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CS/2257

DEVANT LE CONSEIL DE SECURITE, M. KOFI ANNAN ET SON REPRESENTANT SPECIAL POUR L’AFGHANISTAN ENGAGENT LES DONATEURS A HONORER IMMEDIATEMENT LEURS PROMESSES DE CONTRIBUTIONS

6/02/2002
Communiqué de presse
CS/2257


Conseil de sécurité

4469e séance – matin


DEVANT LE CONSEIL DE SECURITE, M. KOFI ANNAN ET SON REPRESENTANT SPECIAL POUR L’AFGHANISTAN ENGAGENT LES DONATEURS A HONORER IMMEDIATEMENT LEURS PROMESSES DE CONTRIBUTIONS


La nécessité de donner suite de manière urgente aux annonces de contributions faites en faveur de l’Afghanistan par la communauté internationale a été soulignée ce matin devant le Conseil de sécurité par M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies ainsi que par son Représentant spécial, M. Ladkar Brahimi.


Le Secrétaire général, qui a fait part au Conseil de sécurité de ses activités durant son récent voyage en Asie, a exprimé sa satisfaction face aux promesses de dons formulées lors de la Conférence de Tokyo qui s’est tenue les 21, 22 janvier, tout en signalant néanmoins que les besoins urgents de l’Afghanistan doivent trouver des réponses immédiates.  En effet, afin que l’Administration intérimaire puisse répondre à la situation humanitaire et conserver sa crédibilité en honorant, notamment, le salaire des fonctionnaires, la communauté internationale doit relever de manière urgente les défis qui se posent aujourd’hui même tout en restant engagée sur le long terme.  Le temps est un élément fondamental, a insisté M. Lakhdar Brahimi qui informait les membres du Conseil de la situation sur le terrain et qui a rappelé que le versement des salaires des fonctionnaires  le 22 janvier, un mois après l’installation de l’Administration intérimaire a constitué une des réalisations les plus importantes.  M. Brahimi  a également évoqué la fragilité de la situation sécuritaire, les obstacles auxquels se heurtent les activités de secours humanitaires, la mise en place des différentes composantes de l’Administration ainsi que la structure de la future mission des Nations Unies, mission qui, a-t-il dit sera intégrée, légère, avec une composante internationale limitée au minimum requis et donnant un rôle le plus large possible aux Afghans.


De son côté, dans son exposé, le Secrétaire général a également précisé qu’au cours de son voyage il avait eu des discussions avec les autorités de Qatar et d’Iran sur la situation au Moyen-Orient et, en particulier, sur l’escalade de la violence entre les Palestiniens et les Israéliens.  Dans ce contexte, le Secrétaire général a estimé qu’il faut envisager la situation dans une perspective politique large et s’efforcer d’améliorer le sort humanitaire des Palestiniens.  Les deux parties doivent revenir à la table de négociations.  Il en est de même pour l’Inde et le Pakistan qui, a estimé M. Annan, doivent s’engager dans la voie d’un dialogue soutenu et déterminé.


LA SITUATION EN AFGHANISTAN


M. Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, a informé le Conseil de sécurité de ses activités au cours de sa récente visite en Asie.  Il a ainsi rappelé que son voyage l’avait amené au Japon, au Pakistan, en Afghanistan, en Iran et au Qatar.  Au Japon, il a pu rencontrer le Premier Ministre et le Ministre des affaires étrangères et assister à la Conférence internationale sur la reconstruction et l’assistance pour l’Afghanistan.  Au Pakistan, M. Annan a rencontré le Président Musharraf ainsi que le Ministre des affaires étrangères M. Sattar et a assisté au Forum sur le développement humain du Pakistan.  Il a également rencontré, au cours de son voyage en Afghanistan, M. Hamid Karzaï, des membres de l’Administration intérimaire ainsi que des représentants de la société civile et des groupes de femmes.  Le général McColl, de la Force internationale d’assistance à la sécurité, a également fourni des informations à M. Annan.  En Iran, le Secrétaire général a rencontré Ayatollah Khamenei, Chef suprême ainsi que le Président Khatami, le Ministre des affaires étrangères Kharrazi et le Président du Parlement.  Il a enfin rencontré l’Emir du Qatar.


La situation en Afghanistan, a poursuivi M. Annan, était au centre de toutes les discussions.  Dans ce contexte, il s’est félicité des conclusions de la Conférence de Tokyo, des promesses de fonds d’un montant de 4,5 milliards de dollars et de l’expression d’un appui très fort au processus politique né de l’Accord de Bonn.  M. Karzaï a également réaffirmé l’importance qu’il accorde à la transparence et à la responsabilité dans l’utilisation de ces fonds et a rappelé que le rôle de la communauté internationale est d’aider les Afghans à s’aider eux-mêmes.  Cependant, M Annan a ajouté que l’analyse des annonces de contributions révèle certaines failles.  En effet, la Conférence a porté essentiellement sur les besoins à long terme alors que l’Administration intérimaire doit pouvoir disposer de l’aide aujourd’hui afin de pouvoir, notamment, payer les fonctionnaires.  Il est urgent de fournir cette aide.  La communauté internationale doit relever le défi aujourd’hui et rester engagée dans le long terme.


