LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME NE DOIT PAS AFFAIBLIR LE REGIME INTERNATIONAL DE PROTECTION DES REFUGIES, SOULIGNE M. LUBBERS DEVANT LE CONSEIL DE SECURITE
Communiqué de presse CS/2258 |
Conseil de sécurité
4470e séance – matin
LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME NE DOIT PAS AFFAIBLIR LE REGIME INTERNATIONAL DE PROTECTION DES REFUGIES, SOULIGNE M. LUBBERS DEVANT LE CONSEIL DE SECURITE
Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Ruud Lubbers, a attiré ce matin l’attention des membres du Conseil de sécurité sur la nécessité de faire en sorte que la lutte internationale contre le terrorisme n’affaiblisse pas le régime international de protection des réfugiés qui, en raison de leur appartenance ethnique, leur religion, leurs origines et leur affiliation politique sont parfois associés au terrorisme. Dans son exposé au Conseil de sécurité,
M. Lubbers a estimé que la détention des demandeurs d’asile devrait être une exception et non pas la règle. Il a également indiqué que, depuis le mois de novembre dernier, le Haut Commissariat a appelé les gouvernements à fournir leur expertise dans le cadre de l’élaboration d’un projet de réglementation visant à éviter que les terroristes et autres criminels n’abusent du droit d’asile.
M. Lubbers a dressé le bilan de l’aide fournie par le Haut Commissariat à 21 millions de réfugiés dans le monde et, notamment en Afghanistan où le nombre total de personnes déplacées est d’environ 5 millions, soit un cinquième de la population afghane. Avec la mise en place de l’Autorité intérimaire et le déploiement de troupes internationales sur le terrain, nous disposons pour la première fois d’une réelle opportunité pour régler cette question, le but étant d’aider 1,3 million de personnes à regagner leurs foyers en 2002, a signalé
M. Lubbers. Que ce soit sur le continent africain, dans les Balkans ou au Timor oriental, M. Lubbers a insisté sur les impératifs de sécurité qui doivent accompagner tout programme de rapatriement non seulement pour inciter les personnes déplacées à retourner dans leurs foyers mais également pour acheminer l’aide humanitaire. Il a par ailleurs évoqué les contraintes financières que connaît le Haut Commissariat, citant un écart de 13 % entre le budget et les versements effectués. Chaque opération exige un financement particulier, a-t-il ajouté; précisant que l’opération en Afghanistan coûte 18 millions de dollars par mois au HCR.
Au cours de l’échange de vues qui a suivi avec les membres du Conseil, la question d’intégrer le rapatriement des réfugiés et des personnes déplacées dans les opérations de maintien de la paix a été soulevée à plusieurs reprises, une délégation faisant valoir que le déploiement d’observateurs en République démocratique du Congo avait encouragé le retour des populations dans leurs foyers. Plusieurs délégations ont demandé aux pays d’accueil d’inclure la question des réfugiés dans leur plan de réduction de la pauvreté. A cet égard, M. Lubbers a regretté que le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) ne contienne pas de dispositions spécifiques à la question des déplacements forcés.
Les représentants des membres suivants du Conseil ont pris la parole : Etats-Unis, Colombie, France, Guinée, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Chine, République arabe syrienne, Norvège, Irlande, Singapour, Cameroun, Bulgarie, Maurice et Mexique.
Exposé du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
M. RUUD LUBBERS, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a indiqué que la résolution 1373 du Conseil de sécurité du 20 septembre 2001 qui appelle les Etats à oeuvrer en étroite coopération dans la lutte contre le terrorisme est compatible avec la Convention relative aux réfugiés de 1951 qui ne s’applique pas aux personnes ayant commis des crimes graves. Le Haut Commissaire a appuyé les efforts déployés par les Etats pour identifier les auteurs, organisateurs ou ceux qui parrainent des actes de terrorisme. Il a cependant lancé un appel à la prudence en expliquant que les gouvernements devaient s’abstenir de faire un lien entre terroristes et réfugiés, ces derniers étant eux-mêmes victimes de persécution et d’actes de terrorisme. La résolution 1373 ne doit pas être utilisée pour nier les droits fondamentaux de personnes innocentes. Nous ne devons pas permettre que la lutte internationale contre le terrorisme affaiblisse le régime de protection international des réfugiés qui, en raison de leur appartenance ethnique, leur religion, leurs origines et leur affiliation politique sont, d’une certaine manière, associés au terrorisme. Les gouvernements doivent s’abstenir de procéder à la détention arbitraire de demandeurs d’asile. La détention de telles personnes doit être une exception et non pas la règle. Le Haut Commissariat pour les réfugiés, a expliqué M. Lubbers, a depuis le mois de novembre dernier appelé les gouvernements à fournir leur expertise dans le cadre de l’élaboration d’un projet de réglementation visant à éviter que les terroristes et autres criminels n’abusent du droit d’asile.
