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CS/2325

TOUT EN ENVISAGEANT DE CLORE AU 31 DECEMBRE LA MISSION EN BOSNIE-HERZEGOVINE, LE SECRETAIRE GENERAL PREVIENT QUE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DEVRA CONTINUER A FAIRE PREUVE D’UN ENGAGEMENT FERME

19/06/02
Communiqué de presse
CS/2325


Conseil de sécurité

4554ème séance – matin


TOUT EN ENVISAGEANT DE CLORE AU 31 DECEMBRE LA MISSION EN BOSNIE-HERZEGOVINE, LE SECRETAIRE GENERAL PREVIENT QUE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE DEVRA CONTINUER A FAIRE PREUVE D’UN ENGAGEMENT FERME


L’absence de conscience politique, l’impunité des criminels

de guerre et le manque de primauté du droit restent à surmonter


Le Représentant spécial du Secrétaire général et Coordonnateur des opérations des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine, M. Jacques Paul Klein, a informé le Conseil de sécurité, ce matin, lors d’une séance formelle, de l’évolution récente de la situation dans ce pays.  D’emblée, il a rappelé que la Mission devait être close à la fin de cette année, ainsi que le recommande le Secrétaire général sur la base des derniers progrès enregistrés.  Cette recommandation n’est toutefois pas sans paradoxe car, alors que la Mission s’apprête à achever avec succès son mandat de base - après sept années de  présence -, la Bosnie-Herzégovine continue, elle, de nécessiter le soutien et l’attention de la communauté internationale.  « La paix ne se suffit pas encore à elle-même en Bosnie-Herzégovine » et de sérieux problèmes de criminalité et de corruption, notamment, sont apparus et la situation du pays reste somme toute fragile sur le plan interne, a-t-il clairement prévenu.


Il est trois obstacles majeurs à cela : le manque d’implication des citoyens dans la vie politique de l’Etat, la présence continue de criminels de guerre sur le territoire, et l’absence de la primauté du droit.  Trois éléments qui sont intrinsèquement liés, a précisé M. Klein, avant d’avertir que tant que ces questions ne sont pas résolues, la communauté internationale ne pourra pas réduire ou mettre un terme à son engagement en Bosnie-Herzégovine, sans prendre de grands risques sur le plan national comme sur le plan régional.


Le défi politique tient essentiellement au fait que deux personnes sur trois ne croient toujours pas dans l’Etat bosnien et estiment que la Bosnie-Herzégovine leur a été imposée.  Or il faut comprendre que l’Etat de Bosnie-Herzégovine n’est pas une alternative mais une précondition essentielle de l’Europe.  Tant que cet obstacle n’aura pas été surmonté, les trois armées coûteuses continueront de se considérer ennemi l’une de l’autre et resteront présentes dans le pays, au risque d’entraîner l’implosion interne, et emprisonnant la SFOR dans un rôle de force de stabilisation.  En outre, tant que les criminels de guerre, notamment Radovan Karadzic et Ratko Mladic, resteront en fuite, la réconciliation nationale véritable ne sera pas possible.  La voie la plus rapide est de mettre un terme à la culture de l’impunité et d’envoyer Karadizc et Mladic devant le Tribunal de La Haye, a clairement posé M. Klein.  Enfin concernant la primauté du droit, il a expliqué qu’il était faux de penser que celle-ci pouvait être restaurée uniquement par une réforme de la police.  Une réforme globale du secteur judiciaire est aussi


nécessaire, et si elle est actuellement en cours, elle n’a pas encore permis de rétablir tous les déséquilibres et les lacunes.  En outre, les ressources et l’énergie nécessaires pour mener pleinement à bien cette réforme sont énormes et exigent un engagement réel de tous, a insisté M. Klein.


En conséquence, le Secrétaire général propose de proroger le mandat de la MINUBH jusqu’au 31 décembre de cette année, avant de transmettre le « flambeau » à l’Union européenne.  L’effectif de la Mission serait maintenu à 1 600 membres de la police jusqu’au 5 octobre, date des élections générales, puis ramené à 460 officiers.  Après cette séance, le Conseil de sécurité tiendra des consultations officieuses pour rédiger un projet de résolution statuant sur ces propositions.


Aux fins de l’examen de cette question, le Conseil était saisi d’un rapport du Secrétaire général.


LA SITUATION EN BOSNIE-HERZEGOVINE


Exposé


M. JACQUES PAUL KLEIN, Représentant spécial du Secrétaire général et Coordonnateur des opérations des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine, a rappelé que le Secrétaire général avait recommandé la clôture de la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH) à la fin de l'année et que lui-même soutient cette recommandation.  Toutefois, le soutien et l'attention de la communauté internationale demeurent nécessaires en Bosnie-Herzégovine car de sérieux problèmes apparaissent, notamment la criminalité et la corruption et des résidus de la guerre subsistent, la situation reste fragile au plan interne et peu de signes encourageants sont annoncés au plan externe, a-t-il expliqué.


