CONSEIL DE SECURITE : UN MEMBRE DE L’ADMINISTRATION INTERIMAIRE AFGHANE PLAIDE POUR UN DEPLOIEMENT PLUS LARGE DES FORCES INTERNATIONALES DE PAIX
Communiqué de presse CS/2298 |
Conseil de sécurité
4521ème séance - matin
CONSEIL DE SECURITE : UN MEMBRE DE L’ADMINISTRATION INTERIMAIRE AFGHANE PLAIDE POUR UN DEPLOIEMENT PLUS LARGE DES FORCES INTERNATIONALES DE PAIX
La Vice-Présidente de l’Administration intérimaire de l’Afghanistan et Ministre de la condition de la femme, Mme Sima Samar, a fait ce matin un plaidoyer en faveur d’un déploiement plus large des forces internationales en Afghanistan, précisant que le nouveau Gouvernement ne peut pas répondre seul aux défis auxquels il est confronté après deux décennies de conflit armé. Invitée pour la première fois à s’exprimer devant le Conseil de sécurité depuis sa nomination au sein du Gouvernement afghan, Mme Samar a expliqué que sans un déploiement plus large des forces de paix internationales, la paix, la démocratie, la reconstruction et la restauration des droits de la femme ne sera pas possible. Les droits des femmes sont particulièrement en danger en raison du niveau élevé d’insécurité. Mme Samar a demandé aux dirigeants du monde d’étudier le coût politique et économique qui résulterait de leur inaction. «Ensemble nous avons la possibilité de créer un modèle de démocratie et de paix dans une région instable et fragile», a-t-elle insisté.
Le Conseil de sécurité, en adoptant la résolution 1386 du 20 décembre 2001, avait autorisé la mise en place de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) pour une durée de six mois. Déployée le deux janvier 2002, la Force est chargée d’assurer la sécurité dans la capitale afghane. La Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) a, quant à elle, été créée aux termes de la résolution 1401 le 28 mars 2002 pour une période initiale de 12 mois. L’objectif d’ensemble de la MANUA doit être notamment l’affermissement des structures de l’Autorité intérimaire afghane et de renforcer les capacités de l’Afghanistan.
Le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Kieran Prendergast, a également identifié les problèmes sécuritaires comme un défi majeur, évoquant la persistance de nombreux incidents violents en plusieurs points du pays. Après tant d’années de guerre, les progrès enregistrés ne sont pas encore assurés, a-t-il prévenu. Aussi M. Prendergast a-t-il renouvelé l’appel à la communauté internationale pour qu’elle accélère et élargisse le champ de son aide.
LA SITUATION EN AFGHANISTAN
Déclarations
Mme SIMA SAMAR, Vice-Présidente de l’Administration intérimaire de l’Afghanistan et Ministre de la condition de la femme, a dit qu’au cours des derniers mois, nous avons mis en place un processus politique ainsi qu’un cadre gouvernemental nous permettant de nous atteler à une tâche énorme qu’est le rétablissement de la paix. Le peuple afghan souhaite la paix et attend avec impatience le jour où nos propres forces de sécurité seront en mesure de répondre aux actes de violence et à l’instabilité dans l’ensemble du pays. Toutefois, a prévenu Mme Samar, le nouveau Gouvernement ne peut pas répondre seul aux défis auxquels il est confronté après plus de deux décennies de conflit armé. Sans un déploiement plus large et immédiat des forces de paix internationales, la paix, la démocratie, la reconstruction et la restauration des droits de la femme ne sera pas possible. Les droits des femmes sont particulièrement en danger en raison du niveau élevé d’insécurité. Les femmes continuent de craindre la violence et l’imposition de sanctions similaires à celles imposées par les Taliban. A moins qu’elles ne bénéficient davantage de sécurité, la participation des femmes à la Loya Jirga est menacée, tout comme l’est la distribution de cartes électorales aux femmes.