Evoquant les développements régionaux, M. Lubbers a indiqué que 21 millions de réfugiés, personnes déplacées et apatrides étaient concernés par les activités du Haut Commissariat. Avant le 11 septembre, la population afghane constituait la plus grande population de réfugiés du monde avec que 3,5 millions de personnes rien qu’au Pakistan et en Iran et de nombreuses autres personnes dispersées dans le monde. Le Haut Commissariat leur a fourni une aide considérable et, depuis le 11 septembre, 300 000 Afghans se sont réfugiés dans ces deux pays. M. Lubbers s’est félicité du niveau de coopération dont jouit le HCR avec ces deux pays. Au Pakistan, des efforts importants ont permis de transférer les réfugiés dans des zones plus sûres. En Afghanistan, le nombre total de personnes déplacées est d’environ cinq millions, soit un cinquième de la population. Avec la mise en place de l’Autorité intérimaire et le déploiement de troupes internationales sur le terrain, nous disposons pour la première fois d’une réelle opportunité pour régler ce problème.
Le Haut Commissaire a rappelé qu’il a présenté lors de la Conférence de Tokyo un Plan de retour des réfugiés dont le but initial est d’aider 1,3 millions de personnes à retourner dans leurs foyers en 2002. Nous nous préparons donc à une opération importante. La sécurité est l’un des facteurs les plus importants. La majorité des réfugiés étant originaire des zones rurales, il est donc indispensable d’assurer la sécurité dans l’ensemble du pays. Dans ce contexte,
M. Lubbers a fait part de sa préoccupation quant à la détérioration de la situation dans diverses zones de l’Afghanistan. Les affrontements ethniques qui ont lieu sont un obstacle au retour des réfugiés. Si la situation continue de se détériorer, nous reviendrons à la situation qui prévalait en 1992, a mis en garde M. Lubbers, tout en exprimant son ferme soutien à la position de M. Lakhdar Brahimi visant le déploiement de la Force internationale d’assistance à la sécurité au-delà de Kaboul. M. Lubbers a fait également part de sa préoccupation quant aux discriminations dont souffre la minorité pachtoune, notamment au passage frontalier de Chaman.
Abordant la situation en Afrique, le Haut Commissaire a attiré l’attention des membres du Conseil sur la situation de 5 millions de personnes dont un grand nombre languissent depuis des années dans des camps de réfugiés où ils dépendent totalement de l’aide humanitaire de la communauté internationale. Lors de la réunion au niveau ministérielle organisée à Genève en décembre dernier, il est apparu que les opportunités permettant de mettre un terme à de telles situations s’étaient multipliées. En Sierra Leone, nous avons des raisons d’être optimistes dans la mesure où le rapatriement des réfugiés a réellement commencé. Toutefois, la détérioration de la situation au Libéria est une source de préoccupation. En Erythrée, plus de 36 000 personnes ont été rapatriées du Soudan au cours de l’année écoulée et le Haut Commissariat a l’intention d’achever leur rapatriement d’ici 2003. Une autre opération de rapatriement réussie s’est produite en Somalie où 50 000 réfugiés sont retournés d’Ethiopie et il s’agit maintenant d’assurer la durabilité de ce processus.
Dans la région des Grands Lacs, nous avons des raisons d’être optimistes en dépit de l’instabilité politique qui perdure. Dans l’éventualité d’un cessez-le-feu, nous nous attendons à ce que des centaines de milliers de réfugiés réintègrent le Burundi. Le déploiement de la Mission d'observation des Nations Unies en République démocratique du Congo a également permis d’obtenir des résultats positifs. Les entraves à l’accès aux camps par le personnel du Haut Commissariat est l’un des défis les plus importants. L’Afrique doit rester une priorité de la communauté internationale qui ne peut pas ignorer les problèmes chroniques liés à la pauvreté, aux conflits et à l’instabilité. La situation des réfugiés au Sahara occidental est un exemple pour lequel il n’existe pas de solution durable immédiate. Dans l’intervalle, il est inacceptable que les programmes humanitaires restent sous-financés. Le Haut Commissaire a relevé par ailleurs que le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) ne contient pas de dispositions spécifiques à la question des déplacements forcés. Dans les Balkans, le HCR est resté très actif. Des gouvernements démocratiques ont remplacé des régimes autoritaires en Croatie, en République fédérale de Yougoslavie et plus de deux millions de personnes ont réintégré leurs foyers.
