LES MEMBRES DU CONSEIL DE SECURITE EXPRIMENT LEUR SOUTIEN A L’ENVOI D’UNE MISSION D’ASSISTANCE DES NATIONS UNIES EN AFGHANISTAN
Communiqué de presse CS/2278 |
Conseil de sécurité
4497ème séance – matin et après-midi
LES MEMBRES DU CONSEIL DE SECURITE EXPRIMENT LEUR SOUTIEN A L’ENVOI D’UNE MISSION D’ASSISTANCE DES NATIONS UNIES EN AFGHANISTAN
Les membres du Conseil de sécurité ont défini aujourd’hui les contours de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) que la France a été chargée de finaliser dans un projet de résolution qui sera adopté prochainement. En effet, alors qu’il était réuni sous la présidence de M. Jan Petersen, Ministre norvégien des affaires étrangères, pour examiner la situation en Afghanistan, le Conseil s’est dans son ensemble félicité des progrès réalisés dans le cadre du processus de reconstruction et de secours engagé en Afghanistan depuis près de six mois. La Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, Mme Louise Fréchette, a fait part de la volonté de l’Organisation de mettre en place une Mission coordonnant les activités de l’ONU dans le pays, structurée en deux piliers et faisant appel en priorité à des Afghans afin que ceux-ci prennent en mains la reconstruction de leur pays. Le représentant du Royaume-Uni, qui s’est félicité du faible nombre d’expatriés prévu, a insisté sur les tâches nombreuses qui attendraient la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, la MANUA, notamment dans le domaine des droits de l’homme et de la participation des femmes à la vie publique.
Le regroupement des Taliban et des forces Al-Qaida dans une partie du pays, les violations des droits de l’homme et les affrontements politiques ou interethniques ont suscité l’inquiétude des membres du Conseil. Le représentant de la République islamique d’Iran, pays limitrophe de l’Afghanistan, a également indiqué que des militants afghans avaient fait des incursions sur son territoire. La convocation en juin d’une Loya Jirga chargée de constituer une Autorité de transition risquant d’augmenter encore les troubles politiques dans le pays, le représentant du Cameroun a appelé à la mise en place, le plus rapidement possible, d’une police nationale et d’une armée multiethnique représentative de toute la population afghane, capables d’assurer l’ordre dans toutes les provinces de l’Afghanistan. Ces deux organes n’en étant encore qu’à leurs premiers balbutiements, la représentante de Singapour a avancé l’idée que la communauté internationale devrait réfléchir à des mesures «bouche-trous» pour assurer la sécurité dans le pays avant que l’Autorité intérimaire ne soit à même de le faire.
Mais ni les menaces pesant sur la sécurité intérieure du pays, ni les vœux du Secrétaire général et de l’Autorité intérimaire n’ont réussi à convaincre l’ensemble des pays participant à la Force internationale d'assistance en Afghanistan (FIAS) de la déployer en dehors de la capitale. «Une force étendue au-delà de Kaboul aurait à arbitrer des conflits qui relèvent du seul pouvoir afghan», a ainsi objecté le représentant français alors que le Ministre des affaires étrangères norvégien appelait au contraire à un élargissement géographique de la FIAS. Pour autant, la majorité des membres du Conseil, reconnaissant le travail accompli par la Force, ont appuyé le renouvellement de son mandat après juin et le remplacement du Royaume-Uni par la Turquie à la tête de la Force.
Au titre des réussites accomplies par l’Autorité intérimaire durant les trois derniers mois, les membres du Conseil ont notamment cité la rentrée scolaire et l’avancement du processus politique qui doit aboutir à la convocation de la Loya Jirga d’urgence en juin. Sur ce point, le représentant a précisé qu’il ne saurait y avoir de place dans cette institution pour la participation des Taliban et leurs partisans, quelle que soit l'appellation qu'on leur donne. En revanche, plusieurs pays dont Maurice ont souligné que malgré le décret adopté par l’Autorité intérimaire, la culture du pavot avait repris à un niveau bien plus élevé qu’en 2001. La récolte ayant lieu le mois prochain, les Etats-Unis ont insisté sur la nécessité de détruire la production au plus vite.
Au vu des maigres ressources propres de l’Afghanistan, plusieurs pays comme la Colombie, se sont inquiétés de la faible concrétisation des promesses d’assistance financières faites lors de la Conférence de Tokyo. Pour sa part, le représentant du Pakistan a cependant estimé que l’Afghanistan, ancien pays enclavé et divisé, pouvait espérer atteindre la prospérité économique en construisant des routes et des pipelines sur son territoire, devenant ainsi une passerelle entre l’Asie centrale et le Golfe arabo-persique.
Le Ministre norvégien des affaires étrangères avait ouvert la séance en lisant un texte auquel se sont associés tous les participants, exprimant les condoléances du Conseil de sécurité après le tremblement de terre qui a secoué le Nord de l’Afghanistan.
Les représentants des pays suivants ont également pris la parole au cours du débat: République arabe syrienne, Mexique, Chine, Bulgarie, Irlande, Fédération de Russie, Guinée, Espagne (au nom de l'Union européenne et des pays associés), Japon, Australie, Inde, Canada, Bangladesh, Tadjikistan, Turquie, Nouvelle-Zélande, Kazakhstan et Afghanistan. Le sous-Secrétaire général aux affaires politiques, M. Danilo Türk, a pris la parole en fin de séance pour répondre aux membres du Conseil.
LA SITUATION EN AFGHANISTAN
Rapport du Secrétaire général sur la situation en Afghanistan et ses conséquences pour la paix et la sécurité internationales (A/56/875-S/2002/278)
Le rapport, soumis en application de la résolution 1383 (2001) du Conseil de sécurité et de la résolution 56/220 A de l'Assemblée générale, récapitule les principaux faits survenus en Afghanistan depuis la signature de l'Accord de Bonn le 5 décembre 2001 et propose une structure pour la présence des Nations Unies en Afghanistan.
L'Autorité intérimaire a été établie le 22 décembre 2001, et placée sous la direction de M. Hamid Karzaï. En trois mois d'existence, souligne le Secrétaire général, cette Administration a réussi à gagner une légitimité et une crédibilité internationales réelles. Au cours des premières semaines, les membres du Gouvernement ont établi un processus consultatif afin de parvenir à un consensus sur les priorités immédiates et ont préparé un budget provisoire. Une Autorité afghane de coordination de l’assistance (AACA) a été créée et des accords dans divers secteurs sur les priorités à court terme et les interventions à long terme ont été établis avec des intervenants bilatéraux et multilatéraux. L'Administration intérimaire a commencé l'élaboration d'un cadre de développement national. Un premier projet d'assistance technique a été signé avec la Banque mondiale concernant la passation de marchés, la comptabilité et la gestion financière, fonctions qui seront assumées par des sociétés internationales à partir d’avril 2002. Une campagne "retour à l'école" est en cours pour assurer une inscription généralisée des élèves, la nouvelle année scolaire devant commencer le 23 mars. Les femmes font également leur retour dans la vie du pays. Le Gouvernement a mis en place des collaborations avec l'UNICEF, l'UNESCO, la FAO, le HCR dans les domaines de l'éducation, de la distribution de semences ou du retour des personnes déplacées et des réfugiés. L'Administration intérimaire a également adopté des décrets pour interdire la culture de drogues illicites et pour assurer la liberté de la presse.
La vitesse avec laquelle l'Administration intérimaire a établi sa légitimité tant sur le plan international que sur le plan interne a été impressionnante, notamment compte tenu de ses maigres ressources. Au 8 mars, 32,3 millions de dollars avaient été annoncés au Fonds pour l'Autorité intérimaire de l'Afghanistan, créé après la signature de l’Accord de Bonn, dont 26,8 millions avaient été reçus. Il a été déterminé qu'environ 50 millions de dollars seraient nécessaires pour couvrir les salaires et les dépenses connexes de l'Administration intérimaire pour la période de janvier à juin 2002, plus 40 millions de dollars pour les arriérés de salaire des fonctionnaires pour les cinq mois précédents. Jusqu'à présent, les salaires de 77 000 fonctionnaires ont été payés au moyen des ressources du Fonds, ce qui représente un véritable tour de force. Le Secrétaire général demande instamment aux donateurs, aux organismes des Nations Unies et aux ONG d'accélérer sensiblement le financement et l'exécution des programmes de reconstruction afin de rendre les avantages de la paix immédiatement visibles pour tous les intéressés et d'étendre la crédibilité intérieure de l'Administration intérimaire à l'ensemble du pays.
