COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL : L’ABSENCE DE PROTECTION SOCIALE A UN COUT EN TERMES DE CAPITAL HUMAIN ET DE CROISSANCE ECONOMIQUE
Communiqué de presse SOC/4559 |
Commission du développement social
3ème séance - matin
COMMISSION DU DEVELOPPEMENT SOCIAL : L’ABSENCE DE PROTECTION SOCIALE A UN COUT EN TERMES DE CAPITAL HUMAIN ET DE CROISSANCE ECONOMIQUE
Le débat général, que la Commission du développement social a consacré ce matin à l’amélioration de la protection sociale dans le contexte de la mondialisation, a permis au monde développé et au monde en développement de rapprocher leurs points de vues sur le lien indéniable qui existe, selon eux, entre développement économique et développement social. Jusqu’à présent, relève l’Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social dans son rapport concernant la période 1999-2000, il n’y a eu aucune tentative sérieuse pour intégrer les politiques sociales et économiques. La politique sociale est soit clairement séparée de la politique économique, soit perçue comme un élément rapporté visant à atténuer les coûts sociaux de la libéralisation économique.
L’absence de protection sociale coûte cher en termes de cohésion sociale, de capital humain et de croissance économique. En revanche, lorsqu’elle est mise en oeuvre, elle constitue une dynamique qui profite à tous, en particulier en cette ère de mondialisation, ont constaté un grand nombre de délégations. Le représentant de la République islamique d’Iran, qui s’exprimait au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a mis en avant le caractère productif des dépenses du secteur social qui vient en appui du développement économique. Dans le même temps, le processus de croissance économique est nécessaire pour trouver des réponses efficaces à la vulnérabilité et à l’exclusion sociale. C’est l’avis qu’a partagé la Secrétaire d’Etat de la Suède, qui prenait la parole au nom de l’Union européenne et des pays associés. Le développement social et le développement économique se renforcent mutuellement, a-t-elle expliqué, et la protection sociale facilite la restructuration du secteur économique.
De même, a relevé un bon nombre de délégations des pays en développement, la vulnérabilité des pays pauvres, qui s’est trouvée exacerbée par le contexte politique et économique international actuel, a affaibli les efforts de développement social. Ces délégations ont appelé à la mise en place de politiques cohérentes de réduction de la dette afin de libérer des ressources en faveur du développement social. Elles ont exhorté les pays développés à renforcer l’aide publique au développement et à revoir l’architecture financière internationale afin de promouvoir la participation des pays en développement au processus de prise de décisions macroéconomiques.
Les représentants des pays suivants ont pris la parole: République islamique d’Iran (au nom du Groupe des 77 et de la Chine), Suède (au nom de l’Union européenne et des pays associés), Chili (au nom du Groupe de Rio), Afrique du Sud, Croatie, Etats-Unis, Fédération de Russie, Espagne, République de Corée, Bangladesh, Mexique, Japon et Nigéria. Sont également intervenus les représentants des institutions et organisations non-gouvernementales suivantes: Organisation internationale du travail (OIT), Organisation mondiale de la santé (OMS), Conseil de l’Europe, ATD Quart-Monde et Conseil international sur les problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie.
La Commission poursuivra son débat général, cet après-midi à 15 heures.
SUIVI DU SOMMET MONDIAL POUR LE DÉVELOPPEMENT MONDIAL
Thème prioritaire: amélioration de la protection sociale et réduction de la vulnérabilité dans le contexte de la mondialisation
Débat général
M. BAGHER ASADI (République islamique d’Iran), au nom du Groupe des 77 et de la Chine, a estimé que la protection sociale et la vulnérabilité sont des composantes importantes du développement social. L’objectif prioritaire de la protection sociale doit viser à protéger les personnes de la pauvreté. Il faut pour cela créer des emploi productifs, libérer des fonds et s’assurer que les programmes de soutien correspondent réellement aux besoins des groupes les plus vulnérables comme les enfants et les femmes. La pauvreté se manifeste sous différentes formes notamment une mauvaise santé, la malnutrition, des taux de mortalité et de morbidité élevés, l’exclusion, l’insécurité et l'absence de participation à la vie sociale, civile et culturelle. De l'avis de la délégation, les dépenses du secteur social sont productives et elles viennent en appui du développement économique. Dans le même temps, le processus de croissance économique est nécessaire pour trouver des réponses efficaces à la vulnérabilité et à l’exclusion sociale. La mondialisation, qui est une force motrice du développement économique, peut améliorer les performances de la protection sociale en augmentant le volume des ressources financières disponibles. La protection sociale doit être considérée comme une dynamique qui profite à tous dans le contexte de la mondialisation. Par ailleurs, le représentant a attiré l’attention sur la nécessité de combler le fossé qui s’est creusé entre les pays développés et les pays en développement, concernant l’accès aux nouvelles technologies de l’information au risque de favoriser de nouvelles formes complexes de vulnérabilité. Six ans après le Sommet mondial pour le développement social, il est indispensable d'analyser de plus près la distribution des richesses à tous les niveaux car le développement social ne pourra être garanti sans la mobilisation des ressources internationales et nationales.
