraux appropriés avec les pays hôtes.  En conclusion, il a appelé les membres du Conseil à préserver les principes essentiels du droit international ainsi que l’esprit et la lettre du Statut de Rome.  Enfin, il s’est dit convaincu que les préoccupations exprimées par les Etats-Unis peuvent être prises en compte sans compromettre la Cour ou le droit international, ou sans mettre le Conseil de sécurité dans une situation indéfendable qui risquerait de favoriser le retour de l’impunité en cas de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. 


M. DON MACKAY (Nouvelle-Zélande), mentionnant la lettre du Secrétaire général au Conseil, a noté comme lui que l’hypothèse envisagée, du personnel de maintien de la paix tenu responsables de crimes contre l’humanité, était fort peu plausible et qu’une telle situation ne saurait constituer une menace à la paix et à la sécurité internationales.  La Nouvelle-Zélande, partie au Statut de Rome, ne voit par conséquent aucune justification ni besoin d’accorder l’immunité des forces de maintien de la paix devant la Cour Pénale Internationale (CPI) et n’y voit que des inconvénients: cela reviendrait établir une politique des «deux poids, deux mesures» en plaçant les forces de maintien de la paix au-dessus de la loi, affectant ainsi l’autorité morale des opérations de maintien de la paix.  L’article 16 du Statut de Rome, a-t-il rappelé, permet au Conseil d’interrompre une enquête ou des poursuites pendant douze mois, mais l’esprit de cette disposition précise clairement qu’elle ne peut être utilisée qu’au cas par cas.  Prétendre donner une immunité complète par avance reviendrait à modifier le Statut de Rome sans consultations préalables avec les Etats parties. 


La Nouvelle-Zélande ne partage pas les préoccupations des Etats-Unis mais les comprend, a poursuivi le représentant.  Toutefois, le Conseil ne devrait rien faire qui puisse affaiblir le Statut de Rome: le Statut prévoit des garanties qui répondent aux préoccupations des Etats-Unis.  Si ces mesures de protection ne sont pas jugées suffisantes, les Etats pourront alors prendre des mesures individuelles comme par exemple le refus de prendre part aux missions de l’ONU.  Ce sont là les options qu’il faut considérer en premier lieu.  Le représentant a proposé que soient trouvées tout d’abord des solutions concrètes pour la Mission en Bosnie-Herzégovine et, surtout, à ne prendre aucune mesure à la hâte.


M. DUMISANI S. KUMALO (Afrique du Sud) a déclaré que le mandat du Conseil de sécurité n’était pas de réinterpréter des traités qui ont été élaborés et négociés par les Etats Membres des Nations Unies et a fait siennes les inquiétudes exprimées à ce sujet par le Secrétaire général dans sa lettre du 3 juillet 2002 sur les conséquences d’une telle action.  Il a regretté qu’un seul pays puisse mettre en cause des années d’efforts au cours desquelles la communauté internationale a envoyé un message fort pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales dans les Balkans.  Il a ajouté qu’il était inquiétant qu’un seul membre permanent jouissant du droit de veto puisse anéantir les efforts des quatorze autres membres du Conseil de sécurité et remettre en cause les implications des 174 autres Membres de l’ONU. 


Il s’est également dit inquiet du fait que d’autres missions de maintien de la paix puissent souffrir des mêmes conséquences surtout si l’on considère que les mandats des Missions au Sahara occidental, au Liban, en Géorgie et à Prevlaka doivent être renouvelées au courant du mois de juillet.  En conclusion, il a exhorté le Conseil de sécurité à protéger la Cour pénale internationale ainsi que la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine. 


Mme ELLEN MARGRETHE LOJ (Danemark), s’exprimant au nom de l’Union européenne et des pays d’Europe centrale et orientale associés, a rappelé que l’Union avait été dès le début un ferme partisan de la Cour pénale internationale (CPI), dans laquelle elle voit une contribution essentielle au renforcement de la paix et de la sécurité internationaleS.  Tout en jugeant compréhensible que les Etats-Unis cherchent à se protéger d’accusations politiquement motivées, elle a estimé que ces préoccupations avaient été satisfaites et que des garanties suffisantes avaient été mises en place.  La CPI, a-t-elle rappelé, n’interviendra que lorsqu’un Etat ne pourra ou ne voudra le faire.  Plusieurs solutions ont été proposées, a-t-elle poursuivi, citant notamment celle se référant à l’article 16 du Statut de Rome.  Elle a également mentionné la lettre du Secrétaire général adressée au Secrétaire d’Etat américain, dans laquelle il rappelait qu’aucun personnel d’une mission n’avait jamais commis un acte relevant de la compétence de la CPI, mais que l’ensemble du système de maintien de la paix des Nations Unies était mis en péril par la présente situation. 


Mme Loj a assuré que l’Union européenne attachait la plus grande importance à la poursuite des contributions américaines au maintien de la paix et qu’elle partage avec les Etats-Unis le point de vue selon lequel le peuple de Bosnie-Herzégovine n’a pas à payer pour cette triste situation, prenant note des assurances que leurs représentants ont données sur ce point.  La Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH), avec la Force de stabilisation (SFOR), a largement contribué aux progrès enregistrés dans la région depuis la fin de la guerre en 1995.  La Bosnie-Herzégovine est désormais un pays plus démocratique et plus stable, mais le risque de revenir en arrière est toujours bien réel.  Mettre fin brutalement aux travaux du Groupe international de police en Bosnie-Herzégovine créerait un vide qui aurait des conséquences sur la tenue des élections d’octobre prochain.  Or, le Conseil de sécurité et l’Union européenne souhaitent ensemble assurer une transition ordonnée entre le GIP et le Groupe de police de l’Union européenne qui doit prendre la relève au 1er janvier 2003.  Par conséquent, la représentante a exhorté les membres du Conseil à trouver une solution qui assure la poursuite sans interruption des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, sans porter atteinte à l’intégrité du Statut de Rome.


M. JOHN NEGROPONTE (Etats-Unis) a déclaré que l'engagement des Etats-Unis en faveur du maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine existait toujours.  Plus de 10 000 Américains participent à des opérations de paix mandatées par les Nations Unies.  En plus de ces forces, les Etats-Unis déploient plus de 30 000 hommes en République de Corée, sur mandat des Nations Unies.  Nous avons plus de 2 000 soldats en Bosnie auxquels il faut ajouter 50 membres de la police civile.  Le plus haut fonctionnaire de la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH) est, lui aussi un Américain, détaché par notre Gouvernement.  Ces faits montrent clairement que le veto que nous avons opposé au renouvellement formel de la MINUBH n'est pas de notre part un rejet du maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine.  Notre veto reflète simplement notre frustration et notre incapacité à convaincre nos collègues du Conseil de nos soucis relatifs aux risques légitimes qui pourraient peser sur nos troupes du fait de l’application du Statut de Rome.  Les soldats de la paix originaires de pays qui ne sont pas parties au Statut de Rome ne devraient pas être soumis à ses dispositions et à la compétence de la Cour.  Si nous voulons que des pays disposant de troupes qualifiées et opérationnelles les fournissent aux missions de l'ONU, il est dans l'intérêt de tous les Etats Membres que ces troupes ne soient pas exposées à des risques inutiles.  Ce principe a été agrée par les accords sur le statut des missions de l'ONU et par des accords parallèles comme celui de Dayton et celui de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan.  Le Secrétaire général a noté que des contingents ou des individus oeuvrant dans le cadre du maintien de la paix n'ont jamais été jugés pour les crimes mentionnés au Statut de Rome.  Nous sommes tout à fait d'accord avec lui, et c'est une des raisons pour lesquelles nous estimons que la question des troupes de maintien de la paix devrait être exclue de la compétence de la CPI.