Conformément à l'Accord de Bonn, une Commission spéciale indépendante chargée de convoquer une Loya Jirga d'urgence a été constituée le 25 janvier 2002. Cette convocation, qui devra avoir lieu avant le 22 juin 2002 selon l'Accord de Bonn, marquera un tournant crucial et réduira le risque d'une reprise de la guerre, estime le Secrétaire général. Les 21 membres de la Commission ont été sélectionnés à l'issue d'un processus étendu de consultations avec des représentants de la société civile, des dirigeants religieux et politiques et des membres de l'Autorité intérimaire. Les membres de la Commission, accompagnés par des fonctionnaires des Nations Unies ont visité les provinces afghanes afin de sensibiliser la population au rôle de la Commission. Toutefois, des Afghans ont exprimé des craintes quant à la possibilité que des groupes armés puissent influencer la sélection des membres de la Loya Jirga. Soulignant que la Loya Jirga d’urgence représente une étape essentielle du processus de Bonn, le Secrétaire général invite instamment l’ensemble des parties afghanes à faire tout leur possible pour renforcer la crédibilité et la légitimité de cet événement capital dans l’histoire récente de l’Afghanistan. En outre, il insiste sur la nécessité de créer la Commission de la fonction publique, la Commission des droits de l'homme et la commission judiciaire prévues par l'Accord de Bonn.
Sur le plan de la sécurité, la situation reste instable et demeure préoccupante dans certaines régions du pays. Des rivalités continuent de se manifester dans toutes les zones pachtounes. Outre les luttes politiques pour le pouvoir, on a également signalé des attaques et des violations graves des droits de l'homme motivées par des rivalités ethniques. Faisant allusion à l'assassinat de M. Rhaman, Ministre de l'aviation civile et du tourisme à l'aéroport de Kaboul le 14 février, le Secrétaire général souligne qu'il faut agir rapidement pour mettre en place une force afghane de sécurité effective et loyale à l'Autorité intérimaire. Faisant allusion aux groupes d’Al-Qaida et aux Taliban, le Secrétaire général assure que le seul moyen de garantir l'élimination du terrorisme de la terre afghane est de donner aux autorités légitimes du pays la capacité de maintenir l'ordre dans leur propre territoire. A cet égard, il insiste sur la nécessité d'établir le secteur de sécurité autochtone (armée nationale, police, appareil judiciaire et système pénitencier) le plus rapidement possible. La Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), créée par la résolution 1386 du Conseil de sécurité en date du 20 décembre 2001 et dirigée par le Royaume-Uni jusqu’au début du mois d’avril, a commencé le 17 février l'entraînement du premier bataillon de la nouvelle garde nationale afghane. Le Secrétaire général souligne qu'il faut mettre place un programme de réintégration et de démobilisation en direction des anciens combattants qui ne seront pas sélectionnés pour servir dans la nouvelle armée. Il souligne que si les questions militaires ne sont pas réglées de manière satisfaisante et si une véritable force nationale de sécurité n'est pas créée et payée régulièrement, le processus de Bonn risque d'être gravement compromis. Pour cela, l'Administration intérimaire aura besoin d'une assistance internationale. La FIAS a commencé à se déployer début janvier et compte actuellement un effectif de 4 800 soldats, qui organisent 30 patrouilles par jour, 24 heures sur 24, pour moitié menées conjointement avec la police locale. Pour le moment, la FIAS reste limitée à Kaboul, alors que les principales menaces posées à l'Administration intérimaire émanent des provinces. Le Secrétaire général espère que le Conseil de sécurité renforcera la FIAS et l'étendra à d'autres villes importantes.
La survie de millions d'afghans dépend toujours des Nations Unies. Malgré la livraison par le Programme alimentaire mondial de près de 115 000 tonnes d'aliments au cours du seul mois de décembre - ce qui a permis d'éviter une famine généralisée -, la crise humanitaire persiste. On estime qu'à l'heure actuelle 70% de la population afghane est dépendante des services de santé assurés par la communauté internationale. Plus de 3,5 millions d'Afghans sont actuellement réfugiés au Pakistan et en République islamique d'Iran. Depuis le début de l'année plus de 250 000 personnes ont quitté ces deux pays et sont rentrées en Afghanistan. L'Afghanistan aura besoin d'une assistance internationale très importante au cours des prochaines années. Lors de la Conférence internationale sur l'aide à la reconstruction de l'Afghanistan, tenue à Tokyo les 21 et 22 janvier 2002, les pays ont annoncé des contributions s'élevant au total à 1,8 milliard de dollars pour 2002 et plus de 4,5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.
Le Secrétaire général propose d'intégrer toutes les activités de l'ONU en Afghanistan dans une "Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan" (MANUA). Placée sous la direction de son Représentant spécial, elle aurait pour mandat de s'acquitter des tâches et des responsabilités confiées à l'ONU dans le cadre de l'Accord de Bonn, de promouvoir la réconciliation et le rapprochement à l'échelle nationale et de diriger l'ensemble des activités d'assistance humanitaire, de relèvement et de reconstruction menées par le système des Nations Unies en Afghanistan. La structure serait placée sous l'autorité du représentant spécial du Secrétaire général en Afghanistan et elle devrait agir en coordination avec l'Autorité intérimaire afghane. Elle devrait avoir pour objectif de renforcer les capacités de l’Afghanistan –tant au niveau gouvernemental qu’à l’échelon non gouvernemental– en s’appuyant le moins sur les effectifs internationaux et au maximum sur les fonctionnaires afghans, tout en privilégiant les services communs d’appui, afin que l’«empreinte» laissée par la présence étrangère soit la plus discrète possible. La MANUA serait composée de deux "piliers" dirigés par deux représentants spéciaux. Le Représentant spécial adjoint aux affaires politiques, M. Jean Arnault serait chargé de surveiller la situation générale sur le plan politique et en matière de droits de l'homme et l'état d'application de l'Accord de Bonn et d’appuyer les activités de la Commission spéciale indépendante chargée de convoquer la Loya Jirga d’urgence. Le second Représentant spécial adjoint –M. Nigel Fisher- serait chargé du secours, du relèvement et de la reconstruction, dédié à l'élaboration d'une stratégie pour l'assistance des Nations Unies en Afghanistan dirigée vers les besoins immédiats des populations les plus vulnérables. Les effectifs de la mission comprendront initialement 30 à 40 fonctionnaires internationaux pour le premier pilier et 50 pour le deuxième pilier. La structure et la taille de la mission envisagée sont délibérément modestes, afin d'éviter que les frais généraux de l'Organisation n'absorbent une part trop importante de l'aide destinée au peuple afghan. Le Représentant spécial et son directeur de cabinet s’attacheraient à assurer la coordination entre les deux piliers au quartier général de la mission mais il est tout aussi indispensable que le personnel des Nations Unies déployé dans les différentes régions s’acquitte de leurs fonctions de manière coordonnée et intégrée.
Déclarations
Mme LOUISE FRECHETTE, Vice-Secrétaire générale des Nations Unies, évoquant le tremblement de terre de ce matin en Afghanistan, a exprimé son inquiétude quant aux conséquences de cette tragédie et a déclaré que l’ONU avait déjà organisé des secours. Les représentants de l’ONU ont l’intention de visiter la région demain, a-t-elle ajouté, et elle s’est dit encouragée par l’intérêt constant de la communauté internationale pour le pays. Présentant le rapport du Secrétaire général, elle a indiqué que l’ONU avait fait de l’éducation une priorité et que 1,5 million d’élèves avaient pu retourner à l’école la semaine passée. Elle a indiqué que l’UNICEF avait fourni des fonds et du matériel que le Fonds apportait également son concours pour reconstruire les écoles endommagées.
La Vice-Secrétaire générale a indiqué qu’après deux ans de sécheresse, les pluies laissaient annoncer de bonnes récoltes. Elle a noté que les personnes déplacées avaient commencé à regagner leurs foyers sans attendre les aides au retour organisées par le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR). Au début de ce mois, on comptait 10 000 réfugiés par jour qui ont traversé la frontière, a-t-elle ajouté. Elle s’est cependant inquiétée des déficiences alimentaires dans certaines parties du pays et de la récente épidémie de scorbut et elle a indiqué que le Programme alimentaire mondial (PAM) lancerait un programme dans les mois à venir pour fournir des aliments à la population et en particulier aux enfants. Elle s’est déclaré alarmée par le faible rythme du financement et a déclaré que les promesses généreuses devaient se traduire en contributions faute de quoi il ne serait pas possible de poursuivre les activités.