M. Lubbers a accueilli favorablement la stratégie nationale relative au retour des réfugiés mise en place par la République fédérale de Yougoslavie tout en soulignant la nécessité de disposer du soutien de la communauté internationale. Quelques progrès ont été réalisés au Kosovo, a poursuivi M. Lubbers. En effet, en 2001, le HCR a organisé les premiers retours de réfugiés après plus de deux ans de déplacement. Cependant, a-t-il regretté, en dépit du déroulement pacifique des élections de l’année dernière, l’incertitude politique actuelle concernant la formation des structures gouvernementales régionales contribue à l’instabilité. Le déplacement continu de Serbes, de Roms et d’autres groupes minoritaires demeure également une source d’inquiétude et les dirigeants locaux ne prennent toujours pas les mesures concrètes nécessaires permettant aux minorités de mener une vie normale dans la province.
M. Lubbers a précisé qu’en ex-République yougoslave de Macédoine, le Haut Commissariat continue de travailler de concert avec les observateurs européens et l’OTAN dans les régions touchées par les conflits afin d’aider à rétablir la confiance entre les communautés. Dans ce contexte, plus de 80% des 170 000 personnes qui étaient déplacées l’année dernière ont regagné leurs foyers. Il existe néanmoins des risques de nouveaux troubles et de déplacement de population. Cependant, M. Lubbers a indiqué que la récente adoption par le Gouvernement d’une loi sur l’autonomie est une étape encourageante qui doit être appliquée le plus tôt possible. En ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, en 2001, davantage de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays ont pu retourner dans les zones contrôlées par les factions ethniques en opposition au cours de l’année dernière. M. Lubbers a cependant indiqué que des problèmes demeurent dans la mesure où plus de 800 000 personnes n’ont toujours pas pu rentrer chez elles. De même, la récupération de la propriété est un des problèmes qui a le plus de conséquences sur le retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur des frontières dans ces deux pays. C’est pourquoi, le HCR tente de faire en sorte que les autorités locales appliquent les lois relatives à la propriété et participent à la reconstruction des biens détruits par la guerre.
Dans toute la région des Balkans, a ajouté M. Lubbers, les besoins sont passés des secours d’urgence au développement mais, au moment où un appui financier international est plus que jamais nécessaire, les sommes d’argent disponibles diminuent. Il est donc indispensable que les donateurs ne ralentissent pas leurs efforts afin de ne pas compromettre les progrès substantiels déjà accomplis. En effet, le retour d’un nombre important de réfugiés dépendra non seulement des réformes politiques et du processus de démocratisation mais également d’une revitalisation économique de la région. L’appui financier international est dans ce contexte d’une importance cruciale. En Géorgie, a poursuivi M. Lubbers, des progrès humanitaires ne pourront être réalisés tant que les parties concernées ne s’engagent pas à assurer la sécurité des populations civiles. Au Timor oriental, le défi est à présent de trouver des solutions durables au problème des 70 000 réfugiés qui restent au Timor occidental et dans d’autres régions de l’Indonésie. M. Lubbers s’est en outre félicité de la naturalisation par le Gouvernement mexicain de plus 6 000 réfugiés guatémaltèques.
M. Lubbers a rappelé, en conclusion, que les 12-13 décembre derniers, une réunion ministérielle des Etats parties à la Convention sur les réfugiés et à son protocole qui a eu lieu a Genève a permis l’adoption d’une Déclaration des Etats parties qui insiste sur la nécessité d’assurer le respect des droits et des libertés des réfugiés, sur l’importance de la coopération internationale pour résoudre ce fléau et sur les actions à mener pour régler le problème des mouvements de réfugiés et faire en sorte qu’ils ne deviennent pas une source de tension entre les Etats.