Certains Etats suggèrent que les Etats-Unis ont une vue trop alarmiste des dangers que la CPI pose aux pays contributeurs de troupes.  Nous pensons, au contraire, que ce sont ces Etats qui se montrent trop alarmistes quant aux propositions que les Etats-Unis proposent.  Le refus de protéger les forces de la paix de la juridiction de la CPI sera un obstacle à la capacité des Etats-Unis de participer aux opérations de maintien de la paix.  Les Etats-Unis ne remettent pas en cause la bonne foi des architectes du Statut de Rome.  Les propositions que nous avons avancées s'inscrivent au contraire dans les dispositions de ce Statut.  Nos dernières propositions se servent de l'article 16 du Statut de Rome pour exprimer nos inquiétudes concernant les pays non parties au Statut de la Cour qui veulent cependant être contributeurs de troupes.  Nous rejetons l'analyse selon laquelle notre approche va à l'encontre de ce Statut. 


M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a estimé que le Statut de Rome, en l’état, offre aux Etats-Unis des garanties plus substantielles que le Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie qui, pourtant, n’a jamais suscité la moindre préoccupation à Washington, l’autorisant par exemple à dessaisir à son profit les juridictions nationales.  L’article 98 du Statut de Rome permet en revanche à tout Etat destinataire d’une demande de coopération avec la Cour d’invoquer un accord bilatéral accordant immunité aux ressortissants d’un Etat tiers pour ne pas donner suite à cette demande.  Et encore, le Conseil de sécurité peut sur la base de l’article 16  du Statut de Rome décider de suspendre une action engagée par la Cour pendant un délai d’un an renouvelable.  Donc, pour M. Levitte, le Statut de Rome répond beaucoup mieux aux préoccupations américaines que celui du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.  La CPI est un progrès majeur dans la construction d’un ordre international fondé sur le droit, a-t-il poursuivi.  Les articles 16 et 98 du Statut de Rome apportent une garantie quasi-totale aux partenaires américains, qui souhaitent s’assurer qu’aucun de leurs ressortissants engagés sur un théâtre extérieur ne sera traduit devant cette Cour.  La France a fait une proposition précise concernant l’article 16, elle est prête à en discuter dans les limites du droit.  En revanche, elle ne peut accepter que soit modifiée par une résolution du Conseil de sécurité une disposition du Traité.  Et si le Conseil parvenait à dégager une majorité en ce sens, a déclaré M. Levitte, on peut se demander quel effet aurait une réelle résolution sur les décisions de la Cour.


Le représentant de la France s’est interrogé sur l’avenir de la MINUBH et des autres missions de maintien de la paix des Nations Unies au cas où les Etats-Unis resteraient fermes sur leur position.  Qui prendrait la relève de ces forces?  Seize forces sont actuellement déployées à travers le monde et sont irremplaçables.  Ne les prenons pas en otage, a-t-il exhorté.  Quant à la MINUBH, si le Conseil ne peut parvenir à un accord en fin de semaine, il faudrait décider de proroger une dernière fois son mandat jusqu’au 31 décembre, comme le prévoit le projet de résolution de la Bulgarie.  M. Levitte a également suggéré, à l’instar du Secrétaire général, d’ajouter à ce texte un paragraphe soulignant la primauté de compétence du TPIY sur celle de la Cour pénale internationale.  Sinon, la France apporterait son soutien à la proposition du Royaume-Uni permettant un «retrait ordonné» de la MINUBH et sa relève le 1er novembre par la Mission de police de l’Union européenne.


M. STEFAN TAFROV (Bulgarie) s’est pleinement rallié à la déclaration faite par le Danemark, au nom de l’Union européenne et des pays associés.  Soulignant que la Bulgarie était l’unique représentante du groupe régional de l’Europe de l’Est et des pays balkaniques au Conseil de sécurité, il a jugé vital que son pays vise à conserver la stabilité de la Bosnie-Herzégovine.  La Bulgarie a donc déposé au Conseil un projet de résolution sur cette question: le but est de créer une vision claire pour l’avenir de ce pays.  Le Conseil doit rester pleinement engagé en Bosnie-Herzégovine tant que le processus n’est pas devenu irréversible. 


Les discussions de ces dernières semaines ont empêché le Conseil de remplir son mandat conformément au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.  Les membres du Conseil doivent agir dans un esprit de compromis et de l’entente mutuelle, et doivent œuvrer activement pour une solution acceptable par tous.  Mais il ne s’agit pas d’affaiblir le contenu du Statut de Rome.  Une solution peut être trouvée sur la base du compromis mais appelle les parties concernées à faire preuve de souplesse.  M. Tafrov a promis que son pays allait rechercher une solution raisonnable en ce sens. 


M. VIJAY NAMBIAR (Inde), en tant qu’important pays contributeur aux opérations de maintien de la paix, a estimé qu’en exposant les forces de maintien de la paix à des accusations de crimes contre l’humanité limiterait leur capacité à réagir et nuirait à leur préparation ainsi qu’à la fourniture de contingents.  La probabilité est dans le même temps très faible et éloignée, a-t-il reconnu.  Aussi, le Conseil doit-il se demander s’il lui revient de trouver un remède à une maladie qui n’existe pas.  Il devrait faire appel, pour constituer ses contingents, à des pays démocratiques où s’exerce l’état de droit.  Ainsi, a poursuivi le représentant, l’Inde tient ses troupes responsables devant ses propres institutions, elles n’ont pas à répondre devant des institutions dont nous ne reconnaissons pas la validité. 


La décision du Conseil sur cette question aura de grandes conséquences sur la constitution des contingents et sur les opérations de maintien de la paix, a prévenu le représentant.  L’Inde qui n’est pas partie au Statut de Rome encourage donc le Conseil à considérer le point de vue des Etats qui se trouvent dans la même situation.