Sur le plan politique, la Vice-Secrétaire générale a indiqué que des règles pour la convocation de la Loya Jirga avaient été mises au point à la suite d’un processus de consultation dans tout le pays. Elle a déclaré que ce processus avait suscité un intérêt énorme dans le pays mais que la possibilité de corruption de la Loya Jirga restait cependant gravée dans les esprits. Sur le plan de la sécurité, il y a eu des incidents violents dans de nombreux endroits, a-t-elle regretté. Les éléments du régime des Taliban sont soupçonnés de se regrouper dans une partie du pays pour entamer une guérilla contre l’Autorité intérimaire. Mme Fréchette a noté que de nombreux anciens combattants seraient disposés à participer à un programme de démobilisation. Elle a insisté sur la nécessité de mettre en place des projets à forte utilisation de main d’œuvre pour offrir à ces ex-combattants un substitut à la guerre. Elle a noté que, pour former une police afghane, des cours de formation de base commenceront en juillet prochain une fois que la rénovation de l’Académie de police sera achevée.
Concernant la future mission des Nations Unies en Afghanistan –Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA)-, la Vice-Secrétaire générale a fait remarquer que le Secrétaire général proposait une structure constituée de deux piliers. L’intégration du secours humanitaire, du relèvement et de reconstruction au sein du même pilier marque une innovation essentielle, a-t-elle souligné, précisant que peu d’expatriés seraient recrutés pour s’assurer que les Afghans prendraient la direction de la reconstruction et pour que l’aide serve effectivement aux Afghans.
M. JEAN-DAVID LEVITTE (France) a jugé que le chemin parcouru en six mois en Afghanistan est impressionnant et que le bilan est nettement positif. Abordant tout d’abord la lutte contre le terrorisme, M. Levitte a souligné qu’elle avait marqué des points décisifs et se poursuivait sans relâche. La transition politique progresse aussi, a-t-il observé, et l’entrée en fonction de la Loya Jirga d’urgence, au mois de juin, marquera une nouvelle étape vers la création d’un gouvernement pluriethnique, représentatif et démocratique. Enfin, la reconstruction de l’Afghanistan est désormais bien engagée avec le concours de toute la communauté internationale, illustré par les annonces faites à Tokyo et certains signes à travers tout le pays témoignent de cette véritable renaissance, s’est félicité le représentant de la France. La réussite de la reconstruction réside désormais, en partie, dans une bonne coordination entre les donateurs bilatéraux et multilatéraux, regroupés dans le Groupe de mise en œuvre, ou au travers les institutions du système des Nations Unies sous la coordination de M. Lakdhar Brahimi.
A New York aussi le chemin parcouru en seulement six mois est impressionnant, a ajouté M. Levitte, mentionnant l’adoption des résolutions 1378, 1383, 1386 et 1390 du Conseil de sécurité et précisant qu’une nouvelle résolution est en préparation pour donner une forme structurée et unifiée à la présence des Nations Unies et sera présentée par la France aux autres membres du Conseil lors des prochaines consultations du 27 mars. S’agissant de la sécurité, le représentant de la France a jugé que cette question demeure plus difficile à traiter avant de préciser qu’un accord se dessine pour proroger le mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) au-delà de l’échéance de la résolution 1386, le 20 juin 2002, mais qu’il faudrait décider ensemble le bon moment pour l’annoncer et la bonne durée. Il a rappelé que les principaux contributeurs à la Force sont défavorables à son expansion géographique au-delà de Kaboul, soulignant qu’une telle force étendue hors de cette zone aurait à arbitrer des conflits qui relèvent du seul pouvoir afghan. M. Levitte a estimé que la priorité absolue doit aller à la formation de l’armée et de la police afghanes unifiées et qu’il faudrait également recourir à tous les instruments disponibles pour contribuer à la sécurité et à l’ordre dans les provinces. Il a jugé que le levier économique devrait être utilisé avec détermination, l’aide à la reconstruction ne pouvant être acheminée dans les provinces où les autorités locales violent massivement les droits de l’homme ou entretiennent un climat d’insécurité. Soulignant que l’aide humanitaire ne saurait être conditionnelle, M. Levitte a fait part des engagements pris par la France pour la reconstruction de l’Afghanistan en matière de santé, d’éducation, d’agriculture, d’administration, de formation de la future armée afghane et de la police, et d’aide à la lutte contre le trafic illicite des drogues, engagements dont la mise en œuvre a fait l’objet de discussions approfondies avec les autorités afghanes.
M. ALFONSO VALDIVIESO (Colombie) a estimé que la sécurité est la condition sine qua non pour garantir la protection du processus de paix en Afghanistan. En effet, sans sécurité, l’Administration intérimaire ne pourra accomplir ses missions de façon adéquate sur tout le territoire, la légitimité de la Loya Jirga pourra être remise en question et l’assistance humanitaire sera impossible. La Colombie, par conséquent, apporte son appui à une extension de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS). Il faut également maintenir l’objectif militaire qui a été défini afin de lutter contre les forces d’Al-Qaida et les Taliban. Le représentant a également exprimé sa satisfaction face au retour des enfants afghans dans les écoles le 23 mars dernier. Il s’est néanmoins
inquiété de difficultés rencontrées pour canaliser les ressources promises à l’issue de la Conférence de Tokyo et a formulé l’espoir qu’elles ne reflètent pas un manque d’engagement de la part de la communauté internationale. En ce qui concerne la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), le représentant a souhaité qu’elle représente un mécanisme intégré de coordination des nombreux fonds et programmes des Nations Unies. Une évaluation globale de la situation dans le pays représente d’ailleurs la meilleure manière de mettre en place cette mission et de définir clairement le rôle de la communauté internationale.
M. JAMES B. CUNNINGHAM (Etats-Unis) a soutenu la proposition du Secrétaire général visant la création d’une mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan et s’est dit favorable, en particulier à la proposition concernant le faible nombre d’expatriés. Il a déclaré que des défis restaient à surmonter en Afghanistan et qu’il fallait continuer à lutter contre les Taliban et Al-Qaida. Il a indiqué que les Etats-Unis entendent appuyer la prorogation du mandat de la Force internationale d'assistance en Afghanistan (FIAS) et le remplacement du Royaume-Uni par la Turquie à la tête de la Force. Il a cependant ajouté qu’il ne voyait pas la nécessité d’étendre les compétences de la Force au-delà de Kaboul.
M. MIKHAIL WEHBE (République arabe syrienne) s’est félicité des progrès réalisés au cours des derniers mois dans la mise en place de l’Administration intérimaire et des grandes commissions en Afghanistan et a salué les efforts consentis dans les domaines de l’éducation, de la lutte contre les drogues, de la participation des femmes, et dans la préparation de la Loya Jirga. La question de la stabilité et de la sécurité de l’Afghanistan continue d’être une grande préoccupation car elles sont les fondements de la paix et du développement économique, a jugé le représentant. Il a mis en garde contre la persistance des poches de résistance des Taliban et d’Al-Qaida et contre la résurgence de la violence ethnique entre et à l’intérieur des différents partis. Il a appuyé la recommandation du Secrétaire général de former une force de sécurité afghane chargée de rétablir la stabilité et de régler ces différends ethniques. Le Conseil de sécurité, a-t-il poursuivi, doit se pencher sérieusement sur la demande formulée par les autorités afghanes concernant l’expansion géographique de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) au-delà de Kaboul, insistant par ailleurs sur l’urgence qu’il y a à former une armée afghane multiethnique, bien entraînée et bien équipée par la communauté internationale.
Il a mis en garde contre la situation humanitaire dans certaines régions frappées par la sécheresse et enclavées. M. Wehbe a souligné le besoin pour l’Afghanistan d’une aide financière internationale considérable dans un avenir proche afin d’engager le processus de redressement économique. Estimant que le déploiement des Nations Unies n’est pas à la hauteur des besoins et des attentes, il a estimé qu’il s’agit de répondre de manière urgente à ces besoins pour que les Nations Unies jouent leur rôle dans le processus de reconstruction de l’Afghanistan sous la conduite de M. Lakdhar Brahimi.