M. SICHAN SIV (Etats-Unis) a fait part du soutien de son Gouvernement aux activités du HCR et il a réaffirmé son engagement en faveur de la protection des réfugiés. Le représentant a regretté que les activités du Haut Commissariat pour les réfugiés continuent de faire l’objet d’un sous-financement. Il n’est pas acceptable que certains réfugiés ne reçoivent pas une aide selon les normes établies. Le représentant a également dénoncé le sous-financement du Programme alimentaire mondial tout en assurant le Conseil de l’intention de son pays de fournir sa part de financement. Les Etats-Unis ont pris de nouvelles mesures afin de protéger leur sécurité nationale mais les évènements du 11 septembre ne remettront pas en question nos traditions d’accueil, a-t-il réaffirmé. Il faut toutefois nous assurer que les terroristes ne bénéficient pas du système de protection des réfugiés grâce à l’application méticuleuse des procédures d’enregistrement des demandeurs d’asile. La sécurité des camps de réfugiés est une question clef, a ajouté le représentant. Il est essentiel de veiller à ce que les réfugiés soient à l’abri de toute violence et de tout recrutement. Il est important de préparer le retour de millions de réfugiés en Afghanistan. Concernant le Sahara occidental, le Gouvernement des Etats-Unis appuie les plans du HCR sur le rétablissement de la confiance entre les deux parties. Pour ce qui est de l’Afrique, nous lançons un avertissement contre des rapatriements prématurés qui peuvent avoir des effets déstabilisateurs. Nous demandons aux pays d’accueil d’inclure la question des réfugiés dans leur plan de réduction de la pauvreté.
M. ANDRES FRANCO (Colombie) a indiqué que la lutte contre le terrorisme international ne doit pas être incompatible avec le droit à demander asile. La solidarité en la matière doit rester bien vivante. Il a ajouté qu’il faut assurer les conditions de sécurité nécessaires au déploiement de l’action humanitaire dans les pays d’origine et dans les pays destinataires. Les efforts, en outre, ne doivent pas se limiter au cas de l’Afghanistan mais doivent être également favorisés en Afrique où l’intérêt de la communauté internationale est moindre. Dans ce contexte, l’engagement collectif du Conseil de sécurité et de chacun des membres est la meilleure politique qui existe car c’est celle qui produit les meilleurs résultats à long terme. Le représentant a demandé à M. Lubbers de préciser les recommandations permettant de bien distinguer, dans les camps, les réfugiés des rebelles et des terroristes potentiels en cas d’attaque et de confusion. Il lui a également demandé si l’accent doit être mis, en priorité, sur les pays d’origine ou sur les pays d’accueil. Enfin, il a souhaité obtenir des chiffres relatifs au coût de rapatriement d’un réfugié et la différence qui existe en la matière entre un réfugié afghan et un réfugié africain.
M. YVES DOUTRIAUX (France) a exprimé son soutien à l’analyse de M. Lubbers selon laquelle la lutte contre le terrorisme ne doit pas affaiblir le régime de protection internationale des réfugiés. Le représentant a insisté non seulement sur les impératifs de sécurité qui doivent accompagner tout programme de rapatriement mais également sur la nécessité de fournir un travail aux réfugiés pour qu’ils puissent être accueillis dans des conditions normales. Certes, un grand nombre d’autres crises ne doivent pas être perdues de vue, notamment en Afrique. Il faut veiller à ce que les mandats de maintien de la paix adoptés par le Conseil tiennent compte de la situation des réfugiés et des personnes déplacées comme c’est le cas de la MINUSIL en Sierra Leone. Le fait même de déployer des observateurs en République démocratique du Congo a permis de créer un environnement favorable au retour des réfugiés. Le représentant, rappelant que le Conseil économique et social tient chaque année un débat sur la situation humanitaire au mois de juillet, a demandé à M. Lubbers de préciser son point de vue sur le choix du thème du prochain débat de l’ECOSOC.
M. FRANÇOIS LONSENY FALL (Guinée) a estimé que l’Afrique reste un terrain privilégié qu’il faut soutenir. S’il existe un réel espoir sur la Sierra Leone, a-t-il ajouté, beaucoup reste à faire pour que les réfugiés participent aux élections du mois de mai prochain et, à cet égard, il a demandé à M. Lubbers d’indiquer les mesures concrètes que le HCR envisage de prendre pour encourager les réfugiés à rentrer et pour les aider à se réinstaller. Le représentant a en outre fait remarquer que la Convention de 1951 sur les réfugiés repose sur un partage de responsabilité et a, par conséquent, regretté que les pays d’accueil continuent de porter le coût.