Mme MARIA ELENA CHASSOUL (Costa Rica), s’exprimant au nom des 19 pays du Groupe de Rio, a rappelé qu’ils se réjouissent de la création de la Cour pénale internationale et appuient l’entrée en fonction rapide de la Cour.  C’est pourquoi aujourd’hui, ils sont si préoccupés par la proposition, introduite au Conseil, d’accorder une immunité absolue aux personnels de maintien de la paix et, ce, en contravention de la lettre et de l’esprit du Statut de Rome.  De l’avis du Groupe de Rio, cette proposition n’a aucun fondement juridique car l’article 16 du Statut évoqué par ses rédacteurs se réfère à une situation complètement différente.  En outre, le Groupe estime que ledit article fournit parfaitement les garde-fous nécessaires pour empêcher toute utilisation politique ou inappropriée de la Cour.  Il ne peut accepter que le Statut de Rome soit ainsi sapé et juge indispensable d’en maintenir l’intégrité.  Toutes initiatives visant ainsi à modifier de manière substantielle les dispositions du Statut, par la voie d’une résolution du Conseil, est donc inquiétante, a souligné la représentante, ajoutant qu’une telle décision dépasserait les compétences du Conseil et affecterait sérieusement sa crédibilité et sa légitimité. 


Le Groupe de Rio est aussi très préoccupé de voir que tout le système du maintien de la paix puisse ainsi être mis en péril et, ce, à cause d’une interprétation erronée des dispositions du Statut de Rome.  Il demande donc instamment au Conseil de trouver une solution à la présente impasse.  Une solution qui respecte à la fois la lettre et l’esprit du Statut et garantisse l’efficacité et la légitimité du Conseil.  Il l’enjoint aussi de prendre en compte le souhait de toute la communauté internationale de disposer d’un instrument efficace et impartial permettant de punir les actes les plus graves qui affligent l’humanité.


M. MOHAMMAD H. FADAIFARD (République islamique d’Iran) a estimé que, compte tenu du fait que le processus de paix demeure fragile en Bosnie-Herzégovine et dans l’ensemble des Balkans et que les nouvelles institutions bosniaques restent sous la pression des forces nationalistes, il est important que la MINUBH se poursuive.  Une fin prématurée de son mandat, mettrait en péril l’ensemble des réalisations de la communauté internationale.  Il est malheureux qu’un désaccord sur la Cour pénale internationale (CPI) laisse planer une ombre sur la MINUBH mais aussi sur l’ensemble des opérations de maintien de la paix des Nations Unies.  Il nous faut prendre en compte les conséquences d’une impasse pour l’ensemble du système de maintien de la paix de l’ONU.


L’Iran regrette l’approche unilatérale d’un membre du Conseil qui recourt au veto pour faire avancer ses propres intérêts nationaux; la menace de faire de même avec d’autres mandats de maintien de la paix est contraire à l’esprit et à la Charte de l’ONU, notamment de son Article 24.  Pour le représentant, il n’y a aucune logique à troubler les activités d’une mission fructueuse.  Quant au Statut de la CPI, les membres du Conseil doivent se souvenir que le Conseil n’est pas autorisé à modifier ou amender les traités internationaux.  La République islamique d’Iran a signé le Statut de Rome et prépare actuellement un projet de texte qu’elle déposera devant le Parlement en vue de sa ratification, a-t-il rappelé.


M. ZEID RA’AD ZEID AL-HUSSEIN (Jordanie) a estimé que si le Conseil de sécurité envisageait un projet de résolution sur la Cour pénale internationale qui relèverait du Chapitre VII de la Charte, il dépasserait ses compétences.  Comment le Conseil pourrait-il adopter une résolution en vertu du Chapitre VII sur la CPI alors que celle-ci ne peut en aucun cas être considérée comme une menace à la paix et la sécurité internationales?  Les Etats-Unis exercent un leadership dans les affaires internationales d’aujourd’hui en raison de leur engagement, ce qui donne lieu à des accusations politiquement motivées.  Mais pour le représentant, les sauvegardes prévues par le Statut de Rome sont suffisantes. 


La Jordanie, a-t-il assuré, s’efforcera par le biais de l’Assemblée des Etats parties que la CPI exerce ses activités et prérogatives sans aucun esprit partisan.  Toutefois, elle s’opposerait à toute tentative du Conseil de porter atteinte à l’intégrité du Statut de la Cour.  On ne peut envisager, a-t-il conclu, que le Conseil puisse mettre des centaines de milliers de vies en danger en raison de divergences d’opinion sur la Cour pénale internationale. 


M. WANG YINGFAN (Chine) a déclaré que si la CPI peut mettre fin à l'impunité, ce sera un moyen important de renforcement de la paix et de la sécurité internationales.  Si la Chine n'est pas encore partie au Statut de la Cour, elle soutient cependant la création d'une cour universelle et impartiale.  Nous avons participé à la rédaction du Statut de Rome et nous estimons que les auteurs de crimes graves contre l'humanité doivent être punis.  Le principe de complémentarité de la CPI est, en ce qui nous concerne, bienvenu.  Si un Etat est capable de juger ses ressortissants coupables de crimes contre l'humanité, il ne devrait nullement craindre la CPI, dont le Statut et l'esprit doivent être respectés dans leur intégrité.  La question de l'immunité des Casques bleus, que soulèvent certains Etats peut être examinée dans un cadre différent.  La Chine ne voudrait pas voir le maintien de la paix affecté par ce qui se passe en ce moment.


M. GENNADY GATILOV (Fédération de Russie) a assuré comprendre la position de ceux qui défendent la lettre et l’esprit du Statut de Rome et en même temps les préoccupations des Etats-Unis.  Il s’est déclaré convaincu de la nécessité de trouver une solution qui respecte le cadre juridique établi et qui ne porte pas atteinte au Statut de la Cour, tout en préservant les opérations de maintien de la paix.  Il ne faut pas porter tort à cette activité, la plus importante du Conseil de sécurité, a-t-il rappelé.  La Fédération de Russie, a assuré son représentant, restera en contact étroit avec toutes les parties intéressées pour trouver une solution acceptable par tous. 


M. RICHARD RYAN (Irlande) a rappelé d’emblée que son pays a ratifié le Statut de Rome et qu’il a, à cet effet, amendé sa Constitution après un référendum populaire.  L’Irlande est déterminée à trouver une solution concrète et raisonnable aux préoccupations exprimées par les Etats-Unis quant au fonctionnement de la Cour et à la situation des soldats de la paix américains dans les missions des Nations Unies.  Même si nous comprenons ces préoccupations, nous pensons toutefois qu’elles ne sont pas fondées et nous ne pouvons accepter le mécanisme proposé, a précisé le représentant.  L’Irlande estime en effet que le Statut de Rome contient déjà tous les garde-fous nécessaires pour éviter une utilisation de la Cour inspirée par des motivations politiques.  A cet égard, le personnel militaire ou diplomatique, même appartenant à un pays n’étant pas partie au Statut, a donc une protection appropriée.  En outre, le Statut de Rome pose non seulement le principe de la complémentarité qui donne, avec raison, la priorité aux juridictions nationales, mais laisse aussi au Conseil la possibilité de suspendre une procédure. 