On nous dit que le dépliement plus large des forces de maintien de la paix coûte cher. Mais un autre cycle de guerre sera encore plus coûteux pour la communauté internationale en terme de vies humaines et il mettra en danger les investissements consentis dans le pays. Une instabilité chronique sapera également les initiatives politiques et gâchera peut être notre dernière chance de mettre un terme à des décennies de violence. Les Etats Membres hésitent à envoyer leurs troupes en raison des risques de prise d’otages et d’assassinat. Ce risque existe en effet et nous devons y faire face en mettant en place les mesures qui s’imposent pour leur assurer un soutien. Ce que je demande n’est pas facile. Il faut cependant que les dirigeants du monde étudient le coût politique et économique qui résulterait si aucune action n’est prise pour renforcer la sécurité et à long terme le Gouvernement. Le Gouvernement intérimaire a reçu une aide financière limitée par rapport aux engagements pris par les pays donateurs. La communauté internationale doit déraciner les éléments d’instabilité et accorder un soutien important pour la reconstruction de l’Afghanistan et la stabilité de la région. Ensemble nous avons la possibilité de créer un modèle de démocratie et de paix dans une région instable et fragile.
M. KIERAN PRENDERGAST, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a évoqué la convocation en juin de la Loya Jirga d’urgence, principale étape du processus de Bonn depuis la mise en place de l’Autorité intérimaire. Il a rappelé que cette Loya Jirga comprendrait 1 500 délégués dont 1 000 seront indirectement élus par le peuple et 500 choisis par la Commission indépendante chargée de sa convocation. Dans la première phase, les assemblées de district se rassembleront pour choisir les délégués qui constitueront «les collèges électoraux» et se rendront dans l’un des neuf centres provinciaux. Dans la deuxième phase, entre le 20 mai et le 3 juin, les collèges électoraux éliront un certain nombre de délégués, choisis parmi eux pour représenter chacune des provinces à la Loya Jirga. Compte tenu des difficultés logistiques, des conditions de sécurité et du peu de temps imparti, a souligné M. Prendergast, même des élections indirectes représentent un défi.
La première assemblée de district s’est tenue le 14 avril dans le district de Mordian, province de Jowzjan, en présence du Représentant spécial du Secrétaire général M. Lakhdar Brahimi, accueilli par plus de 2000 personnes: selon M. Brahimi, l’enthousiasme va croissant en Afghanistan pour la Loya Jirga, que le peuple considère comme sa première chance depuis de nombreuses années de participer au processus politique. Depuis, dix autres assemblées de district se sont tenues et déjà 200 membres des collèges électoraux ont été sélectionnés. M. Prendergast a noté des éléments encourageants dans le fait notamment que des Pachtounes avaient été choisis dans des régions où ils sont minoritaires et qu’une femme l’ait été aussi. Il a rappelé que 160 femmes seront sélectionnées par la Commission indépendante elle-même, mais qu’aucune limite n’a été fixée.
Tout, selon lui, est fait dans la mesure des ressources disponibles pour assurer l’équité du processus. Quarante équipes organisatrices de district suivent actuellement une formation avec les Nations Unies et les membres de la Commission. Des observateurs internationaux assureront également que le processus se déroule conformément aux procédures établies. Mais, a-t-il reconnu, certains commandants tentent déjà de faire sélectionner leurs partisans par la force et des discussions sont en cours pour voir comment assurer la sécurité de la Loya Jirga, notamment par la force internationale d’assistance et de sécurité dans les limites de son mandat. Mais, s’est-il félicité, globalement la Loya Jirga a été mise sur les rails et l’autre élément important est le retour du roi Zahir Shah, exilé depuis 1973.
Malgré ces signes encourageants, M. Prendergast a évoqué de nombreux incidents qui se sont produits, mentionnant notamment l’assassinat d’un employé afghan de la FAO le 10 avril. L’Administration intérimaire a pris certaines mesures dans la mesure de ses faibles moyens pour répondre à cette détérioration de la situation sécuritaire. Elle a envoyé une délégation pour tenter une médiation dans le conflit qui a éclaté dans la province de Wardak, non loin de Kaboul. Le Directorat de la sécurité nationale au sein de l’Administration intérimaire a procédé à de nombreuses arrestations début avril pour, selon elle, parer à des attaques terroristes. Mais trois semaines après les arrestations, aucune preuve n’avait été produite contre les suspects: les responsables de la MANUA (Mission d’Assistance des Nations Unies en Afghanistan) ont rencontré des membres du Directorat pour exprimer leurs préoccupations et continueront de suivre la situation de près. Dans le même temps, l’Administration Intérimaire a lancé quelques actions déterminées contre les cultures de pavot avec l’aide du Royaume-Uni: elle a donné aux agriculteurs le choix entre accepter des compensations financières par hectare détruit ou subir l’éradication forcée de leurs cultures. Cette politique a suscité de fortes oppositions de la part des fermiers même si l’Administration intérimaire a versé 3 millions de dollars de compensation. Selon M. Prendergast, la valeur des cultures détruite sur le marché européen s’élevait à 300 millions de dollars. Et selon lui, reste actuellement environ 65.000 ha de pavot et la récolte a déjà commencé dans certaines provinces. Le Secrétaire général adjoint a donc relayé l’appel à l’aide de l’Administration intérimaire à la communauté internationale pour aider les cultivateurs à planter des cultures de remplacement.