Mme TAN YEE WOAN (Singapour) a déclaré que les voix devraient guider les pas de la communauté internationale, tout en estimant que l’Afghanistan devrait également surmonter ses divisions politiques et mettre à profit l’intérêt international actuel. La représentante s’est dite favorable à l’établissement d’une structure unifiée et légère telle que la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) pour mettre en place les dispositions de l’Accord de Bonn. L’Afghanistan a fait de grands progrès dans de nombreux domaines avec l’aide de la communauté internationale, a-t-elle remarqué et le pire de la crise humanitaire a été évité. Singapour va fournir une assistance technique sur cinq ans, a-t-elle indiqué.
La représentante a affirmé que les progrès accomplis dans le domaine politique et sur le plan de la sécurité se renforcent mutuellement, tout en regrettant que l’instabilité hors de Kaboul reste préoccupante. Il faudra sans doute adopter des mesures palliatives avant que l’armée et la police afghanes soient pleinement efficaces, a-t-elle estimé, en invitant le Conseil de sécurité à se pencher sur la question. La représentante a également souligné que l’effort généreux de reconstruction devait avoir un axe régional et qu’il devrait entraîner des dividendes de la paix pour les voisins afin que ces pays aient un intérêt à la stabilité de l’Afghanistan. Le sort d’un pays lointain peut avoir des conséquences dans le monde, a-t-elle conclu, soulignant la nécessité pour les Nations Unies de persister dans leurs efforts afin d’éviter les erreurs du passé.
M. ADOLFO AGUILAR ZINSER (Mexique) s’est félicité des progrès enregistrés dans la reconstruction de l’Afghanistan, rappelant toutefois que certains aspects ne doivent pas être négligés car la tâche de la communauté internationale et des Afghans est complexe. Il a insisté sur l’importance d’un effort durable de la communauté internationale pour éviter les erreurs du passé. Le Conseil de sécurité doit veiller à ce que l’effort de reconstruction en Afghanistan soit mené à bien et avec sérieux et durabilité, a estimé le représentant. Soulignant que l’intégration politique de l’Afghanistan à travers le processus de la Loya Jirga est une première étape essentielle car elle traduira la volonté des Afghans de contribuer à leur propre développement par le truchement d’institutions représentatives, il a insisté également sur le fait que la tâche immédiate consiste à démobiliser les combattants et à les intégrer dans une armée et une force de police nationale multiethnique qui serait chargée notamment de l’élimination de la production et du trafic de stupéfiants.
Le représentant a prôné l’accélération du retour des réfugiés pour permettre aux Afghans de structurer le processus démocratique qui passe, entre autres, par la participation des femmes. Il a souligné la nécessité d’intensifier les efforts de développement économique et social durable de l’Afghanistan mais a rappelé que ces tâches incombent en premier lieu aux Afghans. La communauté internationale doit pour sa part consolider et appuyer les efforts des Afghans et ce sera là le rôle de la mission des Nations Unies qui doit être un exemple de partenariat entre les différentes institutions participant à la reconstruction de l’Afghanistan, a jugé M. Zinser. Dans les plus brefs délais, les responsabilités de la reconstruction devront incomber aux Afghans et être placées entre les mains des institutions représentatives désignées par le peuple afghan, a-t-il conclu.
M . WANG YINGFANG (Chine) s’est félicité de l’avancement du processus politique en Afghanistan et il a indiqué que la coopération internationale permettrait de commencer la reconstruction économique du pays. Il s’est félicité des succès obtenus en si peu de temps. Il a cependant affirmé que l’élimination d’Al-Qaida et des Taliban et les conflits interethniques faisaient partie des défis à relever. Il a émis la crainte que de nouveaux conflits n’éclatent à la suite de la convocation de la Loya Jirga. Le représentant a apporté son soutien à l’extension du mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) et il s’est dit favorable à la mise en place d’une structure combinée proposée par le Secrétaire général, espérant que le Conseil de sécurité adopterait bientôt une résolution en ce sens. Le représentant a indiqué que son pays avait apporté son concours sur le plan de l’aide d’urgence et qu’il fournissait une assistance pour mettre en place une police afghane.
M. FERDINAND NGO-NGO (Cameroun) a salué les progrès réalisés par l’Administration intérimaire dans la préparation de la Loya Jirga et dans la mise en place des différentes commissions prévues dans l’Accord de Bonn. Il a souligné ensuite que la situation en matière de sécurité continue d’être un grave sujet de préoccupation, notamment en dehors de Kaboul. Se félicitant du rôle joué par la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) au cours de ces derniers mois, M. Ngo-Ngo a recommandé son expansion à d’autres régions de l’Afghanistan. Il a par ailleurs souligné la priorité de la création d’une armée apolitique et multiethnique et de déployer tous les efforts au niveau humanitaire pour répondre aux situations d’urgence. Il a lancé un appel aux donateurs pour répondre aux besoins d’assistance financière pour la reconstruction de l’Afghanistan. Le représentant a estimé que la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) pourrait permettre de mieux coordonner les différentes interventions internationales dans le pays. Enfin, il a suggéré que l’Assemblée générale et le Conseil économique et social soient associés à la gestion de la situation en Afghanistan.
M. STEFAN TAFROV (Bulgarie) a déclaré que le relèvement de l’Afghanistan était largement dû à l’efficacité de la coalition antiterroriste. Il a apporté son appui à la structure de la future mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan, notamment concernant la proposition de recourir au talent du peuple afghan. Exprimant son inquiétude à l’égard des problèmes de sécurité, il a indiqué que la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) joue un rôle clef dans ce domaine et s’est déclaré favorable à ce que le mandat soit prorogé au-delà des premiers six mois.
Tout en se félicitant des progrès accomplis sur le plan des droits de l’homme, le représentant a appelé à une vigilance accrue de la communauté internationale sur ce point. Il a indiqué que la lutte contre le trafic des drogues était d’une importance capitale pour l’Afghanistan et a indiqué que son pays se trouvait directement touché, dans la mesure où il sert de transit aux trafiquants.
M. STUART ELDON (Royaume-Uni) a annoncé que le commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) et une équipe de l’UNICEF se sont rendus dans la région sinistrée par le tremblement de terre pour évaluer les besoins d’urgence et que la FIAS aide le PNUD à mettre en place un centre d’opérations à Kaboul. Il a poursuivi en précisant que sa délégation travaillera étroitement avec la France pour faire en sorte que le projet de résolution sur la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) soit adopté rapidement. Une bonne reconstruction économique contribuera à la stabilité
politique, a observé le représentant, estimant à cet égard que la MANUA devra contribuer à renforcer les capacités afghanes en matière de droits de l’homme et de participation féminine entre autres. Il a souligné les besoins humanitaires en recommandant une distribution rapide et efficace de l’aide internationale pour épauler l’Administration intérimaire. Le représentant a abordé ensuite la question de l’action de déminage en Afghanistan, parfois oubliée dans l’examen des crises dont se saisit le Conseil de sécurité, et a préconisé une planification du déminage dans le contexte plus général de la reconstruction de l’Afghanistan. Il a insisté également sur une meilleure coordination de l’aide humanitaire par la MANUA et estimé que la protection des civils doit faire l’objet d’une attention particulière conformément à l’aide-mémoire adopté par le Conseil sur ce sujet, il y a quelques jours.
Le représentant a demandé ensuite au Sous-Secrétaire général aux affaires politiques, M. Danilo Türk, d’indiquer la position adoptée par le Secrétariat sur la question des réfugiés et de leur retour. Il a jugé par ailleurs essentiel que la Loya Jirga d’urgence se réunisse et s’est félicité de l’appui apporté par les Nations Unies au processus de mise en place de cette institution. Il a demandé que le mandat de la FIAS soit étendu au-delà du mois de juin 2002 et a admis, comme la France et d’autres délégations, que son expansion géographique semblait difficile. Il a invité la communauté internationale à venir en aide aux autorités afghanes pour la mise en place de leur propre structure de défense et de police. S’agissant de la question des drogues, il est nécessaire et urgent de faire face à ce problème, a estimé le représentant du Royaume-Uni, soulignant que la récolte de pavot commence le mois prochain et qu’il faudrait apporter une aide pour s’assurer que cette production soit détruite.
M. RICHARD RYAN (Irlande) a appelé lea Conseil de sécurité et les Nations Unies à assumer leurs responsabilités et apporter tout leur soutien aux propositions du Secrétaire général pour aider le peuple afghan à reconstruire le pays. Il a salué le rapport du Secrétaire général qui décrit les remarquables progrès réalisés en Afghanistan depuis les Accords de Bonn du 5 décembre 2001, et notamment la mise en place de l'Autorité intérimaire présidée par M. Hamid Karzaï. A cet égard, il a souligné l'importance de voir l'autorité de ce nouveau Gouvernement élargie à tout le territoire afghan, qu'il renforce sa légitimité et son pouvoir central, notamment par le biais de la mise en place de la Loya Jirga d'urgence qui doit intervenir le 22 juin 2002. Dans ce contexte, il a appelé tous les Afghans à coopérer avec la Commission spéciale indépendante et a salué les succès de cette institution au cours de ses deux premiers mois de fonctionnement.