La sécurité était la préoccupation principale de chacune des personnes que nous avons rencontrées en Afghanistan, a poursuivi M. Annan, car elle demeure très précaire et, sans sécurité, la reconstruction ne sera pas possible et les bailleurs de fonds ne pourront débourser les fonds qu’ils ont promis.  La seconde grande préoccupation exprimée avait trait au versement des salaires des fonctionnaires afin que l’Administration intérimaire ne perde pas sa crédibilité et que les chances de succès à long terme du processus de paix ne soient pas sapées.


Le Secrétaire général a en outre estimé qu’un autre élément central de la reconstruction de l’Afghanistan est le soutien de ses voisins.  M Musharraf, pour sa part, a invité M. Karzaï et les autres membres de l’Administration intérimaire à se rendre au Pakistan.  Il a également promis de prendre des mesures contre tout personnel d’Al Qaida découvert au Pakistan et assuré que son pays ne saurait être utilisé par des Afghans désirant détruire l’autorité de l’Administration centrale de Kaboul.  M. Musharraf a enfin dit clairement qu’il est de l’intérêt du Pakistan que l’Afghanistan devienne un pays stable.  L’Iran, de même, s’engage au renforcement de l’Administration intérimaire.  Dans la mesure où ce pays a accueilli, tout comme le Pakistan, de nombreux réfugiés et que des échanges


commerciaux, entre autres, peuvent être établis, les autorités iraniennes ont reconnu qu’un Afghanistan stable servait leurs intérêts et qu’elles ne toléreraient pas la présence de Taliban ou de personnels d’Al Qaida sur leur territoire.  Aussi bien l’Iran que le Pakistan se sont en outre engagés à travailler ensemble et avec les autres voisins de l’Afghanistan.


Le Secrétaire général a également indiqué qu’il avait discuté à Islamabad de la situation entre l’Inde et le Pakistan.  M. Musharraf s’est dit fortement préoccupé de l’escalade militaire et a affirmé qu’il était prêt au dialogue et à prendre des mesures fermes contre les groupes extrémistes.  M. Annan a rappelé la nécessité d’une désescalade militaire et d’un dialogue soutenu et déterminé pour résoudre la crise.


Enfin, un autre sujet de forte préoccupation réside dans l’escalade de la violence entre les Israéliens et les Palestiniens.  Les parties doivent revenir à la table de négociations où toutes les questions doivent être abordées –le terrorisme comme l’occupation-, a dit M.Annan.  Sans ce contexte politique plus large et sans se pencher sur le sort humanitaire des palestiniens, il n’y aura pas de progrès possible.


M. LAKHDAR BRAHIMI, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afghanistan, informant les membres du Conseil de la situation sur le terrain en Afghanistan, a expliqué que depuis le transfert de pouvoir le 22 décembre dernier, l’Administration intérimaire a cherché à devenir un Gouvernement central malgré les nombreux obstacles auxquels il se heurte, à savoir destruction des bâtiments publics, manque de matériel et de personnel.  Des progrès ont toutefois été réalisés et l’essentiel des ministères a commencé à fonctionner.  Le 22 janvier, le salaire des fonctionnaires a été versé ce qui constitue une des réalisations les plus importantes de nature à accroître la crédibilité de l’Administration intérimaire.  Les contributions au Fonds que gère le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)I ont permis le versement des salaires.  Davantage de ressources seront nécessaires pour continuer à verser les salaires dans les mois à venir et fournir le strict minimum de ce que les Afghans attendent du gouvernement.  Se félicitant des résultats de la Conférence de Tokyo qui a bénéficié d’une représentation de haut niveau, M. Brahimi a souligné l’importance de donner suite de manière urgente aux annonces de contributions afin que les tâches urgentes puissent être réalisées.


La sécurité reste la principale préoccupation de la population afghane, des points chauds demeurent et des tensions apparaissent périodiquement.  La population craint que la paix ne dure pas.  La semaine dernière, des tensions ont eu lieu dans l’Est et le Nord du pays.  A Mazar–e-Sharif, deux des factions principales sont entrées dans la ville.  Les efforts de médiation conjoints de l’ONU et de l’Administration intérimaire le 1er février ont permis la relance d’un accord de démilitarisation bien que des informations subsistent sur la poursuite des affrontements en dehors de la ville.  Le conflit à Gardez n’a pas encore été réglé et des rapports font état du déploiement des forces d’une des factions en dehors de la ville qui menacent de lancer des attaques.  Ces affrontements montrent la fragilité de la paix en Afghanistan mais la présence visible de la Force internationale et de ses troupes dans la capitale a mené à l’amélioration de la situation à Kaboul.  Des demandes ont été formulées par des citoyens ordinaires, les membres de l’Administration provisoire et même de certains chefs de guerre pour que la Force soit déployée dans tout le pays.  Nous avons tendance à être favorables à cette demande.