M. ALISTAIR HARRISON (Royaume-Uni) a demandé à M. Lubbers de lui fournir des informations complémentaires sur les effets qu’aurait le déploiement éventuel de la Force internationale dans l’ensemble de l’Afghanistan sur la situation des réfugiés. Il a demandé par ailleurs de préciser les conséquences de la restructuration du HCR sur ses activités.
M. LUBBERS, répondant aux questions des délégations, a expliqué que lors de son entrée en fonctions il y a 13 mois, il avait constaté que le budget du HCR était bien plus élevé que le financement de ses activités. La seule solution était de réduire la taille de l’organisation, ce qui a été une opération douloureuse. Chaque défi supplémentaire exige un financement supplémentaire, et l’Afghanistan en est un exemple. L’opération en Afghanistan coûte 18 millions de dollars par mois et le HCR ne peut en garantir le succès que s’il obtient un financement supplémentaire de la part des pays donateurs. Il n’est pas facile de calculer les coûts de rapatriement du HCR qui fonctionne en coordination avec d’autres institutions. Parfois, nous allons plus loin que la simple réinstallation car nous fournissons une aide à la reconstruction des villages et des maisons. Il est donc difficile de définir un budget précis. Nous constatons souvent que les réfugiés constituent une charge lourde pour les pays d’accueil et nous souhaitons que la Nouvelle Initiative pour le développement de l’Afrique (NEPAD) permettra de répondre non seulement à leurs besoins mais également à ceux de la population locale.
M. Lubbers a estimé par ailleurs que le segment humanitaire de la session de fond du Conseil économique et social, en juillet prochain, permettra de réaliser des progrès dans la mesure où ses activités sont complémentaires de celles du Conseil de sécurité. Il faut privilégier des solutions durables en matière de protection pour éviter que les jeunes désoeuvrés ne soient attirés par les promesses des seigneurs de guerre. Le Haut Commissaire a indiqué que le HCR avait réalisé des progrès pour ce qui est de la séparation des réfugiés et des éléments armés dans les camps de réfugiés. C’est notamment le cas en Zambie et en Tanzanie. La sécurité du personnel humanitaire est également une question fondamentale Nous tentons d’améliorer notre équipement et la formation du personnel mais malheureusement, nous avons besoin de plus de ressources.
M. Lubbers a indiqué qu’il existe en Sierra Léone un plan de rapatriement et que la situation s’améliore. Le HCR, en outre, est en faveur d’un retour durable des réfugiés et élabore actuellement un plan d’action plus complet. Il a rappelé qu’au départ, beaucoup de réfugiés afghans voulaient rentrer chez eux de façon spontanée mais qu’actuellement, dans la mesure où le nombre d’incidents est très élevé et que la sécurité dans les campagnes n’est pas suffisante, l’enthousiasme baisse. Il faut, par conséquent, a conclu M. Lubbers, qu’une force de sécurité soit mise en place rapidement car le besoin existe et, sans elle, le processus de rapatriement n’ira pas dans le bon sens.
M. SERGEY LAVROV (Fédération de Russie) a indiqué que la composante ethnique des pays africains exacerbe les tensions régionales. La situation reste toujours tendue et des millions de personnes restent arrachées à leurs foyers d’origine. Le représentant s’est dit préoccupé, en outre, par les cas de plus en plus fréquents d’attaques perpétrées contre le personnel humanitaire et a souhaité que les responsables soient punis comme il convient. Il faut également respecter strictement le principe d’impartialité dans l’aide humanitaire qui ne doit pas servir d’instrument de pression politique. La Fédération de Russie, a fait remarquer son représentant, a été un des premiers pays à tendre la main au peuple afghan mais demande aussi aux pays d’accueil de réfugiés afghans de créer les conditions propices au rapatriement volontaire. En outre, les principales fonctions du Conseil de sécurité viser à créer des cadres politiques par une
interaction avec le HCR dont l’activité ne doit pas revêtir un aspect politique, mais demeurer humanitaire et sociale. Enfin, le représentant a indiqué que, pour contrer la menace du terrorisme, il faut déployer une stratégie globale, diversifiée et à long terme.