Au plan de la sécurité, il a relevé que l’Administration intérimaire avait développé une vision cohérente de l’avenir dans ce domaine, rappelant que lors de la conférence des donateurs à Genève le 5 avril, l’Administration avait présenté ses plans de formation d’une armée et d’une police nationale. Il a noté à cet égard que le suivi de la conférence aurait lieu le mois prochain. Il a souhaité aborder la question des droits de l’homme et de leurs abus, indiquant notamment qu’à la demande de la MANUA,le Bureau du Haut Commissaire aux droits de l’homme dépêcherait une mission d’enquête le mois prochain dans la province de Bamyan où des représentants de la communauté Hazara ont dénoncé l’existence de fosses communes. M. Brahimi a pour sa part évoqué la question lorsqu’il se trouvait début avril à Mazar-I-Sharif avec les commandants locaux, dont MM Dostum et Mohammad Atta, s’agissant cette fois des minorités non pachtounes du Nord.
S’agissant des secours et de la reconstruction, M.Prendergast a estimé qu’au cours des derniers mois l’économie avait donné des signes de reprise et que ceci était sensible pour de nombreux Afghans, même si la communauté internationale devait rester concentrée sur les besoins fondamentaux. A cet égard il s’est inquiété que les promesses de dons faites à Tokyo se concrétisent aussi lentement. Ainsi que la résolution 1401 le stipulait, a-t-il indiqué, l’aide à la reconstruction peut, sous certaines conditions, promouvoir la loi et l’ordre. M. Prendergast a donc appelé les Etats membres à tenir leurs promesses et à financer reconstruction et développement. Pour sa part, la MUNUA a commencé à planifier les activités de reconstruction et de relèvement en coopération avec l’Administration intérimaire. Il a indiqué que la première réunion du Groupe de mise en oeuvre de la conférence de Tokyo, chargé de surveiller l’usage des fonds versés par les donateurs, s’était tenue les 10 et 11 avril à Kaboul et qu’à cette occasion, de nombreux donateurs avaient félicité l’Administration intérimaire pour son budget.
M. Prendergast a enfin évoqué la question des réfugiés, notant que les retours depuis les pays voisins avaient excédé les prévisions avec 300 000 réfugiés de retour en Afghanistan. Il a mentionné les efforts du Programme alimentaire mondial (PAM) pour répondre aux besoins immédiats de six millions de personnes, mais souligné là encore le manque de ressources disponibles. Il a fait valoir que les besoins alimentaires s’avéraient supérieurs aux évaluations initiales. Sur le plan sanitaire, une campagne de vaccination contre la polio lancée le 6 avril a déjà touché 6 millions d’enfants afghans, grâce à l’aide de 60000 volontaires ce qui devrait permettre, fin 2002, d’arrêter la transmission de cette maladie dans le pays..
En conclusion, le Secrétaire général adjoint a fait valoir les nombreux obstacles qui subsistent, les ressources toujours nécessaires et les pressions auxquelles l’Administration intérimaire doit faire face. Notant les progrès encourageants de ces derniers mois après tant d’années de guerre, il a estimé que ces avancées n’étaient pas encore assurées. La sécurité demeure un défi majeur dans de nombreuses parties du pays et une assistance financière substantielle est toujours requise. Il a donc renouvelé un appel à la communauté internationale pour qu’elle accélère et élargisse le champ de son aide.
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