Par ailleurs, le représentant a fait sien l'avis de Secrétaire général, selon lequel la sécurité et la stabilité étaient un préalable incontournable au succès du rôle des Nations Unies. Dans le même ordre d'idées, il a salué les efforts des contributeurs à la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) qui a permis de consolider la stabilité de Kaboul et de faciliter le retour d'un nombre conséquent de personnels de secours et de reconstruction. Il a formé le voeu que les Nations Unies soient en mesure de déployer des personnels civils à travers tout le pays pour pouvoir répondre aux besoins criants du peuple afghan en matière humanitaire. Il a également fait sienne la nécessité de mettre en place une mission au sein de laquelle «l'empreinte» laissée par la présence étrangère sera aussi discrète que possible. En ce qui concerne les nombreux cas de
violation des droits de l'homme constatés, il a appelé l'Autorité intérimaire et les Nations Unies à oeuvrer de concert pour assurer le plein respect des normes en matière de droits de l'homme. M. Ryan s'est en outre félicité de la reprise de la nouvelle année scolaire et du retour des filles et des femmes au sein du système d'éducation, qu'il a définis comme un symbole fort d'un Afghanistan en pleine mutation. Enfin, il a souligné l'importance des engagements de son pays qui a contribué à hauteur de 5 millions d'euros à l'assistance humanitaire pour 2001, et pour un montant de 12 millions d'euros sur trois ans pour l'assistance à la reconstruction, lors de la Conférence internationale qui s'est tenue à Tokyo les 21 et 22 janvier dernier. En conclusion, il s'est également félicité de la récente déclaration de M. Abdullah Abdullah, Ministre afghan des affaires étrangères, visant à faire de la lutte contre le trafic des drogues, une des priorités de l'Autorité intérimaire.
M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a déclaré que les années noires de l’Afghanistan appartenaient désormais au passé. Il a appuyé la création de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) proposée par le Secrétaire général. Il a déclaré que la structure et le nombre des employés de cette Mission permettraient aux Afghans de participer eux-mêmes au relèvement de leur pays. Il a souligné l’importance d’une mise en oeuvre conséquente de l’Accord de Bonn, point de départ de la construction d’un Etat afghan. Il s’est dit heureux que la vie pacifique reprenne petit à petit en Afghanistan et que le processus politique prenne de la vitesse grâce à la convocation de la Loya Jirga prévue pour le mois de juin. Le représentant a toutefois souligné que les Taliban et leurs émules ne devraient pas avoir de place dans les futurs organes de l’Etat. Il s’est dit préoccupé par la présence de nombreux combattants étrangers parmi les terroristes, notamment tchétchènes. Concernant l’élargissement et la prorogation du mandat souhaités par l’Autorité intérimaire, le représentant a déclaré que le Conseil de sécurité devrait éventuellement les envisager en cas de nécessité, même s’il fallait surtout mettre l’accent sur la création d’une armée afghane. Il a insisté sur la nécessité pour les pays qui fournissent une assistance de coordonner leurs efforts, afin que l’Afghanistan ne devienne pas un lieu de confrontation d’intérêts divergents.
M. FRANCOIS FALL (Guinée) a jugé que la réussite du processus politique engagé en Afghanistan est tributaire de la restauration d'un climat de sécurité dans tout le pays. Le rétablissement de la paix et de la sécurité devrait permettre aux autorités afghanes de s'atteler à la reconstruction du pays avec le concours de la communauté internationale. Aussi, le délégué a-t-il lancé un appel aux donateurs pour qu'ils concrétisent rapidement les annonces de contributions faites lors de la Conférence internationale de Tokyo. Notant que certaines difficultés avaient été surmontées, il a souligné néanmoins que la crise humanitaire, notamment alimentaire, demeurait une préoccupation et qu'il faudrait encore du temps et des ressources financières pour y faire face. Il a souhaité que les institutions humanitaires sur le terrain se mobilisent davantage en faveur des réfugiés rentrant des pays voisins et des personnes déplacées et que le programme de déminage soit poursuivi et élargi. Enfin, M. Fall a apporté le soutien de sa délégation à la création rapide et effective de la Mission d'assistance des Nations Unies en l'Afghanistan (MANUA).
M. BIJAYEDUTH GOKOOL (Maurice) a appuyé les recommandations du Secrétaire général et fait appel à une volonté politique résolue pour aider les Afghans et garantir le succès de la reconstruction de leur pays. Il s’est félicité des travaux préparatoires de la Loya Jirga et de la prochaine création de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) qui regroupera sous une même égide toutes les activités de la communauté internationale en Afghanistan. Il s’est inquiété des retards à traduire en actes les promesses financières faites par certains donateurs à Tokyo. Il a défini ensuite quelques priorités pour la communauté internationale, la première étant d’assurer la sécurité dans le pays. A ce titre, il a appuyé l’élargissement du mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) proposé par le Président de l’Autorité intérimaire, M. Hamid Karzaï. La seconde priorité soulignée par la délégation de Maurice est celle de la réconciliation qui doit être un processus soutenu, a indiqué le représentant, soulignant la nécessité de mettre un terme aux rivalités ethniques notamment par le biais d’une Loya Jirga représentative et équitable. La troisième priorité, la lutte contre le trafic de drogues, doit faire l’objet d’un examen approfondi car les derniers rapports font état du fait que la culture du pavot a repris à un niveau élevé après une accalmie en 2001. Enfin, la quatrième priorité mise en avant par le représentant mauricien est celle de l’assistance humanitaire qui est essentielle pour ramener la paix et la stabilité en Afghanistan. A ce titre, le représentant s’est inquiété du sort des réfugiés et des personnes déplacées, qui représentent 25% de la population afghane totale, et de la dégradation du tissu social causée par les violations de droits de l’homme et les persécutions à l’égard des femmes dans le passé qu’il faut désormais réparer. Il a enfin plaidé pour un véritable partenariat entre la communauté internationale et le peuple afghan et a souhaité que les donateurs internationaux ne se détournent pas de leurs obligations d’assistance à l’Afghanistan.
M. JAN PETERSEN, Ministre des affaires étrangères de la Norvège, a déclaré que de grands progrès avaient été accomplis en Afghanistan: la chute des Taliban, la signature de l’Accord de Bonn, la mise en place de l’Autorité intérimaire, le retour des enfants à l’école et la venue de la paix. Le Ministre a félicité la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) pour ses activités et s’est dit favorable à une extension de son mandat après le mois de juin. Cependant, a-t-il affirmé, de nouveaux défis se posent. Les terroristes et les Taliban continuent de poser une menace à la paix et au processus politique, a-t-il indiqué, en faisant remarquer que son pays fournissait du personnel pour la campagne antiterroriste en Afghanistan. Il a insisté sur la nécessité pour l’Autorité intérimaire d’étendre son influence au-delà de Kaboul et il a invité les pays donateurs à fournir les fonds dont l’Autorité a besoin pour payer ses employés et fonctionner efficacement. Il a indiqué que sur les 40 millions de dollars que fournirait la Norvège à l’Afghanistan cette année, la majeure partie serait consacrée à l’assistance humanitaire. Le représentant a apporté son soutien à la structure intégrée et légère proposée par le Secrétaire général, la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA). Il s’est dit favorable à l’emploi prioritaire de personnel afghan. Il a indiqué qu’un engagement à long terme des Nations Unies était nécessaire pour s’assurer que l’Afghanistan ne redeviendra pas un havre pour les terroristes. Il s’est dit impatient que le Conseil de sécurité adopte une résolution pour créer la nouvelle mission proposée par le Secrétaire général.