Le développement du droit international est l’un des progrès les plus importants atteints par l’humanité ces dernières décennies et les traités internationaux ont leur intégrité propre qu’il est impératif de préserver.  Il s’agit là d’un principe fondamental pour mon pays, a insisté M. Ryan, ajoutant que le Conseil se devait aussi de le respecter.  Il a estimé qu’il s’agirait d’un événement très grave si l’impasse actuelle devait avoir des effets adverses sur toute une série d’opérations dont le mandat doit être renouvelé.  En conclusion, le représentant a indiqué qu’il était disposé à considérer toute solution juridiquement et politiquement raisonnable permettant de résoudre rapidement la question, tout en prenant en considération les préoccupations justifiées.


M. JARGALSAIKHANY ENKHSAIKHAN (Mongolie) a rappelé que l’Article 24 de la Charte des Nations Unies confère au Conseil de sécurité la responsabilité première du maintien de la paix et de la sécurité internationales.  Il a précisé que la Cour pénale internationale ne sera compétente que dans le cas où des juridictions nationales en la matière n’existent pas ou sont défaillantes et pour connaître uniquement des crimes définis par le Statut de Rome et commis après son entrée en vigueur, à savoir le 1er juillet 2002.  Le Conseil de sécurité, a-t-il souligné, dispose de la possibilité d’avoir recours à l’article 16 du Statut de la Cour pour reporter de douze mois les enquêtes ou poursuites judiciaires dans des situations bien précises.  Dans ce contexte, le représentant a ajouté que le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale sont amenés à travailler de concert dans l’intérêt de la paix et de la sécurité internationales et non au détriment l’un de l’autre.  C’est pourquoi, il a exhorté les membres du Conseil de sécurité à protéger l’intégrité de la Cour et du Statut de Rome, du droit international mais aussi, par-là, l’intégrité de Conseil de sécurité lui-même. 


Mme CLAUDIA FRITSCHE (Liechtenstein) a jugé que La crédibilité du Conseil de sécurité était en jeu.  Une transgression de son mandat du fait des discussions actuelles aurait un impact négatif sur la CPI, mais aussi sur le Conseil lui-même.  De l’avis de sa délégation, aucune des deux approches envisagées depuis la semaine dernière n’est acceptable, ni au plan politique ni du point de vue du droit.  Le Statut de Rome apporte les garde-fous nécessaires pour prévenir toute poursuite à visée politique et le principe de complémentarité est primordial.  Mme Fritsche s’est déclarée déçue que ces sauvegardes ne semblent pas aujourd’hui suffisantes.  Maintien de la paix et justice internationale sont deux concepts complémentaires, a-t-elle poursuivi.  Il ne faut pas choisir entre l’un ou l’autre, car la communauté internationale a besoin des deux.  Et le Conseil de sécurité ne saurait imposer son choix en la matière.  Quelles que soient les options envisagées, la question de fond sera si oui ou non elles respectent un traité ratifié par 76 Etats.  Préserver l’intégrité du Statut de Rome est la seule façon pour le Conseil de préserver son intégrité et son efficacité.


M. GELSON FONSECA (Brésil) a déclaré que les opérations de maintien de la paix et la Cour pénale internationale sont deux des plus importants piliers des objectifs de revitalisation des Nations Unies.  C’est pourquoi, il s’agit de s’assurer que ces deux instruments fonctionnent de concert et de manière cohérente en relation avec le Conseil de sécurité.  En ce qui concerne la Cour pénale internationale, il a déclaré que son entrée en fonction constitue le point culminant d’un processus collectif visant à s’assurer que les crimes les plus graves tels que définis dans le Statut de Rome ne puissent plus être impunis.  Il s’est dit convaincu que ledit Statut contient les garde-fous nécessaires pour se parer des risques de voir la Cour pénale internationale utilisée abusivement ou pour des raisons éminemment politiques. 


Il est inconcevable, a-t-il par ailleurs ajouté, que des troupes de maintien de la paix mandatées par les Nations Unies puissent être associées à des crimes tombant sous la juridiction de la Cour pénale internationale.  C’est pourquoi, il a appelé les membres du Conseil de sécurité à ne pas prendre de décision hâtive qui pourrait mettre en péril l’intégrité du droit international et la crédibilité du Conseil de sécurité.  Dans le même ordre d’idées, il les a exhortés à ne pas prendre d’initiatives qui auraient pour but de réinterpréter le Statut de Rome, car le Conseil de sécurité n’est pas habilité à modifier des accords internationaux qui ont été négociés et signés par des Etats parties.  Le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale ne sont pas deux juridictions en compétition, a-t-il précisé, et l’un ne doit pas représenter une menace pour l’autre.  C’est pourquoi, un compromis doit être trouvé afin d’assurer la continuité des opérations de maintien de la paix tout en respectant les inquiétudes exprimées individuellement par des Etats.  Car, a-t-il conclu, accepter de mettre en place d’injustifiables exceptions au droit international serait un déni de ces principes et un dangereux retour en arrière pour l’Organisation des Nations Unies. 


L’Observateur de la Suisse, M. JENÖ C.A. STAEHELIN, a estimé que la question que le Conseil est appelé à trancher est d’une portée considérable.  Les opérations de maintien de la paix sont en effet une nécessité et la Suisse estime que l’exercice de la juridiction pénale internationale n’est pas en contradiction avec la poursuite de ces opérations, bien au contraire.  Certes, il faut éviter que des poursuites pénales ne soient ouvertes à la légère, mais l’adoption par le Conseil d’une résolution qui modifie un traité conforme à la Charte des Nations Unies n’est pas une solution envisageable.  “«Ce serait même un développement grave pour l’avenir du droit international et pour celui des Nations Unies”», a prévenu l’Observateur, ajoutant que le Conseil en serait lui-même directement affecté dans son autorité.


      Le Statut de Rome et les règles qui ont été élaborées en vue de son application comportent de nombreuses garanties pour prendre en compte les réticences de certains Etats, a-t-il poursuivi.  De plus, les préoccupations qui subsistent peuvent à ses yeux être prises en compte d’une manière pleinement satisfaisante par une approche qui tient compte des spécificités de chaque cas.  Estimant que seules six opérations de maintien de la paix peuvent revêtir des aspects délicats, M. Staehelin a craint qu’une résolution générale applicable aux 15   opérations en activité ne crée plus de problèmes qu’elle n’en résolve.  Selon lui, la solution passe par l’insertion de clauses spécifiques dans les résolutions concernant les six opérations en question.  Le cas de la Bosnie peut par exemple être résolu sans trop de difficultés, a-t-il expliqué, car le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a la primauté dans l’exercice de la compétence pénale internationale.  En outre, a-t-il encore précisé le Statut de Rome, prévoit la réserve des arrangements spéciaux conclus entre Etats contributeurs et Etats tiers.  La Cour pénale internationale ne pourrait donc pas poursuivre l’exécution d’une demande de remise qui serait contraire à un accord spécial.  Peut-être que cette option n’a pas été suffisamment exploré e?, s’est interrogé l’Observateur.  En conclusion, il a rappelé le droit du Conseil de sécurité de faire suspendre une procédure pénale en application de l’article 16 du Statut et a indiqué que son pays n’avait pas d’objection à ce que le Conseil exprime l’intention de faire usage, si les circonstances l’exigent dans des cas particuliers, de ces pouvoirs.  En revanche, un usage préventif généralisé de l’article 16 serait contraire au Traité.