M. EWA PERSSON GORANSSON, Secrétaire d’Etat de la Suède, s'exprimant au nom de l’Union européenne et des pays associés, a relevé que le Sommet mondial pour le développement social et la 24ème session extraordinaire de l’Assemblée générale avaient souligné l’importance de favoriser une approche plus intégrée de la problématique de la protection sociale. Aucun pays n'est épargné par les problèmes qui résultent de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Le chômage, l'absence de ressources, l’exclusion sociale et le fardeau de la dette sont des réalités que connaît également l’Union européenne. L’Union doit en outre faire face à une série de défis dans le domaine de la protection sociale dus notamment aux modifications du monde du travail et des structures familiales, à la persistance des inégalités fondées sur le sexe, à la baisse des taux de natalité et au vieillissement de la population. Cette situation, a expliqué la Secrétaire d’Etat, exige la mise en place de systèmes de protection sociale qui assurent la promotion du plein emploi, de l’éducation pour tous, l’accès aux services sociaux, l’égalité des opportunités pour les femmes et les hommes ainsi que la capacité de combiner la vie de famille et la vie professionnelle.
Dans le cadre de la stratégie européenne de lutte contre l’exclusion sociale et toutes les formes de discrimination, le Conseil de l’Europe a pour objectif d’intégrer les politiques de protection sociale aux politiques économiques. Les stratégies adoptées à Nice reposent sur le constat que la lutte contre l’exclusion sociale doit se fonder sur des objectifs communs et des plans d’action nationaux qui couvrent une période de deux ans. Des mécanismes de suivi ont été établis dans ce cadre. Mme Goransson a évoqué la situation de ceux qui échappent au système formel de protection sociale. Elle a établi un lien entre le développement économique, écologique et le développement social. Le processus de mondialisation a créé de nouveaux défis ainsi que de nouvelles opportunités dans le domaine de la protection sociale. Il est important de reconnaître que le développement social et le développement économique se renforcent mutuellement et que la protection sociale facilite la restructuration du secteur économique. A cet égard, l’Union européenne soutient l'élaboration de principes internationaux en matière de politiques sociales. L’aide publique au développement et l’allègement de la dette peuvent servir de catalyseur dans le financement de la protection sociale.
S’exprimant au nom du Groupe de Rio, M. JUAN GABRIEL VALDES (Chili), a rappelé que le document final adopté il y a sept mois à Genève, lors de l’examen à mi-parcours des engagements pris dans le cadre du Sommet mondial pour le développement social de Copenhague, a clairement mis en lumière la nécessité d’intensifier les efforts dans les domaines prioritaires pour la Commission du développement durable, à savoir la protection sociale et la réduction de la vulnérabilité dans le cadre de la mondialisation. De leur côté, les pays du Groupe de Rio, lors du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, tenu en juin dernier en Colombie, ont réitéré leur attachement à la dimension humaine du développement, qui exige que la croissance économique contribue à la fois à réduire les inégalités économiques entre les nations et les effets de la pauvreté. A ce titre, la mondialisation présente à la fois un défi et une opportunité pour les pays de la région de l’Amérique latine et des Caraïbes. Ces dernières années ont été marquées, en effet, par une augmentation du commerce et des échanges financiers et une plus grande intégration économique. Toutefois, dans le même temps, la région fait face à de sérieux obstacles pour réduire les inégalités économiques et sociales et faire en sorte que la mondialisation profite réellement à tous. C’est pourquoi, de l’avis de M. Valdes, il faut adopter une approche plus créative et volontaire en tirant pleinement parti des nouvelles technologies et en renforçant les identités culturelles.