A moyen et long termes, il faut une force de police et une force militaire nationales et solides dans le pays.  Les autorités afghanes ont demandé au Gouvernement allemand une aide à la formation des forces de police.  Une délégation allemande s’est rendue dans le pays pour évaluer les besoins et une réunion est prévue à Berlin le 13 février.  Le Royaume-Uni a accepté de fournir 190 000 livres sterling en matériel de communication.  La création d’une armée nationale est également une priorité.  Pour l’heure, la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) a pris sur elle de former un bataillon de 600 soldats à partir du 26 février.  Il faut que la communauté internationale fournisse également une aide à la réinsertion des anciens combattants, ce qui est un élément clef pour l’instauration d’une paix durable.  Nous ne pouvons pas attendre trop longtemps.


Les activités de secours humanitaire illustrent également la situation fragile dans le pays.  Les efforts s’accélèrent et l’accès à certaines régions s’améliorent de jour en jour.  Au cours du mois de janvier, les institutions des Nations Unies ont été en mesure de distribuer 6 000 tonnes de nourriture à Kandahar.  Le personnel humanitaire a pu avoir accès à plusieurs districts des provinces de Konar et de Kandahar.   Une distribution de vivres dans la ville de Mazar-e-Sharif a commencé hier.  Les missions d’évaluation en matière de pénurie alimentaire et des personnes déplacées sont en cours et certaines sont pratiquement achevées.  Toutefois, en raison de problèmes sécuritaires, trois provinces de l’Est du pays sont isolées et quasiment inaccessibles.  Cette situation s’applique à d’autres districts du sud-ouest du pays.  De plus, les tensions à Mazar-e-Charif ont donné lieu à l’évacuation de tout le personnel des Nations Unies la semaine dernière tandis qu’à Gardez le personnel local a été évacué.  La situation sécuritaire a des conséquences sur le retour des réfugiés et des personnes déplacées ce qui est d’autant plus préoccupant que la saison des semences approche.  De nombreux réfugiés -au total 105 000 personnes- sont retournés dans le pays et ont cherché la sécurité des villes plutôt que de retourner dans leur région d’origine.  Ceux qui ont cherché refuge au Pakistan continuent d’affluer au passage frontalier de Chaman.  Des rapports font toujours état de discrimination à l’égard de la communauté Pashtun dans le Nord et de la présence d’éléments armés dans les camps pour personnes déplacées. 


Le Représentant spécial a rappelé que l’Accord de Bonn a prévu la formation d’une Commission spéciale chargée de convoquer la Loya Jirga.  Cette question a été au rang des préoccupations principales des Nations Unies au mois de janvier.  La composition de la Commission a été annoncée par le Président Karzaï et elle a commencé à travailler le 29 janvier.  Elle sera officiellement intronisée par le  Président Karzaï demain.  Cette Commission a confirmé son intention de former une Loya Jirga dans les cinq mois suivants l’Accord de Bonn et de faire en sorte qu’elle soit aussi représentative que possible.  La composition de la Commission a été bien reçue par la population.  L’ONU dans le même temps a aidé à l’élaboration d’une proposition en vue de rétablir une Commission de la fonction publique en notamment préparant une liste de candidats qui serviraient au sein de cette Commission.  Avec la création de la Commission de la Loya Jirga et celle de la fonction publique, deux des jalons critiques du processus de paix ont été franchis avec succès.  Il nous faut maintenant mettre en place la Commission judiciaire et celle des droits de l’homme.


Le statut de la mission des Nations Unies est un souci majeur.  Nous sommes proches d’un consensus sur sa structure qui sera intégrée et fonctionnera avec un programme léger.  La présence des Nations Unies sera minimum et la mission comprendra le plus grand nombre possible d’Afghans.  M. Nigel Fisher, qui a été nommé Représentant spécial adjoint du Secrétaire général pour les affaires humanitaires jouera un rôle important en coordonnant les activités humanitaires des Nations Unies et celles de l’Administration intérimaire.  Le Secrétaire général nommera bientôt un autre représentant spécial pour remplacer M. Vandrell qui a pris sa retraite.


Rappelant que l’Administration intérimaire n’a été intronisée que le 22 décembre dernier, M. Brahimi a estimé qu’en six semaines le pays avait déjà fait de grands progrès sur le chemin de la paix et de la sécurité.  La population aspire à la paix et elle sait qu’elle a besoin du soutien de la communauté internationale.  Elle sait que l’ONU a un rôle clé à jouer dans la reconstruction du pays.  Nous souhaitons que les Nations Unies se tiennent aux côtés de la population afghane sur le long terme.


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