M. INOCENCIO F. ARIAS (Espagne), qui s’exprimait au nom de l’Union européenne et des pays associés, a indiqué qu’outre les événements très positifs que représentent la signature de l’Accord de Bonn, le déploiement de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS) et la Conférence internationale de Tokyo, des défis énormes demeurent avant que le peuple afghan ne connaisse un retour à la normale. L’Union européenne, a-t-il poursuivi, est engagée à aider le peuple afghan à surmonter ces problèmes et est prête à apporter sa contribution à la coopération avec les pays voisins et le reste de la communauté internationale. Elle a joué et continue de jouer un rôle important dans le processus afghan en cours et soutient le processus mené par les le système des Nations Unies sous la direction du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Lakhdar Brahimi. L’Union européenne, a-t-il ajouté, approuve le mandat proposé et les principes opératoires de base pour la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA). Cependant, et afin de laisser une empreinte internationale aussi discrète que possible, les structures de la MINUA doivent prendre en compte les initiatives existantes afin d’éviter une répétition inutile du travail. Nous appelons à une collaboration solide et efficace, a déclaré le représentant, réaffirmant que l’Union européenne est prête à soutenir et à aider la MANUA à accomplir son mandat.
Soulignant que la sécurité est un élément essentiel pour réaliser les objectifs définis par l’Accord de Bonn, le représentant a déclaré que l’Union européenne soutient l’idée de proroger le mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité au-delà des six mois initialement prévus. L’Union européenne regrette par ailleurs profondément la perte tragique de cinq jeunes ressortissants issus de deux Etats membres, a –t-il fait savoir. Pour garantir la stabilité du pays, l’Union européenne est convaincue qu’une armée nationale doit être formée rapidement.
En ce qui concerne la situation politique, l’objectif principal est de maintenir la mise en oeuvre du calendrier défini à Bonn. A travers d’importantes contributions de la part de ses Etats membres et de la Commission européenne, l’Union européenne aide à financer la Loya Jirga. Elle réitère son ferme soutien à l’Autorité intérimaire d’Afghanistan et pense que l’Afghanistan devrait être guidé par des principes acceptés contenus dans les instruments internationaux comme par exemple un gouvernement responsable et représentatif doté d’un mandat renouvelé périodiquement par le peuple afghan. La responsabilité de l’administration de l’Afghanistan et la coordination des donateurs sont impératives pour assurer le succès du processus de reconstruction, a-t-il fait remarquer. Il y a un besoin pressant d’une assistance humanitaire continue coordonnée par les Nations Unies. L’Union européenne soutiendra les efforts des institutions humanitaires sur le terrain. Le respect des droits de l’homme est d’autre part essentiel pour assurer la réconciliation et une coexistence pacifique entre les groupes ethniques d’Afghanistan. L’Union européenne considère que les femmes afghanes doivent jouir d’un accès égal à l’éducation et à l’emploi. Le succès de la reconstruction en Afghanistan et de la mise en oeuvre de l’Accord de Bonn dépendront en grande partie de la coopération et de l’engagement des pays voisins. L’Union européenne est prête à cet égard à prendre en compte la dimension régionale dans sa politique à l’égard de l’Afghanistan. La sécurité, la stabilité et la reconstruction en Afghanistan sont interdépendantes. Il incombe en premier lieu au peuple afghan de réaliser ces objectifs, a estimé M. Arias, tout en reconnaissant que la communauté internationale ne doit pas faiblir. Pour sa part, l’Union européenne est prête à contribuer à cette tâche.
M. SHAMSAHD AHMAD (Pakistan) a tout d'abord apporté le soutien de son pays à la proposition du Secrétaire général concernant l'établissement de la Mission d'assistance des Nations Unies enà Afghanistan (MANUA), souhaitant que l'ONU continue de jouer son rôle en aidant les Afghans à régler eux-mêmes leurs problèmes. Pour le représentant, il faut désormais tirer les leçons du tragique passé de l'Afghanistan non seulement pour en corriger les erreurs mais aussi pour éviter de les répéter. Maintenant que la communauté internationale s'est engagée à panser les plaies de ce pays, a-t-il poursuivi, nous espérons qu'elle ne va pas de nouveau s'en détourner. Elle doit rester présente en Afghanistan et dans la région et ne plus jamais permettre que l'Afghanistan soit un havre ou une base pour les terroristes.
Au plan régional, a estimé le représentant, il est possible d'utiliser ce pays enclavé comme une passerelle entre l'Asie centrale et le Golfe arabo-persique et de faire de l'Afghanistan la plus courte des routes de transit entre les Etats d'Asie centrale et le reste du monde. Les projets de routes, voies de chemin de fer, pipelines pour le pétrole et le gaz pourraient apporter au pays un bien-être économique sans précédent. Mais, a-t-il mis en garde, toute tentative parrainée par des intérêts extérieurs de monter l'Afghanistan contre ses voisins ou d'attiser les divisions sectaires ou ethniques ne ferait que prolonger la détresse de la population. La communauté internationale, pour le représentant pakistanais, doit assurer que les vieilles rivalités et haines n'auront plus l'occasion d'entraver l'établissement d'un régime politique stable. Sans sécurité, a-t-il insisté, il n'y aura pas de paix en Afghanistan, ni d'unité, de stabilité, d'aide humanitaire, de reconstruction, ni même de redressement. Le Pakistan a soutenu le déploiement de la Force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS) mais pense que sa taille et ses prérogatives doivent être étendues à tout le pays, en particulier aux grands centres urbains. Par ailleurs, M. Ahmad a souligné que le succès de l'Accord de Bonn dépendra de la façon dont les dirigeants afghans s'emploieront à reconstruire leur pays dans un esprit de conciliation. Le représentant a conclu en rappelant que le Pakistan avait joué son rôle en accueillant des millions de réfugiés afghans sur son sol et qu'il avait en outre promis une aide à son voisin d'un montant de 100 millions de dollars en faveur des besoins immédiats en réhabilitation et reconstruction.
M. MOTOHIDE YOSHIKAWA (Japon) s'est félicité du rapport du Secrétaire général et les progrès accomplis par l'Autorité intérimaire à mi-parcours de son mandat de six moi sx, qu'il a définis comme une base permettant d'évaluer les progrès réalisés et les moyens de procéder à l'avenir. Il a également salué la rentrée scolaire du 23 mars dernier qui a vu le retour à l'école de plus d'un million d'enfants, la plupart d'entre eux pour la première fois depuis six ans. Il a évoqué les progrès significatifs enregistrés depuis l’Accord de Bonn du 5 décembre 2001, comme la mise en place de l'Autorité intérimaire, le fonctionnement de la Commission spéciale indépendante chargée de nommer la Loya Jirga d'urgence, le déploiement de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS), la tenue les 21 et 22 janvier 2002 à Tokyo de la Conférence internationale d'aide à la reconstruction de l'Afghanistan, la tenue de conférences nationales avec la
participation des gouvernements régionaux, ou encore le paiement des salaires des employés du Gouvernement central et ceux en cours des responsables du Gouvernement. Malgré ces remarquables progrès, a-t-il ajouté, le chemin vers la paix et la stabilité de l'Afghanistan est toujours semé d'embûches et de difficultés. A cet égard, il a défini la nomination de la Loya Jirga d'urgence par la Commission indépendante spéciale comme la prochaine étape la plus importante dans ce processus et s'est félicité des initiatives des Gouvernements de l'Allemagne et du Royaume-Uni pour soutenir ce processus visant à trouver un compromis dans un souci de tolérance.
Par ailleurs, le représentant du Japon a souligné la nécessité pour les donateurs et les institutions de l'ONU de mettre en place rapidement une stratégie d'assistance coordonnée et cohérente, afin de répondre aux attentes du peuple afghan en ce domaine. Dans ce contexte, il a déclaré que la prochaine réunion du Groupe de mise oeuvre à Kaboul, les 10 et 11 avril, sous la présidence de M. Amin Arsala, Ministre des finances, sera une opportunité pour coordonner l'assistance à l'Afghanistan. En ce qui concerne l'implication du Japon, M. Yoshikawa a précisé son pays procédait au paiement des 250 millions de dollars promis à la Conférence de Tokyo pour l'an 2002 et qu'il a pris la tête du programme de reconstruction de l'Afghanistan au sein du PNUD, dont l'objectif est de fournir du travail à 20 000 personnes dans le cadre de projets de travaux publics à Kaboul. Il a également précisé que le Japon était le premier contributeur au programme «Retour à l'école» et qu'il avait fourni 20 millions de dollars dans le cadre du programme de déminage et 12 autres millions pour des équipements médicaux. Enfin, il a remercié les pays contributeurs de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS), tout particulièrement le Royaume-Uni et a pris note de la requête du Président Hamid Karzaï de voir le mandat de cette Force prorogé et étendu aux autres villes afghanes. En conclusion, il a appelé le peuple afghan à poursuivre ses efforts en vue d'obtenir des résultats concrets dans les domaines politique et de la reconstruction qui sont des conditions incontournables pour stimuler le soutien de la communauté internationale.