Partant, le Groupe de Rio partage nombre des recommandations formulées par le Secrétaire général dans son rapport à la Commission. Il est vrai par exemple qu’une stratégie mondiale en matière de protection sociale permettra de définir plus clairement les fonctions des gouvernements, du secteur privé, de la société civile et de la famille dans ce domaine. Elle devrait aussi permettre d’utiliser de manière plus efficace et plus efficiente les ressources mises à disposition. Dans la mesure où les femmes sont le plus souvent victimes de discrimination dans les domaines de l’emploi, de l’éducation ou encore de la santé, le Groupe de Rio estime également, de concert avec le Secrétaire général, qu’il faut absolument mettre l’accent sur la prise en compte d’une perspective fondée sur la parité des sexes dans l’élaboration des systèmes de protection et de sécurité sociales.
De son côté, et en tant qu’organe technique d’évaluation de la réalisation des engagements pris à Copenhague, la Commission du développement social devrait être un lieu d’échange des expériences concrètes de chacun et d’analyse des idées nouvelles dans le domaine social. Dans ce contexte, le représentant prie les autres délégations de se mettre dès maintenant au travail afin que, celui-ci achevé, les gouvernements et la société civile disposent de propositions pratiques et concrètes reflétant les caractéristiques propres à chaque région et pouvant véritablement améliorer les conditions de vie des peuples. Il a précisé que dans le débat qui aura lieu à cet égard, le Groupe de Rio mettra également l’accent sur le rôle important du volontariat dans la promotion du développement social.
Mme JEANETTE NDHLOVU (Afrique du Sud) a fait observer que la tâche assignée à la session en cours -trouver un cadre de protection des groupes les plus vulnérables contre l'impact négatif de la mondialisation- était particulièrement pertinente. Il faut que les coûts et les avantages de la mondialisation soient partagés par tous et que l'on mette fin à la marginalisation du monde en développement et, en particulier de l’Afrique, a-t-elle déclaré. L’Afrique du Sud, comme d’autres régions du monde, fait face à une situation où il lui faut mettre en place des systèmes de protection sociale démocratiques, adaptés et durables de façon à répondre aux problèmes d’exclusion sociale, de pauvreté et de chômage.
Nous sommes, entre autres, confrontés à l’éclatement de la vie familiale et communautaire, séquelles de l’apartheid, a poursuivi la représentante, ce qui se traduit par un niveau d’éducation et de formation très faible, des taux de contamination élevés des maladies dont la prévention est possible, comme la tuberculose, des taux élevés de mortalité infantile, de nombreux cas d’enfants abandonnés ou maltraités, de jeunes ayant des problèmes avec la justice, d’enfants et de familles sans abri, de cas de violences à l’égard des femmes, des enfants et des personnes âgées et encore beaucoup d’autres problèmes sociaux exigeant l’intervention de l’Etat.
Un élément important de la transformation sociale sud-africaine est la création d’une société où la justice sociale et les droits de l’homme prévalent. Le Gouvernement s'efforce d'assurer un accès équitable aux services et des opportunités de développement humain, tout en continuant à chercher à réaliser les objectifs fixés par le Sommet mondial pour le développement social, en coopération étroite avec ses partenaires aux niveaux régional et international.