Comme beaucoup de pays en transition, la Bosnie-Herzégovine est confrontée à des défis économiques, sociaux et politiques; toutefois, on note une absence d’engagement des citoyens envers leur nouvel Etat et des lois établies tandis que persiste la présence de criminels de guerre.  Tant que ces questions ne seront pas résolues, la communauté internationale ne peut réduire ni mettre fin à son engagement, a-t-il estimé, sous peine de devoir intervenir de nouveau à l'avenir.  Au plan politique, deux des trois peuples présents ne croient toujours pas en ce nouvel Etat, un dirigeant serbe affirmant qu'il ne croit qu'en la Republika Srpska et en l'Europe.  Quant aux Croates, plutôt que de jouir des prérogatives que leur accordent les Accords de Dayton, ils se laissent griser par les sirènes d'une poignée de criminels.  La situation demeure en conséquence précaire, d'autant que trois armées continuent de cohabiter à l’intérieur d’un seul Etat.  La Force de stabilisation (SFOR) est confinée dans un rôle de force stabilisatrice sans aucune avancée possible.  Les élections prévues en octobre représentent une occasion de changements 


Evoquant ensuite ce qui constitue, à ses yeux, la deuxième entrave au processus, M. Klein a souligné que tant que les criminels de guerre inculpés, notamment MM. Karadzic et Mladic, restent en liberté, aucune stabilisation politique n'est possible, pas plus que la réconciliation.  Il faut les arrêter, car ils continuent d'encourager les extrémistes et d'intimider les modérés.  Tant que vous n'avez pas arrêté et puni les coupables, vous ne pouvez absoudre les innocents.  Ce qui m'amène, a-t-il poursuivi, à la nécessité de faire régner la loi: le nouveau Haut Représentant, M. Paddy Ashdown, en a d'ailleurs fait sa priorité, a-t-il rappelé.  Depuis sept ans, la MINUBH est pratiquement la seule à affirmer que l'imposition de la loi est un élément essentiel de la paix.  On a pensé que la réforme de la police y suffirait.  Puis, entre 1998 et 2000, le Programme d'évaluation du système judiciaire a montré que l'ensemble des structures fonctionnait mal mais jusqu'à cette année, rien de sérieux n'a été mené pour y remédier.  En conséquence, pour M. Klein, la criminalité organisée et la corruption menacent la viabilité de l'Etat et la sécurité dans la région.  Le nouveau Haut Représentant a déjà introduit une nouvelle législation destinée à lutter contre la criminalité organisée mais il ne faut pas sous-estimer l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir.  La MINUBH est allée aussi loin que possible dans la réforme de la police, a-t-il estimé, mais l'engagement international reste indispensable.  


Le Représentant spécial a ainsi rappelé que la police comptait, début 1996, 44 000 hommes organisés en forces paramilitaires ethniques.  Aujourd'hui, la MINUBH a créé une véritable police compatible avec les normes européennes; les changements sont autant qualitatifs que quantitatifs, a-t-il fait valoir.  L'agrément final de 17 000 policiers provisoires dépend maintenant des ultimes tests et vérifications; la représentation des minorités ne s'est pas améliorée aussi vite que nous l'aurions souhaité mais ne constitue plus un obstacle.  Par ailleurs, le Programme STOP, qui concerne la lutte contre le trafic des personnes est la plus vaste opération de ce type dans la région : la moitié des maisons de prostitution ont été fermées au cours des douze derniers mois; les Services des frontières sont l'une des rares institutions qui fonctionnent et ont permis de réduire l’immigration clandestine de plus de 25 000 à 2 000 personnes à l'aéroport de Sarajevo.  La MINUBH a également contribué à l'éducation civique et à la promotion des droits de l'homme, a poursuivi  M. Klein, ajoutant qu'elle avait aussi mené des campagnes contre la violence domestique.  Pour M. Klein, l'action de la police a permis le retour de réfugiés issus de minorités et le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) n'exclut pas que 130 000 nouveaux retours puissent s'effectuer cette année, soit 30 % de plus qu'en 2001.  Evoquant la région particulière de Srebrenica, le Représentant spécial du Secrétaire général a rappelé que la conférence des donateurs tenue sous les auspices du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) avait permis de lever 4,2 millions de dollars de promesses de dons directs, soit un tiers des besoins pour les trois prochaines années. 