M. CHEN XU (Chine) a estimé que la question des réfugiés touche à de nombreux domaines et doit être réglée de façon intégrée. Le règlement du problème des réfugiés exige la coopération des Nations Unies, des organisations régionales et des parties au conflit. Au sein des Nations Unies, il faut veiller à un partage clair des responsabilités. Toute solution doit tenir compte de la situation particulière des pays concernés. Pour certains pays en développement, la pauvreté est souvent la principale cause des conflits et l’absence d’infrastructures met un frein à la fourniture d’une aide aux réfugiés. L’Afrique doit constituer une priorité.
M. FAYSSAL MEKDAD (République arabe syrienne) a indiqué que le rapatriement des réfugiés est un facteur déterminant pour la stabilité des pays après les conflits. Un grand nombre des ces conflits, a-t-il fait remarquer, trouvent souvent leurs origines dans la situation économique et sociale des pays qui n’est pas favorable au développement et qui fait suite à l’occupation étrangère. Au Moyen-Orient, la situation des réfugiés, même si elle ne relève pas de la compétence du HCR, relève de celle du Conseil de sécurité. Il a également regretté que les réfugiés palestiniens aient été chassés de leur territoire par les armes et que, contrairement à tout bon sens et aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, ils vivent toujours sans espoir et doivent faire face à une logique perverse qui ne correspond pas aux normes internationales. Le représentant a également ajouté que la situation en Afrique est très préoccupante et qu’il faut donc la traiter de manière prioritaire. Enfin, il a estimé qu’il faut investir en faveur du rapatriement et a regretté que les pays en développement continuent d’assumer seuls le fardeau des réfugiés.
M. WEGGER CHRISTIAN STROMMEN (Norvège) a estimé que la communauté internationale avait l’obligation de protéger les droits des réfugiés, et en particulier les femmes et les enfants. Nous estimons que les normes en vigueur sont insuffisantes dans la mesure où elles ont été établies par des hommes. Nous appuyons les efforts d’intégration des sexospécificités dans les activités du HCR. La situation sécuritaire sera décisive pour le rapatriement des réfugiés en Afghanistan. Nous devons étayer le processus politique et faire le maximum pour assurer la sécurité du pays. Les personnes déplacées doivent être vues comme des ressources contribuant au relèvement du pays.
M. RICHARD RYAN (Irlande) a demandé à M. Lubbers de préciser les conclusions opérationnelles que le HCR pourrait fournir afin d’évaluer les opérations accomplies. Il a également souhaité obtenir des précisions sur les nouvelles démarches qui pourraient être adoptées à long terme pour éviter que les réfugiés ne languissent pas dans des camps pendant des décennies. Enfin, il a demandé d’indiquer les défis qui se posent actuellement dans la région des Grands Lacs, ainsi que les mesures qui seront prises pour faciliter le rapatriement de réfugiés.
Mme CHRISTINE LEE (Singapour) a rappelé que la prise pour cible de réfugiés et de la population civile était bien souvent un objectif militaire des parties au conflit. Evoquant la situation au Timor oriental, elle a estimé que la présence des Nations Unies sur le territoire ne peut être indéfinie et a souhaité que le HCR dispose d’une stratégie de sortie. La représentante s’est par ailleurs félicitée de l’approche pragmatique du HCR. L’action humanitaire, en effet, ne pourra pas résoudre, à elle seule, les problèmes causant des déplacements forcés de population. Les gouvernements ont la responsabilité première de prévenir et de régler les conflits. Elle a souligné l’importance cruciale qu’il y a à fournir une aide aux pays d’accueil qui ont eux aussi bien souvent leurs propres problèmes économiques. La gestion de la crise mondiale des réfugiés va au-delà du débat que nous menons aujourd’hui et exige une concertation internationale. Il est en outre inacceptable qu’il y ait un ciblage délibéré des éléments du personnel humanitaire et nous devons disposer d’un cadre international plus fort régissant leur protection, conformément à la Convention sur la protection du personnel des Nations Unies et du personnel associé.
M. LUBBERS a fait remarquer que, pour que la communauté internationale maintienne son engagement dans la recherche de solutions au problème des réfugiés, le fardeau doit être équitablement partagé et un soutien doit être apporté aux pays d’accueil. Un autre élément important, a-t-il poursuivi, est la recherche de solutions durables. A cet égard, il a regretté qu’aucun résultat concret n’ait pu être observé. Il faut à présent franchir le pas avec l’aide du Conseil de sécurité et, en particulier, mettre en place des systèmes éducatifs. Il faut également réfléchir à la mise en place de plans globaux pour faire face aux migrations mondiales d’individus et, dans ce contexte, il est important de convoquer une conférence internationale pour établir un plan d’ensemble qui prévoit un partage du fardeau. Enfin, M Lubbers a souligné que le fait de ne pas trouver de solutions pour les réfugiés comporte des risques pour l’avenir. Il est donc indispensable d’aller au-delà de la réflexion et de l’analyse des rapports car le défi qui se pose à la communauté internationale est plus important que le nombre de réfugiés effectif dans la mesure où il peut poser des problèmes qui dépassent cette seule question.