M. DAVORKO VIDOVIC, Ministre du travail et de la sécurité sociale de la Croatie, a regretté que les spectaculaires progrès scientifiques et techniques laissent en marge les jeunes des pays en transition comme la Croatie. Mon pays fait en effet face à une profonde récession économique et une partie de la population vit malheureusement au seuil de la pauvreté, a affirmé le représentant. Aujourd’hui, la réforme des politiques sociales et de bien-être est une priorité de l’agenda du gouvernement, axée en particulier sur la lutte contre le chômage, contre la pauvreté croissante, et sur l’amélioration des retraites et de l’assurance santé a-t-il ajouté. Le chômage atteint en effet 20,9% en Croatie, et les femmes, les jeunes sans expérience et les personnes de plus de 50 ans sont particulièrement touchés. La réduction de la pauvreté est la seconde priorité des politiques sociales de la Croatie, où les inégalités entre les riches et les
pauvres sont particulièrement marquées. Au titre des politiques de soutien à l’enfance, le représentant a mentionné que l’année dernière, les allocations destinées aux enfants ont été élargies et bénéficient actuellement à tous les enfants, quel que soit le niveau de revenu des parents. M. Vidovic a déclaré que son pays souhaitait réduire le coût social de la transition et renverser la tendance à la baisse des dépenses sociales. Pour ce faire, la Croatie cherche à décentraliser la mise en oeuvre des programmes de sécurité sociale vers des autorités régionales et locales d’autogestion, afin de rendre les services plus accessibles aux citoyens. Le représentant a évoqué en outre la problématique gestion des retraites dans son pays, où le nombre des retraités ne cesse d’augmenter et a attiré l'attention sur les difficultés de la Croatie à faire face à la question des réfugiés.
Mme BETTY KING (Etats-Unis) a évoqué plus particulièrement le phénomène de la mondialisation et son incidence sur la lutte contre la pauvreté. La mondialisation, a-t-elle relevé, peut être une source de nombreux avantages pour les pays en développement dans la mesure où ce phénomène stimule le commerce, génère l’emploi et met les nouvelles technologies de l’information au service de l’éducation. En même temps, nous reconnaissons que seul un certain nombre de pays en développement a été en mesure de tirer profit de la mondialisation. Mais celle-ci n’est pas en elle même à l’origine de la pauvreté, pas plus qu’elle n’en est la solution. Il faut également que les gouvernements s’engagent en faveur de systèmes économiques et de politiques sociales sains, d’une bonne gestion économique et d’une bonne gouvernance. Les pays en développement, a ajouté la représentante, ne doivent pas faire face à ces défis seuls. La communauté internationale doit leur fournir une aide dans les domaines du renforcement de leur capacité commerciale, de l’allègement de la dette et de la promotion des opportunités à l’ère numérique. Elle doit les aider à mettre en place des institutions qui garantissent la liberté, les opportunités, la sécurité, la primauté du droit, l’accès à l’éducation et les services de santé ainsi qu’une gestion durable des ressources naturelles.
Les Etats-Unis, a précisé Mme King, réaffirment leur engagement en faveur de l’allègement de la dette des pays pauvres lourdement endettés qui luttent contre la pauvreté. Ils réaffirment l’importance des Documents de stratégies de réduction de la pauvreté des pays qui sont indispensables pour que l’allègement de la dette et le développement contribuent à l’élimination de la pauvreté. La protection sociale est une composante essentielle du développement économique et social. C'est pourquoi les politiques de protection sociale doivent permettre aux individus de sortir de la pauvreté. L’absence de protection sociale coûte chère et peut causer des conflits sociaux, a ajouté Mme King.
Mme KORUNOVA (Fédération de Russie) s’est félicitée de ce que les contours d’une nouvelle stratégie mondiale de développement social aient été définis lors du Sommet social de Copenhague et qu’un consensus ait été atteint sur la nécessité de mettre la croissance économique au service des objectifs sociaux. Il s’agit maintenant de faire preuve de notre capacité à maintenir l'élan, a ajouté la représentante. Elle a fait observer que la Fédération de Russie accorde une grande importance à la lutte contre la pauvreté et aux politiques de création d’emploi, s’inscrivant ainsi dans la droite ligne de la mise en oeuvre des engagements de Copenhague, réaffirmés à Genève, en juin 2000. Cependant, afin de soutenir les efforts des gouvernements, l’appui des organisations internationales, et notamment des Nations Unies, est essentiel, a souligné Mme Korunova.
Elle a insisté sur a nécessité de faire figurer dans le rapport final de la présente session un appel à l’aide internationale en faveur des pays en transition. Ces pays ont réalisé des progrès substantiels au cours de ces dernières années ils continuent d'être confrontés à des difficultés. L’assistance internationale leur permettra de répondre au double défi de la transition et de la mondialisation. Faisant observer que la croissance économique en elle-même n’est pas une panacée et que les laissés pour compte ont besoin d’aide sociale, la représentante a déclaré que la Fédération de Russie dispose d’un système efficace de protection sociale, prévoyant des aides à la réinsertion et la formation de travailleurs sociaux. En ce qui concerne les personnes âgées, les retraites ont été augmentées, les services médicaux améliorés et les organisations d’anciens combattants bénéficient également d’une aide, a conclu la représentante, avant d’assurer que son pays participera activement à toutes les initiatives en faveur de la protection sociale au niveau international.