M. KISHORE MAHBUBANI (Singapour), rappelant les dispositions de l’article 16 du Statut de Rome, a noté qu’il est aujourd’hui proposé que cet article soit renouvelé automatiquement pour une période indéterminée, tandis que certains estiment que la Charte des Nations Unies prime sur d’autres traités internationaux.  Singapour n’a pas encore adhéré au Statut de la CPI, a fait remarquer son représentant, tout en précisant qu’en tant que petit Etat, il est de l’intérêt de Singapour d’avoir un ordre international fondé sur le droit.  Nous souhaitons donc que le Conseil ne fasse rien pour affaiblir ce droit international et les instruments internationaux en vigueur.  Cependant, le Conseil de sécurité, a-t-il souligné, ne sera aussi efficace que ce que permettront ses membres: la situation mondiale a beaucoup changé depuis l’élaboration de la Charte des Nations Unies et il est vrai que les Etats-Unis ont été amenés depuis la fin de la guerre froide à déployer largement leurs troupes dans de nombreuses régions du monde.  La communauté internationale a donc tout intérêt à maintenir le cadre multilatéral des relations.  M. Mahbubani s’est néanmoins dit encouragé par les changements d’attitudes entre les membres du Conseil dans leur recherche d’une solution pragmatique.  Il faut trouver un compromis pour que la population de Bosnie-Herzégovine ne soit pas menacée.  Il a mentionné des tentatives de compromis de la part des Etats-Unis, de la France et du Royaume Uni autour de l’article 16 et estimé qu’un consensus sera possible autour de cet article.


M. JAGDISH KOONJUL (Maurice) a déclaré que toute décision future sur l'avenir des missions de maintien de la paix devrait tenir compte non seulement de l'avis des 15 membres du Conseil, mais aussi de celui des autres Etats Membres.  La situation que traverse le renouvellement de la MINUBH met en danger tous les acquis de cette Mission.  Le veto et l'insistance d'un Etat non partie au Statut de Rome sur la question d'une immunité des Casques bleus sont difficiles à accepter.  A notre connaissance, aucun soldat de la paix n'a jamais été poursuivi pour les crimes mentionnés dans le Statut de Rome.  La CPI venant en complémentarité des juridictions nationales, notre délégation a du mal à comprendre les peurs évoquées par certains Etats.  Il serait inacceptable de saper l'intégrité du Statut de Rome.  L'interprétation faite par les Etats-Unis de l’article 16 du Statut n'est pas acceptable.  Le Secrétaire général a raison quand il dit que l'article 16 ne peut être invoqué qu'au cas par cas.  Le Statut de Rome contient suffisamment de gardes-fous pour rassurer tous les pays en ce qui concerne le fonctionnement de la Cour.


M. ADOLFO AGUILAR ZINSER (Mexique), se ralliant à la position exprimée par Costa Rica, au nom du Groupe de Rio, s’est inquiété des propositions qui visent à accorder l’immunité aux contingents fournis aux opérations de maintien de la paix.  Le représentant a considéré que la crédibilité du Conseil serait menacée s’il acceptait des mesures allant à l’encontre des dispositions d’un organisme international.  Le Conseil n’est pas l’instance appropriée pour examiner les questions relatives à la Cour pénale internationale, a-t-il aussi estimé.  Une immunité donnée aux soldats de maintien de la paix ne serait pas compatible avec l’exigence de pleine coopération avec les tribunaux internationaux; il y a en outre dans ces propositions un amendement au Statut qui, s’il est adopté, créerait un précédent négatif.  Invoquer l’article 16 du Statut de Rome pour donner immunité aux troupes est inacceptable: toute décision qui s’appuierait sur l’article 16 en l’interprétant contrairement à son esprit effriterait le principe fondamental de l’indépendance de la Cour, a-t-il prévenu. 


Compte tenu du leadership des Etats-Unis et de leurs importantes contributions internationales, le Mexique a regretté qu’ils ne ratifient par le Statut de Rome.  Quoi qu’il en soit, celui-ci résulte d’un équilibre fragile que le Conseil ne saurait modifier.  Enfin, pour le délégué, le Statut de Rome donne aux Etats Unis les garanties suffisantes pour protéger leurs intérêts. 


M. PETER KOLBY (Norvège) a regretté que les débats en cours puissent nuire à la situation de la Mission de la paix en Bosnie-Herzégovine et risque de mettre en péril le processus de reconstruction et de réforme en cours dans ce pays.  Il a déclaré qu’il était très important que le Groupe international de police puisse continuer sa mission alors que les premières élections organisées par les autorités bosniaques depuis les Accords de Dayton doivent se tenir le 5 octobre prochain.  Tout en se félicitant de la capacité de l’Union européenne de reprendre la relève plutôt que prévu en cas de crise, il a formé le voeu que l’option prioritaire à retenir soit celle du maintien de la MINUBH jusqu’à la date initialement arrêtée.  En ce qui concerne les inquiétudes formulées quant à la protection du personnel des missions, il a déclaré que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale contient des garde-fous suffisants contre les poursuites arbitraires.  Dans le même ordre d’idées, le représentant a rappelé que la Cour ne pouvait exercer sa compétence que pour pallier les carences des juridictions nationales afin de mettre fin à l’impunité des auteurs de crimes les plus graves. 


M. CHUCHAI KASEMSARN (Thaïlande) a déclaré que son pays partage les inquiétudes que soulèvent les évènements qui ont eu lieu ces derniers temps au sein du Conseil de sécurité, et qui menacent la crédibilité, l'efficacité et l'intégrité du Statut de la Cour pénale internationale, qui est entré en vigueur le 1er juillet 2002.  Avec ses 139 pays signataires et ses 76 Etats parties, le Statut de Rome est le résultat de plusieurs décennies de négociations menées par les membres de la communauté internationale en vue de mettre fin à l'impunité des auteurs de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre, de génocides, et de violations graves des droits de l'homme.  Le Statut de Rome est la pierre angulaire la plus visible de l'évolution du droit international.  Notre pays l'a signé le 2 octobre dernier et notre Gouvernement et notre Parlement l’examinent actuellement en vue de le ratifier dans les meilleurs délais.  Les travaux des membres du Conseil ne doivent pas porter atteinte à l'inviolabilité du droit international et à l'esprit multilatéral.  Nous leur demandons donc de préserver l'indépendance de la CPI, son caractère complémentaire aux juridictions nationales et son efficacité.