Pour M. Klein, la Mission a réussi dans trois domaines : le Plan d'application du mandat a fourni à la MINUBH ses buts stratégiques et sa stratégie de sortie; notre travail a apporté confiance et sécurité, permettant le retour des réfugiés et des personnes déplacées; enfin, nous avons réussi à créer une force de police adéquate pour l'Europe.  Restent maintenant plusieurs questions à régler :  les financements locaux demeurent insuffisants pour couvrir un déploiement complet du service de contrôles aux frontières, dont 88 % seulement sont actuellement assurés.  Aussi, M. Klein a-t-il appelé les pays qui profitent de cette nouvelle sécurité à leurs frontières à considérer les moyens de nous aider à achever ce projet.  En conclusion, M. Klein a évoqué la transition avec la Mission de police de l'Union européenne, rappelant que le chef du Groupe international de Police (GIP), M. Frederiksen, avait pris ses fonctions le 1er juin 2002 et va achever le mandat de police de la MINUBH avant d'assumer la direction de la mission européenne.  Le calendrier est bien suivi, a-t-il dit, mais le succès de cette mission dépendra de la coopération de l'Union européenne.


Rapport du Secrétaire général sur la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (S/2002/618)


Ce rapport rend compte des progrès réalisés par la Mission des Nations Unies en Bosnie-Herzégovine (MINUBH) et passe en revue les activités qu’elle a menées conjointement avec d’autres organismes des Nations Unies depuis le 29 novembre 2001.  Il précise qu’au 1er juin dernier, M. Sven Christian Frederiksen a remplacé M. Vincent Coeurderoy en tant que chef du Groupe international de police GIP) de la Mission, dont l’effectif est actuellement de 1 586 (contre l’effectif autorisé de 1 850).


Le Secrétaire général estime que la MINUBH progresse rapidement vers son objectif, qui est d’achever les principales tâches lui incombant en vertu de son mandat : comme par exemple, la mise en train de la phase finale de l’opération de confirmation des membres de la police, le progrès rapide du projet d’analyse des systèmes pour achever la restructuration des forces de police à l’échelon national, l’expansion du Service de police des frontières, qui contrôle désormais 88% de la frontière, le lancement d’opérations coordonnées utilisant les mécanismes établis par la MINUBH pour la coopération entre la police régionale et les deux entités, l’accréditation du Service de police du district de Brcko, et l’unification de la police de Mostar.


Deux projets essentiels ont toutefois besoin d’un soutien supplémentaire pour pouvoir être achevés cette année.  Le premier concerne la création du poste permanent de chef de la police de la Fédération.  Il s’agit là d’un objectif prioritaire de la Mission, qui cherche à mettre les forces de l’ordre à l’abri de toute ingérence politique.  En conséquence, le Secrétaire général demande instamment aux autorités de la Fédération de souscrire à la création de ce poste au Ministère fédéral de l’intérieur et de promulguer la législation nécessaire sans tarder.  Le second projet concerne le Service de la police des frontières.  La MINUBH a mené à bien tous les préparatifs nécessaires pour assurer son déploiement intégral d’ici au mois de septembre.  Eu égard cependant aux difficultés économiques de la Bosnie-Herzégovine et à d’autres priorités, le montant prévu au budget de l’Etat pour 2002 ne suffira même pas pour financer les effectifs actuels de ce service pendant toute une année.  Tout retard apporté au déploiement de ce service aura des effets néfastes sur la lutte contre les migrations illégales, la criminalité organisée et le terrorisme en Europe, prévient clairement le Secrétaire général.  Il engage donc les autorités de l’Etat à accorder la priorité au financement du Service de la police des frontières et les donateurs potentiels à envisager de verser des contributions financières supplémentaires à ce titre.


Le Secrétaire général rappelle ensuite que la MINUBH doit achever ses tâches essentielles d’ici à décembre 2002.  Mais les faiblesses systémiques de l’état de droit en Bosnie-Herzégovine, et les manoeuvres d’obstruction, l’ingérence et les activités illégales continues des extrémistes politiques et des organisations criminelles hostiles au changement devront continuer de retenir l’attention de la communauté internationale.  Il faudra surveiller la police locale et lui fournir une assistance pour préserver ce que la Mission a réalisé et faire en sorte que les progrès vers l’établissement d’un état de droit se poursuivent.  M. Annan estime que ce sera là la tâche de la mission de l’Union européenne qui prendra la relève.  Il ajoute que la présence et l’appui continus de la Force de stabilisation (SFOR) seront essentiels.  Il est tout aussi important, à ses yeux, d’appréhender les personnes inculpées de crimes de guerre dont la présence enhardit les extrémistes et sape les efforts de réconciliation.  C’est pourquoi, il lance un appel aux autorités de la Bosnie-Herzégovine et aux Etats voisins ainsi qu’à toutes les autres parties concernées pour qu’ils coopèrent pleinement avec le Tribunal international pour l’ex-Yougoslavie.


Fort de ces observations, le Secrétaire général recommande au Conseil de sécurité de proroger le mandat actuel de la MINUBH jusqu’au 31 décembre 2002.  Il propose que l’effectif autorisé de 1 600 membres de la police, soit, après les élections générales du 5 octobre, ramené à 460 officiers.  Au cours de cette période, la MINUBH travaillera en étroite coordination avec l’Union européenne et le Haut Représentant pour assurer une transmission sans heurt de responsabilités du Groupe international de police à la mission de police de l’Union européenne. 


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