M. D. ALBERTO GALERON DE MIGUEL, Directeur général de l'Institut pour les handicapés et les services sociaux (Espagne), s’associant à la déclaration faite par la Suède au nom de l’Union européenne, a indiqué que son pays a adopté une politique économique qui établit l’équilibre budgétaire et vise à la croissance économique, soulignant que cette croissance économique est une condition nécessaire à l’amélioration de la situation sociale. Par ailleurs, consciente de ce que l’insertion professionnelle est un élément fondamental de l’insertion sociale, l’Espagne a adopté des politiques dynamiques en matière d’emploi, visant la création effective de postes. Une attention particulière a été accordée à la lutte contre la fraude et au mouvement associatif, afin que la société civile participe elle-même à la défense de ses intérêts et à la définition de programmes sociaux. En outre, l’assainissement financier du système de sécurité sociale a été entrepris; les excédents sont versés dans un fonds de réserve budgétaire destiné à faire face aux besoins futurs, notamment ceux qui sont liés au vieillissement de la population et au versement des retraites. Le représentant a également mentionné le Plan gérontologique national, qui universalise et améliore les retraites du secteur public et porte une attention particulière aux programmes de prévention sanitaire destinés aux personnes âgées. Mentionnant les engagements internationaux de son pays en faveur de la promotion de la protection sociale, notamment dans le contexte de la construction européenne, M. Galeron de Miguel a rappelé que c’est à Madrid que se tiendra la Deuxième Assemblée mondiale sur le vieillissement en 2002. Il a assuré que son pays travaille activement à la réussite de cet événement et souhaité que la question du vieillissement dans les pays en développement figure au centre des débats.
M. DR. KYEONG-HO LEE (Vice-Ministre de la planification de la République de Corée) a souligné la menace que constitue la baisse des budgets sociaux, parfois occasionnée par les crises économiques. Il a déclaré que la protection sociale ne doit pas consister seulement à fournir un minimum vital aux groupes les plus vulnérables. Elle doit également contribuer à développer les compétences des plus vulnérables afin de les aider à sortir de la spirale de la pauvreté. Elle doit notamment permettre l’accès aux soins de santé, à l’éducation et à des emplois productifs. M. Kyeong-ho Lee a affirmé que la responsabilité de la protection sociale incombait aux gouvernements, qui devraient considérer les dépenses sociales comme des investissements-clés dans la formation de ressources humaines qualifiées.
Évoquant les mesures prises au niveau national, le représentant a déclaré que dans son pays, le gouvernement avait introduit un concept révolutionnaire de politique sociale, qu'il appelle le "bien-être productif". Ce programme vise à intégrer la protection sociale et la productivité économique, développant les compétences des plus vulnérables afin qu’ils participent à la vie productive. Par ailleurs, un système d’assurance-emploi fournit une aide et une formation aux personnes qui sont au chômage. En conclusion, le représentant a exhorté les pays développés à accroître leur soutien, financier ou non, aux pays en développement, soulignant que la coopération internationale est essentielle au développement de dispositifs de sécurité sociale dans les pays en proie à des difficultés économiques.
M. KARIM CHOWDHURY (Bangladesh) a évoqué les nombreux défis qui se présentent pour parvenir à la mise en place de systèmes de protection sociale efficaces. Ainsi, les programmes de protection sociale doivent être menés de pair avec les stratégies visant l'élimination de la pauvreté. Par ailleurs, dans le contexte de la mondialisation de l’économie, les individus n’ont pas la possibilité d’acquérir les compétences nécessaires aux mutations des opportunités. Moins d’attention est accordée aux besoins de base alors que l’accent est placé sur la compétitivité. Les fonds privés demeurent insignifiants dans les pays en développement où les politiques de protection n’existent pas. Attirant l'attention sur l’affaiblissement des institutions traditionnelles comme la famille et la cellule communautaire. M. Chowdhury a fait observer que les femmes se trouvent encore dans une situation défavorable en dépit de leur rôle accrû dans le processus de prise de décisions économiques et politiques. De nombreux programmes de protection sociale sont discriminatoires à l’égard des femmes. Il a souligné la nécessité d'encourager la tendance évidente au sein de la société civile visant à prendre soin des groupes les plus vulnérables comme les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées tout en réaffirmant le rôle qui incombe aux gouvernements. Le représentant a mis en lumière certains domaines d’intervention permettant de relever ces défis: placer l’être humain au centre de toute politique, développer des partenariats entre le secteur public et privé et promouvoir la coopération internationale.