Mme ADRIANA PULIDO SANTANA (Venezuela) a souscrit à la déclaration du Costa Rica, faite au nom du Groupe de Rio, et rappelé que son pays avait été l’un des premiers d’Amérique latine à ratifier le Statut de Rome, soulignant ainsi l’importance qu’il accorde à la Cour pénale internationale (CPI) pour juger et punir les auteurs des crimes internationaux les plus odieux.  Elle a donc exprimé sa préoccupation face à la situation créée au Conseil, organe qui pourrait par une de ses décisions affaiblir la portée de la CPI et le droit international.  Une décision contraire au Statut de Rome constituerait un excès de compétence, a-t-elle estimé.  La paix n’est pas contraire au droit international et le Venezuela espère que le Conseil adoptera une décision respectueuse, dans l’esprit et la lettre du Statut de Rome.


M. AMRAIYA NAIDU (Fidji) a estimé que tant la Cour pénale internationale que les activités de maintien de la paix sont des éléments du renforcement de l’objectif fixé par la Charte des Nations Unies en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales pour lesquelles le Conseil de sécurité est l’organe mandaté.  Il n’est pas concevable que l’un puisse menacer l’autre et c’est pourquoi, ils doivent être tous deux encouragés.  Important contributeur au personnel du maintien de la paix, Fidji a aussi été le cinquième pays à ratifier le Statut de Rome le 29 novembre 1999, a rappelé le représentant, avant d’expliquer que son pays avait pris cette décision en sachant que le Statut permettait aux Etats Membres de rapatrier leurs soldats de la paix afin qu’ils soient déférés devant une juridiction nationale.  Une option que Fidji a d’ailleurs utilisée pour plusieurs cas récents.  Outre ce mécanisme, l’existence de chambres préliminaire et d’appel garantit l’intégrité et l’impartialité de la Cour contre toute allégation à motivation politique. 


Fidji ne considère absolument pas la Cour pénale internationale comme une menace à la paix et à la sécurité internationales et par conséquent, estime que l’article 16 du Statut ne peut être invoqué, car il concerne les menaces ou les actes d’agression énumérés au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.  Fidji estime en outre que l’émergence de la Cour ne peut que contribuer à l’ambition mondiale de construire véritablement une diplomatie préventive.  Par ailleurs, les fonctions et pouvoirs du Conseil de sécurité ne lui donnent nullement la possibilité d’amender des traités et le faire ne serait que violer les principes établis du droit en la matière, a prévenu le représentant.  C’est pourquoi, accorder les concessions contenues dans le projet de résolution ne ferait qu’instaurer un précédent dangereux, aux conséquences graves tant pour la Cour que pour le Conseil lui-même.


M. MIRZA KUSLJUGIC (Bosnie-Herzégovine) a rappelé que son pays, après avoir connu au cours de la dernière décennie génocide et crimes de guerre, avait signé et ratifié le Statut de la Cour permanente pénale internationale.  Nous sommes aujourd’hui confrontés aux préoccupations de certains concernant un possible détournement des activités de cette Cour internationale, et la participation des Casques bleus à la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH) et aux autres missions de maintien de la paix, a-t-il souligné.  Néanmoins, tout pays concerné devrait se souvenir des dispositions du Statut.  Puis, le délégué a insisté sur le fait que son pays considérait comme essentiel le maintien de la MINUBH pour les six prochains mois, car ceci permettrait une transition souple avec l’Union européenne.  Il s’agit de consolider la sécurité et l’indépendance de la justice, a souligné M. Kusljugic.  Il serait fort dommageable qu’une mission aussi réussie prenne fin brutalement, a-t-il fait remarquant, appelant à la raison et à la sagesse ceux qui ont pour mission de maintenir la paix dans le monde. 


M. VALERI KUCHYNSKI (Ukraine), en tant que représentant d’un pays qui compte parmi les principaux fournisseurs de contingents et d’un Etat signataire du Statut de Rome, a fait valoir que dans les circonstances présentes, une décision du Conseil de sécurité affecterait les développements à venir du droit international et influencerait les pratiques de l’ONU dans le domaine du maintien de la paix.  Il s’agit donc d’agir avec précaution.  Pour le représentant, la solution retenue ne devrait pas affaiblir les opérations de maintien de la paix; ne devrait pas nuire à l’intégrité du Statut de Rome; ne devrait pas créer un précédent par lequel le Conseil de sécurité aurait empiété sur le droit souverain des Etats Membres à élaborer des traités; et ne devrait pas susciter de conflit entre les prérogatives du Conseil en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies et les obligations juridiques des Etats Membres découlant de cette même Charte.  Enfin, le représentant de l’Ukraine a regretté que la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH), après ses succès, soit menacée d’une fin abrupte; il a appuyé les efforts de l’Union européenne pour éviter qu’un vide ne s’instaure en Bosnie-Herzégovine et assuré que son pays continuerait d’y participer.


M. BOUBACAR DIALLO (Guinée) a estimé que la question de la prorogation du mandat de la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine mérite une approche globale qui tiendrait compte à la fois de ses aspects juridiques et politiques.  L’entrée en vigueur, le 1er juillet dernier, du Statut de Rome, quatre années seulement après son adoption en 1998, prouve à quel point la communauté internationale est davantage déterminée à lutter contre toutes les formes d’impunité, notamment les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide.  C’est la relation entre les Etats parties et ce traité qui donne à la Cour pénale internationale toute son intégrité et toute sa force.  Or, conformément au principe du droit international et en tenant compte de la hiérarchie des normes juridiques, aucune résolution du Conseil de sécurité ne pourrait modifier une disposition d’un traité international. 


Le représentant a ensuite dit comprendre parfaitement les préoccupations de certains Etats, non parties au Statut de Rome, concernant à une comparution éventuelle de leurs citoyens, membres des forces de maintien de la paix des Nations Unies, devant la Cour dont ils ne reconnaissent pas l’autorité.  Il a toutefois souligné que selon le principe de complémentarité, les juridictions nationales conservent leurs responsabilités premières en matière de poursuites et de jugement.  Il a aussi souscrit à la déclaration du Secrétaire général, le 30 juin dernier, selon laquelle la prorogation du mandat de la MINUBH ne devrait pas être liée au Statut de Rome.  C’est pourquoi, il appartient à chacun des membres d’adopter une démarche qui pourrait concilier les différents aspects du triptyque: prorogation du mandat, préservation de l’intégrité du Statut de Rome et sauvegarde des opérations de maintien de la paix.


Pour M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie), les négociations qui suivront ce débat devront prendre en considération les opinions des Etats Membres qui y auront participé, ainsi que la lettre du Secrétaire général envoyée au Secrétaire d’Etat américain et distribuée le 3 juillet aux membres du Conseil: il s’agit à ce jour du seul avis de caractère international sur la question, qui constitue donc une référence obligatoire pour ceux qui ont signé le Statut et sont membres du Conseil.  Une résolution du Conseil de sécurité adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte ne saurait ignorer les dispositions du Statut de Rome, a-t-il estimé.  Elle ne saurait interpréter les dispositions de ce Statut au-delà de leur contenu ni contredire leurs objectifs.  Agir de manière contraire nous mènerait à l’impasse, a prévenu le représentant.  D’un côté, le Conseil aurait des compétences qui affecteraient l’autorité de la Cour pénale internationale et de l’autre, on attendrait de la CPI qu’elle agisse sur la base des décisions du Conseil et non plus sur celle du Statut qui lui a donné naissance.  Le délégué a estimé que le Conseil devrait trouver une solution compatible avec les dispositions du Statut de Rome, tout en préservant l’avenir des opérations de maintien de la paix. 