M. J OHNohn DAUTH (Australie) a estimé que la reprise de la violence constitue la menace principale à laquelle doit faire face aujourd’hui l’Afghanistan. La lutte contre la menace terroriste posée par Al-Qaida et les combattants du régime des Taliban demeure une priorité. Cependant, si une présence militaire extérieure doit contribuer à mettre un frein à cette violence, elle ne représente pas une solution sur le long terme. Par conséquent, l’Australie encourage l’extension numérique et géographique de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) ainsi que la prolongation de son mandat au-delà de la durée de six mois initialement prévue mais souhaite que ces projections reposent sur des attentes réalistes. Dans ce contexte, l’émergence de la Loya Jirga doit être encouragée avec vigueur. Cependant, sa légitimité politique, pour être effective, requiert un déploiement intelligent de ressources. C’est pourquoi, l’Australie appuie la proposition du Secrétaire général selon laquelle la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA) doit avoir une structure unifiée, intégrée et décentralisée qui sera placée sous l’autorité de son Représentant spécial, M. Lakhdar Brahimi.
L’assistance internationale devra également s’efforcer de renforcer les institutions afghanes et non s’y substituer. Le savoir-faire de la diaspora afghane doit donc être évalué et les réfugiés doivent être encouragés à revenir dans leur pays et à reprendre une activité économique normale. En outre, le représentant a indiqué que les efforts de la communauté internationale seraient amoindris si ceux qui ne reconnaissent pas l’autorité de l’Etat afghan disposent
de ressources illégales. C’est pourquoi, la lutte contre la production et le trafic des drogues est une priorité et, à cet égard, l’Australie se félicite du projet de mise en place d’une unité de contrôle des stupéfiants au sein de la police afghane. Enfin, le représentant a estimé que la paix, la réconciliation et le développement durables ne sauraient être possibles sans une attention spéciale portée aux besoins des femmes et des enfants afghans.
M. KAMALESH SHARMA (Inde) a déclaré que les défis de l’Administration intérimaire étaient nombreux lors de son entrée en fonctions le 22 décembre 2001, tant dans le domaine de la sécurité que dans ceux de la réconciliation et de la reconstruction économique. L’Administration intérimaire a tant accompli en si peu de temps et avec si peu de ressources et c’est là une manifestation de l’esprit indomptable des Afghans, a observé le représentant. Malgré tout, la route est longue, difficile mais pleine de promesses, a-t-il souligné avant de mettre en garde contre les forces ténébreuses des Taliban et d’Al-Qaida qui constituent encore des poches de résistance dans le pays. Il a, à ce titre, lancé un appel à la communauté internationale pour extirper ces forces d’Afghanistan au nom de la sécurité de tous les Etats Membres. L’Administration n’a pas de ressources suffisantes et a besoin d’une force militaire et de police bien équipée et bien entraînée pour surmonter le défi sécuritaire, a jugé le représentant, recommandant l’extension du mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS) et souhaitant que la communauté internationale renforce les capacités de l’Administration intérimaire en vue d’établir un dispositif sécuritaire professionnel.
Abordant la question de la Commission spéciale créée pour la convocation d’une Loya Jirga d’urgence, le représentant a jugé que cette commission augure bien pour cette assemblée représentative mais a mis en garde contre toute infiltration des Taliban ou de leurs sympathisants dans la Loya Jirga. La Conférence internationale de Tokyo a vu des promesses d’aide remarquables, a-t-il poursuivi, précisant toutefois que cette aide doit être débloquée immédiatement pour permettre à l’Administration intérimaire de payer les fonctionnaires et de maintenir les services publics. La communauté internationale ne doit pas abandonner l’Afghanistan, a-t-il ajouté, soulignant que l’Inde continuerait d’aider les Afghans dans les domaines de la formation de la police, de la construction de logements et que le Gouvernement indien avait d’ores et déjà ouvert une ligne de crédit de 100 millions de dollars pour l’Afghanistan. Il faut tenir compte des priorités des Afghans pour garantir la durabilité du programme de reconstruction nationale, a-t-il ajouté, saluant ensuite la création imminente de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Afghanistan (MANUA) qui devra déployer tous les efforts pour prouver au peuple afghan que la communauté internationale est à la hauteur de ses attentes.
M. PAUL HEINBECKER (Canada) a déclaré que beaucoup avait été fait en trois mois d’Administration intérimaire même s’il a reconnu que les tâches à accomplir restaient importantes. Il a insisté sur la nécessité que le processus politique de la Loya Jirga soit équitable et transparent. Faisant allusion au retour des femmes à la vie publique, le représentant a déclaré qu’il fallait du sang nouveau pour accomplir de nouvelles politiques et il a suggéré que l’Afghanistan prenne exemple sur la Turquie pour faire participer les femmes à la vie politique. Le représentant a déclaré que la récolte du pavot était un problème sérieux et que la communauté internationale devait faire des efforts pour inciter les gens à cultiver autre chose que du pavot. Sur le plan militaire, le représentant a estimé à 3 000 hommes le nombre de Canadiens en Afghanistan et il a déclaré que son pays avait annoncé une nouvelle contribution de trois millions de dollars. L’ONU ayant un rôle central à jouer en matière de coordination, le représentant s’est félicité des nominations récentes des deux représentants spéciaux adjoints, MM. Jean Arnault et Nigel Fisher. Il a indiqué que les différentes institutions sur place devaient être coordonnées pour éviter tout double emploi et faire en sorte que tout dollar dépensé profite au peuple afghan.
M. IFTEKHAR AHMED CHOWDHURY (Bangladesh) a d'abord soulevé le problème de la sécurité pour souligner que la présence continue d'une force de maintien de la paix élargie demeure essentielle pour la stabilité de l'Afghanistan. Il a ensuite appelé la communauté internationale à appuyer fermement l'Autorité afghane par un soutien financier immédiat. Il a aussi évoqué la dimension régionale en arguant qu'une paix durable en Afghanistan ne saurait être envisagée sans l'appui et la coopération des acteurs régionaux. En la matière, il a dit faire confiance au Représentant spécial du Secrétaire général, M. Lakhdar Brahimi. Le représentant a, par ailleurs, qualifié d'urgent la question "humanitaire et économique" du déminage avant d'aborder celle de la coordination des programmes. A cet égard, il a souhaité que certaines des conclusions de l'atelier organisé par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) soient intégrées aux tâches de la Mission de l'ONU en Afghanistan. Il a conclu en manifestant la volonté de son pays de participer activement à la reconstruction de l'Afghanistan, notamment en partageant son expérience dans les domaines du microcrédit, de la promotion de la femme, de la lutte contre la pauvreté, de l'éducation et de la santé.
M. RASHID ALIMOV (Tadjikistan) a déclaré que cette séance est importante pour donner un nouvel élan au processus de paix en Afghanistan. Il a souligné ensuite que le rapport du Secrétaire général donne des lignes claires quant au nouveau rôle que peut jouer l’ONU dans la renaissance de l’Afghanistan. Il ne sera pas facile d’harmoniser la société afghane et d’y introduire la concorde civile, a observé le représentant, invitant les Afghans à ne pas se détourner des objectifs du rétablissement de la paix et de la sécurité. Il est de l’intérêt du Tadjikistan de voir la situation se stabiliser en Afghanistan et nous ferons tout notre possible pour aider ce pays, a-t-il déclaré. Le Tadjikistan va acheminer prochainement de l’électricité en Afghanistan et contribuer à la construction de routes et d’autres infrastructures dans le nord du pays. Il a prôné l’augmentation de l’aide internationale et encouragé la coordination de l’assistance bilatérale et multilatérale par les Nations Unies. Saluant la réouverture des écoles et la convocation de la Loya Jirga d’urgence en juin prochain, le représentant a jugé que ces deux événements sont porteurs d’espoir et doivent être consolidés. Les leçons du règlement du conflit inter-tadjik, sous la conduite des Nations Unies, pourraient inspirer le processus en cours en Afghanistan, a enfin fait remarquer le représentant.