Mme BLANCA LILIA GARCIA (Mexique) a fait observer que lors du dernier examen du suivi des engagements de Copenhague, il était apparu de façon claire qu’il était impératif d’intensifier les actions et les efforts visant à améliorer la protection sociale. Evoquant les programmes nationaux, la représentante a déclaré que le développement social était un élément fondamental de la politique nationale du Mexique, dont l’objectif est de placer l’être humain au centre du développement. Cela implique des politiques visant à renforcer les capacités et les compétences des plus vulnérables et à rendre toutes les opportunités de développement accessibles à chacun. Mme Lilia Garcia a affirmé que la lutte en faveur de la protection sociale ne devait pas être entendue comme une action exclusive du gouvernement, mais comme un effort de l’Etat requérant la pleine participation de toute la société, dont celle des groupes vulnérables. La représentante a dit être pleinement en accord avec le rapport du Secrétaire général lorsqu’il déclare que la gestion publique démocratique des services de protection sociale est une condition essentielle à la pérennité des institutions.
En effet, le développement social ne dépend pas seulement de la croissance économique mais également des pratiques démocratiques, de la mise en oeuvre de principes de justice et de la transparence gouvernementale, a précisé la représentante, ajoutant que ce sont la coordination interinstitutionnelle aux niveaux fédéral, étatique et municipal et la participation complète de la société organisée qui garantissent la durabilité du développement. En conclusion,
Mme Garcia a déclaré qu’une consultation nationale est en ce moment organisée au Mexique afin d’élaborer le plan national de développement pour les années 2001-2006, cette consultation devant permettre à tous les secteurs sociaux de faire part de leurs suggestions.
M. HIDEAKI KOBAYASHI (Japon) a convenu que si la mondialisation est une source d’opportunités pour le développement social et économique, elle est également une source de défis. Il faut par exemple trouver les moyens de démarginaliser ceux qui n’ont pas pu tirer parti de ce phénomène. Dans ce contexte, a souligné la représentant, il est essentiel d’adopter une approche qui accorde une place centrale à la personne humaine. C’est ce qu’a reconnu la 24ème session extraordinaire de l’Assemblée générale. Comme l'indique le rapport du Secrétaire général, la protection sociale est multidimensionnelle et elle doit s’adapter aux mutations du monde moderne. Au Japon, a expliqué le représentant, la société connaît des changements radicaux. Au cours de ce siècle, elle connaîtra un niveau de vieillissement jamais connu auparavant. On estime que le système de protection sociale et le fardeau qu’il suppose augmentera à un rythme plus accéléré que le niveau de croissance économique. C’est la raison pour laquelle le Premier Ministre du Japon a souligné que la société japonaise a pour objectif principal de reconstruire son système de protection sociale pour qu’il soit durable. Dans les pays en développement et en transition, la coopération internationale est essentielle à la mise en place de systèmes de protection sociale efficaces. Les initiatives du Japon dans le domaine de la coopération internationale se sont traduites par l’allocation de 90 millions de dollars au Fonds pour la sécurité humaine. A l’avenir, le Japon a l’intention de verser une contribution supplémentaire de 100 millions de dollars. De plus, un plan visant à établir la commission sur la sécurité humaine a été annoncé à la suite d’une réunion entre le Secrétaire général des Nations Unies et Mme Sadako Ogata, à Tokyo en janvier dernier.