M. TUILOMA NERONI SLADE (Samoa) s’est réjoui de la tenue du présent débat qui permet à son pays d’exprimer sa foi inaltérable dans le Statut de Rome.  Samoa s’inquiète du fait que le projet de résolution soumis au Conseil concernant la Mission en Bosnie-Herzégovine puisse saper les objectifs et la teneur même du Statut.  En outre, il touche des questions fondamentales comme celles des devoirs et obligations des Etats Membres en vertu du droit international, qui pourraient avoir des répercussions sur le rôle du Conseil de sécurité.  Son pays est convaincu que chaque Etat ayant signé ou ratifié le Statut est tenu de ne pas agir en contradiction avec son contenu.  En réalité, au regard de la Convention de Vienne, les Etats ont l’obligation juridique de préserver l’intégrité du Statut et de ne l’affaiblir sous aucun prétexte.  Or, le projet de résolution soumis par les Etats-Unis propose de placer les soldats de la paix hors d’atteinte de la juridiction de la Cour et de leur assurer l’immunité.  Une telle exemption est inutile et poserait les mauvaises normes, a affirmé le représentant, ajoutant qu’elle serait de plus en contradiction avec l’article 16 du Statut qui vise à mettre un terme à la culture d’impunité.  Plus encore, le projet de résolution tente de garantir l’immunité permanente, alors que le Statut vise précisément à permettre au Conseil de juger chaque cas en fonction de ses circonstances particulières. 


M. Slade a indiqué qu’il comprenait et respectait les préoccupations des Etats-Unis mais il a estimé que le consensus auquel on est parvenu à Rome, par l’intermédiaire notamment du principe de complémentarité, laisse clairement aux instances judiciaires nationales la responsabilité première des poursuites contre leurs ressortissants.  Pour Samoa, ces dispositions offrent une véritable protection et répondent aux préoccupations exprimées.  En conclusion, il a espéré que le Conseil trouvera une solution concrète au problème car on ne peut tolérer de mettre en péril le Statut de Rome.


M. HASMY AGAM (Malaisie) s’est félicité de l’efficacité de la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine et a souhaité qu’elle puisse se maintenir sans interruption pour s’acquitter efficacement du mandat que lui a confié le Conseil de sécurité, en particulier la tenue des élections du 5 octobre 2002.  Ce serait une honte, a-t-il ajouté, si les élections devaient échouer parce que le Conseil de sécurité n’a pas réussi à proroger le mandat de la MINUBH.  C’est pourquoi, il a formé le voeu que le Conseil n’entreprenne rien qui puisse mettre en péril ladite mission et porter atteinte aux espoirs et aspirations du peuple de Bosnie-Herzégovine.


Par ailleurs, le représentant de la Malaisie a déclaré qu’il respectait les inquiétudes exprimées par les Etats-Unis à l’égard de la Cour pénale internationale.  Néanmoins, il a tenu à préciser que l’entrée en fonction de la Cour pénale internationale est une étape décisive du droit international pour répondre au problème à l’impunité dont jouissent les auteurs de crimes de guerre, de génocide et autres crimes contre l’humanité.  A cet égard, il a estimé qu’accorder une immunité aux troupes de maintien de la paix reviendrait à dire qu’elles sont au-dessus de la loi, ce qui serait inacceptable.  Evoquant les craintes des Etats-Unis, il a dit qu’elles étaient sans fondement et a donc exhorté les Etats-Unis à reconsidérer leur position.  Il a rappelé que le Conseil de sécurité n’était pas habilité à modifier les dispositions d’un traité international.  En conclusion, il a formé le voeu que le Conseil de sécurité puisse faire preuve de la sagesse collective et de la volonté politique nécessaires pour régler ce différend aussi rapidement que possible pour éviter de mettre en péril la MINUBH et le fonctionnement des autres missions de maintien de la paix. 


Pour M. HANNS SCHUMACHER (Allemagne), l’un des principaux enseignements à tirer du passé est que l’impunité en matière de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre ne peut être tolérée.  En vue de proroger le mandat de la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine, il a été demandé au Conseil d’invoquer le Chapitre VII de la Charte afin d’assurer l’immunité du personnel de maintien de la paix.  Or, aucun des cas envisagés dans ce Chapitre ne s’applique aux circonstances actuelles et prenant une telle décision, le Conseil ne ferait que courir le risque de saper sa propre autorité et sa crédibilité.  L’Allemagne est fermement convaincue que l’adoption d’une telle résolution rendrait un bien mauvais service à la communauté mondiale car cela reviendrait à amender de facto un important traité ratifié par 76 Etats.  C’est pourquoi, elle demande instamment aux membres du Conseil de trouver une solution au cas par cas permettant de préserver l’intégrité de cet organe et le régime des traités internationaux. 


M. MIKHAIL WEHBE (République arabe syrienne) a déclaré que son pays a participé à tout le processus de création de la Cour pénale internationale (CPI) et continue de prendre part aux travaux de la Commission préparatoire de la Cour.  Le maintien de la stabilité et de la paix dans les différentes parties du monde a toujours eu le soutien de la Syrie.  Les forces de maintien de la paix ne peuvent commettre de crimes graves dans le cadre des mandats de l'ONU.  Mais si elles le faisaient, elles devraient en répondre.  La CPI est une Cour permanente dont le fonctionnement, selon la teneur de son Statut, est non discriminatoire et non politique.  La CPI vient renforcer le droit international et aura un effet dissuasif contre tous ceux qui seront tentés de violer ou détruire la vie humaine.  La Cour travaillera sur la base de la complémentarité et ne pourra se mettre en branle tant qu'il n'est pas démontré que les juridictions nationales n'ont pas rempli leur devoir.  Le Statut de Rome comprend un certain nombre de garanties et de gardes-fous qui devraient rassurer tous les Etats.  Le maintien de la paix ne devrait donc pas être pris en otage par des considérations dont l'origine est clairement ailleurs.  Nous avons le devoir de maintenir les opérations de paix et de les renforcer.  Le Conseil n'est pas habilité à prendre de décisions en vertu du Chapitre VII en vue d'amender un traité international.  Son mandat, qui se limite au maintien de la paix et de sécurité internationales ne le lui permet pas.  Nous espérons pouvoir sortir de l'impasse actuelle en préservant en même temps la crédibilité du Conseil.