M. FELIX MBAYU (Cameroun) a apprécié les références faites à la situation en Afrique et au Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (à la NEPAD) qui vise la paix et la stabilité économique sur le continent. C’est un outil des plus sûrs nous permettant de tenir compte de la situation des réfugiés. Nous nous associons à l’appel lancé pour mobiliser des ressources supplémentaires en faveur du HCR. Le représentant a demandé à M. Lubbers s’il avait eu le temps d’évaluer les conséquences de la fermeture du Bureau du HCR au Cameroun. Il lui a également demandé de confirmer les informations selon lesquelles il y aurait eu détournement des activités du HCR au Kenya. Il a demandé en outre d'expliquer la manière dont le HCR entend s’intégrer aux efforts de maintien de la paix de la communauté internationale.
M. STEFAN TAFROV (Bulgarie) a exprimé son inquiétude face au risque qui existe dans l’ex-République yougoslave de Macédoine de voir apparaître de nouveaux problèmes pouvant provoquer un autre afflux de réfugiés. Il a également regretté l’essoufflement des contributions volontaires et a souhaité que l’effort humanitaire immédiat soit soutenu et que la question du développement devienne prioritaire. A cet égard, il a fait remarquer que les réfugiés sont également une opportunité de développement aussi bien pour les pays d’accueil que pour les pays d’origine.
M. BIJAYEDUTH GOKOOL (Maurice) a rappelé qu’il était important que les droits fondamentaux des personnes déplacées et des réfugiés soient respectés. La sécurité des réfugiés ne relève pas seulement de la responsabilité du HCR. Il faut également un partage concret du fardeau entre les membres de la communauté internationale. C’est pourquoi, il est nécessaire de développer des approches globales pour réussir une transition souple entre les activités de maintien de la paix et d’établissement d’une paix durable. Il faut combler le fossé entre la fourniture d’une aide d’urgence pendant les conflits et les activités post-conflit. Le représentant a demandé à M. Lubbers d’indiquer le type de coordination envisagée entre les différents acteurs en Afghanistan.
M. ADOLFO AGUILAR ZINSER (Mexique) a indiqué que son pays est disposé à accorder la nationalité à certains réfugiés guatémaltèques qui sont nés au Mexique. Il a également souhaité que le HCR conserve son caractère humanitaire en dépit des défis posés par la lutte contre le terrorisme. En outre, a-t-il poursuivi, il est essentiel de prévenir des situations susceptibles de dégénérer et, dans ce contexte, il est essentiel que la communauté internationale établisse un partenariat entre toutes les institutions des Nations Unies afin que les problèmes essentiels du développement soient appréhendés. A cet égard, il a demandé à M. Lubbers d’indiquer la manière dont le HCR envisage un partenariat avec le Conseil de sécurité et toutes les instances du système des Nations Unies qui aboutisse à un système institutionnalisé. Enfin, il s’est interrogé sur les moyens permettant de canaliser les ressources de façon intégrée.
Reprenant la parole, M. LUBBERS a indiqué que la fermeture du Bureau du HCR au Cameroun a été dictée par des contraintes budgétaires. Il a confirmé que des actes criminels avaient été commis à Nairobi dans le cadre de la réinstallation de réfugiés. Il a expliqué que, dès que la situation en Afghanistan a permis de gérer les flux de population, le HCR s’est mis à la disposition de la communauté internationale pour gérer cette question. Le système des Nations Unies nous a demandé par le biais du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) de nous occuper des flux de réfugiés dans l’est de l’Afghanistan en raison des attaques aériennes. Nous avons travaillé en étroite coopération avec les institutions du système des Nations Unies. Ce partenariat va au-delà du système des Nations Unies, compte tenu du fait qu’il associe également l’Organisation internationale pour les migrations, le Comité international de la Croix-Rouge ou des ONG. M. Lakhdar Brahimi, le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan, dispose d’un adjoint chargé de cette question.
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