Evoquant l’incidence de la pandémie du VIH/sida sur la pauvreté, le représentant a évoqué l’Initiative de lutte contre les maladies infectieuses qui permettra d’allouer 3 milliards de dollars à la lutte contre ce type de maladie au cours des cinq prochaines années. Le Japon allouera en outre 15 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années au titre de la coopération dans le domaine des technologies de l’information.
M. ARTHUR MBANEFO (Nigéria), évoquant la vulnérabilité des pays en développement dans le contexte des systèmes politiques et économiques mondiaux a fait observer que les mesures économiques prises dans le passé n’ont pas produit les résultats escomptés et, dans certains cas, elles ont même favorisé le déficit commercial et contribué à alourdir le fardeau de la dette et la volatilité des devises. Ces mesures ont affaibli les efforts de développement social et accrû la vulnérabilité de ces pays. Le phénomène de mondialisation n’a fait qu’exacerber les problèmes existants. Le représentant a expliqué que, dans son pays, la majorité des citoyens échappe au secteur formel de l’emploi et donc au système de protection sociale. Au Nigéria, ce sont les familles et les communautés qui
fournissent les soins de base. Toutefois, la détérioration de la situation économique en raison des programmes d’ajustement structurel a contribué à éroder la capacité des familles et des communautés à fournir une protection sociale à ceux qui en ont besoin. L’administration actuelle du Nigéria doit faire face à un nombre croissant de victimes de l’extrême pauvreté. Elle a mis en place un programme d’allègement de la pauvreté visant à favoriser les initiatives individuelles sous forme de microcrédits. Elle envisage d’adopter une approche générale et cohérente à la problématique de la dette qui devrait finalement mener à son annulation afin de permettre de libérer des ressources en faveur du développement social. De plus, le rôle de la coopération internationale ne doit pas être sous-estimé. Il est nécessaire de mettre en commun nos expériences en matière de protection sociale, a souligné M. Mbanefo, préconisant de revoir l’architecture financière internationale afin de permettre le renforcement de la participation des pays en développement au processus de prise de décisions macroéconomiques.
M. ALEJANDRO BONILLA GARCIA, Coordonnateur des politiques et de la recherche, Section de la protection sociale, de l'Organisation internationale du travail (OIT), s’est félicité de ce que la Commission du développement social commence ses travaux juste après le Forum de Davos et celui de Porto Alegre, contribuant ainsi au débat sur les relations entre le développement économique et le développement social. Rappelant qu’une protection sociale adéquate était un droit de l’homme et un élément fondamental de la viabilité et de l’acceptation de la mondialisation économique, il a reconnu que l’intégration de la protection sociale dans la mondialisation pose un certain nombre de défis. La difficulté ne réside pas tant dans l’identification d’objectifs, que dans la réalisation de ces objectifs, a ajouté M. Bonilla Garcia. A l’heure où il est de plus en plus évident que la mondialisation conduit à une augmentation des inégalités entre les pays développés et les pays en développement, il est important de réaliser que l’exclusion est le pire ennemi de la démocratie. Dans la mesure où une grande partie de la population mondiale ne bénéficie pas de protection sociale, il est indispensable d'adopter aujourd'hui une approche novatrice à tous les niveaux -individuel, familial, communautaire, local et national- et de faire participer activement chaque secteur. M. Bonilla Garcia a appelé les partenaires de l'OIT, à savoir les gouvernements, les employeurs et les salariés à apporter leur soutien à toutes les initiatives visant à créer des conditions de travail décentes, soulignant que la protection sociale participe au concept de travail décent et qu’elle est étroitement liée aux objectifs de dialogue social, de promotion de l’emploi et de respect pour les droits fondamentaux des travailleurs.
M. MARTIN, représentant de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a indiqué qu'aujourd’hui, grâce au processus de Copenhague, la santé a été reconnue comme un élément fondamental du développement humain. Cette prise de conscience peut faire avancer le débat sur la protection sociale. Les pays doivent utiliser les politiques de santé comme des éléments stratégiques pour réduire la pauvreté, accroître les moyens de lutte contre les grandes maladies infectieuses, rendre les systèmes de santé favorables aux pauvres, intégrer un élément santé dans les politiques de l’emploi, du commerce et les politiques macroéconomiques, ainsi que pour atténuer les conséquences négatives de la mondialisation sur les services de santé. Tous les secteurs de la société ont à gagner en productivité. Nous ne pouvons pas laisser le secteur de la santé entre les mains de la santé uniquement si l’on veut placer ce secteur au sein du débat sur la protection sociale, a souligné M. Martin.