Pour M. IYA TIDJANI (Cameroun), il est aujourd’hui indispensable de parachever l’œuvre immense accomplie en Bosnie-Herzégovine et de maintenir les conditions favorables à une solution négociée à Prevlaka.  Aussi, le Cameroun souhaite-t-il ardemment la prorogation du mandat de la MINUBH jusqu’au 31 décembre 2002.  Rappelant le rôle irremplaçable des Etats-Unis dans le maintien de la paix, il a assuré que sa délégation comprenait que ceux-ci s’interrogent sur le risque de poursuite politisé à l’encontre de leurs personnels et cherchent les voies de pallier ce risque.  Mais il faut tout mettre en œuvre pour éviter d’affaiblir la Cour pénale internationale, pour la rendre efficace, car sa contribution au maintien de la paix est inestimable.  Il ne faut donc pas qu’il y ait opposition entre la Cour pénale internationale et le Conseil de sécurité car ils oeuvrent tous deux pour la paix.  A l’instar de la France,  poursuivi le délégué, le Cameroun pense que l’article 16 du Statut de Rome et le principe de complémentarité peuvent constituer la base d’une solution pouvant d’une part concilier le Statut de la Cour et les profondes préoccupations des Etats-Unis auxquelles il convient d’attacher l’attention nécessaire et d’autre part sauvegarder les opérations de maintien de la paix sous l’égide des Nations Unies. 


M. ALLIEU I.KANU (Sierra Leone) a rappelé que les victimes de crimes haineux dans son pays, ainsi que dans le monde entier, réclamaient que justice soit faite.  Elles appellent l’ONU et spécialement le Conseil de sécurité à lutter contre l’impunité et à demander des comptes aux auteurs de ces crimes.  Dans le même temps, a poursuivi le délégué, on ne peut imaginer que des soldats de maintien de la paix puissent se retrouver mêlés à des atrocités commises à grande échelle.  Par conséquent, il a assuré que son pays n’appréhendait aucunement que des Casques bleus sierra-léonais se retrouvent devant la Cour pénale internationale (CPI).  Et quand bien même, a-t-il souligné, la justice sierra-léonaise garderait la primauté sur la CPI.  Rappelant que son pays avait signé puis ratifié le Statut de Rome en septembre 2000, M. Kanu a souhaité que le Conseil de sécurité agisse en tenant compte du maintien de la paix.  Il a appelé ses membres, lors de leurs délibérations, à respecter le droit international en gardant à l’esprit que l’enjeu n’est pas seulement de respecter des normes universelles mais aussi la vie et le bien-être de millions d’individus.


M. ARNOLDO LISTRE (Argentine) a tout d’abord souscrit à la déclaration de Costa Rica, faite ce matin au nom du Groupe de Rio.  Les dispositions de la Cour pénale internationale (CPI) traduisent la volonté de créer un système ménageant les besoins de fonctionnement d’une sécurité collective et la souveraineté des Etats.  Il n’existe pas, a-t-il jugé, de contradiction entre l’un et l’autre.  Pour le délégué, les propositions examinées aujourd’hui porteraient préjudice à la CPI et au Conseil de sécurité, et plus largement aux Nations Unies et à la primauté du droit.  Elles affecteraient l’intégrité du Statut de Rome, affaiblissant le pouvoir de la CPI d’administrer la justice de manière impartiale; elles remettraient en cause la légitimité du Conseil de sécurité par excès de compétences.  Ce qui est en jeu ici est la poursuite de la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine et les capacités du Conseil en matière de paix internationale.  Aussi, le délégué a-t-il souhaité que les membres du Conseil trouvent une solution concrète permettant de renouveler le mandat de la MINUBH et garantissant l’avenir des missions de paix et celui de la Cour pénale internationale.


M. DEJAN SAHOVIC (République fédérale de Yougoslavie) a déclaré que la Cour pénale internationale sera la base de tout le système judiciaire international.  Le Conseil doit examiner le statut d'un certain nombre de missions de l'ONU ces jours-ci, et notamment celle de Prevlaka.  Il est temps que la coopération et l'unanimité reviennent au sein du Conseil.  En Bosnie-Herzégovine, le rôle du Conseil et de la mission de l'ONU sont irremplaçables.  Des forces politiques de la région continuent de souhaiter l'échec du processus de paix et de normalisation dans les Balkans.  Elles profiteraient certainement du vide que laisserait un retrait intempestif de la MINUBH.  Nous souhaitons qu'une solution permettant de préserver à la fois la crédibilité du Conseil et le respect du droit international soit rapidement trouvée.


Pour M. BRUNO RODRIGUEZ PARRILLA (Cuba), le Conseil n’est pas l’instance appropriée pour débattre du droit international ni de la Cour pénale internationale car la Charte des Nations Unies ne lui en a pas conféré la compétence.  Le débat d’aujourd’hui, a-t-il néanmoins poursuivi, porte sur l’essence même du système de l’ONU et sa capacité à maintenir la paix.  Cuba n’est pas partie au Statut de Rome, a-t-il rappelé, mais estime que les droits légitimes des Etats qui l’ont ratifié doivent être respectés.  L’attitude des Etats-Unis et l’annulation de leur signature le 6 mai dernier a montré qu’il n’y avait aucune garantie sur des instruments juridiques déjà signés par ce pays.  Mais le Conseil n’a aucune prérogative lui permettant d’amender des traités, ni celle d’en extraire certaines dispositions. 


Si le Conseil donnait son aval à cette violation grossière de la Charte des Nations Unies et du droit international, il mettrait en danger les principes fondamentaux des Nations Unies et leur existence même, telle que définie par la Charte.  Il est inacceptable que les Etats-Unis prennent aujourd’hui les opérations de maintien de la paix de l’ONU en otage.  C’est pourquoi, nous appuyons la lettre adressée par le Secrétaire général au Département d’Etat américain selon laquelle les propositions des Etats-Unis auraient pour conséquence de discréditer le Conseil de sécurité, a poursuivi le délégué.  La délégation cubaine appelle les membres du Conseil à agir en vertu de leurs obligations.


M. JEREMY GREENSTOCK (Royaume-Uni) a rappelé que son pays comprenait sans les partager les préoccupations américaines mais qu’elles étaient traitées dans les dispositions du Statut de Rome.  Le Royaume-Uni a toujours estimé que les membres du Conseil et des Nations Unies devraient être disposés à appuyer une solution responsable permettant à la Cour pénale internationale de s’acquitter de ses fonctions, tout en permettant la poursuite des opérations de maintien de la paix.  Le représentant a assuré que son pays continuera de travailler sur ces deux objectifs et d’assurer la sécurité en Bosnie-Herzégovine.  Il a appelé toutes les parties à fournir une bonne base à l’engagement des Nations Unies en Bosnie et ailleurs.  Quant aux pouvoirs du Conseil en la matière, le Royaume-Uni partage l’avis selon lequel les décisions du Conseil doivent être prises dans le cadre des pouvoirs conférés par la Charte des Nations Unies et conformément au Statut de la CPI, a-t-il conclu.


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