M. UMIT PAMIR (Turquie) a souligné que la volonté de voir une administration moderne en Afghanistan, gage de stabilité et de sécurité régionales, a conduit son pays à contribuer effectivement à la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS). Pour ce qui est du futur commandement de la Force, il a indiqué que les autorités turques tiennent des discussions avec les parties britannique et américaine sur un large éventail de questions technico-militaires. Ces questions sont toutes importantes pour préserver le succès de l'opération en Afghanistan, a précisé le représentant.. Au-delà de sa participation à la FIAS, a-t-il assuré, la Turquie continuera à contribuer à la formation militaire et à l'équipement de l'Armée nationale afghane. Elle est également disposée à contribuer à la création d'une force de police afghane et contribuera, par ailleurs, à la restructuration des institutions de l'Etat, en particulier à la formation du personnel et aux efforts de reconstruction.
M. HADI NEJAD-HOSSEINIAN (République islamique d’Iran) a estimé que la situation en Afghanistan demeure fragile et imprévisible mais a également dénoncé les opérations militaires incontrôlées et meurtrières menées sur le terrain. C’est pourquoi, tout en reconnaissant la nécessité de l’assistance internationale, il a estimé que le renforcement du processus de paix afghan doit passer par l’implication des commandants locaux et des Afghans eux-mêmes à la force militaire. Cette force militaire, à la lumière des expériences du passé, doit néanmoins être minimale et aussi courte que possible. Le représentant s’est en outre inquiété de la persistance de la culture illicite du pavot qui représente une source de financement des activités guerrières des Taliban. Dans ce contexte, les activités de lutte contre le trafic de stupéfiants devraient être une priorité de la communauté internationale, a-t-il poursuivi en se félicitant également de la création d’une unité de lutte contre le trafic de stupéfiants au sein de la police. Le représentant a formulé l’espoir que, dans les prochains rapports du Secrétaire général, la question du trafic de drogue soit prise en compte et que les plans élaborés par les Afghans eux-mêmes pour lutter contre ce fléau soient analysés.
Afin de stabiliser la région, a ajouté le représentant, il est indispensable que les pays voisins parviennent à un consensus et se mettent d’accord entre eux sur les moyens de contribuer au processus de paix dans le pays. Dans ce contexte, la tenue d’une réunion du «Groupe des six plus deux» à Kaboul, le 11 mars dernier, avec le Ministre des affaires étrangères de l’Administration intérimaire représente une avancée décisive. En dépit de l’existence de frontières poreuses, le représentant a d’ailleurs précisé que son pays a déployé des efforts importants, au cours de ces derniers mois, pour empêcher que des membres de Al-Qaida et des Taliban n’entrent en République islamique d’Iran. Un nombre important d’Afghans et d’individus d’autres nationalités qui sont entrés de façon illégale sur le territoire iranien ont été détenus par les institutions compétentes iraniennes. Certains d’entre eux ont été remis à leurs gouvernements et la République islamique d’Iran a également communiqué leurs noms au Secrétaire général. De même, les autorités afghanes ont pris des mesures effectives afin d’interdire toute activité perpétrée par des ressortissants afghans ou d’autres
nationalités sur le sol iranien contre le Gouvernement de l’Autorité intérimaire afghane. Le représentant a également émis l’espoir que le dialogue en cours entre le Gouvernement afghan et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour la mise en place d’un programme sur le retour volontaire des réfugiés aboutisse à sa mise en place effective. En outre, il faut s’efforcer d’instaurer un climat de confiance et de compréhension entre les différents segments de la société afghane. Enfin, le représentant a rappelé l’importance du rôle des Nations Unies dans la reconstruction de l’Afghanistan et a indiqué que son pays est prêt à appuyer l’ONU dans l’établissement d’une nouvelle structure sur le terrain.
M. DON MACKAY (Nouvelle-Zélande) a souligné que les contributions que son pays a faites dans le cadre de l'assistance d'urgence et à la Conférence de Tokyo démontrent son engagement ferme d'appuyer l'Autorité intérimaire afghane et le peuple afghan dans leurs efforts de reconstruction. La Nouvelle-Zélande, a-t-il précisé, est disposée à jouer son rôle, en partenariat avec la communauté internationale et le peuple afghan. Il a estimé que l'élément essentiel d'une paix durable en Afghanistan demeure la mise en oeuvre réussie du programme de démobilisation, de désarmement et de réintégration. Selon lui, ce programme devrait être intégré aux tâches de la Mission et traité comme partie intégrante du processus politique. Assurer des activités alternatives aux anciens combattants est une donnée fondamentale de la paix, a souligné le représentant.
M. Mackay a ensuite rappelé que la Nouvelle-Zélande est le seul pays non européen à avoir prêté du personnel à la Force internationale d’assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS). Ce faisant, elle a démontré son engagement en faveur de la stabilité et de la sécurité dans le pays. A la veille de l'élargissement du mandat de la Force au-delà de Kaboul, a poursuivi le représentant, la Nouvelle-Zélande espère que d'autres pays s'ajouteront à l'opération. A cet égard, il a souhaité que la sécurité du personnel de la Mission de l'ONU et de la population afghane en dehors de Kaboul soit prise en compte dans les décisions sur le rôle futur de la FIAS.
Mme MADINA JARBUSSYNOVA (Kazakhstan) a reconnu que la société afghane était déterminée à assumer la responsabilité de la reconstruction du pays malgré les souffrances endurées dans le passé. Elle a souligné que des changements positifs sont en cours dans la société afghane, mentionnant notamment la réouverture des écoles, la création de la Commission pour la mise en place de la Loya Jirga, et l’établissement de la Commission des droits de l’homme. Elle s’est inquiétée de l’instabilité qui prévaut dans certaines régions du pays, due aux conflits interethniques et à la constitution de fiefs par certains combattants en dehors de Kaboul. C’est pourquoi, la représentante a recommandé l’extension du mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) au-delà de la capitale afghane afin de faire face à cette insécurité et s’est félicitée de la décision de l’Administration intérimaire, appuyée entre autres par les Etats-Unis et l’Allemagne, de mettre sur pied une armée et une police multiethniques, bien équipées et bien entraînées. Le Kazakhstan est engagé à contribuer au redressement de l’Afghanistan, a-t-elle ajouté, rappelant qu’avec la collaboration du Programme alimentaire mondial (PAM), son pays avait déjà envoyé 94 tonnes de céréales en Afghanistan.
M. RAVAN FARHADI (Afghanistan) a noté que le dernier rapport du Secrétaire général contient surtout des éléments positifs, reflétant l’espoir et l’optimisme du peuple afghan, alors que les précédents rapports étaient consacrés principalement à des violations des droits de l’homme. Il a jugé que la nouvelle structure des Nations Unies arrivait à point nommé, au moment où la consolidation de la paix et de la reconstruction était particulièrement importante. La constitution d’une armée et celle d’une police nationale demeurent vitales pour l’Administration intérimaire et serviront également de symbole national, a-t-il déclaré. Engagé à mettre en oeuvre l’Accord historique de Bonn, il a dit attendre avec intérêt la convocation de la Loya Jirga mais il a précisé que les vœux de l’Administration intérimaire devaient être entendus. En particulier, il a précisé qu’il ne saurait y avoir de place dans cette institution pour la participation des Taliban et leurs partisans quelle que soit la dénomination utilisée. Ceux qui ont soutenu les forces étrangères et violé les droits fondamentaux sont considérés comme des traîtres et des terroristes qui n’ont pas de place dans la vie politique afghane, a conclu le représentant.
M. DANILO TÜRK, Sous-Secrétaire général des Nations Unies aux affaires politiques, s’est dit encouragé par l’appui unanime des membres du Conseil aux propositions de M. Kofi Annan. Répondant au Royaume-Uni, il a déclaré que le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) avait déjà dépêché une mission d’évaluation des besoins en matière d’assistance aux réfugiés et aux personnes déplacées dont les programmes s’intègreront dans la future Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA). Il a estimé que la structure proposée par le Secrétaire général répond à un nouveau concept qui allie l’intégration et l’articulation des différentes composantes de la Mission, permettant par exemple à la composante «droits de l’homme» de ne plus être isolée mais de devenir un des piliers de l’opération. Il a assuré le Conseil que la question de la lutte contre les drogues sera prise au sérieux dans l’approche de la MANUA et que le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan, M. Lakhdar Brahimi, sera informé des préoccupations des membres du Conseil à ce sujet. Il a souhaité que le Conseil proroge le mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) après le mois de juin 2002 et s’est joint au propos du Royaume-Uni qui recommandait d’étendre la Force au-delà de Kaboul. Il a lancé un appel à une assistance substantielle de la communauté internationale et salué à ce titre la présence du Ministre des affaires étrangères de la Norvège, un des pays contributeurs les plus importants au programme de reconstruction de l’Administration intérimaire afghane.
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