Mme BATTAINI DRAGONI (Conseil de l’Europe) a rappelé que le Conseil de l’Europe est un ardent défenseur des droits de l’homme, et que cette organisation est et reste fermement engagée en faveur du développement social. Réunissant 43 Etats membres déterminée à défendre les droits sociaux, le Conseil de l’Europe a mis en oeuvre une stratégie européenne visant à réaliser les objectifs est la réalisation des objectifs de Copenhague, et qui englobe le renforcement des droits de l’homme et des droits sociaux, économiques et culturels. En outre, la participation à l’élaboration d’instruments juridiques internationaux a contribué à établir des normes permettant l'établissement de valeurs communes, telles que la solidarité, qui figure aujourd’hui à la base des politiques sociales européennes. Mentionnant la Charte sociale européenne, la représentante a déclaré que cet instrument avait renforcé les droits sociaux en Europe et s’est félicitée de ce que le mécanisme de contrôle de son application permette une évaluation systématique et régulière des engagements pris par les Etats. Notant que la Charte sociale européenne reconnaît le droit à l’assistance sociale et médicale et le droit aux services sociaux, Mme Dragoni a précisé que ces dispositions trouvent leur origine dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui, pour la première fois, énonçait le principe de droit social ainsi que dans certains documents et conventions de l'OIT. Elle a déclaré qu’il n’avait pas été facile d’élaborer cette Charte, car si les droits politiques étaient consensuels, il existait des divergences d’opinion entre les Etats européens concernant les droits économiques. Depuis l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam, la Charte est mentionnée dans le préambule du Traité de l’Union européenne. La Charte a un potentiel considérable, a ajouté la représentante, car elle vise à renforcer la protection sociale dans tous les pays pour les amener à un niveau satisfaisant et garantit dans le même temps un niveau minimum de protection sociale. Mme Dragoni a toutefois regretté l’existence de différents obstacles à l’accès aux services sociaux, précisant qu’il est nécessaire de travailler à la suppression de ces obstacles afin de garantir un accès égal pour tous aux services sociaux, notamment pour les groupes vulnérables.
Mme SKELTON (ATD Quart-Monde) a souligné la responsabilité qui incombe aux gouvernements pour faire en sorte que les plus pauvres participent au processus de prise de décision à tous les niveaux. L’existence de l'extrême pauvreté permet pas la jouissance des droits de l’homme et détruit même les possibilités de participation au niveau de la collectivité. Comme la Commission pour le développement social en a conscience, ceux qui vivent dans des circonstances d'extrême pauvreté sont plus vulnérables aux maladies, à la malnutrition, aux catastrophes naturelles et aux crises économiques. La représentante a demandé à la Commission de reconnaître l'expérience de ceux qui souffrent de la pauvreté et de promouvoir un partenariat avec eux.
M. PETER CROWLEY, Président de "Committee on the Family" (ONG), s’exprimant au nom du Conseil international de l'alcool et des dépendances (ICAA), a souligné que la famille est l’institution fondamentale de la société et son caractère unique tient au fait que la famille est la première à faire face à notre vulnérabilité personnelle. Les familles sont actuellement menacées par l'impact négatif de la mondialisation et celui des sanctions sur les pays défavorisés. C'est pourquoi, il a demandé aux Nations Unies et aux gouvernements du monde de porter leur attention, en priorité, sur les moyens visant à éradiquer la pauvreté dans le monde. Il a insisté sur le fait qu’un soutien social doit être apporté pour répondre aux besoins des familles pauvres et défavorisées ainsi qu’aux familles abritant des personnes âgées ou des handicapés. Il faut aider les hommes et les femmes à concilier emploi et vie de famille en établissant des horaires de travail flexibles pour les parents, en créant des garderies et en mettant en place des aides sociales pour ceux qui choisissent de rester chez eux et de s’occuper de leur famille.
Le représentant a demandé que ces questions soient prises en compte dans les programmes des Nations Unies portant sur le développement social et que le Groupe de la famille au sein de la Division des politiques sociales et du développement social des Nations Unies soit soutenu et renforcé.
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